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PREMIÈRE CAMPAGNE D'ITALIE.

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Table des matières

Au quartier-général à Nice, le 8 germinal an 4 (28 mars 1796).

Bonaparte, général en chef, au directoire exécutif.

Je suis, depuis plusieurs jours, dans l'enceinte de l'armée dont j'ai pris depuis hier le commandement.

Je dois vous rendre compte de trois choses essentielles: 1°. des départemens de Vaucluse, des Bouches du-Rhône, du Var et des Basses-Alpes; 2°. de la situation de l'armée, de ce que j'ai fait et de ce que j'espère; 3°. de notre position politique avec Gênes.

Les quatre départemens de l'arrondissement de l'armée n'ont payé ni emprunt forcé, ni contributions en grains, ni effectué le versement des fourrages exigé par la loi du 7 vendémiaire, ni commencé à fournir le troisième cheval. Il y a beaucoup de lenteur dans la marche de ces administrations; je leur ai écrit, je les ai vues, et l'on m'a fait espérer quelque activité sur des objets aussi essentiels à l'armée.

La situation administrative de l'armée est fâcheuse, mais elle n'est pas désespérante. L'année mangera dorénavant du bon pain et aura de la viande, et déjà elle a touché quelques avances sur son prêt arriéré.

Les étapes pour la route du Rhône et du Var sont approvisionnées, et, depuis cinq jours, ma cavalerie, mes charrois et mon artillerie sont en mouvement. Je marcherai sous peu de temps. Un bataillon s'est mutiné; il n'a pas voulu partir de Nice, sous prétexte qu'il n'avait ni souliers, ni argent; j'ai fait arrêter tous les grenadiers, j'ai fait partir le bataillon, et, quand il a été au milieu de Nice, je lui ai envoyé contre-ordre et je l'ai fait passer sur les derrières. Mon intention est de congédier ce corps, et d'incorporer les soldats dans les autres bataillons, les officiers n'ayant pas montré assez de zèle. Ce bataillon n'est que de deux cents hommes; il est connu par son esprit de mutinerie.

J'ai été reçu à cette armée avec confiance; j'ai particulièrement été satisfait de l'accueil du général Schérer; il a acquis, par sa conduite loyale et son empressement à me donner tous les renseignemens qui peuvent m'être utiles, des droits à ma reconnaissance. Sa santé paraît effectivement un peu délabrée. Il joint à une grande facilité de parler des connaissances morales et militaires, qui peut-être le rendront utile dans quelque emploi essentiel.

Notre position avec Gênes est très-critique; on se conduit très-mal, on a trop fait ou pas assez, mais heureusement cela n'aura pas d'autre suite.

Le gouvernement de Gênes a plus de génie et plus de force que l'on ne croit; il n'y a que deux partis avec lui: prendre Gênes par un coup de main prompt, mais cela est contraire à vos intentions et au droit des gens; ou bien vivre en bonne amitié, et ne pas chercher à leur tirer leur argent, qui est la seule chose qu'ils estiment.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice; le 9 germinal an 4 (29 mars 1796).

Au général chef de l'état-major.

Le troisième bataillon de la vingt-neuvième demi-brigade s'est rendu coupable de désobéissance; il s'est déshonoré par son esprit de mutinerie en refusant de marcher aux divisions actives; les officiers se sont mal conduits; le commandant, capitaine Duverney, a montré de mauvaises intentions. Vous voudrez bien faire arrêter le citoyen Duverney, et le faire traduire devant un conseil militaire à Toulon, où vous adresserez la plainte qui sera portée par le commandant de la place.

Vous ferez traduire devant un conseil militaire, à Nice, les grenadiers accusés d'être les auteurs de la mutinerie. Vous ferez sortir les autres grenadiers, que vous distribuerez, cinq hommes par cinq hommes, dans les bataillons de l'armée.

Les officiers et sous-officiers n'ayant pas donné l'exemple de partir, et étant restés dans les rangs sans parler, sont tous coupables; ils seront sur-le-champ licenciés et renvoyés chez eux.

Les soldats du bataillon seront incorporés à Marseille, avec la quatre-vingt-troisième demi-brigade. La présente lettre sera mise à l'ordre de l'armée.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice, le 9 germinal an 4 (29 mars 1796).

Au général chef de l'état-major.

Je vous ai écrit ce matin relativement aux officiers du troisième bataillon de la vingt-neuvième demi-brigade. Les officiers des grenadiers de ce corps se sont bien conduits; je vous prie d'en faire mention à l'ordre, de prendre, de votre côté, des renseignemens sur la conduite générale de tous les officiers et sous-officiers de ce corps, de vouloir me faire part du résultat de vos recherches, et de me proposer un mode pour pouvoir placer ceux qui n'ont pris aucune part à la mutinerie.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice, le 9 germinal an 4 (29 mars 1796).

Au général chef de l'état-major.

Le général Mouret commandera depuis la rivière d'Argent à Bandole, ensuite les limites des départemens des Basses-Alpes et du Var. Les cantons de Colmar et d'Entrevaux, seuls, ne seront pas de sa division. Le général Barbantane commandera depuis Bandole jusqu'au Rhône; son commandement s'étendra dans les départemens des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse.

Le général Mouret aura sous ses ordres le général de brigade Gardanne.

Le général Barbantane aura sous ses ordres les généraux Serviez et Verne.

Le général Despinois se rendra au quartier-général.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice, le 9 germinal an 4 (29 mars 1796).

Au général chef de l'état-major.

La cavalerie sera partagée en deux divisions.

La première sera composée du premier régiment d'hussards, du dixième de chasseurs, du vingt-deuxième de chasseurs, du vingt-cinquième de chasseurs, du cinquième de dragons, du vingtième de dragons.

Le premier régiment d'hussards ira par Menton, Saint-Remo, Oneille, Albenga, et se rendra à Toirano. Le dixième de chasseurs ira à Allenga; le vingt-deuxième de chasseurs suivra les mêmes étapes; deux escadrons se rendront à la Pietra et les deux autres iront à Loano.

Le vingt-cinquième de chasseurs prendra aussi la même route; deux escadrons iront à Borghe et deux autres à Cariale; le cinquième de dragons restera à Albenga; le vingtième de dragons ira à Alesio. La seconde division sera composée du septième régiment d'hussards, qui se rendra à la Pietra; il partira de Nice le 10 germinal; du treizième de hussards, qui se rendra à Loano; du vingt-quatrième de chasseurs, qui ira à Oneille; du huitième de dragons, qui ira au port Maurice; du quinzième de dragons, qui se rendra à Ormea.

Vous ordonnerez au général de brigade Saint-Hilaire de parcourir les villes destinées à la première division de la cavalerie, et de vous rendre compte s'il y a des écuries en assez grand nombre pour loger les chevaux.

Vous ordonnerez au général Serrurier d'envoyer un général de brigade faire la visite des villages où doit loger la seconde division. Vous recommanderez à ces généraux de mettre de la discrétion dans cette visite, et de ne rien faire qui puisse déclarer notre projet.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice, le 10 germinal an 4 (30 mars 1796).

Au général chef de l'état-major.

On donnera de la viande fraîche cinq fois par décade; les bataillons qui ont pris aujourd'hui de la viande salée auront demain de la viande fraîche, et ceux qui ont eu de la viande fraîche auront du salé.

Les administrations de l'armée et les ateliers d'ouvriers prendront la viande tous ensemble.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice, le 21 germinal an 4 (31 mars 1796).

Au général chef de l'état-major

Le général en chef est instruit que plusieurs commissaires des guerres et officiers ont, dans des caisses, des sommes provenant de différentes ventes, des contributions et des revenus des pays conquis. Cela étant contraire au bien du service, à l'ordre et à la constitution, il ordonne que ces différentes sommes soient remises, sans délai, dans la caisse du payeur de l'armée ou de ses préposés, afin qu'il en soit disposé, sur des ordonnances de l'ordonnateur en chef, pour le bien du service et pour procurer au soldat ce qui lui est dû.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Nice, le 12 germinal an 4 (1er avril 1796).

