Читать книгу Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V) - Napoleon Bonaparte - Страница 60

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Au quartier-général à Clagenfurth, le 12 germinal an 5 (1er avril 1797).

Au directoire exécutif.

Je vous ai rendu compte, dans ma dernière dépêche, des combats de Trévise et de la Chiusa. Le 8, trois divisions de l'armée se trouvaient avoir traversé les gorges qui, de l'état vénitien, conduisent en Allemagne, et campaient à Villach, sur les Lords de la Drave.

Le 9, le général Masséna se mit en marche avec sa division; il rencontra, à une lieue de Clagenfurth, l'armée ennemie, et il s'engagea un combat, où l'ennemi perdit deux pièces de canon et deux cents prisonniers. Nous entrâmes le même soir à Clagenfurth, qui est la capitale de la Haute et Basse-Carinthie. Le prince Charles, avec les débris de son armée extrêmement découragée, fuit devant nous.

Notre avant-garde est aujourd'hui entre Saint-Veit et Freisach. La division du général Bernadotte est à Laubach, capitale de la Carniole. J'ai envoyé le général polonais Zajonseck, à la tête d'un corps de cavalerie, pour suivre la vallée de la Drave, arriver à Lintz et opérer ma jonction avec le général Joubert, qui est à Brixen; elle doit être faite à l'heure qu'il est.

Depuis le commencement de cette campagne, le prince Charles a perdu près de vingt mille hommes de ses troupes, qui sont nos prisonniers. Les habitans de la Carniole et de la Carinthie ont pour le ministère de Vienne et d'Angleterre un mépris qui ne se conçoit pas; la nation anglaise accapare tellement la haine et l'exécration du continent, que je crois que, si la guerre dure encore quelque temps, les Anglais seront réellement exécrés, qu'ils ne seront plus reçus nulle part.

Voilà donc les ennemis entièrement chassés des états de Venise; la Haute et Basse-Carniole, la Carinthie, le district de Trieste, et tout le Tyrol, soumis aux armes de la république.

Nous avons trouvé, près de Villach, un magasin de fer coulé, de cartouches et de poudre, de mine de plomb, d'acier, de fer et de cuivre. Nous avons trouvé, près de Clagenfurth, des manufactures d'armes et de drap.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Clagenfurth, le 12 germinal an 5 (1er avril 1797).

Au directoire exécutif.

Combat du Lavis.

Les divisions des généraux Joubert, Baraguey d'Hilliers et Delmas se sont mises en mouvement le 30 ventose; elles ont enveloppé les corps ennemis qui se trouvaient sur le Lavis. Après un combat extrêmement opiniâtre, nous avons fait quatre mille prisonniers, pris trois pièces de canon, deux drapeaux, et tué près de deux mille hommes, dont une grande partie de chasseurs tyroliens.

Combat de Tramin.

Cependant l'ennemi s'était retiré sur la rive droite de l'Adige, et paraissait vouloir tenir encore. Le 2 germinal, le général Joubert, commandant les trois divisions, se porta à Salurn; le général Vial s'empara du pont de Neumark, et passa la rivière pour empêcher l'ennemi de se retirer sur Botzen. La fusillade s'engagea avec la plus grande force. Le combat paraissait incertain, lorsque le général de division Dumas, commandant la cavalerie, se précipita dans le village de Tramin, fit six cents prisonniers, et prit deux pièces de canon: par ce moyen, les débris de la colonne ennemie, commandée par le général Laudon, n'ont pas pu arriver à Botzen, et errent dans les montagnes.

Combat de Clausen.

Nous sommes entrés dans la ville de Botzen: le général Joubert ne s'y arrêta pas; il y laissa une force suffisante pour suivre le général Laudon, et marcha droit à Clausen. L'ennemi, profitant de la défense qu'offrait le pays, avait fait les meilleures dispositions. L'attaque fut vive et bien concertée, et le succès long-temps incertain. L'infanterie légère grimpa des rochers inaccessibles; les onzième et trente-troisième demi-brigades d'infanterie de bataille, en colonne serrée, et commandées par le général Joubert, en personne, surmontèrent tous les obstacles; l'ennemi, percé par le centre, a été obligé de céder, et la déroute est devenue générale. Nous avons fait à l'ennemi quinze cents prisonniers.

Le général Joubert arriva à Brixen, toujours poursuivant l'ennemi; le général Dumas, à la tête de la cavalerie, a tué, de sa propre main plusieurs cavaliers ennemis; il à été blessé légèrement de deux coups de sabre; son aide-de-camp Dermoncourt a été blessé dangereusement; ce général a, pendant plusieurs minutes, arrêté seul, sur un pont, un escadron de cavalerie ennemie qui voulait passer, et a donné le temps aux siens de le rejoindre.

Nous avons trouvé à Brixen, Botzen et dans divers autres endroits, des magasins de toutes espèces, entr'autres trente mille quintaux de farine.

Partout l'ennemi, tant dans le Tyrol que dans la Carinthie et la Carniole, nous a laissé des hôpitaux; je laisse au chef de l'état-major et au commissaire ordonnateur eu chef le soin d'envoyer au ministre de la guerre les états des effets qu'on y a trouvés.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Clagenfurth, le 12 germinal an 5 (1er avril 1797).

Au peuple de la Carinthie.

L'armée française ne vient pas dans votre pays pour le conquérir, ni pour porter aucun changement à votre religion, à vos moeurs, à vos coutumes; elle est l'amie de toutes les nations, et particulièrement des braves peuples de Germanie.

Le directoire exécutif de la république française n'a rien épargné pour terminer les calamités qui désolent le continent. Il s'était décidé à faire le premier pas et à envoyer le général Clarke à Vienne, comme plénipotentiaire, pour entamer des négociations de paix; mais la cour de Vienne a refusé de l'entendre; elle a même déclaré à Vicence, par l'organe de M. de Saint Vincent, qu'elle ne reconnaissait pas de république française. Le général Clarke a demandé un passeport pour aller lui-même parler à l'empereur; mais les ministres de la cour de Vienne ont craint, avec raison, que la modération des propositions qu'il était chargé de faire, ne décidât l'empereur à la paix. Ces ministres, corrompus par l'or de l'Angleterre, trahissent l'Allemagne et leur prince, et n'ont plus de volonté que celle de ces insulaires perfides, l'horreur de l'Europe entière.

Habitans de la Carinthie, je le sais, vous détestez autant que nous, et les Anglais, qui seuls gagnent à la guerre actuelle, et votre ministère, qui lui est vendu. Si nous sommes en guerre depuis six ans, c'est contre le voeu des braves Hongrois et des citoyens éclairés de Vienne, et des simples et bons habitans de la Carinthie.

Eh bien! malgré l'Angleterre et les ministres de la cour de Vienne, soyons amis; la république française a sur vous les droits de conquête, qu'ils disparaissent devant un contrat qui nous lie réciproquement, Vous ne vous mêlerez pas d'une guerre qui n'a pas votre aveu. Vous fournirez les vivres dont nous pouvons avoir besoin. De mon côté, je protégerai votre religion, vos moeurs et vos propriétés; je ne tirerai de vous aucune contribution. La guerre n'est-elle pas par elle-même assez horrible? Ne souffrez vous pas, déjà trop, vous, innocentes victimes des sottises des autres? Toutes les impositions que vous avez coutume de payer à l'empereur serviront à indemniser des dégâts inséparables de la marche d'une armée, et à payer les vivres que vous nous aurez fournis.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Clagenfurth, le 12 germinal an 6 (1er avril 1797).

