Читать книгу Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V) - Napoleon Bonaparte - Страница 52

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Au quartier-général à Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Le général en chef Bonaparte au directoire exécutif.

J'apprends à l'instant, citoyens directeurs, que la garnison de Mantoue a fait une sortie; elle est rentrée plus vite qu'elle n'était sortie, en laissant une cinquantaine de morts.

Je ferai ce soir une dernière reconnaissance pour fixer les dernières opérations du siège; dans quatre ou cinq jours, la tranchée sera ouverte.

Les divisions de l'armée qui sont sur les montagnes du Tyrol se portent parfaitement bien. La division du général Serrurier, qui assiège Mantoue, et qui est forte de sept mille hommes, commence à avoir cinquante malades tous les jours. Il m'est impossible de tenir moins de monde autour de Mantoue, où il y a au moins huit ou dix mille hommes de garnison. Il y a un mois que je tiens cette place bloquée de cette manière. L'ennemi, instruit probablement de la faiblesse des assiégeans, a voulu souvent faire des sorties, et a été toujours battu.

Mais actuellement je suis obligé de renforcer cette division, puisque l'ouverture de la tranchée va commencer. J'espère que nous aurons bientôt la ville, sans quoi nous aurions bien des malades.

Wurmser commence à faire des mouvemens pour chercher à débloquer Mantoue. J'attends avec quelque impatience les dix bataillons de l'armée de l'Océan, que vous m'avez annoncés depuis long-temps, et dont je n'ai pas encore eu de nouvelles.

Je ne m'occuperai des demandes à faire à Venise que lorsque l'affaire de Gênes sera finie, Mantoue pris, et les affaires qui vont s'entamer terminées.

On porte les renforts arrivés à l'ennemi à trente-un mille hommes, dont dix mille Tyroliens; dix-huit mille, reste de l'armée de Beaulieu; huit mille, garnison de Mantoue: en tout, soixante-sept mille hommes.

Voici la force de notre armée: Division de Masséna, treize mille hommes; de Sauret, huit mille; d'Augereau, huit mille; Serrurier, sept mille; Despinois, cinq mille; cavalerie, trois mille: en tout, quarante mille hommes.

Vous voyez la grande supériorité qu'a sur nous l'ennemi.

Dans les quarante mille hommes dont il est question, les garnisons de Livourne, de Milan, de Pavie, de Tortone, etc., ne sont pas comprises.

Je vous ai annoncé, dans ma dernière lettre, que j'avais demandé six mille fusils à la république de Lucques: ils étaient déjà en chemin; mais, n'étant pas de calibre, je les ai renvoyés.

J'ai fait séquestrer à Livourne tous les biens appartenans aux Napolitains, vu que, par l'armistice, la suspension d'armes n'est censée devoir commencer qu'au moment où la cavalerie napolitaine sera rendue dans les positions qui lui sont indiquées. Je crois cependant que vous pourrez ordonner la restitution des biens appartenans aux Napolitains, par un article du traité de paix. J'ai ordonné que tous les inventaires des effets appartenans aux Napolitains fussent faits devant leur consul.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Je vous ai fait passer, citoyens directeurs, par mon dernier courrier, la demande que j'avais faite au sénat de Gênes, pour qu'il chassât le ministre de l'empereur, qui ne cessait de fomenter la rébellion dans les fiefs impériaux, et de faire commettre des assassinats. Vous recevrez la note que le secrétaire d'état a communiquée au citoyen Faypoult, et qu'il m'a envoyée. Vous recevrez également une lettre du ministre Faypoult, relativement aux affaires de Gênes; je vous prie de la prendre en considération, et de me donner vos ordres là-dessus. Quant à moi, je pense, comme le ministre Faypoult, qu'il faudrait chasser du gouvernement de Gênes une vingtaine de familles qui, par la constitution même du pays, n'ont pas le droit d'y être, vu qu'elles sont feudataires de l'empereur ou du roi de Naples; obliger le sénat à rapporter le décret qui bannit de Gênes huit ou dix familles nobles: ce sont celles qui sont attachées à la France, et qui ont, il y a trois ans, empêché la république de Gênes de se coaliser. Par ce moyen-là, le gouvernement de Gênes se trouverait composé de nos amis, et nous pourrions d'autant plus y compter, que les nouvelles familles bannies se retireraient chez les coalisés, et dès-lors les nouveaux gouvernans de Gênes les craindraient, comme nous craignons le retour des émigrés. Si vous approuvez ce projet-là, vous n'avez qu'à m'en donner l'ordre, et je me charge des moyens pour en assurer l'exécution.

J'attends la réponse à cette lettre dans la première décade de thermidor.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Roveredo, le 18 messidor an 4 (6 juillet 1796).

Le général en chef est instruit qu'il s'est commis des abus de toute espèce, et que les bons habitans du duché de Mantoue sont foulés par des réquisitions abusives: il ordonne en conséquence:

1°. Qu'il y aura trois assemblées dans le duché de Mantoue, composées d'un député par commune, qui s'assembleront le 24 du mois.

La première assemblée se tiendra à Roverbello, et comprendra les députés de tous les pays entre le Mincio, le Pô et les états de Venise.

La seconde assemblée se tiendra à Couraque, et comprendra les députés de tous les pays compris au-delà du Pô.

La troisième se tiendra à Castiglione de Scrivia, et comprendra les députés de tous les pays compris entre le Mincio, le Pô, le Bressan et la Lombardie.

2°. Chaque député portera avec lui: 1° son acte de députation par sa municipalité; 2° un cahier des plaintes que les habitans ont à porter contre les différens individus de l'armée; 3° un état des contributions en argent que le pays a fournies, et entre les mains de qui; 4° un état des contributions en nature qui ont été fournies, et à qui données; 5° un état de ce qui a été trouvé dans les caisses publiques; 6° un état des impositions directes et indirectes, et ce qui est dû.

3°. Chaque assemblée sera présidée par le plus ancien d'âge; elle s'assemblera dans un local qui sera désigné par les municipalités où elles se réuniront.

4°. Chaque assemblée nommera trois députés pour se rendre avec tous les cahiers de plaintes et les états ci-dessus annoncés, auprès du général en chef. Immédiatement après, l'assemblée sera dissoute; elle ne pourra durer plus de douze Heures.

5°. Le général en chef défend, sous les peines les plus sévères, aux agens de services, aux commissaires des guerres, aux officiers, de faire aucune réquisition, à moins qu'elle ne soit signée de l'ordonnateur en chef.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Roveredo, le 19 messidor an 4 (7 juillet 1796).

À M. le provéditeur-général.

Je reçois plusieurs rapports des assassinats qui ont été commis par les habitans du Pont de Saint-Marc contre les Français.

Je ne doute pas que vous n'y mettiez ordre le plus tôt possible, sans quoi les villages se trouveront exposés au juste ressentiment de l'armée, et je ferai sur eux un exemple terrible.

Je me flatte que vous ferez arrêter les coupables, et que vous placerez de nouveaux détachemens dans cette ville pour assurer les communications.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Vérone, le 20 messidor an 4 (8 juillet 1796).

À M. le provéditeur-général.