Au général chef de l'état-major.

Il y aura trois divisions de la côte: la première division, comprendra depuis le Rhône à Bandole, et les départemens de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône; elle sera commandée par le général Barbantane.

La deuxième division sera commandée par le général Mouret, et comprendra depuis Bandole à la rivière d'Argent.

La troisième division comprendra depuis la rivière d'Argent jusqu'à Vintimiglia, et sera commandée par le général Casabianca.

Le général Stengel commandera la cavalerie de l'armée.

Le général Kilmaine commandera une des divisions de l'armée.

Le général Dujar commandera l'artillerie.

Le citoyen Sugny, chef de brigade d'artillerie, sera chef de l'état-major de cette arme.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Albenga, le 16 germinal an 4 (5 avril 1796).

Au général chef de l'état-major.

Vous voudrez bien faire réunir une commission militaire pour y juger l'émigré Moulin, pris à Ormea, et transféré à Nice par ordre du général Serrurier.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Albenga, le 17 germinal an 4 (6 avril 1796).

Au directoire exécutif.

J'ai transporté le quartier-général à Albenga. Le mouvement que j'ai trouvé commencé contre Gênes a tiré l'ennemi de ses quartiers d'hiver; il a passé le Pô, et a avancé des avant-postes à Dey, en suivant la Bormida et la Bocchetta, laissant Gavi derrière lui. Beaulieu a publié un manifeste, que je vous envoie, et auquel je répondrai le lendemain de la bataille. J'ai été très-fâché et extrêmement mécontent de ce mouvement sur Gênes, d'autant plus déplacé, qu'il a obligé cette république à prendre une attitude hostile, et a réveillé l'ennemi que j'aurais pris tranquille: ce sont des hommes de plus qu'il nous en coûtera.

Le roi de Sardaigne se donne de son côté le plus grand mouvement; il a fait une réquisition de jeunes gens depuis quinze ans.

J'ai trouvé à Oneille des marbres, qui sont évalués quelque argent; j'ai ordonné qu'on en fit l'estimation, et qu'on les mît à l'enchère dans la rivière de Gênes: cela pourra nous donner une somme de trente à quarante mille livres.

La maison Flachat qui a l'entreprise des grains, et la maison Collot, qui a la viande, se conduisent bien: ils nous donnent de très-bons grains, et le soldat commence à avoir de la viande fraîche.

L'armée est dans un dénuement à faire peur; j'ai encore de grands obstacles à surmonter, mais ils sont surmontables: la misère y a autorisé l'indiscipline, et sans discipline point de victoire. J'espère que cela s'arrangera promptement, déjà tout change de face; sous peu de jours nous en serons aux mains.

J'ai fait faire avant-hier une reconnaissance vers Cairo; les avant-postes des ennemis ont été culbutés, nous avons fait quelques prisonniers.

L'armée piémontaise est forte de cinquante mille hommes d'infanterie et de cinq mille de cavalerie; je n'ai de disponible que quarante-cinq mille hommes, tout compris. On m'a retenu beaucoup de troupes sur les derrières, et au-delà du Rhône.

Chauvet, ordonnateur en chef, est mort à Gênes: c'est une perte réelle pour l'armée; il était actif, entreprenant. L'armée a donné une larme à sa mémoire.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Albenga, le 19 germinal an 4 (8 avril 1796).

Au directoire exécutif.

J'ai reçu une lettre que m'a écrite le général Colli, qui commande l'armée du roi de Sardaigne, j'espère que la réponse que je lui ai faite (Voy. pag. 13) sera conforme à vos intentions. La trésorerie nous envoie souvent des lettres de change, qui sont protestées: une de 162,800 liv., qui était sur Cadix, vient de l'être; ce qui augmente nos embarras.

J'ai trouvé cette armée, non-seulement dénuée de tout, mais sans discipline, dans une insubordination perpétuelle. Le mécontentement était tel, que les malveillans s'en étaient emparés: l'on avait formé une compagnie du Dauphin, et l'on chantait des chansons contre-révolutionnaires. J'ai fait traduire à un conseil militaire deux officiers prévenus d'avoir crié Vive le roi. Je suppose que la mission du citoyen Moulin, comme parlementaire, était relative à des trames de cette nature, dont je cherche le fil avec opiniâtreté. Soyez sûr que la paix et l'ordre s'y rétabliront; tout se prépare ici. Je viens de faire occuper la position importante de....

Lorsque vous lirez cette lettre, nous nous serons déjà battus. La trésorerie n'a pas tenu parole: au lieu de 500,000 liv., elle n'en a envoyé que 300,000, et nous n'avons pas entendu parler d'une somme de 600,000, qui nous était annoncée; mais, malgré tout cela, nous irons.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Lascar, le 26 germinal an 4 (15 avril 1796).

Au directoire exécutif.

Je vous ai rendu compte que la campagne avait été ouverte le 20 mars, et de la victoire signalée que l'armée d'Italie a remportée aux champs de Montenotte:8 j'ai aujourd'hui à vous rendre compte de la bataille de Millesime.

Après la bataille de Montenotte, je transportai mon quartier-général à Lascar; j'ordonnai au général divisionnaire de se porter sur Santa-Zello, pour menacer d'enlever les huit bataillons que l'ennemi avait dans cette ville, et de se porter le lendemain, par une marche cachée et rapide, dans la ville de Cairo. Le général Masséna se porta, avec sa division, sur les hauteurs de Dego; le général divisionnaire Augereau, qui était en marche depuis deux jours, attaqua, avec les soixante-neuvième et trente-neuvième demi-brigades, dans la plaine de Lascar; le général de brigade Ménard occupa les hauteurs de Biestros; le général de brigade Joubert, avec la première brigade d'infanterie légère, occupa la position intéressante de Sainte-Marguerite.

Le 21, à la pointe du jour, le général Augereau, avec sa division, force les gorges de Millésimo, tandis que les généraux Ménard et Joubert chassent l'ennemi de toutes les positions environnantes, enveloppent, par une manoeuvre prompte et hardie, un corps de quinze cents grenadiers autrichiens, à la tête desquels se trouvait le général Provera, chevalier de l'ordre de Marie-Thérèse, qui, loin de poser les armes et de se rendre prisonnier de guerre, se retira sur le sommet de la montagne de Cossaria, et se retrancha dans les ruines d'un vieux château, extrêmement fort par sa position.

Le général Augereau fit avancer son artillerie, on, se canonna pendant plusieurs heures, A onze heures du matin, ennuyé de voir ma marche arrêtée par une poignée d'hommes, je fis sommer le général Provera de se rendre: le général Provera demanda à me parler; mais une canonnade vive qui s'engageait vers ma droite m'engagea à m'y transporter, Il parlementa avec le général Augereau pendant plusieurs heures; mais les conditions qu'il voulait n'étant pas raisonnables, le général Augereau fit former quatre colonnes, et marcha sur le château de Cossaria, Déjà l'intrépide général Joubert, grenadier pour le courage, et bon général par ses connaissances et ses talens militaires, avait passé avec sept hommes dans les retranchemens ennemis; mais, blessé à la tête, il fut renversé par terre; ses soldats le crurent mort, et le mouvement de sa colonne se ralentit. Sa blessure n'est pas dangereuse.

La seconde colonne, commandée par le général Bonel, marchait avec un silence morne et l'arme au bras, lorsque ce brave général fut tué au pied des retranchemens ennemis.

La troisième colonne, commandée par l'adjudant-général Guérin, fut également déconcertée dans sa marche, une balle ayant tué cet officier général. Toute l'armée a vivement regretté la perte de ces deux braves officiers.