Au directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Je vous fais tenir la copie de la lettre que j'ai envoyée, par mon aide-de-camp, au prince Charles.

BONAPARTE.

Copie de la lettre écrite par le général en chef de l'armée d'Italie, à son altesse royale M le prince Charles.

Du 11 germinal an 5 (31 mars 1797).

M. le général en chef,

Les braves militaires font la guerre et désirent la paix! celle-ci ne dure-t-elle pas depuis six ans? Avons-nous assez tué de monde et commis assez de maux à la triste humanité? Elle réclame de tous côtés. L'Europe, qui avait pris les armes contre la république française, les a posées; votre nation reste seule, et cependant le sang va couler encore plus que jamais. Cette sixième campagne s'annonce par des présages sinistres; quelle qu'en soit l'issue, nous tuerons de part et d'autre quelques milliers d'hommes de plus, et il faudra bien que l'on finisse par s'entendre, puisque tout a un terme, même les passions haineuses.

Le directoire exécutif de la république française avait fait connaître à sa majesté l'empereur le dessein de mettre fin à la guerre qui désole les deux peuples, l'intervention de la cour de Londres s'y est opposée: n'y a-t-il donc aucun espoir de nous entendre? Et faut-il, pour les intérêts ou les passions d'une nation étrangère aux maux de la guerre, que nous continuions à nous entr'égorger? Vous, M. le général en chef, qui, par votre naissance, approchez si près du trône et êtes au-dessus de toutes les petites passions qui animent souvent les ministres et les gouvernemens, êtes-vous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l'humanité entière, et de vrai sauveur de l'Allemagne? Ne croyez pas, M. le général en chef, que j'entende par là qu'il ne soit pas possible de la sauver par la force des armes; mais, dans la supposition que les chances de la guerre nous deviennent favorables, l'Allemagne n'en sera pas moins ravagée. Quant à moi, M. le général en chef, si l'ouverture que j'ai l'honneur de vous faire peut sauver la vie à un seul homme, je m'estimerai plus fier de la couronne civique que je me trouverai avoir méritée, que de la triste gloire qui peut revenir des succès militaires.

Je vous prie de croire, M. le général en chef, aux sentimens d'estime et de considération distingués avec lesquels je suis, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Scheifling, le 16 germinal an 5 (5 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Combat de Burk.

Citoyens directeurs,

Le général Joubert a attaqué, le 8, la gorge d'Inspruck: les bataillons fraîchement arrivés du Rhin voulaient la défendre; après une canonnade de quelques instans, le général Joubert a décidé l'affaire en marchant droit à la tête de la quatre-vingt-cinquième demi-brigade, en colonne serrée par bataillon: l'ennemi a été culbuté en laissant cent morts, six cents prisonniers, deux pièces de canon, tous les équipages et vingt dragons.

Le général Dumas, qui a chargé, à la tête de la cavalerie, dès l'instant que l'infanterie eut percé, a eu son cheval tué sous lui. Le général de brigade Belliard, qui commandait la quatre-vingt-cinquième; le brave Gaspard Lavisé, chef de cette demi-brigade, et l'aide-de-camp Lambert, se sont particulièrement distingués. Je vous demande, pour le général Dumas, qui, avec son cheval, a perdu une paire de pistolets, une paire de pistolets de la manufacture de Versailles.

BONAPARTE.

Au quartier général à Scheifling, le 16 germinal an 5 (5 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Combat des gorges de Neumarck.

Citoyens directeurs,

L'armée s'est mise en marche le 12. La division du général Masséna, formant l'avant-garde, a rencontré l'ennemi dans les gorges qui se trouvent entre Freisach et Neumarck. L'arrière-garde ennemie a été culbutée dans toutes les positions qu'elle a voulu disputer, et nos troupes s'acharnèrent à la poursuivre avec une telle vitesse, que le prince Charles fut obligé de faire revenir, de son corps de bataille, les huit bataillons de grenadiers, les mêmes qui ont pris Kelh et qui sont en ce moment l'espoir de l'armée autrichienne; mais la deuxième d'infanterie légère, qui s'est distinguée depuis son arrivée par son courage, ne ralentit pas son courage un seul instant, se jeta sur les flancs de droite et de gauche, dans le temps que le général Masséna, pour fouler la gorge, faisait mettre en colonne les grenadiers de la dix-huitième et de la trente-deuxième. Le combat s'engagea avec fureur: c'était l'élite de l'armée autrichienne qui venait lutter contre nos vieux soldats d'Italie. L'ennemi avait une position superbe, qu'il avait hérissée de canons; mais elle ne fit que retarder de peu de temps la défaite de l'arrière-garde ennemie. Les grenadiers ennemis furent mis dans une complète déroute, laissèrent le champ de bataille couvert de morts, et cinq à six cents prisonniers.

L'ennemi profita de toute la nuit pour filer. À la pointe du jour, nous entrâmes dans Neumark. Le quartier-général fut, ce jour-là, à Freisack.

Nous avons trouvé à Freisack quatre mille quintaux de farine, une grande quantité d'eau-de-vie et d'avoine. Ce n'était qu'une faible partie des magasins qui y existaient, l'ennemi avait brûlé le reste: nous en avons trouvé autant à Neumarck.

Combat de Hundelmarck.

Le 14, le quartier-général se porta à Scheifling. L'avant-garde, sur le point d'arriver à Hundelmarck, rencontra l'arrière-garde de l'ennemi, qui voulait lui disputer sa couchée.

La deuxième d'infanterie légère était encore d'avant-garde. Après une heure de combat, l'arrière-garde ennemie, qui, ce jour-là, était composée de quatre régimens venant du Rhin, fut encore mise en déroute, et nous laissa six cents prisonniers, et au moins trois cents morts sur le champ de bataille. Notre avant-garde mangea encore, ce jour-là, le pain et but l'eau-de-vie préparés pour l'armée autrichienne.

Notre perte, dans ces deux combats, a été de fort peu de chose: le chef de brigade Carere, officier du plus grand courage, et qui nous a rendu, dans la campagne les plus grands services, a été tué d'un boulet. C'est le seul officier que nous ayons perdu: il est vivement regretté.

Aujourd'hui nous occupons Kintenfeld, Murau et Jundenburg. L'ennemi paraît s'être décidé à une retraite plus précipitée, et à ne plus engager de combat partiel.

J'ai fait poursuivre, par la division du général Guieux, la division du général autrichien Spork, qui voulait faire sa jonction par la vallée de la Marche, et dont l'avant-garde était déjà arrivée à Murau. Notre arrivée prompte à Scheifling a rendu cette jonction impossible: désormais elle ne peut plus se faire qu'au de-là des montagnes qui avoisinent Vienne.

Je vous envoie la réponse que m'a faite le prince Charles à ma lettre du 10, avant le combat du 13; deux heures après avoir envoyé cette réponse, comme nous marchions sur Freisack, il a fait demander, par un de ses aides-de-camp, une suspension de quatre heures, proposition entièrement inadmissible. Il voulait, en gagnant quatre heures, gagner la journée, et par là avoir le temps de faire sa jonction avec le général Spork: c'était précisément la raison qui me faisait marcher jour et nuit.

