Читать книгу Les Oeuvres Complètes de Molière (33 pièces en ordre chronologique) - Molière - Страница 26
Scène III .
ОглавлениеLysandre.
Sous ces arbres, de loin, mes yeux t’ont reconnu,
Cher marquis, et d’abord je suis à toi venu.
Comme à de mes amis, il faut que je te chante
Certain air que j’ai fait de petite courante,
Qui de toute la cour contente les experts,
Et sur qui plus de vingt ont déjà fait des vers.
J’ai le bien, la naissance, et quelque emploi passable,
Et fais figure en France assez considérable;
Mais je ne voudrois pas, pour tout ce que je suis,
N’avoir point fait cet air qu’ici je te produis.
La, la, hem, hem, écoute avec soin, je te prie.
(il chante sa courante. )
N’est-elle pas belle?
Éraste.
Ah!
Lysandre.
Cette fin est jolie.
(il rechante la fin quatre ou cinq fois de suite. )
Comment la trouves-tu?
Éraste.
Fort belle assurément.
Lysandre.
Les pas que j’en ai faits n’ont pas moins d’agrément,
Et surtout la figure a merveilleuse grâce.
(il chante, parle et danse tout ensemble, et fait faire à Éraste Les figures de la femme. )
Tiens, l’homme passe ainsi; puis la femme repasse;
Ensemble; puis on quitte, et la femme vient là.
Vois-tu ce petit trait de feinte que voilà?
Ce fleuret? Ces coupés courant après la belle?
Dos à dos; face à face, en se pressant sur elle.
(après avoir achevé. )
Que t’en semble, marquis?
Éraste.
Tous ces pas-là sont fins.
Lysandre.
Je me moque, pour moi, des maîtres baladins.
Éraste.
On le voit.
Lysandre.
Les pas donc …?
Éraste.
N’ont rien qui ne surprenne.
Lysandre.
Veux-tu, par amitié, que je te les apprenne?
Éraste.
Ma foi, pour le présent, j’ai certain embarras …
Lysandre.
Eh bien! Donc, ce sera lorsque tu le voudras.
Si j’avois dessus moi ces paroles nouvelles,
Nous les lirions ensemble, et verrions les plus belles.
Éraste.
Une autre fois.
Lysandre.
Adieu: Baptiste le très-cher
N’a point vu ma courante, et je le vais chercher.
Nous avons pour les airs de grandes sympathies,
Et je veux le prier d’y faire des parties.
(il s’en va chantant toujours. )
Éraste.
Ciel! Faut-il que le rang, dont on veut tout couvrir,
De cent sots tous les jours nous oblige à souffrir,
Et nous fasse abaisser jusques aux complaisances
D’applaudir bien souvent à leurs impertinences?