La nuit, qui arriva sur ces entrefaites, me fit craindre que l'ennemi ne cherchât à se faire jour l'épée à la main. Je fis réunir tous les bataillons, et je fis faire des épaulemens en tonneaux, et des barrures d'obusiers, à demi-portée de fusil.

Le 25, à la pointe du jour, l'armée sarde et autrichienne et l'armée française se trouvèrent en présence; ma gauche, commandée par le général Augereau, tenait bloqué le général Provera. Plusieurs régimens ennemis, où se trouvait entre autres le régiment Beljioso, essayèrent de percer mon centre. Le général de brigade Ménard les repoussa vivement, je lui ordonnai aussitôt de se replier sur ma droite; et, avant une heure après midi, le général Masséna déborda la gauche de l'ennemi, qui occupait, avec de forts retranchemens et de vigoureuses batteries, le village de Dego. Nous poussâmes nos troupes légères jusqu'au chemin de Dego a Spino. Le général Laharpe marcha avec sa division sur trois colonnes serrées en masse; celle de gauche, commandée par le général Causse, passa la Bormida sous le feu de l'ennemi, ayant de l'eau jusqu'au milieu du corps, et attaqua l'aile gauche de l'ennemi, par la droite. Le général Servoni, à la tête de la deuxième colonne, traversa aussi la Bormida sous la protection d'une de nos batteries, et marcha droit à l'ennemi. La troisième colonne, commandée par l'adjudant-général Boyer, tourna un ravin, et coupa la retraite à l'ennemi.

Tous ces travaux, secondés par l'intrépidité des troupes et les talens des différens généraux, remplirent le but qu'on en attendait. Le sang-froid est le résultat du courage, et le courage est l'apanage des Français.

L'ennemi, enveloppé de tous les côtés, n'eut pas le temps de capituler; nos colonnes y semèrent la mort, l'épouvante et la fuite.

Pendant que, sur notre droite, nous faisions les dispositions pour l'attaque de la gauche de l'ennemi, le général Provera, avec le corps de troupes qu'il commandait à Cossaria, se rendit prisonnier de guerre.

Nos troupes s'acharnèrent de tous les côtés a la poursuite de l'ennemi. Le général Laharpe se mit à la tète de quatre escadrons de cavalerie, et le poursuivit vivement.

Nous avons, dans cette journée, fait de sept à neuf mille prisonniers, parmi lesquels un lieutenant-général, vingt ou trente colonels ou lieutenans-colonels, et, presque entiers, les régimens suivans:

Corps francs: trois compagnies de Croates; les bataillons de Peregrine, Stein, Vilhelm, Schroeder, Teutesch;

Quatre compagnies d'artillerie; plusieurs officiers supérieurs du génie, au service de l'empereur; les régimens de Montferrat, de la Marine, de Suze, et quatre compagnies de grenadiers au service du roi de Sardaigne;

Vingt-deux pièces de canon, avec les caissons et tous les attelages, et quinze drapeaux.

L'ennemi a eu de deux mille à deux mille cinq cents hommes tués, parmi lesquels un colonel, aide-de-camp du roi de Sardaigne.

Le citoyen Riez, aide-de-camp du général Masséna, a eu son cheval tué sous lui, et le fils du général Laharpe a eu son cheval blessé.

Je vous ferai part, le plus tôt qu'il me sera possible, et lorsque j'aurai reçu les rapports, des détails de cette affaire glorieuse, et des hommes qui s'y sont particulièrement distingués.

Je vous demande le grade de général de brigade pour le citoyen Rampon, chef de la vingt-unième demi-brigade.

Le chef de la vingt-neuvième ayant été tué, j'ai nommé pour le remplacer le citoyen Lannes, chef de brigade à la suite.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Carru, le 5 floréal an 4 (24 avril 1796).

Le général en chef de l'armée d'Italie au général Colli, commandant en chef l'armée du roi de Sardaigne.

Le directoire exécutif, monsieur, s'est réservé le droit de traiter de la paix: il faut donc que les plénipotentiaires du roi votre maître se rendent à Paris, ou attendent à Gènes les plénipotentiaires que le gouvernement français pourrait y envoyer.

La position militaire et morale des deux armées rend toute suspension pure et simple impossible. Quoique je sois en particulier convaincu que le gouvernement accordera des conditions de paix honorables à votre roi, je ne puis, sur des présomptions vagues, arrêter ma marche; il est cependant un moyen de parvenir à votre but, conforme aux vrais intérêts de votre cour, et qui épargnerait une effusion de sang inutile et dès lors contraire à la raison et aux lois de la guerre, c'est de mettre en mon pouvoir deux des trois forteresses de Coni, d'Alexandrie, de Tortone, à votre choix: nous pourrons alors attendre, sans hostilités, la fin des négociations qui pourraient s'entamer. Cette proposition est très-modérée; les intérêts mutuels qui doivent exister entre le Piémont et la république française me portent à désirer vivement de voir s'éloigner de votre pays les malheurs de toute espèce qui le menacent.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 7 floréal an 4 (26 avril 1796).

Au général Latour.

J'ai reçu, monsieur, l'ordre du roi, adressé au commandant de Coni, que vous vous êtes donné la peine de me faire passer. A l'heure qu'il est, il sera déjà parvenu. Je serai demain ici pour attendre l'ordre pour une des forteresses de Tortone ou d'Alexandrie. Vous savez, monsieur, que la distance qu'il y a d'ici à une de ces deux places, fait qu'il est nécessaire que l'ordre du roi soit expédié demain, afin, qu'il puisse parvenir le 16 floréal (30 avril).

Une division de mon armée est déjà de ce côté-là. L'on m'assure aujourd'hui que Beaulieu évacue votre territoire: je suis charmé, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 8 floréal an 4 (27 avril 1796).

Au général Latour.

Je reçois à l'instant, monsieur, avec votre lettre, les deux ordres du roi pour Ceva et Tortone.

Il n'y a, dans ce moment-ci, qu'un petit détachement à Fossano, qui se retirera incessamment. Après demain, il n'y aura plus personne à Bra, et j'aurai l'honneur de vous en prévenir.

Je ne garderai au-delà de la Stura qu'un corps-de-garde pour le pont de Cherasco.

Je me fais rendre compte par le général qui commande à Coni, de la situation du magasin de Notre-Dame de Loculo. J'aurai l'honneur de vous écrire dès que j'aurai la réponse.

Mon aide-de-camp part pour Paris. Vous avez bien voulu vous charger de lui livrer un passe-port, et de lui faire fournir des chevaux de poste.

J'aurai besoin de mille chevaux de trait. Je désirerais en acheter dans le Piémont; je vous serai obligé d'accepter ce que vous proposera là-dessus le citoyen Thévenin, agent en chef des transports militaires.

Votre aide-de camp vous remettra une note des officiers prisonniers de guerre; dès l'instant que vous m'aurez fait connaître ceux que vous désirez avoir, j'ordonnerai qu'on les envoie, soit à Coni, soit à Cherasco: vous me rendrez service de faire passer les nôtres à Tortone ou à Cherasco.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 9 floréal an 4 (28 avril 1796).

Bonaparte, général en chef, au directoire exécutif.

Citoyens directeurs, Ceva, Coni et Alexandrie sont au pouvoir de votre armée, ainsi que tous les postes du Piémont au-delà de la Stura et du Tanaro.

Si vous ne vous accordez pas avec le roi de Sardaigne, je garderai ces places, et je marcherai sur Turin; mon équipage de siège va filer sur Coni, pour se rendre à Cherasco.

En attendant, je marche demain sur Beaulieu, je l'oblige à repasser le Pô, je le passe immédiatement après; je m'empare de toute la Lombardie, et, avant un mois, j'espère être sur les montagnes du Tyrol, trouver l'armée du Rhin, et porter de concert la guerre dans la Bavière. Ce projet est digne de vous, de l'armée et des destinées de la France.