Depuis le commencement de la campagne, le citoyen Ordonner, chef de brigade du dixième régiment de chasseurs, montre un courage qui lui captive l'estime de l'armée.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Scheifling, le 16 germinal an 5 (5 avril 1797).

À M. Pesaro, sage grand de la république de Venise.

Les affaires militaires, monsieur, qui se sont succédé avec la plus grande rapidité, m'ont empêché de répondre à la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire.

De tous les points du territoire de la république de Venise, il me vient des plaintes sur la conduite des agens de cette république à l'égard de l'armée française. À Verone, on affiche tous les jours des placards pour exciter la haine du peuple contre nous, et effectivement les assassinats commencent et deviennent fréquens sur la route de Verone à la Piave.

Un vaisseau de guerre vénitien a tiré des coups de canon sur la frégate la Brune, et l'a empêchée de mouiller dans le golfe, tandis qu'un convoi autrichien y mouillait.

La maison du consul de Zante a été pillée et brûlée, et votre gouvernement l'a laissé faire.

Toutes les personnes qui sont soupçonnées d'avoir prêté secours à l'armée française sont ouvertement persécutées, dans le temps qu'on encourage de nombreux agens que la maison d'Autriche a dans Verone et autres lieux des états de Venise.

La république française, ne se mêle pas, monsieur, des affaires intérieures de la république de Venise; mais la nécessité de veiller à la sûreté de l'armée me fait un devoir de prévenir les entreprises que l'on pourrait faire contre elle.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Scheifling, le 16 germinal an 5 (5 avril 1797).

À la municipalité de Brescia et à celle de Bergame.

J'ai reçu, citoyens, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire: il ne m'appartient pas d'être juge entre le peuple de votre province et le sénat de Venise; mon intention cependant est qu'il n'y ait aucune espèce de trouble ni de mouvement de guerre, et je prendrai toutes les mesures pour maintenir la tranquillité sur les derrières de l'armée.

Les troupes françaises continueront de vivre avec le peuple de Brescia dans le même esprit de neutralité et de bonne intelligence, et je désire, dans toutes les occasions, pouvoir vous donner des preuves de l'estime que j'ai pour vous.

BONAPARTE.

Ay quartier général à Scheifling, le 16 germinal an 5 (5 avril 1797).

À M. Pesaro, sage grand de la république de Venise.

Le duc de Modène, monsieur, doit plus de 30,000,000 à l'état de Modène: en conséquence, je vous requiers de faire mettre en séquestre, soit l'argent qu'il a dans la banque de Venise, soit le trésor qui se trouve dans le palais où il demeure, et dès aujourd'hui je regarde le gouvernement vénitien comme répondant de ladite somme.

Je vous prie de croire aux sentimens d'estime, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Indenburg, le 19 germinal an 5 (8 avril 1797).

Au directoire exécutif.

J'ai eu l'honneur de vous envoyer la lettre que j'avais écrite au prince Charles, et sa réponse.

Je vous fais passer:

1°. Copie de la lettre qu'il m'a écrite de nouveau, en date du 6 avril;

2°. La note qui m'a été remise par MM. les généraux Bellegarde et Meerveldt;

3°. La réponse que je leur ai faite;

4°. Une seconde lettre du prince Charles, et enfin les conditions de la suspension d'armes de cinq jours, que nous avons conclue. Vous y remarquerez, par la ligne de démarcation, que nous nous trouvons avoir occupé Gratz, Bruck, et Rotenmann, que nous n'occupions pas encore.

D'ailleurs, mon intention était de faire reposer deux ou trois jours l'armée; cette suspension dérange donc fort peu les opérations militaires.

Ces généraux sont sur-le-champ repartis pour Vienne, et le plénipotentiaire de S. M. l'empereur doit être arrivé au quartier-général avec des pleins pouvoirs pour une paix séparée, avant l'expiration de la suspension d'armes, que j'ai fait grande difficulté de leur accorder, mais qu'ils ont jugée indispensable.

Je leur ai dit que toute clause préliminaire à la négociation de paix devait être la cession jusqu'au Rhin; ils m'ont demandé une explication sur l'Italie, à laquelle je me suis refusé: ils m'ont, de leur côté, déclaré que, si S. M. l'empereur devait tout perdre, elle sortirait de Vienne, et s'exposerait à toutes les chances; je leur ai observé que, lorsque je m'expliquais d'une manière définitive sur les limites du Rhin, et que je me taisais sur l'Italie, c'était faire entendre qu'on admettait la discussion sur cette clause essentielle.

On m'a paru ne pas approuver les principes de Thugut, et que même l'empereur commençait à s'en apercevoir.

Nos armées n'ont pas encore passé le Rhin, et nous sommes déjà à vingt lieues de Vienne. L'armée d'Italie est donc seule exposée aux efforts d'une des premières puissances de l'Europe.

Les Vénitiens arment tous leurs paysans, mettent en campagne tous leurs prêtres, et secouent avec fureur tons les ressorts de leur vieux gouvernement, pour écraser Bergame et Brescia. Le gouvernement vénitien a en ce moment vingt mille hommes armés sur mes derrières.

Dans les états du pape même, des rassemblemens considérables de paysans descendent des montagnes, et menacent d'envahir toute la Romagne.

Les différens peuples d'Italie, réunis par l'esprit de liberté, et agités en différens sens par les passions les plus actives, ont besoin d'être contenus et surveillés.

Je vous enverrai la situation des troupes que j'ai avec moi, et de celles que j'ai en Italie.

Tout me porte à penser que le moment de la paix est arrivé, et que nous devons la faire dans un moment où nous pouvons dicter les conditions, pourvu qu'elles soient raisonnables.

Si l'empereur nous cède ce qui lui appartient du côté de la rive gauche du Rhin, comme prince de la maison d'Autriche, et si, comme chef de l'empire, il reconnaît les limites de la république au Rhin; s'il cède à la république cispadane le duché de Modène et Carrare; s'il nous donne Mayence, dans l'état où elle se trouve, en échange contre Mantoue, je crois que nous aurons fait une paix beaucoup plus avantageuse que ne le portent les instructions du général Clarke. Nous restituerons, il est vrai, toute la Lombardie et tous les pays que nous occupons dans ce moment-ci; mais n'aurons-nous pas tiré de nos succès tout le parti possible, lorsque nous aurons le Rhin pour limite, et que nous aurons institué dans le coeur de l'Italie une république de deux millions d'habitans, qui, par Carrare, se trouvera près de nous, nous donnera le commerce du Pô, de l'Adriatique, et s'agrandira à mesure que le pape se détruira.

Je viens d'expédier un courrier au général Clarke pour que, de Turin, il se rende en toute diligence ici: il est porteur de vos instructions, et a des pleins pouvoirs pour finir cette négociation; j'espère qu'il arrivera à temps, pour ne pas faire perdre le moment, qui est tout dans les négociations de cette nature.

Si, contre mon attente, la négociation ne réussissait pas, je me trouverais embarrassé sur le parti que j'aurais à prendre; je chercherais néanmoins à attirer l'ennemi dans une affaire, à le battre, à obliger l'empereur à abandonner Vienne: après quoi je serais obligé de rentrer en Italie, si les armées du Rhin restaient dans l'inaction où elles se trouvent encore.