Il y a entre les troupes françaises et les Esclavons une animosité que des malveillans se plaisent sans doute à cimenter. Il est indispensable, monsieur, pour éviter de plus grands malheurs, aussi fâcheux que contraires aux intérêts des deux républiques, que vous fassiez sortir, demain, de Vérone, sous les prétextes les plus spécieux, les bataillons d'Esclavons que vous avez dans cette ville.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Vérone, le 21 messidor an 4 (9 juillet 1796).

Au même.

Les circonstances actuelles de la guerre et la nécessité de défendre Vérone, m'obligent, monsieur, à placer de l'artillerie sur les remparts de cette ville. J'ai l'honneur de vous prévenir que j'ai donné, à cet effet, des instructions au général d'artillerie.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Vérone, le 34 messidor an 4 (12 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Le général Sauret, avec trois mille hommes, défend depuis Salo, situé sur le lac de Garda, jusqu'au lac d'Iseo.

Le général Masséna, avec douze mille hommes, défend depuis Torre jusqu'à Rivalta sur l'Adige, et de là il défend le passage de l'Adige jusqu'à San-Giovanni, trois milles plus bas que Vérone. La ville de Vérone a été mise en état de défense, en se servant de l'artillerie trouvée dans cette place.

Le général Despinois défend, avec cinq mille hommes, depuis San-Giovanni jusqu'à Runco.

Le général Augereau, avec huit mille hommes, défend depuis Runco jusqu'à Gastaniara; il y a des écluses par le moyen desquelles on peut inonder tout le pays inférieur.

Le général Kilmaine, avec deux mille hommes de cavalerie et douze pièces d'artillerie légère, est à Valeze, pour se porter partout où l'ennemi voudrait tenter un passage.

Porto-Legnago, où il y a un pont sur l'Adige, est mis en état de défense, en se servant de l'artillerie vénitienne trouvée dans cette place.

Indépendamment des ponts que nous avons à Porto-Legnago et à Vérone, je fais établir, vis-à-vis la Chiusa, un pont de bateaux, défendu par de bonnes batteries de position.

Par le moyen de ces trois passages, l'armée passera rapidement, au premier mouvement de l'ennemi, de la défensive à l'offensive.

L'ennemi a ses avant-postes à Alta, à Malsesena, et il pousse maintenant des colonnes assez considérables derrière la Brenta; il a à peu près huit mille hommes à Bassano.

Nous sommes, depuis plusieurs jours, en observation dans cette position.

Malheur à celui qui calculera mal!...

Quant à nous, nous sommes uniquement occupés au siège de Mantoue. Je médite un coup hardi: les bateaux, les habits autrichiens, les batteries incendiaires, tout sera prêt le 28. Les opérations ultérieures dépendront entièrement de la réussite de ce coup de main, qui, comme ceux de cette nature, dépend absolument du bonheur, d'un chien ou d'une oie.

Cette position de choses m'a fait penser qu'il fallait différer de dix à douze jours l'opération de Gênes, d'autant plus que j'aurai reçu réponse d'une lettre que je vous ai écrite.

Vous trouverez, ci-joint, copie d'une lettre que j'ai en conséquence écrite au ministre de la république, Faypoult. M. Cattaneo, que le sénat de Gênes a envoyé près de moi, m'a joint ce matin, il a été, comme vous pensez, extrêmement satisfait de ce que je lui ai dit. Les démarches que fera Faypoult, et d'autres opérations accessoires, achèveront de nous faire parvenir à notre but, qui est de gagner une quinzaine de jours, au bout duquel temps notre situation en Italie sera tellement décidée, que je suivrai, sans obstacle, de point en point, les ordres que vous me donnerez sur Gênes et sur Venise.

Cette dernière république arme à force. Le citoyen Lallement ne m'a point prévenu, comme il aurait dû le faire, de la nature et de l'activité des armemens. Je vous fais passer copie de la note qu'il a écrite au sénat, et de la réponse du sénat. Au reste, je suis maître de toutes les places fortes de la république de Venise sur l'Adige. Peut-être jugerez-vous à propos de commencer dès à présent une petite querelle au ministre de Venise à Paris, pour que, après la prise de Mantoue et que j'aurai chassé les Autrichiens de la Brenta, je puisse trouver plus de facilité pour la demande que vous avez intention que je leur fasse de quelques millions.

Nous commençons à avoir beaucoup de malades devant Mantoue; mais pas un n'est encore mort. Les chaleurs sont excessives, et l'air de Mantoue extrêmement pestilentiel.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 25 messidor an 4 (13 juillet 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre à Gênes.

Je n'ai pas encore vu M. Cattaneo, citoyen ministre: lorsque je le verrai, il sera content de moi, et je n'oublierai rien de tout ce qui peut l'endormir, et donner au sénat un peu plus de confiance.

Le temps de Gênes n'est pas encore venu, pour deux raisons:

1°. Parce que les Autrichiens se renforcent, et que bientôt j'aurai une bataille. Vainqueur, j'aurai Mantoue, et alors une simple estafette à Gênes vaudra la présence d'une armée;

2°. Les idées du directoire exécutif sur Gênes ne me paraissent pas encore fixées.

Il m'a bien ordonné d'exiger la contribution; mais il ne m'a permis aucune opération politique. Je lui ai expédié un courrier extraordinaire avec votre lettre, et je lui ai demandé des ordres, que j'aurai à la première décade du mois prochain. D'ici à ce temps-là, oubliez tous les sujets de plainte que nous avons contre Gênes.

Faites-leur entendre que vous et moi nous ne nous en mêlons plus, puisqu'ils ont envoyé M. Spinola à Paris. Faites-leur entendre que nous sommes très-contens du choix, et que cela nous est garant de leurs bonnes intentions. Dites-leur positivement que j'ai été très-satisfait des mesures qu'ils ont prises relativement a M. Girola; enfin, n'oubliez aucune circonstance pour faire renaître l'espérance dans le coeur du sénat de Gênes, et l'endormir jusqu'au moment du réveil.

J'ai reçu toutes vos notes. Votre correspondance me devient extrêmement intéressante.

Vous trouverez, ci-joint, une lettre que m'écrit M. Vincent Spinola. Il me semble qu'il y a un territoire qui se trouve en discussion entre Gênes et le Piémont. Donnez-moi, là-dessus, des explications. Faites-moi savoir quel intérêt ils y mettent, et, sur la demande du sénat, dites-leur qu'il serait possible qu'on les mît de suite en possession; enfin, citoyen ministre, faites en sorte que nous gagnions quinze jours, et que l'espoir renaisse, ainsi que la confiance entre vous et le gouvernement génois, afin que, si nous étions battus, nous le trouvions ami.

Faites passer promptement à Tortone tout ce qui se trouve chez M. Balbi. L'intention du directoire est de réunir tout à Paris, pour faire une grande opération de finance. J'y ferai passer trente millions.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 26 messidor an 4 (14 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Toutes les troupes des divisions qui ont été employées à l'expédition de Livourne et de Bologne ont repassé le Pô, j'ai seulement ordonné qu'on laissât dans la citadelle de Ferrare quatre cents hommes.

La légation de Ferrare, par le traité, doit rester unie à la république française.