Si vous n'accordez pas la paix au roi de Sardaigne, alors vous m'en préviendrez d'avance, afin que, si je suis dans la Lombardie, je puisse me replier et prendre des mesures.

Quant aux conditions de la paix avec la Sardaigne, vous pouvez dicter ce qui vous convient, puisque j'ai en mon pouvoir les principales places.

Ordonnez que quinze mille hommes de l'armée des Alpes soient à mes ordres et viennent me joindre, cela me fera alors une armée de quarante-cinq mille hommes, dont il sera possible que j'envoie une partie à Rome. Si vous me continuez votre confiance, et que vous approuviez ces projets, je suis sûr de la réussite: l'Italie est à vous.

Vous ne devez pas compter sur une révolution en Piémont, cela viendra; mais il s'en faut que l'esprit de ces peuples soit mûr à cet effet.

J'ai justifié votre confiance et l'opinion avantageuse que vous avez conçue de moi; je chercherai constamment à vous donner des preuves du zèle et de la bonne volonté où je suis de mériter votre estime et celle de la patrie.

Envoyez-moi, 1°. douze compagnies d'artillerie légère, je n'en ai pas une; 2°. de la cavalerie et un commissaire ordonnateur en chef, habile et distingué et de génie. Je n'ai que des pygmées, qui me font mourir de faim dans l'abondance, car je suis dans le pays le plus riche de l'univers.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 10 floréal an 4 (29 avril 1796).

Au directoire exécutif.

La ville de Coni vient d'être occupée par nos troupes: il y avait dedans cinq mille hommes de garnison.

Je ne puis pas mettre en doute que vous n'approuviez ma conduite, puisque c'est une aile d'une armée qui accorde une suspension d'armes, pour me donner le temps de battre l'autre; c'est un roi qui se met absolument à ma discrétion, en me donnant trois de ses plus fortes places et la moitié la plus riche de ses états.

Vous pouvez dicter en maître la paix au roi de Sardaigne; je vous prie de ne pas oublier la petite île de Saint-Pierre, qui nous sera plus utile, par la suite, que la Corse et la Sardaigne réunies.

Si vous lui accordez la portion du Milanais que je vais conquérir, il faut que ce soit à condition qu'il enverra quinze mille hommes pour nous seconder et garder ce pays après que nous nous en serons rendus maîtres. Pendant ce temps-là, avec votre armée, je passerai l'Adige, et j'entrerai en Allemagne par le Tyrol. Dans cette hypothèse, il faut que nous gardions en dépôt, jusqu'à la paix générale, les places et les pays que nous occupons; il faut y joindre que, le jour que quinze mille hommes piémontais passeront le Pô, il nous remettra la ville de Valence.

Mes colonnes sont en marche; Beaulieu fuit, j'espère l'attraper; j'imposerai quelques millions de contributions au duc de Parme: il vous fera faire des propositions de paix; ne vous pressez pas, afin que j'aie le temps de lui faire payer les frais de la campagne, approvisionner nos magasins, et remonter nos chariots à ses dépens.

Si vous n'acceptez pas la paix avec le roi de Sardaigne, si votre projet est de le détrôner, il faut que vous l'amusiez quelques décades, et que vous me préveniez de suite; je m'empare de Valence et je marche sur Turin.

J'enverrai douze mille hommes sur Rome lorsque j'aurai battu Beaulieu, et l'aurai obligé de repasser l'Adige, lorsque je serai sûr que vous accorderez la paix au roi de Sardaigne, et que vous m'enverrez une partie de l'armée des Alpes.

Quant à Gênes, je crois que vous devez lui demander quinze millions en indemnités des frégates et bâtimens pris dans ses ports; 2°. demander que ceux qui ont fait brûler la Modeste et appelé les Autrichiens, soient jugés comme traîtres à la patrie.

Si vous me chargez de ces objets, que vous gardiez surtout le plus grand secret, je parviendrai à faire tout ce que vous voudrez.

Si j'ai quelques chances à courir en Lombardie, c'est à cause de la cavalerie ennemie. Il m'arrive quarante artilleurs à cheval, qui n'ont pas fait la guerre, et qui sont démontés. Envoyez-m'en donc douze compagnies, et ne confiez pas l'exécution de cette mesure aux hommes des bureaux, car il leur faut dix jours pour expédier un ordre, et ils auront l'ineptie d'en tirer peut-être de la Hollande, afin que cela arrive au mois d'octobre.

Nos troupes viennent à l'instant d'entrer dans la citadelle de Ceva, et je viens de recevoir du roi de Sardaigne l'ordre de nous livrer la ville et la citadelle de Tortone.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Cherasco, le 10 floréal an 4 (29 avril 1796).

Au citoyen Carnot.

La suspension d'armes conclue entre le roi de Sardaigne et nous me permet de communiquer par Turin, c'est-à-dire d'épargner la moitié de la route: je pourrais donc recevoir vos ordres et connaître vos intentions pour la direction à donner à l'armée.

Je suis maître de Coni, de Ceva, de Tortone; je vais passer le Pô et entrer dans le Milanais: en passant, je compte rançonner le duc de Parme, et lui faire payer cher son entêtement.

Mon projet serait d'atteindre les Autrichiens, et de les battre avant votre réponse, afin de me trouver à même de marcher sur Turin, sur Naples, ou sur l'Autriche en passant par le Tyrol.

Si le roi de Sardaigne se doutait, avant que je ne le sache, que vous ne voulussiez pas faire la paix, il me jouerait un mauvais tour. Si vous ne voulez pas la paix avec la Sardaigne, faites en sorte que ce soit moi qui le lui apprenne, afin que je sois maître de prendre mon temps, et que ses plénipotentiaires à Paris ne s'en doutent pas.

Si vous faites la paix avec le roi de Sardaigne, ordonnez ce que l'on doit faire vis-à-vis de Gênes, de Parme et de Rome.

Beaulieu a encore avec lui vingt-six mille hommes bien équipés; il avait trente-huit mille hommes au commencement de la campagne. Je marche avec vingt-huit mille hommes; il a quatre mille hommes de cavalerie, je n'en ai que trois mille six cents, et en mauvais état.

La cour de Turin et celle de Vienne s'attendaient à des succès sûrs, cette campagne: les armées combinées étaient de soixante-quinze mille hommes, je les ai battues avec trente-cinq mille hommes; j'ai besoin de secours, l'armée des Alpes peut me fournir quinze mille hommes.

Le général Châteauneuf-Randon devait me rendre les trois mille hommes qu'il a retenus à Nîmes, destinés pour ici; avec ce renfort l'Italie est à vous, et je puis en même temps marcher sur Naples et Mantoue, surtout si je parviens à battre les ennemis avant peu.

Il vient d'arriver un officier du génie, je vous prie de m'envoyer de l'artillerie légère.

Je désirerais avoir le général Baraguay-d'Hilliers, pour servir dans son grade dans l'armée; il me l'a demandé lui-même.

BONAPARTE.

Au quartier-général d'Acqui, le 12 floréal an 4 (1er mai 1796).

Au citoyen Faypoult.

Mon cher ministre, en vertu de la suspension d'armes que j'ai faite avec le roi de Sardaigne, nos troupes sont entrées dans Coni et dans Ceva, elles entrent demain dans Tortone. Nous avons trouvé à Coni, outre les munitions de ville, tous les magasins de l'armée sarde.

Beaulieu passe le Pô, et va chercher au fond de la Lombardie refuge contre l'armée française; il disait au roi de Sardaigne qu'il voulait ne se débotter qu'à Lyon, il n'en prend pas le chemin.

Il n'y a pas en Piémont la première idée d'une révolution, et la France ne voudrait pas, je pense, en faire une à ses Frais.

BONAPARTE.

Au quartier-général d'Acqui, le 12 floréal an 4 (1er mai 1796).

Au citoyen Faypoult.