J'espère, quelque parti que je me trouve obligé de prendre, mériter votre approbation. Je me suis trouvé, depuis le commencement de la campagne, passer, à chaque pas, dans une position neuve, et j'ai toujours eu le bonheur de voir la conduite que j'ai tenue répondre à vos intentions.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Indenburg, le 20 germinal an 5 (9 avril 1797).

Au général Kilmaine.

Dès l'instant que votre aide-de-camp est arrivé, j'ai pris en grande considération la dépêche dont il était porteur. Je vous envoie:

1'o. Une lettre au doge de Venise, et une à Lallemant, qu'il doit présenter en forme de note. Vous verrez, par ces deux lettres, que Junot porte à Venise et dont il doit avoir réponse sous vingt-quatre heures, quel est le remède qu'il faut porter à tout ce tripotage.

Si Junot reçoit une réponse satisfaisante, il vous en préviendra à son départ de Venise; s'il ne reçoit pas de réponse satisfaisante, il se rendra près de vous à Mantoue.

La division du général Victor doit être arrivée a Padoue: vous ferez sur-le-champ désarmer la division de Padoue, prendre les officiers et le gouverneur, que vous enverrez prisonniers à Milan; vous en ferez autant à Treviso, Bassano et Verone, et si le sénat avait remis garnison à Brescia et à Bergame, vous en feriez autant. Vous ferez imprimer et répandre la proclamation que je vous envoie, et vous en feriez d'autres, conformes aux circonstances. Vous ferez marcher la colonne mobile, que vous avez réunie avec votre prudence ordinaire, à Crema, pour punir les montagnards qui ont assassiné nos gens et pour les désarmer.

Pour faire la guerre aux différentes vallées, il faut dissoudre le rassemblement en menaçant leurs villages, et tomber inopinément sur un village où ils ne sont pas en force et le brûler.

À Bergame, à Brescia, à Verone, à Padoue, à Treviso, à Bassano, vous organiserez une municipalité choisie parmi les principaux citoyens, avec une garde qu'ils seront autorisés à se composer parmi les meilleurs patriotes, pour leur police: après quoi, vous me renverrez le plus tôt possible la division du général Victor. Je crois qu'il est essentiel que vous veilliez à ce que votre communication du Frioul ne soit pas interrompue.

Je vous envoie des ordres de l'état-major qui vous donnent le commandement de tout le Mantouan, de la division Victor et de tous les états vénitiens.

J'imagine que vous avez une carte du Frioul.

Vous aurez soin de faire arrêter tous les nobles vénitiens et tous les hommes les plus attachés au sénat, pour que leur tête réponde de ce qui sera fait à Venise aux personnes qui nous étaient attachées et qu'on a arrêtées.

Vous aurez bien soin de ne vous laisser arrêter par aucune espèce de considération. Si dans vingt-quatre heures la réponse n'est pas faite, que tout se mette en marche à la fois, et que sous vingt-quatre heures il n'existe pas un soldat vénitien sur le continent. Vous préviendrez sur-le-champ le commandant d'Ancône et celui de Trieste de faire courir nos corsaires sur les bannières vénitiennes.

Vous sentez combien il serait dangereux de laisser aux troupes vénitiennes le temps de se réunir. Quant aux soldats vénitiens que vous ferez prisonniers, vous les ferez escorter par les soldats lombards, et vous les enverrez à Bologne et à Milan pour être gardés par les gardes nationales de ces deux villes. Ayez soin de vous emparer de la cavalerie vénitienne pour monter vos dépôts.

Tout va ici fort bien, et si l'affaire de Venise est bien menée, comme tout ce que vous faites, ces gaillards-là se repentiront, mais trop tard, de leur perfidie. Le gouvernement de Venise, concentré dans sa petite île, ne serait pas, comme vous pensez bien, de longue durée.

Je pense donc qu'il faut que vous partiez sur-le-champ pour Mantoue, et même pour Porto-Legnago et Peschiera. Entrer dans toutes les places, désarmer toutes leurs garnisons, faire prisonniers tous les nobles de terre-ferme: cela ne doit être qu'une seule opération et qui, au plus tard, doit être faite vingt-quatre heures après que Junot sera parti de Venise.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Indenburg, le 20 germinal au 5 (9 avril 1797).

Au peuple de la terre-ferme de la république de Venise.

Le sénat de Venise a, depuis le commencement de cette guerre, concentré toutes ses sollicitudes dans les lagunes; indifférent aux maux de la terre-ferme, il l'a livrée aux armées ennemies qui guerroyaient dans vos contrées. Le gouvernement du sénat de Venise n'offre protection ni pour vos personnes ni pour vos propriétés; il vient, par suite de ce système qui le rend indifférent à votre sort, de s'attirer l'indignation de la république française.

Je sais que, n'ayant aucune part à son gouvernement, je dois vous distinguer dans les différens châtimens que je dois infliger aux coupables. L'armée française protégera votre religion, vos personnes et vos propriétés; vous avez été vexés par ce petit nombre d'hommes qui se sont, depuis les temps de barbarie, emparés du gouvernement. Si le sénat de Venise a sur vous le droit de conquête, je vous en affranchirai; s'il a sur vous le droit d'usurpation, je vous restituerai vos droits. Quant aux insensés qui, conseillés par des hommes perfides, voudraient prendre part, et attirer sur leurs villes les maux de la guerre, je les plaindrai, et les punirai de manière a servir d'exemple aux autres, et à les faire repentir de leur folie.

BONAPARTE.

Au quartier général à Indenburg, le 20 germinal an 5 (9 avril 1797).

Au sérénissime Doge de la république de Venise.

Toute la terre ferme de la sérénissime république de Venise est en armes. De tous les côtés, le cri de ralliement des paysans que vous avez armés est: Mort aux Français! Plusieurs centaines de soldats de l'armée d'Italie en ont déjà été les victimes. Vous désavouez vainement des rassemblemens que vous avez organisés: croiriez-vous que dans un moment où je suis au coeur de l'Allemagne, je sois impuissant pour faire respecter le premier peuple de l'univers? Croyez-vous que les légions d'Italie souffriront le massacre que vous excitez? Le sang de mes frères d'armes sera vengé, et il n'est aucun des bataillons français qui, chargé d'un si noble ministère, ne sente redoubler son courage et tripler ses moyens. Le sénat de Venise a répondu par la perfidie la plus noire aux procédés généreux que nous avons toujours eus avec lui. Je vous envoie mon premier aide-de-camp, pour être porteur de la présente lettre. La guerre ou la paix. Si vous ne prenez pas sur-le-champ les moyens de dissiper les rassemblemens; si vous ne faites pas arrêter et livrer en mes mains les auteurs des assassinats qui viennent de se commettre, la guerre est déclarée. Le Turc n'est pas sur vos frontières, aucun ennemi ne vous menace; vous avez fait à dessein naître des prétextes, pour avoir l'air de justifier un rassemblement dirigé contre l'armée: il sera dissous dans vingt-quatre heures. Nous ne sommes plus au temps de Charles VIII. Si, contre le voeu bien manifesté du gouvernement français, vous me réduisez au parti de faire la guerre, ne pensez pas cependant, qu'à l'exemple des soldats que vous avez armés, les soldats français ravagent les campagnes du peuple innocent et infortuné de la terre-ferme; je le protégerai, et il bénira un jour jusqu'aux crimes qui auront obligé l'armée française à le soustraire à votre gouvernement tyrannique.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Indenburg, le 20 germinal an 5 (9 avril 1797).