Un moine, arrivé de Trente, a apporté la nouvelle dans la Romagne que les Autrichiens avaient passé l'Adige, débloqué Mantoue, et marchaient à grandes journées dans la Romagne. Des imprimés séditieux, des prédicateurs fanatiques prêchèrent partout l'insurrection; ils organisèrent en peu de jours ce qu'ils appelèrent l'armée catholique et papale; ils établirent leur quartier-général à Lugo, gros bourg de la légation de Ferrare, quoique enclavé dans la Romagne.

Le général Augereau donna ordre au chef de brigade Pouraillier d'aller soumettre Lugo. Cet officier, à la tête d'un bataillon, arriva devant cette bourgade, où le tocsin sonnait depuis plusieurs heures; il y trouva quelques milliers de paysans. Un officier de grenadiers se porta en avant en parlementaire: on lui fit signe d'avancer, et, un instant après, il fut assailli d'une grêle de coups de fusil. Ces misérables, aussi lâches que traîtres, se sauvèrent: quelques centaines sont restées sur la place.

Depuis cet événement, qui a eu lieu le 18, tout est rentré dans l'ordre et est parfaitement tranquille.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (31 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

J'ai à vous parler, citoyens directeurs, de notre position militaire, administrative et politique à Livourne.

Les batteries contre la mer sont en bon état; nous avons réparé une citadelle où la garnison peut se mettre à l'abri contre une insurrection. Nous y avons deux mille huit cents hommes de garnison de très-bonnes troupes, deux compagnies d'artillerie, et un bon officier de génie. Si l'armée était obligée d'abandonner le nord de l'Italie, cette garnison se retirerait par Massa et la rivière de Gênes. Le général Vaubois, qui y commande, est un homme sage, ferme, et bon militaire.

Lors de notre entrée à Livourne, j'ai chargé le citoyen Belleville, consul de la république dans cette place, de mettre les scellés sur tous les magasins appartenans aux Anglais, Portugais, Russes, et à toutes les autres puissances avec qui nous sommes en guerre, ainsi qu'aux négocians de ces différentes nations. Je préviens le citoyen Belleville qu'il serait personnellement responsable des dilapidations qui pourraient avoir lieu. Cet homme est généralement estimé par sa probité. Après mon départ, une nuée d'agioteurs génois sont venus pour s'emparer de toutes ces richesses. Toutes les mesures que j'avais prises ont été dérangées, et l'on a substitué à un seul responsable, des commissions, où tout le monde dilapide en amusant son voisin. Vous trouverez ci-joint l'extrait de deux lettres du général Vaubois: on se conduit d'une manière dure envers les négocians livournais, on les traite avec plus de rigueur que vous n'avez intention que l'on se conduise envers les négocians anglais mêmes: cela alarme le commerce de toute l'Italie, et nous fait passer à ses yeux pour des Vandales, et cela a entièrement indisposé les négocians de la ville de Gênes; la masse du peuple de cette ville, qui nous a toujours été favorable, est actuellement très-prononcée contre nous.

Si notre conduite administrative à Livourne est détestable, notre conduite politique envers la Toscane n'est pas meilleure. Je me suis toujours gardé de faire aucune espèce de proclamation, et j'ai expressément ordonné qu'on ne fît en apparence aucun acte de gouvernement. La proclamation qui a été publiée vous prouvera combien l'on fait peu de cas de ma manière de voir et des ordres que j'ai donnés. La mesure de chasser les émigrés de Livourne et de vingt lieues à la ronde, par une proclamation, est aussi inutile qu'impolitique. Il y a très-peu d'émigrés dans Livourne, le grand-duc même a donné des ordres pour les chasser. Il était bien plus simple d'en faire arrêter trois ou quatre par les autorités même du pays: alors le peu qui reste se serait bientôt sauvé. Cette proclamation, où l'on s'attribue une juridiction sur vingt lieues de pays, est d'un très-mauvais effet, à moins que (ce qui est extrêmement contraire à vos instructions), nous ne voulions prendre le ton et la politique de l'ancienne Rome.

Les Anglais se sont emparés de Porto-Ferrajo. Maîtres de la mer comme ils le sont, il était difficile de s'opposer à cette entreprise. Quand nous serons maîtres de la Corse, ce qui ne doit pas tarder, il nous deviendra possible de les chasser de cette île. Je vous envoie copie de la lettre que m'a écrite le grand-duc de Toscane, de celle de notre ministre à Florence, et la copie de la réponse.

Dans la position actuelle de l'Italie, il ne faut nous faire aucun nouvel ennemi, et attendre la décision de la campagne pour prendre un parti conforme aux vrais intérêts de la république. Vous sentirez sans doute alors qu'il ne nous convient pas de laisser le duché de Toscane au frère de l'empereur. Je désirerais que jusqu'alors l'on ne se permît aucune menace, ni aucun propos à Livourne, contre la cour de Toscane. Les moindres de mes paroles et de celles de vos commissaires sont épiées et rapprochées avec une grande importance; mais l'on croit toujours être ici dans les couloirs de la convention.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Le citoyen Comeyras, ministre de la république près les Grisons, s'est rendu ces jours derniers au quartier-général: il aurait désiré qu'en conséquence des capitulats qui existaient entre l'archiduc de Milan et les ligues grises, j'eusse fait fournir du blé à ces dernières. Nous avons même eu une petite discussion, parce qu'il prétendait que vous aviez ordonné cette fourniture; mais, par la lecture de la lettre que le ministre Lacroix m'a écrite, il a été convaincu que ce n'était qu'une simple autorisation pour le faire si je le jugeais convenable. Je lui ai dès-lors fait observer qu'il m'était impossible de fournir la quantité de blé qu'il désirait, à moins que les ligues ne demandassent l'exécution de cet article des capitulats; ce qui nous mettrait en droit d'exiger le passage qui est accordé à l'archiduc de Milan, en indemnisation de ladite fourniture.

Nous avons arrêté en conséquence qu'arrivé à Coire, il écrirait aux chefs des ligues qu'il avait éprouvé quelques obstacles à obtenir l'exécution de l'ordre du directoire pour la fourniture des blés, qui ne pouvait avoir lieu qu'en me faisant connaître officiellement les capitulats. Le commissaire Comeyras m'a demandé de l'argent pour payer les pensions des Grisons; il croit qu'avec 60,000 francs notre parti dans ce pays serait considérablement accru.

Si les circonstances de la guerre nous conduisaient dans le pays des Grisons, ou si nous avions besoin d'y avoir une force pour s'opposer aux incursions des ennemis, y aurait-il de l'inconvénient à faire un corps de tous les Suisses qui ont été au service de France et qui sont pensionnés: ce qui formerait un corps d'élite de 800 hommes, connaissant parfaitement les chemins, et qui nous seraient d'un grand secours?

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Messieurs du sénat de Venise voulaient nous faire comme ils firent à Charles VIII. Ils calculaient que comme lui nous nous enfoncerions dans le fond de l'Italie, et nous attendaient probablement au retour.

Je me suis sur-le-champ emparé de la citadelle de Vérone, que j'ai armée avec leurs canons, et en même temps j'ai envoyé un courrier au citoyen Lallement, notre ministre à Venise, pour lui dire d'enjoindre au sénat de cesser ses armemens. Vous avez vu les notes que je vous ai envoyées là-dessus par mon dernier courrier, déjà l'armement a discontinué.