Nous sommes arrivés à Acqui depuis hier; Beaulieu fuit si vite que nous ne pouvons l'attraper.

Demain Laharpe sera dans Tortone, où je désire beaucoup avoir une conférence avec vous sur des objets essentiels.

Envoyez-moi une note géographique, historique, politique et topographique sur les fiefs impériaux qui avoisinent Gênes, afin que j'en tire tout le parti possible.

Envoyez-moi une note sur les ducs de Parme, de Plaisance et de Modène, les forces qu'ils ont sur pied, les places fortes qu'ils ont, et en quoi consiste la richesse de ces pays-là; surtout envoyez-moi une note des tableaux, statues, cabinets et curiosités qui se trouvent à Milan, Parme, Plaisance, Modène et Bologne. Lorsque nous fîmes la paix avec l'Espagne, le duc de Parme devait y concourir: pourquoi ne le fit-il pas?

Faites partir de suite six mille souliers pour Tortone.

Quant au citoyen Giacomoni, laissons-le, couvert d'opprobre et d'ignominie, voguer où il voudra. J'ai instruit le gouvernement de sa conduite, afin qu'il ne soit plus admis à servir avec les Français.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Bosco, le 13 floréal an 4 (2 mai 1796).

Au général en chef de l'armée piémontaise.

J'apprends, monsieur, que les Napolitains se sont emparés de Valence: l'intérêt du roi, celui de la république, sont également d'accord et exigent que vous chassiez promptement ces troupes de Valence.

Le courage qui anime votre année, que j'ai été à même d'apprécier, ne me laisse pas de doute que vous ne réoccupiez promptement Valence; vous savez d'ailleurs que c'est une des clauses de la suspension que nous avons conclue.

Si vous êtes dans le cas d'en avoir besoin, je vous offre le secours d'une division de l'armée que je commande.

Le général-chef de l'état-major aura l'honneur de vous faire passer demain l'état des prisonniers piémontais que nous avons faits depuis que nous sommes en campagne.

Je m'empresserai de vous faire passer le plus tôt possible ceux que vous désirez avoir de préférence.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Bosco, le 14 floréal an 4 (3 mai 1796).

Au chevalier Solar, gouverneur d'Alexandrie.

J'ai reçu, monsieur, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire; je vous suis très-obligé des renseignemens que vous avez eu la complaisance de me donner. Je vous fais mon compliment sur l'évacuation de votre territoire par l'armée autrichienne. Je désire sincèrement pouvoir bientôt vous apprendre qu'ils ont également évacué les états de Sa Majesté au-delà du Pô. Incessamment une division de l'armée va se présenter a Valence pour y passer le Pô; je vous prie de me faire procurer les bateaux qui sont nécessaires; vous sentez qu'il est de l'intérêt du roi que les Autrichiens fassent un court séjour sur votre territoire.

J'aurai besoin aussi de quelques entrepreneurs pour nous procurer des moyens de charrois. Je vous prie d'autoriser les différens sujets du roi à passer des marchés avec l'armée.

Je suis, monsieur, avec estime, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Tortone, le l5 floréal an 4 (4 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du Piémont.

Sous peu de jours, monsieur, je serai maître des états du roi au-delà du Pô, si le sort des armes continue d'être favorable à l'armée que je commande. J'obligerai M. Beaulieu à évacuer ces pays, qui seront conquis sur l'armée autrichienne et qui appartiendront de droit à la république. Cependant, je sens combien il est dur pour le roi de voir presque tous ses états envahis par nos troupes. Je vous propose en conséquence de réunir une division de six mille hommes d'infanterie et quinze cents chevaux à l'armée que je commande, pour m'aider à chasser les Autrichiens; je les mettrai en garnison dans les états du roi au-delà du Pô.

Cela est si urgent, monsieur, qu'il serait nécessaire que j'eusse la réponse le plus tôt possible. L'envie que j'ai de concilier les intérêts du roi avec ceux de la république et de l'armée me porte, monsieur, à vous faire ces ouvertures, que vous jugerez sans doute très-raisonnables.

Je suis avec considération, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Tortone, le 15 floréal an 4 (4 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

Les troupes de la république ont occupé ce matin le fort de Tortone: en conséquence, à dater d'aujourd'hui, il y a suspension d'armes entre les deux armées; je le mets à l'ordre, et j'espère que vous trouverez les officiers français disposés à vous donner les preuves de l'estime qu'ils ont pour votre armée.

Je donne des ordres pour que vous occupiez les villes de Fossano et de Bra.

J'adapterai à la ligne de démarcation tous les changemens que vous croirez nécessaires, en suivant cependant l'esprit de la suspension que nous avons conclue.

J'ai ordonné que l'on fasse venir quatre cents prisonniers pour échange des quatre cents que vous avez eu la bonté de faire passer à Cherasco.

Le chef de l'état-major vous fait passer l'état des officiers de votre armée que le sort des armes a rendus prisonniers. Je m'empresse de vous faire passer ceux à qui vous vous intéressez.

Je suis avec la considération la plus distinguée.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Tortone, le 15 floréal an 4 (4 mai 1796).

Au, général en chef de l'armée piémontaise.

Le marquis de Saint-Marsan, que j'ai eu l'honneur de voir ce matin, m'a fait part, monsieur, des inquiétudes et des plaintes que vous avez contre différens habitans d'Albe: je vais m'en faire rendre compte, et je vous instruirai de ce que j'aurai fait.

Je dois, à cette occasion, vous remercier de m'avoir fait connaître M. de Saint-Marsan; il joint à des talens distingués un air prévenant qui lui captive l'estime de ceux qui ont affaire à lui.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Tortone, le 16 floréal an 4 (5 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du Piémont.

Monsieur le marquis de Saint-Marsan, que j'ai eu l'honneur de voir hier, monsieur, vous aura remis plusieurs lettres par lesquelles vous aurez vu que tout ce que vous désirez relativement à plusieurs objets concernant la suspension d'armes a été exécuté. J'ai ordonné que l'on donne des sauvegardes à tous ceux qui pourraient en avoir besoin. J'autorise les différens généraux à donner des passe-ports aux officiers de votre armée qui désireraient se rendre dans le pays occupé par l'armée. Je me trouverai trop heureux, dans toutes les circonstances, de pouvoir vous donner des marques de l'estime et de la considération distinguées avec lesquelles je suis, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Tortone, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

En conséquence de la suspension d'armes que le roi à conclue avec les deux armées des Alpes et d'Italie, et des probabilités de paix dont j'ai de nouvelles assurances, je fais filer de l'armée des Alpes dix-sept mille hommes à l'armée d'Italie, Neuf mille passeront par le col d'Argentières et se rendront à Coni, où ils passeront derrière la Stura pour venir me rejoindre. Huit mille passeront le Saint-Bernard par la vallée d'Aoste, et viendront passer le Tanaro à Alexandrie, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Tortone, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Bonaparte, général en chef, au directoire exécutif.

L'armée d'Italie a pris hier possession de Tortone, où nous avons trouvé une très-belle forteresse, qui a coûté plus de quinze millions au roi de Sardaigne. Je vous ai annoncé, par mon aide-de-camp Murat, que nous avions occupé Coni et Ceva, que nous avons trouvées dans un état de défense respectable et approvisionnées de tout. Le lendemain de la signature de la suspension d'armes, le général Laharpe marcha avec sa division par la route de Bossogno à Acqui, le général Augereau par Stefano, et le général Masséna par Nizza de la Paglia. Beaulieu évacua ce pays et se réfugia dans Valence, où il passa le Pô avec toute son armée. Le général Masséna est arrivé, avec toute sa division, à Alexandrie, assez à temps pour s'emparer des magasins, que les Autrichiens, ne pouvant les emporter, avaient vendus à la ville. Le 13, l'armée allemande a repassé le Pô, a coupé les bateaux, et a brûlé ceux qu'elle a trouvés sur le rivage.