Au citoyen Lallemant, ministre de la république française à Venise.

Enfin, nous n'en pouvons plus douter, citoyen ministre, le but de l'armement des Vénitiens est de couper les derrières de l'armée française. Certes, il m'était difficile de concevoir comment Bergame, qui, de toutes les villes de l'état de Venise, est celle qui était le plus aveuglément dévouée au sénat, ait été la première à s'ameuter contre lui; il est encore plus difficile de concevoir comment, pour apaiser cette légère émeute, on a besoin de vingt-cinq mille hommes, et pourquoi M. Pesaro, lors de notre conférence à Goritzia, a refusé l'offre que je lui faisais de la médiation de la république pour faire rentrer ces places dans l'ordre.

Tous les procès-verbaux qui ont été faits par les différens provéditeurs de Brescia, de Bergame et de Crema, où ils attribuent l'insurrection de ces pays aux Français, sont une série d'impostures dont le but serait inexplicable, si ce n'était de justifier aux yeux de l'Europe la perfidie du sénat de Venise.

On a habilement profité du temps où l'on pensait que j'étais embarrassé dans les gorges de la Carinthie, ayant en tête l'armée du prince Charles, pour faire cette perfidie sans exemple, si l'histoire ne nous avait transmis celle contre Charles VIII et les Vêpres siciliennes. On a été plus habile que Rome, en saisissant un moment où l'armée était plus occupée; mais sera-t-on plus heureux? Le génie de la république française, qui a lutté contre l'Europe entière, serait-il venu échouer dans les lagunes de Venise?

1°. Un vaisseau de guerre vénitien a attaqué et maltraité la frégate la Brune, en prenant sous sa protection un convoi autrichien.

2°. La maison du consul de Zante a été brûlée; le gouvernement a vu avec plaisir insulter l'agent de la république française.

3°. Dix mille paysans armés et soudoyés par le sénat ont assassiné plus de cinquante Français sur la route de Milan à Bergame.

4°. La ville de Verone, celles de Venise et de Padoue sont pleines de troupes; on s'arme de tous côtés, contre ce que m'avait promis M. Pesaro, sage grand de la république de Venise.

5°. Tout homme qui a prêté assistance à la France est arrêté et emprisonné. Les agens de l'empereur sont fêtés et sont à la tête des assassinats.

6°. Le cri de ralliement de tous côtés est: mort aux Français; de tous côtés, les prédicateurs, qui ne prêchent que ce que le sénat veut, font retentir des cris de fureur contre la république française.

7°. Nous sommes donc dans le fait en état de guerre avec la république de Venise, qui le sait si bien, qu'elle n'a trouvé d'autre moyen pour masquer son mouvement, que de désavouer en apparence des paysans qu'elle arme et solde réellement.

En conséquence, vous demanderez au sénat de Venise:

1°. Une explication catégorique, sous douze heures; savoir, si nous sommes en paix ou en guerre; et dans le dernier cas, vous quitterez sur-le-champ Venise; dans le second, vous exigerez:

1°. Que tous les hommes arrêtés pour opinions, et qui ne sont nullement coupables que d'avoir montré de l'attachement pour la France, soient sur-le-champ mis en liberté;

2°. Que toutes les troupes, hormis les garnisons ordinaires qui existaient il y a cinq mois dans les places de la terre-ferme, évacuent la terre-ferme;

3°. Que tous les paysans soient désarmés comme ils l'étaient il y a un mois.

4°. Que le sénat prenne des mesures pour maintenir la tranquillité dans la terre-ferme, et ne pas concentrer toute sa sollicitude dans les lagunes;

5°. Quant aux troubles de Bergame et de Brescia, j'offre, comme je l'ai déjà fait à M. Pesaro, la médiation de la république française, pour tout faire rentrer dans l'état habituel;

6°. Que les auteurs de l'incendie de la maison du consul de Zante soient punis, et sa maison rétablie aux frais de la république;

7°. Que le capitaine de vaisseau qui a tiré sur la frégate la Brune soit puni, et que la valeur du convoi que, contre la neutralité, il a protégé, soit remboursée.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Indenburg, le 20 germinal an 5 (9 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Mon courrier partait lorsqu'un aide-de-camp du général Kilmaine m'apporte la nouvelle de l'insurrection presque générale des paysans vénitiens contre nous.

J'ai sur-le-champ expédié mon aide-de-camp Junot, avec ordre de porter lui-même: 1°. au doge de Venise une lettre dont je vous envoie la copie;

2°. Au citoyen Lallemant, notre ministre à Venise, deux lettres dont je vous envoie également les copies.

3°. Au général Kilmaine un ordre dont je vous envoie aussi copie.

Enfin, j'ai donné à ce général le commandement de tous les états vénitiens et d'une partie de la division du général Victor, qui était de retour de Rome.

Quand vous lirez cette lettre, nous serons maîtres de tous les états de terre-ferme, ou bien tout sera rentré dans l'ordre, et vos instructions exécutées. Si je n'avais pas pris une mesure aussi prompte, et que j'eusse donné à tout cela le temps de se consolider, cela aurait pu être de la plus grande conséquence.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Léoben, le 27 germinal an 5 (16 avril 1797).

Au directoire exécutif.

En conséquence de la suspension d'armes que je vous ai envoyée par mon dernier courrier, la division du général Serrurier a occupé Gratz, ville contenant quarante mille habitans, et estimée une des plus considérables de l'état de l'empereur.

Les généraux Joubert, Delmas et Baraguay d'Hilliers ont eu, à Balzano et à Milback, différens combats, desquels ils sont toujours sortis vainqueurs. Ils sont parvenus à traverser le Tyrol, à faire, dans les différens combats, huit mille prisonniers, et à se joindre avec la grande armée par la vallée de la Drave. Par ce moyen, toute l'armée est réunie. Notre ligne s'étend depuis la vallée de la Drave, du côté de Spital à Rotenmann, le long de la Muhr, Brutz, Gratz, et jusqu'auprès de Fiume.

Je vous envoie une note des officiers qui se sont particulièrement distingués dans les affaires du Tyrol, et auxquels j'ai accordé de l'avancement.

Vous trouverez aussi l'organisation que j'ai donnée à la Styrie et à la Carniole.

Vous trouverez également une proclamation du général Bernadotte, ainsi qu'un mandement de l'évêque de Liebach.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Léoben le 27 germinal an 5 (16 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Je vous envoie, par l'adjudant-général Leclerc, des dépêches très-intéressantes sur la situation de l'armée et sur les négociations entamées; il vous donnera de vive voix tous les détails que je pourrais avoir oubliés. En traversant l'Allemagne, il sera à même de voir les différens mouvemens des troupes ennemies, et d'en instruire les généraux Hoche et Moreau, à son arrivée sur le Rhin. Je vous prie de me le renvoyer de suite. Tous les officiers que j'envoie à Paris y restent trop long-temps: ils dépensent leur argent et se perdent dans les plaisirs.