La république de Venise nous a déjà fourni 3,000,000 pour la nourriture de l'armée; ce n'est pas elle qui fournit, mais un entrepreneur qu'elle paye secrètement. J'en étais ainsi convenu avec le provéditeur-général, en convenant cependant qu'un jour la république française paierait.

Cet entrepreneur est venu plusieurs fois me trouver pour avoir de l'argent: je l'ai renvoyé avec des promesses, et ordre positif de continuer à fournir: il a été trouver les commissaires du gouvernement, qui lui ont donné une lettre de change de 300,000 liv. à prendre sur les contributions du pape. De toutes les mesures, c'était la plus mauvaise; aussi aujourd'hui ne veut-on plus fournir. Par cette lettre de change de 300,000 liv., payables dans un temps où l'on sait qu'il nous revient 21,000,000, on a ôté tout espoir d'être payé, et en même temps l'on a laissé sentir que, par l'importunité et en laissant manquer le service, l'on tirerait de nous de l'argent; de sorte qu'aujourd'hui je suis obligé de me fâcher contre le provéditeur, d'exagérer les assassinats qui se commettent contre nos troupes, de me plaindre amèrement de l'armement qu'on n'a pas fait du temps que les Impériaux étaient les plus forts, et, par là, je les obligerai à nous fournir, pour m'apaiser, tout ce qu'on voudra. Voilà comme il faut traiter avec ces gens-ci; ils continueront à me fournir, moitié gré, moitié force, jusqu'à la prise de Mantoue, et alors je leur déclarerai ouvertement qu'il faut qu'ils me payent la contribution portée dans votre instruction, ce qui sera facilement exécuté. Je crois qu'il serait utile que vous témoignassiez à M. Quirini votre étonnement de l'armement des Vénitiens, qui était, sans aucun doute, dirigé contre nous. Il n'y a pas de gouvernement plus traître et plus lâche que celui-ci.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au citoyen Miot, ministre de la république à Florence.

J'ai reçu, citoyen ministre, vos différentes lettres relatives à l'occupation de Porto-Ferrajo par les Anglais. Tant qu'il y avait espoir de pouvoir résoudre le grand-duc à mettre cette place en état de résister, vous avez bien fait de lui parler ferme; aujourd'hui je crois comme vous que les menaces seraient impuissantes et inutiles. Je crois qu'il faut qu'il n'en soit plus question, ne laisser transpirer aucune marque de ressentiment, et attendre que les circonstances et les ordres du gouvernement nous mettent à même d'agir, non pas de parler.

Je vous prie de surveiller ce qui se fait à Livourne, et de m'en donner souvent des nouvelles. Si les circonstances s'opposent à ce que vous vous rendiez de suite à Rome, faites-le moi savoir, afin que je prenne d'autres mesures.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au citoyen Sapey.

Tous les Corses ont ordre de se rendre à Livourne, pour de là passer dans l'île. Le général Gentili va s'y rendre lui-même. Préparez tous les moyens possibles d'embarquement et de passage. J'ordonne au général Vaubois de tenir huit milliers de poudre, quatre mille fusils de chasse, mille paires de souliers et une certaine quantité de balles à votre disposition, pour pouvoir en fournir aux insurgés de ce département.

Je vous autorise à prendre les mesures que vous me proposez par votre lettre du 19 messidor. N'épargnez aucun moyen pour faire passer des secours et avoir des nouvelles des départemens de Corse.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au citoyen Bonelli.

J'ai reçu votre lettre de Bocognano, en date du 23 juin. Je vous félicite de votre arrivée en Corse. J'ai donné l'ordre à tous les réfugiés de se préparer à partir pour se mettre à la tête des braves patriotes de Corse, secouer le joug anglais, et reconquérir la liberté, objet perpétuel des sollicitudes de nos compatriotes.

Quelle gloire pour eux, s'ils peuvent seuls chasser de la patrie ces orgueilleux Anglais! Gloire et bonheur pour ceux qui se prononceront les premiers! Je vous recommande de ne vous livrer à aucun esprit de parti; que tout le passé soit oublié, hormis pour le petit nombre d'hommes perfides qui ont égaré ce brave peuple.

Les armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin sont dans le coeur de l'Allemagne; tout sourit à la république. Faites en sorte de faire parler bientôt de vous; embrassez nos bons amis, et assurez-les qu'avant peu ils seront délivrés de la tyrannie qui les opprime.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

À l'ordonnateur en chef.

Vous mettrez 100,000 francs à la disposition du citoyen Sucy, commissaire des guerres à Gênes, pour subvenir aux besoins des hôpitaux, des transports d'artillerie et de l'équipage de siège qui est à Savone, et à toutes les autres dépenses relatives aux troupes qui restent encore dans la rivière de Gênes.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au citoyen Garrau, commissaire du gouvernement.

La réquisition que vous avez faite, citoyen commissaire, au général Vaubois, est contraire à l'instruction que m'a donnée le gouvernement. Je vous prie de vous restreindre désormais dans les bornes des fonctions qui vous sont prescrites par le gouvernement du directoire exécutif; sans quoi, je me trouverais obligé de défendre, à l'ordre de l'armée, d'obtempérer à vos réquisitions. Nous ne sommes tous que par la loi: celui qui veut commander et usurper des fonctions qu'elle ne lui accorde pas, n'est pas républicain.

Quand vous étiez représentant du peuple, vous aviez des pouvoirs illimités, tout le monde se faisait un devoir de vous obéir: aujourd'hui vous êtes commissaire du gouvernement, investi d'un très-grand caractère; une instruction positive a réglé vos fonctions, tenez-vous y. Je sais bien que vous répéterez le propos que je ferai comme Dumouriez: il est clair qu'un général qui a la présomption de commander l'armée que le gouvernement lui a confiée, et de donner des ordres sans un arrêté des commissaires, ne peut être qu'un conspirateur.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 2 thermidor an 4 (20 juillet 1796).

Au général Vaubois.

Je suis très-peu satisfait, général, de votre proclamation. Le commissaire du gouvernement n'a pas le droit de vous requérir, et dans la place importante que vous commandez, l'on est aussi coupable d'obéir à ceux qui n'ont pas le droit de commander, que de désobéir à ses chefs légitimes. Par l'esprit de l'instruction que je vous avais donnée, et par tout ce que je vous avais dit de vive voix pendant mon séjour à Livourne, il devait vous être facile de sentir que cette proclamation n'aurait pas mon approbation.

Le citoyen Belleville a été uniquement chargé des opérations relatives au séquestre des biens appartenans dans Livourne à nos ennemis. J'ai appris avec étonnement le gaspillage et le désordre qui y existent.

Vous devez accorder au citoyen Belleville toute la force dont il peut avoir besoin, et vous devez le revêtir et lui donner toute la confiance nécessaire pour qu'il dénonce les abus, et fasse tourner au profit de la république les marchandises que nous avons séquestrées à nos ennemis.

Pressez l'armement et l'équipement de la soixante-quinzième demi-brigade, parce que, dès l'instant que ces braves gens seront reposés, mon intention est de les rappeler a l'armée.