Les Napolitains, qui ordinairement ne sont pas entreprenans, se sont emparés de Valence.

N.B. Cette lettre n'a point été achevée.

Au grand quartier-général à San-Giovani, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Du même au gouverneur du duché de Parme, à Plaisance.

Ayant à conférer avec vous, monsieur, sur des objets de la plus grande importance, vous voudrez bien vous rendre de suite à Castel-San-Giovani. Il serait nécessaire que vous fussiez rendu ici avant deux heures après minuit, devant monter à cheval a cette heure-là.

BONAPARTE.

Au grand quartier-général à Plaisance, le 17 floréal an 4 (6 mai 1796).

Du même au ministre d'Espagne à Parme.

J'ai reçu, monsieur, votre lettre. Comme il n'est pas dans mon coeur, ni dans l'intention du peuple français, de faire mal sans but et de nuire en rien aux peuples, je consens à suspendre toute hostilité contre le duc de Parme et la marche de mes troupes sur Parme; mais il faut que, dans la nuit, le duc envoie des plénipotentiaires pour conclure la suspension.

Je fais marcher quelques régimens de cavalerie, avec une brigade, à trois lieues de Plaisance: cela ne doit donner aucune inquiétude au duc de Parme, dès l'instant qu'il accepte les conditions dont nous sommes convenus. Je suis charmé que cette occasion me mette à même de vous prouver les sentimens d'estime et de considération avec lesquels, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Plaisance, le 20 floréal an 4 (9 mai 1796).

Du même au citoyen Carnot.

Nous avons enfin passé le Pô. La seconde campagne est commencée, Beaulieu est déconcerté; il calcule assez mal, et il donne constamment dans les pièges qu'on lui tend: peut-être voudra-t-il donner une bataille, car cet homme-là a l'audace de la fureur et non celle du génie; mais les six mille hommes que l'on a obligés hier de passer l'Adda, et qui ont été défaits, l'affaiblissent beaucoup; encore une victoire, et nous sommes maîtres de l'Italie. J'ai accordé une suspension d'armes au duc de Parme; le duc de Modène m'envoie des plénipotentiaires. Si nous avions un ordonnateur habile, nous serions aussi bien qu'il est possible de l'imaginer. Nous allons faire établir des magasins considérables de blé, des parcs de six cents boeufs sur le derrière. Dès l'instant que nous arrêterons nos mouvemens, nous ferons habiller l'armée a neuf; elle est toujours à faire peur, mais tout engraisse; le soldat ne mange que du pain de Gonesse, bonne viande et en quantité, bon vin, etc. La discipline se rétablit tous les jours; mais il faut souvent fusiller, car il est des hommes intraitables qui ne peuvent se commander.

Ce que nous avons pris a l'ennemi est incalculable. Nous avons des effets d'hôpitaux pour quinze mille malades, plusieurs magasins de blé, farine, etc. Plus vous m'enverrez d'hommes, plus je les nourrirai facilement.

Je vous fais passer vingt tableaux des premiers maîtres, du Corrége et de Michel-Ange.

Je vous dois des remercîmens particuliers pour les attentions que vous voulez bien avoir pour ma femme, je vous la recommande; elle est patriote sincère, et je l'aime à la folie.

J'espère que les choses vont bien, pouvant vous envoyer une douzaine de millions à Paris; cela ne vous fera pas de mal pour l'armée du Rhin.

Envoyez-moi quatre mille cavaliers démontés, je chercherai ici à les remonter.

Je ne vous cache pas que, depuis la mort de Stengel, je n'ai plus un officier supérieur de cavalerie qui se batte. Je désirerais que vous me pussiez envoyer deux ou trois adjudans-généraux sortant de la cavalerie, qui aient du feu, et une ferme résolution de ne jamais faire de savantes retraites.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Plaisance, le 20 floréal an 4 (9 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Citoyen président, le brave Stengel est mort de la suite de ses blessures. J'ai envoyé à sa famille la lettre que vous lui aviez adressée. Vous recevrez incessamment les articles de la suspension d'armes que j'ai accordée au duc de Parme. Je vous enverrai le plus tôt possible les plus beaux tableaux du Corrége, entre autres un Saint Jérôme, que l'on dit être son chef-d'oeuvre, J'avoue que ce saint prend un mauvais temps pour arriver à Paris: j'espère que vous lui accorderez les honneurs du Muséum. Je vous réitère la demande de quelques artistes connus, qui se chargeront du choix et des détails de transport des choses rares que nous jugerons devoir envoyer à Paris.

Tous les arrangemens sont pris pour les renforts qui doivent venir de l'armée des Alpes; il n'y aura aucune difficulté pour les passages.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Lodi, le 22 floréal an 4 (11 mai 1796).

Au citoyen Carnot.

La bataille de Lodi, mon cher directeur, donne à la république toute la Lombardie. Les ennemis ont laissé deux mille hommes dans le château de Milan, que je vais nécessairement investir. Vous pouvez compter dans vos calculs comme si j'étais à Milan; je n'y vais pas demain, parce que je veux poursuivre Beaulieu et chercher à profiter de son délire pour le battre encore une fois.

Bientôt il est possible que j'attaque Mantoue. Si j'enlève cette place, rien ne m'arrête plus pour pénétrer dans la Bavière: dans deux décades je puis être dans le coeur de l'Allemagne. Ne pourriez-vous pas combiner mes mouvemens avec l'opération de ces deux armées? Je m'imagine qu'à l'heure qu'il est, on se bat sur le Rhin; si l'armistice continuait, l'armée d'Italie serait écrasée. Si les deux armées du Rhin entrent en campagne, je vous prie de me faire part de leur position et ce que vous espérez qu'elles puissent faire, afin que cela puisse me servir de règle pour entrer dans le Tyrol, ou me borner a l'Adige. Il serait digne de la république d'aller signer le traité de paix, les trois armées réunies, dans le coeur de la Bavière, ou de l'Autriche étonnée. Quant à moi, s'il entre dans vos projets que les deux armées du Rhin fassent des mouvemens en avant, je franchirai le Tyrol avant que l'empereur ne s'en soit sérieusement douté. S'il était possible d'avoir un bon commissaire ordonnateur? celui qui est ici serait bon en second, mais il n'a pas assez de feu et de tête pour être en chef.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Lodi, le 24 floréal an 4 (13 mai 1796).

A M. Ferdinandi, ministre des affaires étrangères du duc de Parme.

J'ai reçu, monsieur, la ratification de la suspension d'armes que vous avez acceptée de la part du duc de Parme. Je vous envoie le général Cervoni, afin que vous puissiez régler avec lui tous les détails de l'exécution de ladite suspension. Vous lui ferez remettre, dans la journée de demain, les 500.000 fr. qui, aux termes de la suspension, doivent être payés dans les cinq jours; il recevra également les chevaux, et il prendra les mesures nécessaires pour l'exécution de ladite suspension. Je suis charmé, monsieur, que cette circonstance me mette à même de vous exprimer la considération, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Lodi, le 24 floréal an 4 (13 mai 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre de la république, à Gênes.

Je vous suis très obligé des gravures que vous m'avez envoyées, et qui feront le plus grand plaisir à l'armée. Je vous prie d'envoyer, de ma part, vingt-cinq louis au jeune homme qui les a faites; engagez-le à faire graver le passage étonnant du pont de Lodi. Puisque le fief de Montogio n'est point fief impérial, il n'est pas compris dans l'ordre que j'ai donné pour l'imposition desdits fiefs.

