Читать книгу Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V) - Napoleon Bonaparte - Страница 54

Оглавление

De Montebello, le 24 fructidor an 4 (10 septembre 1796).

Au directoire exécutif.

Wurmser, avec quinze cents hommes de cavalerie, trois mille d'infanterie, et tout le quartier-général, est serré entre la division de Masséna, qui est partie ce matin de Vicence et file sur Villa-Nova, et la division du général Augereau, qui est partie de Padoue et va sur Porte-Legnago.

Wurmser, échappé de Bassano, s'est rendu à Citadella, de là à Vicence et à Montebello rejoindre ses troupes, et a essayé de forcer Verone; mais Kilmaine que j'y avais laissé, prévoyant son projet, l'a repoussé. J'apprends à cette heure qu'il longe l'Adige et tâche de gagner Mantoue. Il est possible que ce projet lui réussisse: alors, moyennant deux demi-brigades de plus que je donnerai à Sahuguet, je suis maître de l'Italie, du Tyrol et du Frioul.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 5e jour complémentaire an 4 (21 septembre 1796).

À sa majesté le roi de Sardaigne.

Les officiers préposés par votre majesté pour commander en la partie de ses états qui lui a été restituée par le traité de paix, voient, sinon avec plaisir, au moins avec indifférence, les assassinats et les brigandages qui se commettent contre les Français.

Par le traité de paix conclu entre votre majesté et la république française, la république devait continuer à occuper la partie de ces états qui avait été laissée à l'armée par le traité d'armistice: croyant faire quelque chose d'agréable à votre majesté, je lui ai rendu non-seulement le gouvernement civil, mais encore le gouvernement militaire, avec la clause spéciale que les routes seraient gardées, et que même nos convois seraient escortés par ses troupes.

Je prie donc votre majesté de vouloir bien ordonner que l'on tienne un corps de troupes respectable aux villages de Limon et de Limonais, lequel ferait des patrouilles jusqu'à Lacas, escortant les convois, et prenant toutes les mesures nécessaires pour maintenir cette route sûre, ainsi que Vadier, et généralement dans tous les pays voisins de Demont, formant la communication de Coni à Barcelonnette.

Je demande également à votre majesté que les cinq individus qui ont été arrêtés à Borgo-San-Dalmazzo par les Français, soient remis entre les mains du commandant militaire à Coni.

Je la prie également de donner les ordres à ses différens gouverneurs, pour qu'ils s'emploient avec loyauté à faire arrêter les brigands, dans quelques endroits qu'ils soient trouvés.

Indépendamment de l'intérêt de l'humanité et de la justice, votre majesté donnera, par cette conduite, une preuve de sa loyauté, et contribuera à éteindre ces germes de discorde, qui finiraient par se propager dans l'intérieur de ses états.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 5e jour complémentaire an 4 (21 septembre 1796).

Au ministre des affaires étrangères du roi de Sardaigne.

Je ne suis point diplomate, Monsieur, je suis militaire: vous pardonnerez ma franchise. Sur différens points des états de sa majesté, les Français sont assassinés, volés. Par le traité de paix, le roi qui est tenu de nous accorder le passage sur ses états, doit nous le donner sûr, et ce n'est même que pour cet effet que, contre la teneur du traité de paix, j'ai pris sur moi de restituer à sa majesté non-seulement le gouvernement civil, mais même le gouvernement militaire dans la partie de ses états qui lui a été restituée par la république. À Viné, à Limon, sous les yeux de la garnison de Demont, sous ceux des corps de troupes que M. Franchar commande à Borgo-San-Dalmazzo, l'on se porte tous les jours à des excès qui paraissent non-seulement tolérés, mais même encouragés par le gouvernement.

Je vous demanderai donc une explication simple:

1°. Le roi ne doit-il pas être tenu d'indemniser et de réparer les pertes faites en conséquence des délits qui se commettent sur son territoire contre les Français, lorsque ces délits se commettent en plein jour et par des corps soldés de deux ou trois cents personnes?

2°. Le roi a-t-il, avec vingt-cinq mille hommes qu'il a sous les armes, assez de forces pour contenir dans ses états des brigands, et faire respecter les lois de la justice, de l'humanité et des traités?

On ne juge les hommes, monsieur, que par leurs actions: la loyauté du roi est généralement connue; cependant on se trouve bien forcé de penser qu'il est des raisons de politique qui portent à encourager, ou du moins à tolérer des atrocités aussi révoltantes.

J'ai écrit à sa majesté elle-même, je vous prie de lui présenter ma lettre. Le gouvernement français ne fera rien ouvertement ni secrètement, qui tendrait à détruire ou à affaiblir l'effet du gouvernement du roi sur ses peuples; vous n'ignorez pas, cependant, combien cela serait facile. Le jour où vous voudrez sincèrement détruire les brigands qui infestent notre communication de Coni à Barcelonnette, ils n'existeront plus.