L'intention du gouvernement n'est pas qu'on fasse aucun tort aux négocians livournais, ni aux sujets du grand-duc de Toscane. Tout en cherchant les intérêts de la nation, on doit être généreux et juste. J'ai été aussi affligé qu'étonné des vexations que l'on commet contre le commerce de Livourne.

Vous voudrez bien me rendre un compte détaillé de tout ce qui a été fait à ce sujet; vous aurez soin surtout de m'instruire par quelle autorité le citoyen Lachaise a quitté son consulat de Gênes pour s'ingérer dans les affaires de Livourne. Une grande quantité de réfugiés corses se rendent à Livourne, pour de là passer dans cette île. Tenez quatre mille fusils de chasse, un millier de paires de pistolets, six milliers de poudre et des balles en proportion à la disposition du citoyen Sapey, qui sera chargé de les faire passer aux patriotes insurgés de ce département.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 3 thermidor an 4 (21 juillet 1796).

À son éminence le cardinal secrétaire d'état à Rome.

J'ai l'honneur, monseigneur, d'envoyer auprès de Sa Sainteté le citoyen Cacault, agent de la république française en Italie, pour qu'il puisse s'occuper de l'exécution de l'armistice qui a été conclu entre la république française et Sa Sainteté, sous la médiation de la cour d'Espagne. Je vous prie de vouloir bien le reconnaître en cette qualité.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 3 thermidor an 4 (21 juillet 1796).

Au citoyen Cacault.

Vous voudrez bien, en conséquence d'une lettre adressée au cardinal secrétaire d'état des affaires étrangères de Sa Sainteté, exiger un ordre du pape pour le commandant d'Ancône, afin qu'il reçoive la garnison que j'y enverrai.

Vous ferez partir les 5,000,000 qui doivent former le premier paiement; savoir, 2,000,000 au quartier-général, dont reçu sera donné par le payeur de l'armée, et le reste à Tortone. Il faudra que le premier convoi se mette en marche de Rome vingt-quatre heures après votre arrivée.

Les 500,000 qui doivent former le second paiement devront partir de Rome peu de jours après les premiers, puisque, selon l'armistice, ils doivent partir le 5 thermidor.

Les 5,500,000 liv. qui forment le dernier paiement, doivent partir de Rome le 5 vendémiaire.

Les savans et artistes qui doivent faire le choix des tableaux, manuscrits et statues, s'adresseront à vous, et vous leur donnerez la protection nécessaire en faisant les démarches qu'il conviendra. S'il était utile, pour les frais de transport, de donner des fonds aux artistes, vous les feriez prendre sur les fonds provenant des contributions du pape.

Sur 5,500,000 liv. que le pape doit nous fournir en dernier paiement, 4,000,000 sont destinés pour la marine. Le ministre de la marine doit envoyer, à cet effet, des commissaires.

Vous préviendrez, en attendant, pour que l'on prépare des chanvres, des bois et autres objets de construction de cette nature.

Les 1,500,000 liv. restant seront fournis en chevaux et draps pour habiller les troupes. Vous demanderez en conséquence quatre cents chevaux, taille de hussards; quatre cents, taille de dragons, et six cents de charrois, qui seront transférés à Milan, où l'estimation en sera faite entre le général Baurevoir, chargé des dépôts de l'armée, et les experts envoyés par le pape; pour le reste, des draps bleus et blancs pour habiller nos troupes.

Vous demanderez la liberté de tous les hommes qui sont arrêtés à Rome pour leurs opinions, et notamment pour les personnes dénommées dans la liste ci-jointe, ainsi que pour le citoyen Labrousse de Bordeaux.

En conséquence de la décision du directoire et de la commission, arrêtée à Florence par M. d'Azara, le pape se trouve tenu de payer les contributions qui avaient été imposées sur la légation de Ravenne, montant à 1,200,000 francs en denrées et 1,200,000 francs en argent.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 4 thermidor an 4 (22 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

Je vous ai instruit, citoyens directeurs, que j'ai fait passer en Corse une vingtaine de réfugiés.

J'ai ordonné au général de division Gentili et aux généraux de Casalta et Cervoni de se rendre à Livourne, d'où ils partiront pour se mettre à la tête des insurgés. Le général Gentili qui se trouve avoir ce commandement, est un homme sage, prudent, ayant l'estime des personnes du pays et la confiance des montagnards.

J'ordonne à la gendarmerie du département de Corse, de cent quatre-vingts hommes, tous du pays, de se rendre à Livourne, d'où je les ferai également passer: cela joint à quatre mille fusils de chasse, à six milliers de poudre, nous donnera tout l'intérieur du pays; dès l'instant que tout cela sera organisé, j'y ferai passer une compagnie de canonniers avec cinq à six pièces de montagnes, avec quoi il est facile que l'on puisse s'emparer de Saint-Florent qui n'a aucune fortification permanente. Ce port pris, les Anglais n'ont plus d'intérêt à tenir les autres; d'ailleurs, les habitans d'Ajaccio et de Bastia sont très-impatiens du joug anglais.

Je vous prie de vouloir bien me faire connaître si vous trouverez de l'inconvénient à accorder une amnistie générale au peuple de ce département, hormis aux principaux chefs.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 4 thermidor an 4 (22 juillet 1796).

Au directoire exécutif.

La ville de Reggio se soulève contre le duc de Modène; des députés de cette ville sont venus me demander protection et assistance: comme nous avons conclu un armistice avec le duc de Modène, j'ai cru devoir les exhorter à la tranquillité. Je ne vous rends compte de ceci que pour que vous sachiez que les sujets du duc de Parme et de Modène sont très-peu attachés à leur prince.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Brescia, le 4 thermidor an 4 (22 juillet 1796).

Au citoyen Salicetti.

La fortune a paru nous être contraire un moment: il s'est passé tant d'événemens depuis cinq ou six jours, et j'ai encore tant d'occupations, qu'il m'est impossible de vous en faire une relation exacte; mais enfin, grâce à la victoire de Lonado et aux mesures rigoureuses que j'ai prises, les choses prendront une tournure satisfaisante. J'ai levé le siège de Mantoue; je suis ici presque avec toute mon armée.

Je saisirai la première occasion de présenter bataille à l'ennemi: elle décidera du sort de l'Italie; battu, je me retirerai de l'Adda; battant, je ne m'arrêterai pas aux marais de Mantoue. Louis10 vous dira de bouche les détails de nos deux victoires de Lonado et de Salo.

Louis vous parlera de ma force actuelle et de celle des ennemis. Écrivez au général Kellermann de me faire passer à doubles journées toutes les troupes disponibles; assurez-vous que les châteaux de Milan, Tortone, Alexandrie et Pavie sont approvisionnés. Nous sommes ici extrêmement fatigués; cinq de mes chevaux sont crevés de fatigue. Je ne puis écrire au directoire, je vous charge de lui annoncer en peu de mots ce que je vous marque et ce que Louis vous dira de bouche.

BONAPARTE.

Au quartier-général de Brescia, le 15 thermidor an 4 (2 août 1796).

Au directoire exécutif.