Je vous envoie, par un capitaine de hussards, qui a quatre-vingts ans de service, plusieurs drapeaux pris sur l'ennemi.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Léoben, le 27 germinal an 5 (16 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Le général Meerveldt est venu me trouver à Léoben, le 24, à neuf heures du matin: après avoir pris connaissance de son plein pouvoir pour traiter de la paix, nous sommes convenus d'une prolongation de suspension d'armes jusqu'au 20 avril soir (8 floréal prochain). Ces pleins pouvoirs étaient pour lui et pour M. le marquis de Gallo, ministre de Naples à Vienne; j'ai refusé d'abord de l'admettre comme plénipotentiaire de l'empereur, étant, à mes yeux, revêtu de la qualité d'ambassadeur d'une puissance amie, qui se trouve incompatible avec l'autre. M. Gallo est arrivé lui-même le 25. Je n'ai pas cru devoir insister dans cette opposition, parce que cela aurait apporté beaucoup de lenteurs, et parce qu'il paraît revêtu d'une grande confiance de l'empereur; enfin, parce que les Autrichiens et les Hongrois sont très-irrités de voir les étrangers jouer le principal rôle dans une affaire aussi importante, et que, si nous rompons, ce sera un moyen très-considérable d'exciter le mécontentement contre le gouvernement de Vienne. La première opération dont il a été question, a été une promesse réciproque de ne rien divulguer de ce qui serait dit: on l'avait rédigée, mais ces messieurs tiennent beaucoup à l'étiquette, ils voulaient toujours mettre l'empereur avant la république, et j'ai refusé net.

Nous sommes à l'article de la reconnaissance. Je leur ai dit que la république française ne voulait point être reconnue; elle est en Europe ce qu'est le soleil sur l'horizon: tant pis pour qui ne veut pas la voir et ne veut pas en profiter.

Ils m'ont dit que, quand même les négociations se rompraient, l'empereur, dès aujourd'hui, reconnaissait la république française, à condition que celle-ci conserverait avec S.M. l'empereur la même étiquette que ci-devant le roi de France. Je leur ai répondu que, comme nous étions fort indifférens sur tout ce qui est étiquette, nous ne serions pas éloignés d'adopter cet article. Nous avons, après cela, beaucoup parlé dans tous les sens et de toutes les manières.

Le 26, M. Gallo est venu chez moi à huit heures du matin; il m'a dit qu'il désirait neutraliser un endroit où nous pussions continuer nos conférences en règle. On a choisi un jardin, au milieu duquel est un pavillon; nous l'avons déclaré neutre, farce à laquelle j'ai bien voulu me prêter pour ménager la puérile vanité de ces gens-ci. Ce prétendu point neutre est environné de tous côtés par l'armée française; et au milieu des bivouacs de nos divisions: cela eût été fort juste et fort bon s'il se fût trouvé au milieu des deux armées. Arrivés dans la campagne neutre, l'on a entamé les négociations. Voici ce qui en est résulté:

1°. La cession de la Belgique, et la reconnaissance des limites de la république française conformément au décret de la convention; mais ils demandent des compensations qu'ils veulent nécessairement en Italie.

2°. Ils demandent la restitution du Milanez; de sorte qu'ils auraient voulu, en conséquence de ce premier article, le Milanez et une portion quelconque des états de Venise ou des légations: si j'eusse voulu consentir à cette proposition, ils avaient le pouvoir de signer sur-le-champ. Cet arrangement ne m'a pas paru possible.

S.M. l'empereur a déclaré ne vouloir aucune compensation en Allemagne. Je leur ai offert, pour le premier article, la restitution du Milanez et de la Lombardie, ils n'ont pas voulu: de sorte que nous avons fini par trois projets qu'ils ont expédiés, par un courrier extraordinaire, à Vienne, et dont ils auront la réponse dans deux ou trois jours.

PREMIER PROJET.

Art 1er. La cession de la Belgique, les limites constitutionnelles de la France.

2. À la paix avec l'empire, l'on fixera tout ce qui est relatif an pays qu'occupe la France jusqu'au Rhin.

3. Les deux puissances s'arrangeront ensemble pour donner à l'empereur tous les pays du territoire vénitien, compris entre le Mincio, le Pô et les états d'Autriche.

4. On donnera au duc de Modène les pays de Brescia compris entre l'Oglio et le Mincio.

5. Le Bergamasque et tous les pays des états de Venise compris entre l'Oglio et le Milanez, ainsi que le Milanez, formeraient une république; Modène, Bologne, Ferrare, la Romagne formeraient une république.

6. La ville de Venise continuerait à rester indépendante, ainsi que l'Archipel.

DEUXIÈME PROJET.

Les articles 1 et 2 sont les mêmes que les précédens.

3. L'évacuation du Milanez et de la Lombardie.

TROISIÈME PROJET.

Les deux premiers articles comme dans les précédens.

3. La renonciation par S. M. l'empereur de tous ses droits an Milanez et à la Lombardie.

4. La France s'engagerait à donner à S. M. l'empereur des compensations proportionnées au Milanez et au duché de Modène, qui seront l'objet d'une négociation, et dont il devrait être en possession au plus tard dans trois mois.

Si l'un de ces trois projets est accepté à Vienne, les préliminaires de la paix se trouveraient signés le 20 avril (8 floréal), sans quoi, vu que les armées du Rhin n'ont fait encore aucun mouvement, je leur proposerais un armistice pur et simple pour les trois armées, et pour trois mois, pendant lesquels on ouvrira des négociations de paix. Pendant ce temps, on fortifierait Clagenfurth et Gratz, on ferait venir toutes les munitions de guerre de ce côté-ci, l'armée s'organiserait parfaitement, et vous auriez le temps d'y faire passer quarante mille hommes de l'armée du Rhin: moyennant quoi vous auriez une armée extrêmement considérable, dont la seule vue obligerait l'empereur à faire de plus grands sacrifices.

Si rien de tout cela n'est accepté, nous nous battrons, et si l'armée de Sambre-et-Meuse s'est mise en marche le 20, elle pourrait, dans les premiers jours du mois prochain, avoir frappé de grands coups et se trouver sur la Reidnitz. Les meilleurs généraux et les meilleures troupes sont devant moi. Quand on a bonne volonté d'entrer en campagne, il n'y a rien qui arrête, et jamais, depuis que l'histoire nous retraça des opérations militaires, une rivière n'a pu être un obstacle réel. Si Moreau veut passer le Rhin, il le passera; et s'il l'avait déjà passé, nous serions dans un état à pouvoir dicter les conditions de la paix d'une manière impérieuse et sans courir aucune chance; mais qui craint de perdre sa gloire est sûr de la perdre. J'ai passé les Alpes juliennes et les Alpes nordiques sur trois pieds de glace; j'ai fait passer mon artillerie par des chemins où jamais chariots n'avaient passé, et tout le monde croyait la chose impossible. Si je n'eusse vu que la tranquillité de l'armée et mon intérêt particulier, je me serais arrêté au-delà de l'Isonzo. Je me suis précipité dans l'Allemagne pour dégager les armées du Rhin et empêcher l'ennemi d'y prendre l'offensive. Je suis aux portes de Vienne, et cette cour insolente et orgueilleuse a ses plénipotentiaires à mon quartier-général. Il faut que les armées du Rhin n'aient point de sang dans les veines: si elles me laissent seul, alors je m'en retournerai en Italie. L'Europe entière jugera la différence de conduite des deux armées: elles auront ensuite sur le corps toutes les forces de l'empereur, elles en seront accablées, et ce sera leur faute.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Léoben, le 30 germinal an 5 (19 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Je vous ai envoyé, par l'adjudant-général Leclerc, plusieurs projets d'arrangement qui avaient été envoyés à Vienne, et sur lesquels les plénipotentiaires attendaient des instructions. M. de Vincent, aide-de-camp de S. M. l'empereur, est arrivé sur ces entrefaites, les plénipotentiaires sont revenus chez moi pour reprendre le cours de la négociation; après deux jours, nous sommes convenus et nous avons signé les préliminaires de la paix, dont je vous envoie les articles.