Nous avons pris hier la ville de Pizzigithone, nous avons fait trois cents prisonniers et pris trois pièces de canon. Beaulieu se sauve à toutes jambes; Crémone est à la république.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Lodi, le 25 floréal an 4 (14 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Après le combat de Fiombio, nous poursuivîmes l'ennemi jusqu'à Pizzigithone, mais nous ne pûmes passer l'Adda. Après la bataille de Lodi, Beaulieu se retira par Pizzigithone; nous nous y rendîmes le 22; mais il s'était déjà retiré au-delà de Crémone. Nous avons aussitôt investi et attaqué la ville de Pizzigithone, qui, après une vive canonnade, a été obligée de nous ouvrir ses portes; nous y avons fait trois cents prisonniers et pris cinq pièces de canon de bronze.

Notre cavalerie s'est mise à la poursuite de l'ennemi. La ville de Crémone a ouvert ses portes; toute la Lombardie appartient à la république.

On dit que la suspension d'armes, au Rhin, continue toujours. J'imagine qu'à l'heure qu'il est, vous avez porté vos regards sur un objet aussi essentiel; il paraît même que les ennemis ont publié avec emphase, dans leur camp, que cette suspension était pour trois mois, et qu'ils allaient en conséquence recevoir de grands renforts.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Lodi, le 25 floréal an 4 (14 mai 1796).

Au citoyen Carnot.

A la réception de la lettre du directoire, du 18, vos intentions étaient remplies, et le Milanais est à nous. Je marcherai bientôt, pour exécuter vos vues, sur Livourne et sur Rome; tout cela se fera dans peu de temps.

J'écris au directoire relativement à l'idée de diviser l'armée; je vous jure que je n'ai vu en cela que la patrie. Au reste, vous me trouverez toujours dans la ligne droite. Je dois à la république le sacrifice de toutes mes idées. Si l'on cherche à me mettre mal dans votre esprit, ma réponse est dans mon coeur et dans ma conscience.

Comme il serait possible que cette lettre, au directoire, ne fût pas bien interprétée, et que vous m'avez témoigné de l'amitié, je prends le parti de vous l'adresser, en vous priant d'en faire l'usage que vous suggéreront votre prudence et votre attachement pour moi.

Kellermann commandera l'armée aussi bien que moi; car personne n'est plus convaincu, que je ne le suis, que les victoires sont dues au courage et à l'audace de l'armée; mais je crois que, réunir Kellermann et moi en Italie, c'est vouloir tout perdre. Je ne puis pas servir volontiers avec un homme qui se croit le premier général de l'Europe; et, d'ailleurs, je crois qu'il faut plutôt un mauvais général que deux bons. La guerre est comme le gouvernement, c'est une affaire de tact.

Je ne puis vous être utile qu'investi de la même estime que vous me témoigniez à Paris. Que je fasse la guerre ici ou ailleurs, cela m'est indifférent: servir la patrie, mériter de la postérité une feuille de notre histoire, donner au gouvernement des preuves de mon attachement et de mon dévouement, voilà toute mon ambition. Mais j'ai fort à coeur de ne pas perdre, dans huit jours, deux mois de fatigues, de peines et de dangers, et de ne pas me trouver entravé. J'ai commencé avec quelque gloire, je désire continuer d'être digne de vous. Croyez, d'ailleurs, que rien n'altérera l'estime que vous inspirez à ceux qui vous connaissent.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Lodi, le 25 floréal an 4 (14 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Je reçois à l'instant le courrier parti, le 18, de Paris. Vos espérances sont réalisées, puisqu'à l'heure qu'il est, toute la Lombardie est à la république. Hier, j'ai fait partir une division pour cerner le château de Milan. Beaulieu est à Mantoue avec son armée; il a inondé tout le pays environnant; il y trouvera la mort, car c'est le plus malsain de l'Italie.

Beaulieu a encore une armée nombreuse: il a commencé la campagne avec des forces supérieures; l'empereur lui envoie dix mille hommes de renfort, qui sont en marche. Je crois très-impolitique de diviser en deux l'armée d'Italie; il est également contraire aux intérêts de la république d'y mettre deux généraux différens.

L'expédition sur Livourne, Rome et Naples est très-peu de chose: elle doit être faite par des divisions en échelons, de sorte que l'on puisse, par une marche rétrograde, se trouver en force contre les Autrichiens, et menacer de les envelopper au moindre mouvement qu'ils feraient. Il faudra pour cela non-seulement un seul général, mais encore que rien ne le gêne dans sa marche et dans ses opérations. J'ai fait la campagne sans consulter personne, je n'eusse rien fait de bon s'il eût fallu me concilier avec la manière de voir d'un autre. J'ai remporté quelques avantages sur des forces supérieures, et dans un dénuement absolu de tout, parce que, persuadé que votre confiance se reposait sur moi, ma marche a été aussi prompte que ma pensée.

Si vous m'imposez des entraves de toutes espèces; s'il faut que je réfère de tous mes pas aux commissaires du gouvernement; s'ils ont droit de changer mes mouvemens, de m'ôter ou de m'envoyer des troupes, n'attendez plus rien de bon.

Si vous affaiblissez vos moyens en partageant vos forces; si vous rompez en Italie l'unité de la pensée militaire, je vous le dis avec douleur, vous aurez perdu la plus belle occasion d'imposer des lois à l'Italie.

Dans la position des affaires de la république en Italie, il est indispensable que vous ayez un général qui ait entièrement votre confiance: si ce n'était pas moi, je ne m'en plaindrais pas; mais je m'emploierais à redoubler de zèle pour mériter votre estime dans le poste que vous me confieriez. Chacun a sa manière de faire la guerre. Le général Kellermann a plus d'expérience et la fera mieux que moi; mais tous les deux ensemble nous la ferons fort mal.

Je ne puis rendre à la patrie des services essentiels qu'investi entièrement et absolument de votre confiance. Je sens qu'il faut beaucoup de courage pour vous écrire cette lettre, il serait si facile de m'accuser d'ambition et d'orgueil! mais je vous dois l'expression de tous mes sentimens, à vous qui m'avez donné dans tous les temps des témoignages d'estime que je ne dois pas oublier.

Les différentes divisions d'Italie prennent possession de la Lombardie. Lorsque vous recevrez cette lettre, nous serons déjà en route, et votre réponse nous trouvera probablement près de Livourne. Le parti que vous prendrez dans cette circonstance est plus décisif pour les opérations de la campagne, que quinze mille hommes de renfort que l'empereur enverrait à Beaulieu.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 28 floréal an 4 (17 mai 1796).

Au citoyen Lallement, ministre à Venise.

Je vous remercie infiniment, citoyen ministre, des détails intéressans que vous me donnez sur la position des ennemis. Je vous envoie 6,000 liv. pour servir aux dépenses des espions à Trente, à Mantoue, et sur la route du Tyrol, et faites-moi savoir le jour où les bâtimens de Trieste sont partis pour Mantoue.

N'épargnez ni l'argent ni les peines, l'intérêt de la patrie le veut. Je vous ferai exactement toucher tout ce que vous dépenserez.

Envoyez-moi une carte exacte des états de Venise, et très-détaillée.

Il y a à Milan beaucoup de dispositions pour y créer une révolution.

Si les citoyens Jacob et Alliod ne sont pas indispensables à Venise, envoyez-les ici, je les emploierai dans le Milanais pour l'administration de ce pays.

Vous avez dû recevoir une lettre, de Lodi, du commissaire du gouvernement. Faites en sorte que vos lettres soient fréquentes et instructives: c'est sur vous que je compte pour avoir des nouvelles; établissez un prix pour les courriers, de sorte que, lorsqu'ils arriveront avant telle heure, ils aient une gratification.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 29 floréal an 4 (18 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

Je viens d'ordonner, monsieur, que les deux bateaux de sel arrêtés à Plaisance continuent leur route sur Valence.

Peut-être jugerez-vous à propos d'envoyer à Plaisance un officier ou un préposé, qui veillera à ce que tous les bateaux et autres convois appartenant au roi ne soient pas interceptés par l'armée. Du moment que vous m'aurez fait connaître là-dessus vos intentions, je m'empresserai de donner à cet officier les facilités nécessaires pour pouvoir remplir sa mission; il pourrait également être chargé de parcourir les différentes rives du Pô, pour vous faire restituer les effets appartenans au roi, que nous aurions pu arrêter.