Nous avons essuyé des revers, citoyens directeurs, mais déjà la victoire commence à revenir sous nos drapeaux. Si l'ennemi nous a surpris le poste de Salo et a eu le bonheur de nous enlever celui de la Corona, nous venons de le battre à Lonado, et de lui reprendre Salo. Je vous envoie un de mes aides-de-camp, qui pourra vous donner de bouche des renseignemens plus détaillés. Je vous enverrai demain une relation de tout ce qui s'est passé pendant ces six jours.

Vous pouvez compter sur le courage et la confiance de la brave armée d'Italie, et sur notre ferme résolution de vaincre. C'est dans cette circonstance difficile et critique que j'ai eu lieu d'admirer le courage et l'entier dévouement de l'armée à la gloire nationale.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 16 thermidor an 4 (3 août 1796).

Au général Guillaume.

Vous devez avoir été témoin des batailles données à l'ennemi aujourd'hui et ces jours derniers: nous lui avons pris 20,000 hommes, et tué un grand nombre. L'armée ennemie est en pleine déroute, et demain ou après nous serons dans vos murs. En attendant, quelles que soient les circonstances, ne vous rendez qu'à la dernière extrémité. La brèche faite, montrez la plus grande fermeté.

Salut, estime et gloire.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Castiglione, le 19 thermidor an 4 (6 août 1796).

Au directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Les événemens militaires se sont succédés avec une telle rapidité depuis le 11, qu'il m'a été impossible de vous en rendre compte plus tôt.

Depuis plusieurs jours, les vingt mille hommes de renfort que l'armée autrichienne du Rhin avait envoyés à l'armée d'Italie étaient arrivés; ce qui, joint à un nombre considérable de recrues et à un grand nombre de bataillons venus de l'intérieur de l'Autriche, rendait cette armée extrêmement redoutable: l'opinion générale était que bientôt les Autrichiens seraient dans Milan.

Le 11, à trois heures du matin, la division du général Masséna est attaquée par des forces nombreuses; elle est obligée de céder l'intéressant poste de la Corona, au même instant une division de quinze mille Autrichiens surprend la division du général Soret à Salo, et s'empare de ce poste important.

Le général de brigade Guieux, avec six cents hommes de la quinzième demi-brigade d'infanterie légère, se renferme dans une grande maison de Salo, et là brave tous les efforts de l'ennemi qui le cernait de tous côtés. Le général de brigade Rusca a été blessé.

Tandis qu'une partie de cette division cernait le général Guieux à Salo, une autre partie descendit sur Brescia, surprit les factionnaires qui s'y trouvaient, fit prisonnières quatre compagnies que j'y avais laissées, quatre-vingts hommes du vingt-cinquième régiment de chasseurs, deux généraux et quelques officiers supérieurs qui étaient restés malades.

La division du général Soret, qui aurait dû couvrir Brescia, fit sa retraite sur Dezenzano. Dans cette circonstance difficile, percé par une armée nombreuse que ces avantages devaient nécessairement enhardir, je sentis qu'il fallait adopter un plan vaste.

L'ennemi, en descendant du Tyrol par Brescia et l'Adige, me mettait au milieu. Si l'armée républicaine était trop faible pour faire face aux divisions de l'ennemi, elle pouvait battre chacune d'elles séparément, et par ma position je me trouvais entre elles. Il m'était donc possible, en rétrogradant rapidement, d'envelopper la division ennemie descendue de Brescia, la prendre prisonnière et la battre complètement, et de là revenir sur le Mincio attaquer Wurmser et l'obliger à repasser dans le Tyrol; mais pour exécuter ce projet, il fallait dans vingt-quatre heures lever le siège de Mantoue, qui était sur le point d'être pris, car il n'y avait pas moyen de retarder six heures. Il fallait, pour l'exécution de ce projet, repasser sur-le-champ le Mincio, et ne pas donner le temps aux divisions ennemies de m'envelopper. La fortune a souri à ce projet, et le combat de Dezenzano, les deux combats de Salo, la bataille de Lonado, celle de Castiglione en sont les résultats.

Le 12 au soir, toutes les divisions se mirent en marche sur Brescia; cependant la division autrichienne qui s'était emparée de Brescia était déjà arrivée à Lonado.

Le 13, j'ordonnai au général Soret de se rendre à Salo pour délivrer le général Guieux, et au général Dallemagne, d'attaquer et de reprendre Lonado, à quelque prix que ce fût. Soret réussit complètement à délivrer le général Guieux, à Salo, après avoir battu l'ennemi, lui avoir pris deux drapeaux, deux pièces de canon et deux cents prisonniers.

Le général Guieux et les troupes sous ses ordres sont restés quarante-huit heures sans pain et se battant toujours contre les ennemis.

Le général Dallemagne n'eut pas le temps d'attaquer les ennemis, il fut attaqué lui-même. Un combat opiniâtre, longtemps indécis, s'engagea; mais j'étais tranquille, la brave trente-deuxième demi-brigade était là. En effet, l'ennemi fut complètement battu; il laissa six cents morts sur le champ de bataille et six cents prisonniers.

Le 14 à midi, Augereau entra dans Brescia: nous y trouvâmes tous nos magasins, que l'ennemi n'avait pas encore eu le temps de prendre, et les malades qu'il n'avait pas eu le temps d'évacuer.

Le 15, la division du général Augereau retourna à Monte-Chiaro, Masséna prit position à Lonado et à Ponte-San-Marco. J'avais laissé à Castiglione le général Valette avec dix-huit cents hommes; il devait défendre cette position importante, et par là tenir toujours la division du général Wurmser loin de moi. Cependant le 15 au soir, le général Valette abandonna ce village avec la moitié de ses troupes, et vint à Monte-Chiaro porter l'alarme, en annonçant que le reste de sa troupe était prisonnière; mais abandonnés de leur général, ces braves gens trouvèrent des ressources dans leur courage, et opérèrent leur retraite sur Ponte-San-Marco. J'ai sur-le-champ, et devant sa troupe, suspendu de ses fonctions ce général, qui déjà avait montré très-peu de courage à l'attaque de la Corona.

Le général Soret avait abandonné Salo; j'ordonnai au brave général Guieux d'aller reprendre ce poste essentiel.

Le 16, à la pointe du jour, nous nous trouvâmes en présence: le général Guieux, qui était à notre gauche, devait attaquer Salo; le général Masséna était au centre et devait attaquer Lonado; le général Augereau, qui était à la droite, devait attaquer par Castiglione. L'ennemi, au lieu d'être attaqué, attaqua l'avant-garde de Masséna, qui était à Lonado; déjà elle était enveloppée, et le général Pigeon prisonnier: l'ennemi nous avait enlevé trois pièces d'artillerie à cheval. Je fis aussitôt former la dix-huitième demi-brigade et la trente-deuxième en colonne serrée, par bataillon; et pendant le temps qu'au pas de charge, nous cherchions à percer l'ennemi, celui-ci s'étendait davantage pour chercher à nous envelopper: sa manoeuvre me parut un sûr garant de la victoire. Masséna envoya seulement quelques tirailleurs sur les ailes des ennemis, pour retarder leur marche; la première colonne arrivée à Lonado força les ennemis. Le quinzième régiment de dragons chargea les houlans et reprit nos pièces.