Tout ce qui a été déclaré département par la loi de la convention restera à la république.

La république lombarde se trouve non-seulement confirmée, mais encore accrue de tout le Bergamasque et de tout le Crémasque, qui lui sont déjà réunis dans ce moment par l'insurrection de ces deux pays. La partie du Mantouan qui est sur la rive droite de l'Oglio et du Pô s'y trouve également incorporée; le duché de Modène et de Reggio, qui, par la principauté de Massa et de Carrara, touche à la Méditerranée, et par la partie du Mantouan touche au Pô et au Milanez, s'y trouve également compris. Nous aurons donc dans le coeur de l'Italie une république avec laquelle nous communiquerons par les états de Gênes et par la mer; ce qui nous donnera, dans toutes les guerres futures en Italie, une correspondance assurée. Le roi de Sardaigne se trouve désormais être entièrement à notre disposition.

La place de Pizzighitone, qui est aujourd'hui véritablement plus forte que Mantoue; la place de Bergame et celle de Crema, que l'on rétablira, garantiront la nouvelle république contre les incursions de l'empereur, et nous donneront toujours le temps d'y arriver. Du côté de Modène, il y a également plusieurs positions faciles à fortifier, et pour lesquelles on emploiera une partie de l'immense artillerie que nous avons dans ce moment en Italie. Quant à la renonciation de nos droits sur les provinces de Bologne, Ferrare et sur la Romagne, en échange des états de Venise, elles restent toujours en notre pouvoir. Lorsque l'empereur et nous, de concert, nous aurons réussi à faire consentir le sénat à cet échange, il est évident que la république de Venise se trouvera influencée par la république lombarde et à notre disposition. Si cet échange ne s'effectue pas, et que l'empereur entre en possession d'une partie des états de Venise sans que le sénat veuille reprendre une compensation qui est inconvenante et insuffisante, les trois légations restent toujours en notre pouvoir, et nous réunirons Bologne et Ferrare à la république lombarde. Le gouvernement de Venise est le plus absurde et le plus tyrannique des gouvernemens; il est d'ailleurs hors de doute qu'il voulait profiter du moment où nous étions dans le coeur de l'Allemagne pour nous assassiner. Notre république n'a pas d'ennemi plus acharné; Son influence se trouve considérablement diminuée, et cela est tout à notre avantage: cela d'ailleurs lie l'empereur et la France et obligera ce prince, pendant les premiers temps de notre paix, à faire tout ce qui pourra nous être agréable. Cet intérêt commun que nous avons avec l'empereur nous remet la balance dans la main; nous nous trouvons par là placés entre la Prusse et la maison d'Autriche, ayant des intérêts majeurs à arranger avec l'une et l'autre. D'ailleurs, nous ne devons pas nous dissimuler que, quoique notre position militaire soit brillante, nous n'avons point dicté les conditions. La cour avait évacué Vienne; le prince Charles et son armée se repliaient sur celle du Rhin; le peuple de la Hongrie et de toutes les parties des états héréditaires se levait en masse, et même, dans ce moment-ci, leur tête est déjà sur nos flancs. Le Rhin n'était pas passé, l'empereur n'attendait que ce moment pour quitter Vienne et se porter à la tête de son armée. S'ils eussent fait la bêtise de m'attendre, je les aurais battus; mais ils se seraient toujours repliés devant nous, se seraient réunis à une partie de leurs forces du Rhin et m'auraient accablé. Alors la retraite devenait difficile, et la perte de l'armée d'Italie pouvait entraîner celle de la république; aussi étais-je bien résolu à essayer de lever une contribution dans les faubourgs de Vienne et à ne plus faire un pas. Je me trouve ne pas avoir quatre mille hommes de cavalerie, et, au lieu de quarante mille hommes que je vous avais demandés, il n'en est pas arrivé vingt mille.

Si je me fusse, au commencement de la campagne, obstiné à aller à Turin, je n'aurais jamais passé le Pô; si je m'étais obstiné à aller à Rome, j'aurais perdu Milan; si je m'étais obstiné à aller à Vienne, peut-être aurais je perdu la république. Le vrai plan de campagne pour détruire l'empereur était celui que j'ai fait, mais avec six mille hommes de cavalerie et vingt mille hommes de plus d'infanterie; ou bien si, avec les forces que j'avais, on eût passé le Rhin dans le temps que je passais le Tagliamento, comme je l'avais pensé, puisque deux courriers de suite m'ont ordonné d'ouvrir la campagne. Dès l'instant que j'ai prévu que les négociations s'ouvraient sérieusement, j'ai expédié un courrier au général Clarke qui, chargé plus spécialement de vos instructions dans un objet aussi essentiel, s'en serait mieux acquitté que moi; mais lorsque, après dix jours, j'ai vu qu'il n'était pas arrivé, et que le moment commençait à presser, j'ai dû laisser tout scrupule et j'ai signé. Vous m'avez donné plein pouvoir sur toutes les opérations diplomatiques; et, dans la position des choses, les préliminaires de la paix même avec l'empereur, sont devenus une opération militaire. Cela sera un monument de la gloire de la république française, et un présage infaillible, qu'elle peut, en deux campagnes, soumettre le continent de l'Europe, si elle organise ses armées avec force, et surtout l'arme de la cavalerie.

Je n'ai pas, en Allemagne, levé une seule contribution; il n'y a pas eu une seule plainte contre nous. J'agirai de même en évacuant, et, sans être prophète, je sens que le temps viendra où nous tirerons parti de cette sage conduite; elle germera dans toute la Hongrie, et sera plus fatale au trône de Vienne que les victoires qui ont illustré la guerre de la liberté.

D'ici à trois jours, je vous enverrai la ratification de l'empereur; je placerai alors mon armée dans tout le pays vénitien, où je la nourrirai et entretiendrai jusqu'à ce que vous m'ayez fait passer vos ordres. Quant à moi, je vous demande du repos. J'ai justifié la confiance dont vous m'avez investi; je ne me suis jamais considéré pour rien dans toutes mes opérations, et je me suis lancé aujourd'hui sur Vienne, ayant acquis plus de gloire qu'il n'en faut pour être heureux, et ayant derrière moi les superbes plaines de l'Italie, comme j'avais fait au commencement de la campagne dernière, en cherchant du pain pour l'armée que la république ne pouvait plus nourrir.

La calomnie s'efforcera en vain de me prêter des intentions perfides: ma carrière civile sera comme ma carrière militaire, une et simple. Cependant vous devez sentir que je dois sortir de l'Italie, et je vous demande avec instance de renvoyer, avec la ratification des préliminaires de paix, des ordres sur la première direction à donner aux affaires d'Italie, et un congé pour me rendre en France.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Trieste, le 11 floréal an 5 (30 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Je suis parti, il y a deux jours, de Gratz, après avoir conféré avec M. de Gallo, qui, étant de retour de Vienne, m'a montré les préliminaires de paix que nous avons faits, ratifiés par l'empereur dans la forme ordinaire.