Le chef de l'état-major expédie les ordres aux troupes qui arriveront à Casale, de partir sur-le-champ pour Milan.

Je me suis occupé des différentes réclamations relatives à la province d'Alba. Je désire, monsieur, que vous soyez convaincu de l'empressement que j'aurai à faire quelque chose qui vous soit agréable.

Je vous prie de m'envoyer l'état des officiers que vous désirez que je vous renvoie en échange de ceux que vous avez eu la complaisance de relâcher sur parole.

J'envoie à Valence un officier du génie pour choisir un emplacement pour la construction du pont de Valence; mais comme je laisse au roi la jouissance de ses états en deçà du Pô, que M. Beaulieu n'a évacués que par mon passage du Pô à Plaisance, je crois qu'il serait convenable que vous donnassiez vous-même des ordres pour la construction dudit pont, qu'il me serait utile d'avoir avant huit jours.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 29 floréal an 4 (18 mai 1796).

Au directoire exécutif.

Le duc de Parme paye sa contribution; il a déjà versé 500.000 liv., et il s'exécute pour le reste. Faypoult aurait voulu que l'on ne fît rien payer à ce prince; mais l'ambassadeur d'Espagne à Turin, qui est venu me voir, est convenu que nous avions été modérés. Je ne doute pas, cependant, que le duc de Parme ne porte plainte; mais pourquoi n'a-t-il pas accepté la médiation de l'Espagne?

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 29 floréal an 4 (18 mai 1796).

Au général en chef de l'armée du roi de Sardaigne.

Je viens d'être informé, monsieur, que les différens agens militaires, dans le pays conquis, avaient séquestré les biens des seigneurs attachés à la cour.

Je viens de donner des ordres pour que les séquestres soient sur-le-champ levés, et qu'il n'y ait aucune espèce de différence entre les sujets du roi, soit qu'ils demeurent à Turin, ou dans les différentes villes soumises à la république.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 1er prairial an 4 (20 mai 1796).

Au citoyen Barthelemi, ambassadeur de la république, à Bâle.

Nous sommes maîtres de la Lombardie, Les troupes de la république, quoiqu'en petit nombre et dénuées de tout, ont surmonté tous les obstacles; les ennemis se sont retirés à Mantoue; demain notre corps de troupes sera ici. Je me presse de courir, et vous prie de me faire part des mouvemens de l'armée impériale dans la Bavière et dans la Souabe.

L'empereur peut-il affaiblir son armée du Rhin pour renforcer celle d'Italie? Quelles troupes pourrait-il encore envoyer dans le Tyrol? Je vous prie, citoyen ministre, de me faire part, là-dessus, des renseignemens que vous avez, et d'envoyer de tous côtés des agens, afin que vous puissiez m'instruire, avec précision, des forces que l'on ferait filer en Italie.

Je suis très-flatté, citoyen ministre, que cette circonstance m'ait procuré le plaisir de vous assurer, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 9 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au ministre des finances.

L'armée d'Italie éprouve les plus grands besoins; elle est dans la plus grande pénurie et le dénuement le plus affligeant des objets les plus essentiels; elle se renforce tous les jours en hommes, et ses besoins s'accroissent en proportion. Le directoire exécutif, qui m'a nommé au commandement de cette armée, a arrêté un plan de guerre offensif qui exige des mesures promptes et des ressources extraordinaires.

Le prêt de 2 sous en argent pour le soldat, et de 8 liv. pour les officiers, a manqué; ce qui a mécontenté et découragé l'armée. Je vous prie de vous faire rendre compte, et d'avoir la bonté de m'instruire si je dois compter que la trésorerie seule subviendra à ce que le prêt ne manque pas. De toutes les dépenses, c'est la plus sacrée: l'armée d'Italie est la seule où le prêt ait manqué. Le ministre de la guerre a ordonnancé, pour le service de pluviôse et d'une partie de celui de ventôse, à différentes fois, selon le bordereau ci-joint, la somme de....., et pour le service de l'artillerie, le 23 du mois, de 10,000 liv. en numéraire, et 500,000 liv. en assignats, et le 19 ventôse, 30,000 liv. en numéraire, et 1,500,000 liv. en assignats. On se plaint à l'armée de n'avoir reçu qu'une très-faible portion de cette somme. Je vous prie de vous faire rendre compte de celle qu'il reste à envoyer d'après les ordres ci-dessus, et de m'instruire de ce que vous espérez faire pour effectuer l'entier paiement.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au citoyen Bonelli, chef de bataillon.

Vous vous rendrez en Corse avec dix-huit hommes de votre choix. Le citoyen Sapey est chargé de vous faire passer en Corse et de vous faire porter des secours en poudre et en armes.

Il vous sera remis, à votre départ, 24,000 liv. en argent, dont vous vous servirez pour encourager les patriotes. Le citoyen Brassini restera à Gênes, et vous fera passer les secours dont vous pourrez avoir besoin, et vous remettra cent fusils, trois cents paires de pistolets, six cents livres de poudre et dix mille livres de plomb.

Dès l'instant que l'on aura des nouvelles plus sûres, on enverra davantage, et des brevets d'officiers, pour lever des bataillons au compte de la république française.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Aux citoyens Braccini et Paraviccini.

Vous resterez à Gênes pour correspondre avec les patriotes corses, et me tenir informé de tout ce qui se passe dans ce département, et lui envoyer des secours.

Le citoyen Balbi, banquier de la république, vous remettra 15,000 liv. Vous achèterez, avec cette somme, cent fusils, trois cents paires de pistolets, trois mille pierres à fusil, cinq à six mille livres de poudre, et huit à dix mille livres de plomb, que vous remettrez au citoyen Bonelli. Je donne des ordres pour qu'on vous fasse passer de Nice six cents fusils de chasse, que vous ferez passer successivement.

Le ministre de la république à Gènes est instruit de votre mission. Vous vous présenterez à lui, afin qu'il vous donne tout ce dont vous pourriez avoir besoin.

Vous jouirez de 300 fr. d'appointemens par mois tant que durera votre mission.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au citoyen Sapey.

Je fais partir le citoyen Bonelli avec trente hommes et cent fusils, trois cents paires de pistolets, six mille livres de poudre et dix mille livres de plomb, pour secourir les patriotes de Corse.

Je charge les citoyens Braccini et Paraviccini de rester à Gênes, et de se ménager une correspondance avec les patriotes corses.

Votre zèle m'étant connu, je vous charge de procurer au citoyen Bonelli tous les moyens nécessaires pour passer en Corse; je vous ferai rembourser les frais que vous ferez a ce sujet.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 2 prairial an 4 (21 mai 1796).

Au citoyen Faypoult.

Je vous envoie ci-joint une lettre interceptée, vous y verrez que vous avez des espions autour de vous.

La paix avec le roi de Sardaigne est faite à des conditions très-avantageuses; elle a été signée le 26 de ce mois.

Tout est tranquille à Paris, et les révolutionnaires de 93 sont encore mis à l'ordre et déjoués.

Vous trouverez ci-joint une proclamation à l'armée. Je préfère cette tournure à celle d'écrire aux peuples. L'armistice avec le duc de Parme a été approuvé; le directoire ne l'a pas trouvé assez honteux pour ce duc.

Nous avons imposé le Milanais à 20,000,000 fr. Je vous choisirai deux beaux chevaux parmi ceux que nous requerrons à Milan; ils serviront à vous dissiper des ennuis et des étiquettes du pays où vous êtes. Je veux aussi vous faite présent d'une épée.

BONAPARTE.

8Cette lettre, où Bonaparte rendait compte de la bataille de Montennote, ne s'est pas retrouvée.

Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V)

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