Dans un instant l'ennemi se trouva éparpillé et disséminé. Il voulait opérer sa retraite sur le Mincio; j'ordonnai à mon aide-de-camp, chef de brigade, Junot, de se mettre à la tête de ma compagnie des guides, de poursuivre l'ennemi, de le gagner de vitesse à Dezenzano, et de l'obliger par là de se retirer sur Salo. Arrivé à Dezenzano, il rencontra le colonel Bender avec une partie de son régiment de houlans, qu'il chargea; mais Junot ne voulant pas s'amuser à charger la queue, fit un détour par la droite, prit en front le régiment, blessa le colonel qu'il voulait prendre prisonnier, lorsqu'il fut lui-même entouré; et après en avoir tué six de sa propre main, il fut culbuté, renversé dans un fossé, et blessé de six coups de sabre, dont on me fait espérer qu'aucun ne sera mortel.

L'ennemi opérait sa retraite sur Salo: Salo se trouvant à nous, cette division errante dans les montagnes a été presque toute prisonnière. Pendant ce temps Augereau marchait sur Castiglione, s'emparait de ce village; toute la journée il livra et soutint des combats opiniâtres contre des forces doubles des siennes: artillerie, infanterie, cavalerie, tout a fait parfaitement son devoir; et l'ennemi, dans cette journée mémorable, a été complètement battu de tous les côtés.

Il a perdu dans cette journée vingt pièces de canon, deux à trois mille hommes tués ou blessés et quatre mille prisonniers, parmi lesquels trois généraux.

Nous avons perdu le général Beyrand. Cette perte, très-sensible à l'armée, l'a été plus particulièrement pour moi: je faisais le plus grand cas des qualités guerrières et morales de ce brave homme.

Le chef de la quatrième demi-brigade, Pouraillier; le chef de brigade du premier régiment d'hussards, Bourgon; le chef de brigade du vingt-deuxième régiment de chasseurs, Marmet, ont également été tués.

La quatrième demi-brigade, à la tête de laquelle a chargé l'adjudant-général Verdier, s'est comblée de gloire.

Le général Dommartin, commandant l'artillerie, a montré autant de courage que de talent.

Le 17, j'avais ordonné au général Despinois de pénétrer dans le Tyrol par le chemin de Chieso, il devait auparavant culbuter cinq à six mille ennemis qui se trouvaient à Gavardo. L'adjudant-général Herbin eut de grands succès, culbuta les ennemis, en fit un grand nombre prisonniers; mais n'ayant pas été soutenu par le reste de la division, il fut entouré, et ne put opérer sa retraite qu'en se faisant jour au des ennemis.

J'envoyai le général Saint-Hilaire à Salo pour se concerter avec le général Guieux, et attaquer la colonne ennemie qui était à Gavardo, pour avoir le chemin du Tyrol libre. Après une fusillade assez vive, nous défîmes les ennemis, et nous leur fîmes dix-huit cents prisonniers.

Pendant toute la journée du 17, Wurmser s'occupa à rassembler les débris de son armée, à faire arriver sa réserve, à tirer de Mantoue tout ce qui était possible, à les ranger en bataille dans la plaine, entre le village de Scanello, où il appuya sa droite, et la Chiesa, où il appuya sa gauche.

Le sort de l'Italie n'était pas encore décidé. Il réunit un corps de vingt-cinq mille hommes, une cavalerie nombreuse, et sentit pouvoir encore balancer le destin. De mon côté, je donnai des ordres pour réunir toutes les colonnes de l'armée.

Je me rendis moi-même à Lonado, pour voir les troupes que je pouvais en tirer; mais quelle fut ma surprise, en entrant dans cette place, d'y recevoir un parlementaire, qui sommait le commandant de Lonado de se rendre, parce que, disait-il, il était cerné de tous côtés. Effectivement, les différentes vedettes de cavalerie m'annonçaient que plusieurs colonnes touchaient nos grand'gardes; et que déjà la route de Brescia à Lonado était interceptée au pont San-Marco. Je sentis alors que ce ne pouvait être que les débris de la division coupée qui, après avoir erré et s'être réunis, cherchaient à se faire passage.

La circonstance était assez embarrassante: je n'avais à Lonado qu'à peu près douze cents hommes; je fis venir le parlementaire, je lui fis débander les yeux; je lui dis que si son général avait la présomption de prendre le général en chef de l'armée d'Italie, il n'avait qu'à avancer; qu'il devait savoir que j'étais à Lonado, puisque tout le monde savait que l'armée républicaine y était; que tous les officiers-généraux et officiers supérieurs de la division seraient responsables de l'insulte personnelle qu'il m'avait faite: je lui déclarai que si sous huit minutes, toute sa division n'avait pas posé les armes, je ne ferais grâce à aucun.

Le parlementaire parut fort étonné de me voir là, et un instant après toute cette colonne posa les armes. Elle était forte de quatre mille hommes, deux pièces de canon, et cinquante hommes de cavalerie; elle venait de Gavardo, et cherchait une issue pour se sauver: n'ayant pas pu se faire jour le matin par Salo, elle cherchait à le faire par Lonado.

Le 18, à la pointe du jour, nous nous trouvâmes en présence; cependant il était six heures du matin et rien ne bougeait encore. Je fis faire un mouvement rétrograde à toute l'armée pour attirer l'ennemi à nous, du temps que le général Serrurier, que j'attendais à chaque instant, venait de Marcario, et dès-lors tournait toute la gauche de Wurmser. Ce mouvement eut en partie l'effet qu'on en attendait. Wurmser se prolongeait sur sa droite pour observer nos derrières.

Dès l'instant que nous aperçûmes la division du général Serrurier, commandée par le général Fiorella, qui attaquait la gauche, j'ordonnai à l'adjudant-général Verdière d'attaquer une redoute qu'avaient faite les ennemis dans le milieu de la plaine pour soutenir leur gauche. Je chargeai mon aide-de-camp, chef de bataillon, Marmont, de diriger vingt pièces d'artillerie légère, et d'obliger par ce seul feu l'ennemi à nous abandonner ce poste intéressant. Après une vive canonnade, la gauche de l'ennemi se mit en pleine retraite.

Augereau attaqua le centre de l'ennemi, appuyé à la tour de Solférino; Masséna attaqua la droite, l'adjudant-général Leclerc, à la tête de la cinquième demi-brigade, marcha au secours de la quatrième demi-brigade.

Toute la cavalerie aux ordres du général Beaumont marcha sur la droite, pour soutenir l'artillerie légère et l'infanterie. Nous fûmes partout victorieux, partout nous obtînmes les succès les plus complets.

Nous avons pris à l'ennemi dix-huit pièces de canon, cent vingt caissons de munitions. Sa perte va à deux mille hommes, tant tués que prisonniers. Il a été dans une déroute complète; mais nos troupes, harassées de fatigue, n'ont pu les poursuivre que l'espace de trois lieues. L'adjudant-général Frontin a été tué: ce brave homme est mort en face de l'ennemi.