Il m'a dit: 1°. que l'empereur éloignerait les émigrés et le corps de Condé, qui ne seraient plus à sa solde.

2°. Que l'empereur désirait traiter sa paix particulière, le plus tôt possible, et en Italie. Nous avons choisi Brescia pour le lieu des conférences.

3°. Que la paix de l'empire pouvait se traiter à Constance ou dans quelque autre ville de ce genre.

4°. Qu'à la seule paix de l'empire on appellerait les alliés, qui ne seront point appelés à la paix particulière.

5°. Que l'empereur avait déjà donné des pouvoirs pour traiter de la paix définitive, et M. Gallo m'a sur ce interpellé pour savoir si le général Clarke avait des pouvoirs. J'ai dit qu'il fallait, avant tout, attendre vos ordres.

6°. Enfin que la cour de Vienne est de bonne foi et désire serrer de toutes les manières son système politique avec celui de la France, et que le directoire exécutif trouverait avec l'empereur un cabinet de bonne foi et qui marche droit. Le ministre d'Angleterre à Vienne s'est fortement fâché avec M. Thugut, il paraît que les Anglais le prennent fort haut, et taxent l'empereur de mauvaise foi.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Palma-Nova, le 11 floréal an 5 (30 avril 1797).

Au citoyen Lallemant, ministre de la république française à Venise.

Le sang français a coulé dans Venise, et vous y êtes encore! attendez-vous donc qu'on vous en chasse? Les Français ne peuvent plus se promener dans les rues, ils sont accablés d'injures et de mauvais traitemens; et vous restez simple spectateur! Depuis que l'armée est en Allemagne, on a, en terre-ferme, assassiné plus de quatre cents Français; on a assiégé la forteresse de Verone, qui n'a été dégagée qu'après un combat sanglant, et, malgré tout cela, vous restez à Venise! Quant à moi, j'ai refusé d'entendre les députés du sénat, parce qu'ils sont tout dégoûtans du sang de Laugier, et je ne les verrai jamais qu'au préalable ils n'aient fait arrêter l'amiral et les inquisiteurs qui ont ordonné ce massacre, et ne les aient remis entre mes mains. Je sais bien qu'ils chercheront à faire tomber la vengeance de la république sur quelques misérables exécuteurs de leurs atrocités; mais nous ne prendrons pas le change.

Faites une note concise et digne de la grandeur de la nation que vous représentez, et des outrages qu'elle a reçus: après quoi, partez de Venise, et venez me joindre à Mantoue.

Ils n'ont rien exécuté de ce que je leur ai demandé: ce sont tous les prisonniers qu'ils ont faits depuis que l'armée française est en Italie, qu'ils devaient relâcher, et non pas un seulement, ainsi qu'ils l'ont fait.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Palma-Nova, le 11 floréal an 5 (30 avril 1797).

À messieurs les envoyés du sénat de Venise.

Je n'ai lu qu'avec indignation, messieurs, la lettre que vous m'avez écrite relativement à l'assassinat de Laugier. Vous avez aggravé l'atrocité de cet événement sans exemple dans les annales des nations modernes, par le tissu de mensonges que votre gouvernement a fabriqués pour chercher à se justifier.

Je ne puis point, messieurs, vous recevoir. Vous et votre sénat êtes dégoûtans du sang français. Lorsque vous aurez fait remettre entre mes mains l'amiral qui a donné l'ordre de faire feu, le commandant de la tour, et les inquisiteurs qui dirigent la police de Venise, j'écouterai vos justifications. Vous voudrez bien évacuer dans le plus court délai le continent de l'Italie.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Trieste, 11 floréal an 5 (30 avril 1797).

Au directoire exécutif.

Les Vénitiens se conduisent tous les jours de plus mal en plus mal; la guerre est ici déclarée de fait: le massacre qu'ils viennent de faire du citoyen Laugier, commandant l'aviso le Libérateur de l'Italie, est la chose la plus atroce du siècle.

Le citoyen Laugier sortait de Trieste; il fut rencontré par la flottille de l'empereur, composée de huit à dix chaloupes canonnières: il se battit une partie de la journée avec elles, après quoi il chercha à se réfugier sous le canon de Venise; il y fut reçu par la mitraille du fort. Il ordonna à son équipage de se mettre à fond de cale, et lui, avec sa troupe, demanda pourquoi on le traitait en ennemi; mais au même instant il reçoit une balle qui le jette sur le tillac, roide mort. Un matelot qui se sauvait à la nage fut poursuivi par les Esclavons, et tué à coups de rames. Cet événement n'est qu'un échantillon de tout ce qui se passe tous les jours dans la terre-ferme. Lorsque vous lirez cette lettre, la terre-ferme sera à nous, et j'y ferai des exemples dont on se souviendra. Quant à Venise, j'ai ordonné que tous les bâtimens de Venise qui se trouvent à Trieste et à Ancône soient sur-le-champ séquestrés: il y en a ici plusieurs frétés, pour l'Amérique, qu'on évalue fort haut, indépendamment d'une cinquantaine d'ordinaires. Je ne crois pas que Lallemant trouve de sa dignité de rester à Venise, tout comme M. Quirini a Paris.

Si le sang français doit être respecté en Europe; si vous voulez qu'on ne s'en joue pas, il faut que l'exemple sur Venise soit terrible; il nous faut du sang; il faut que le noble amiral vénitien qui a présidé à cet assassinat soit publiquement justicié.

M. Quirini cherchera à intriguer à Paris; mais les faits et la trahison infâme des Vénitiens, qui voulaient assassiner les derrières de l'armée pendant que nous étions en Allemagne, sont trop notoires.

Je compte qu'ils ont en ce moment-ci assassiné plus de quatre cents de nos soldats; et cependant il n'y a jamais eu en terre-ferme plus de troupes vénitiennes, et cependant ils l'ont inondée de leurs Esclavons. Ils ont essayé de s'emparer de la citadelle de Verone, qui encore dans ce moment-ci se canonne avec la ville.

Le sénat m'a envoyé à Gratz une députation, je l'ai traitée comme elle le méritait. Ils m'ont demandé ce que je voulais, je leur ai dit de mettre en liberté tous ceux qu'ils avaient arrêtés: ce sont les plus riches de la terre-ferme, qu'ils suspectent être nos amis, parce qu'ils nous ont bien accueillis; de désarmer tous les paysans, de congédier une partie de leurs Esclavons, puisqu'un armement extraordinaire est inutile; de chasser le ministre de l'Angleterre, qui a fomenté tous les troubles, et qui est le premier à se promener, le lion de Saint-Marc sur sa gondole, et la cocarde vénitienne qu'il porte depuis qu'ils nous assassinent; de remettre dans nos mains la succession de Thiéry, qui est évaluée à vingt millions; de nous remettre toutes les marchandises appartenant aux Anglais: leur port en est plein; de faire arrêter ceux qui ont assassiné les Français ou du moins les plus marquans des nobles vénitiens.

Tout à l'heure je pars pour Palma-Nova, de là pour Trévise, et de là pour Padoue. J'aurai tous les renseignemens de tout ce qui a été commis pendant que nous étions en Allemagne; je recevrai également les rapports de Lallemant sur l'assassinat de Laugier.

Je prendrai des mesures générales pour toute la terre-ferme, et je ferai punir d'une manière si éclatante, qu'on s'en souviendra une autre fois.

BONAPARTE.

Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V)

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