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Scène III .

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Ormin.

Bien qu’une grande affaire en ce lieu me conduise,

J’ai voulu qu’il sortît avant que vous parler.

Éraste.

Fort bien; mais dépêchons, car je veux m’en aller.

Ormin.

Je me doute à peu près que l’homme qui vous quitte

Vous a fort ennuyé, monsieur, par sa visite:

C’est un vieux importun, qui n’a pas l’esprit sain,

Et pour qui j’ai toujours quelque défaite en main.

Au Mail, à Luxembourg et dans les Tuileries

Il fatigue le monde avec ses rêveries;

Et des gens comme vous doivent fuir l’entretien

De tous ces savantas qui ne sont bons à rien.

Pour moi, je ne crains pas que je vous importune,

Puisque je viens, monsieur, faire votre fortune.

Éraste.

Voici quelque souffleur, de ces gens qui n’ont rien,

Et vous viennent toujours promettre tant de bien.

Vous avez fait, monsieur, cette bénite pierre

Qui peut seule enrichir tous les rois de la terre?

Ormin.

La plaisante pensée, hélas! Où vous voilà!

Dieu me garde, monsieur, d’être de ces fous-là!

Je ne me repais point de visions frivoles,

Et je vous porte ici les solides paroles

D’un avis que pour vous je veux donner au roi,

Et que tout cacheté je conserve sur moi:

Non de ces sots projets, de ces chimères vaines,

Dont les surintendants ont les oreilles pleines;

Non de ces gueux d’avis, dont les prétentions

Ne parlent que de vingt ou trente millions;

Mais un qui, tous les ans, à si peu qu’on le monte,

En peut donner au roi quatre cents de bon conte,

Avec facilité, sans risque, ni soupçon,

Et sans fouler le peuple en aucune façon:

Enfin c’est un avis d’un gain inconcevable,

Et que du premier mot on trouvera faisable.

Oui, pourvu que par vous je puisse être poussé …

Éraste.

Soit, nous en parlerons. Je suis un peu pressé.

Ormin.

Si vous me promettiez de garder le silence,

Je vous découvrirois cet avis d’importance.

Éraste.

Non, non, je ne veux point savoir votre secret.

Ormin.

Monsieur, pour le trahir, je vous crois trop discret,

Et veux, avec franchise, en deux mots vous l’apprendre.

Il faut voir si quelqu’un ne peut point nous entendre.

Cet avis merveilleux, dont je suis l’inventeur,

Est que …

Éraste.

D’un peu plus loin, et pour cause, monsieur.

Ormin.

Vous voyez le grand gain, sans qu’il faille le dire,

Que de ces ports de mer le roi tous les ans tire.

Or l’avis, dont encor nul ne s’est avisé,

Est qu’il faut de la France, et c’est un coup aisé,

En fameux ports de mer mettre toutes les côtes.

Ce seroit pour monter à des sommes très-hautes,

Et si …

Éraste.

L’avis est bon, et plaira fort au roi.

Adieu: nous nous verrons.

Ormin.

Au moins, appuyez-moi

Pour en avoir ouvert les premières paroles.

Éraste.

Oui, oui.

Ormin.

Si vous vouliez me prêter deux pistoles,

Que vous reprendriez sur le droit de l’avis,

Monsieur …

Éraste.

Oui, volontiers. Plût à Dieu qu’à ce prix

De tous les importuns je pusse me voir quitte!

Voyez quel contretemps prend ici leur visite!

Je pense qu’à la fin je pourrai bien sortir.

Viendra-t-il point quelqu’un encor me divertir?

Les Oeuvres Complètes de Molière (33 pièces en ordre chronologique)

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