Voilà donc en cinq jours une autre campagne finie. Wurmser a perdu dans ces cinq jours soixante-dix pièces de canon de campagne, tous ses caissons d'infanterie, douze à quinze mille prisonniers, six mille hommes tués ou blessés, et presque toutes les troupes venant du Rhin. Indépendamment de cela, une grande partie est encore éparpillée, et nous les ramassons en poursuivant l'ennemi. Tous les officiers, soldats et généraux ont déployé dans cette circonstance difficile un grand caractère de bravoure. Je vous demande le grade de général de brigade pour les adjudans Verdier et Vignolles: le premier a contribué aux succès d'une manière distinguée; le second, qui est le plus ancien adjudant-général de toute l'armée, joint à un courage sûr des talens et une activité rares. Je vous demande le grade de chef de bataillon pour l'adjoint Ballet, celui de général de division pour le général de brigade Dallemagne; celui de chef de brigade d'artillerie pour le citoyen Songis, chef de bataillon.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Vérone, le 21 thermidor an 4 (8 août 1796).

Au directoire exécutif.

Citoyens directeurs,

Le 19 au matin l'ennemi tenait la ligne du Mincio, sa droite appuyée à son camp retranché à Peschiera, sa gauche à Mantoue, et son centre à Valeggio. Augereau se posta à Borghetto, et engagea une vive canonnade avec l'ennemi. Pendant ce temps-là, Masséna se porta à Peschiera, attaqua l'ennemi dans le camp retranché qu'il avait fait devant cette place, le mit en déroute, lui prit douze pièces de canon, et lui fit sept cents prisonniers.

Le résultat de ce combat a été d'obliger l'ennemi à lever le siège de Peschiera, et à quitter la ligne du Mincio.

Dans la journée du 20, Augereau passa le Mincio à Peschiera. La division du général Serrurier se porta sur Vérone, où elle arriva à dix heures du soir, dans le temps que la division du général Masséna avait repris ses anciennes positions, fait quatre cents prisonniers, pris sept pièces de canon. L'arrière-garde ennemie était encore dans Verone; les portes étaient fermées et les ponts-levis levés. Le provéditeur de Venise, sommé de les ouvrir, déclara qu'il ne le pouvait pas de deux heures. J'ordonnai aussitôt qu'on les ouvrît à coups de canon, ce que le général Dommartin fit exécuter sur-le-champ, et en moins d'un quart d'heure. Nous y avons trouvé différens bagages et fait quelques centaines de prisonniers.

Nous voilà donc retournés dans nos anciennes positions: l'ennemi fuit au loin dans le Tyrol; les secours que vous m'avez annoncés venant des côtes de l'Océan commencent à arriver, et tout est ici dans la situation la plus satisfaisante.

L'armée autrichienne, qui depuis six semaines menaçait d'invasion en Italie, a disparu comme un songe, et l'Italie qu'elle menaçait est aujourd'hui tranquille.

Les peuples de Bologne, de Ferrare, mais surtout celui de Milan, ont, pendant notre retraite, montré le plus grand courage et le plus grand attachement à la liberté. À Milan, tandis que l'on disait que les ennemis étaient à Cassano, et que nous étions en déroute, le peuple demandait des armes, et l'on entendait dans les rues, sur les places, dans les spectacles, l'air martial: «Allons, enfans de la patrie.»

Le général Victor, à la tête de la dix-huitième demi-brigade, a montré la plus grande bravoure au combat de Peschiera.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Verone, le 22 thermidor an 4 (9 août 1796).

À la municipalité de Milan.

Lorsque l'armée battait en retraite, que les partisans de l'Autriche et les ennemis de la liberté la croyaient perdue sans ressource; lorsqu'il était impossible à vous-mêmes de soupçonner que cette retraite n'était qu'une ruse, vous avez montré de l'attachement pour la France, de l'amour pour la liberté; vous avez déployé un zèle et un caractère qui vous ont mérité l'estime de l'armée, et vous mériteront celle de la république française.

Chaque jour votre peuple se rend davantage digne de la liberté; il acquiert chaque jour de l'énergie: il paraîtra sans doute un jour avec gloire sur la scène du monde. Recevez le témoignage de ma satisfaction, et du voeu sincère que fait le peuple français pour vous voir libres et heureux.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Brescia, le 24 thermidor an 4 (11 août 1796).

Au citoyen Miot.

J'ai reçu vos différentes lettres, mon cher ministre; vous recevrez plusieurs exemplaires de la relation que vous désirez. On dit l'empereur sur le point de mourir: cherchez à voir quelqu'un qui puisse vous instruire du moment où cela pourrait arriver.

Vous sentez combien cela est important, et combien il est essentiel que je sois instruit du moment où le grand-duc se mettra en chemin pour Vienne.

Faites passer par un courrier les pièces que j'adresse au général Vaubois et au citoyen Cacault. Instruisez-moi avec votre exactitude ordinaire. L'intérêt du gouvernement est que l'on ne fasse rien dans la Toscane qui puisse indisposer le grand-duc, maintenez donc la neutralité.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Brescia, le 25 thermidor an 4 (12 août 1796).

À M. le chevalier d'Azara, à Rome.

J'ai reçu, monsieur, plusieurs lettres de vous, auxquelles les circonstances et mes occupations ne m'ont pas permis de répondre aussi promptement que j'aurais voulu.

Cacault vous remettra les deux pièces authentiques que vous m'avez envoyées, avec une lettre de la municipalité de Ferrare: vous y verrez que c'est une affaire arrangée.

On m'assure que la cour de Rome vous a demandé de lui prouver que la France était érigée en république. On m'assure qu'à Rome on ne veut plus accorder de bénédictions aux Ferrarais et aux Bolonais, mais bien à ceux de Lugo. Joignez à cela le légat envoyé à Ferrare et le retard de l'exécution de l'armistice, et le roi votre maître se convaincra de la mauvaise foi d'un gouvernement dont l'imbécillité égale la faiblesse.

M. Capelletti se conduit fort mal à Bologne: c'est à vous, monsieur, à y mettre ordre; je serais fâché de le chasser de la ville. Aussi bien, j'ignore ce qu'il est, ce qu'il fait, et ce qu'il prétend.

S.A.R. l'archiduc de Parme s'est conduit envers l'armée française avec la plus grande franchise et les sentimens d'amitié les plus sincères.

Je vous prie, monsieur, de croire aux sentimens, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Brescia, le 25 thermidor an 4 (12 août 1796).

Au citoyen Cacault, à Rome.

Le pape a envoyé un cardinal légat à Ferrare, dans le temps qu'il croyait sans doute les Français perdus. Cela est-il conforme au traité d'armistice que nous avons signé? Les bourgeois de Ferrare ont refusé de le recevoir. Je viens de donner l'ordre à ce cardinal de se rendre sur-le-champ au quartier-général.

Vous recevrez une lettre de la municipalité de Ferrare qui paraît être d'accord avec M. d'Azara; c'est donc une affaire finie. Je vous envoie en conséquence les deux pièces authentiques que le ministre m'avait envoyées.

Le premier convoi d'argent n'est pas encore arrivé: tout va bien lentement. Il paraît qu'il y a beaucoup de mauvaise foi. Surveillez, et instruisez-moi; envoyez des hommes affidés pour savoir ce qui se fait à Naples et ce qui s'y est fait pendant nos opérations militaires. Je vous enverrai des relations et des adresses qui vous feront plaisir, et vous mettront au fait de ce qui s'est passé.

BONAPARTE.

10 Louis Bonaparte, son frère.

Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V)

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