Je vous prie de me croire, etc.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 10 vendémiaire an 5 (1er octobre 1796).

Au chef de l'état-major.

Vous donnerez des ordres au générai Kilmaine pour le désarmement du Mantouan, et pour qu'on restitue tous les chevaux qui ont été achetés aux soldats. Vous ferez payer chaque cheval le prix qu'il aura coûté, sans que cela puisse excéder cent vingt francs par cheval. Vous formerez trois colonnes mobiles, commandées par des hommes sages et probes, qui parcourront, la première, la partie du Mantouan comprise entre le Pô, le Mincio et l'Oglio; la seconde, la partie comprise entre le Mincio, le Pô et l'Adige; la troisième, tout ce qui se trouve en deçà du Pô. Je crois que cent cinquante hommes d'infanterie et la moitié en cavalerie seront plus que suffisans pour chacune de ces colonnes.

Chacune des colonnes se rendra aux trois chefs-lieux, Castiglione, Roverbello et Conzague, pour procéder au désarmement, à la recherche de tout ce qui appartiendrait aux Autrichiens, à l'arrestation des hommes turbulens qui auraient excité les peuples à prendre les armes contre l'armée, à la restitution des chevaux vendus par les soldats.

Je vous recommande surtout de vous faire rendre compte de la conduite des moines de San-Benedetto; dans ce village il s'est commis des horreurs: j'y avais ordonné une imposition extraordinaire, qu'il faudra payer sur-le-champ. Vous demanderez au commissaire ordonnateur copie de mon ordre.

Je vous recommande aussi de mettre un terme à ces perpétuelles réquisitions qui désolent les pays conquis, sans presque aucun profit pour la république.

Concertez-vous avec le commissaire ordonnateur Aubernon, pour qu'un tas de fripons, sous prétexte de l'approvisionnement de l'armée, ne dépouillent pas les villages à leur profit. Vous êtes dans le Mantouan le premier agent de la république, vous devez donc porter votre surveillance sur tout ce qui peut intéresser l'ordre public. Il y a à Castiglione une commission administrative chargée de la levée des impositions, prêtez-lui main-forte et tous les secours qui dépendront de vous.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 10 vendémiaire an 5 (1er octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Après la bataille de Saint-George, nous cherchâmes à attirer Wurmser à une seconde action, afin d'affaiblir la garnison dans une affaire extra muros: nous nous gardâmes donc bien d'occuper le Sarraglio, j'espérais qu'il s'y rendrait; nous continuâmes seulement à occuper le pont de Governolo, afin de nous faciliter le passage du Mincio.

Le quatrième jour complémentaire, l'ennemi se porta avec quinze cents hommes de cavalerie à Castellucio; nos grand'gardes se replièrent, comme elles en avaient l'ordre; l'ennemi ne passa pas outre. Le 3 vendémiaire, il se porta sur Governolo, en suivant la ligne droite du Mincio: après une canonnade très-vive et plusieurs charges de notre infanterie, il fut mis en déroute; il eut cent hommes faits prisonniers et cinq caissons pris, tout attelés.

Le général Kilmaine, auquel j'ai donné le commandement des deux divisions qui assiègent Mantoue, resta dans ses mêmes positions jusqu'au 8, espérant toujours que l'ennemi, porté par l'envie de faire entrer des fourrages, chercherait à sortir; mais l'ennemi s'était campé à la Chartreuse, devant la porte Pradella et la chapelle, et devant la porte Cerese. Le général Kilmaine fit ses dispositions d'attaque, se porta par plusieurs points sur ces deux camps, que l'ennemi évacua à son approche, après une légère fusillade d'arrière-garde.

Nous occupons la porte Pradella et celle de Cerese, et nous bloquons la citadelle.

Il est impossible, dans ce moment-ci, de penser au siège de Mantoue, à cause des pluies; il ne sera faisable qu'en janvier. À cette époque, l'empereur aura une puissante armée dans le Tyrol et dans le Frioul: déjà il a réuni un corps de six mille hommes dans ce dernier pays, et il a fait venir huit mille hommes à Botzen.

Rien n'égale l'activité qu'il y a dans l'Empire pour recruter l'armée d'Italie.

Voici la force de notre armée:

J'ai dix-huit mille neuf cents hommes à l'armée d'observation, neuf mille hommes à l'armée de siège.

Je vous laisse à penser, si je ne reçois point de secours, s'il est possible que je résiste cet hiver à l'empereur, qui aura cinquante mille hommes dans six semaines.

J'ai demandé au commissaire du gouvernement de me faire passer la quarantième demi-brigade qui est à Lyon; j'ai ordonné que l'on me fasse passer la quatre-vingt-troisième, qui est à Marseille, et le dixième bataillon de l'Ain, qui est à Toulon, et qui doit être incorporé dans nos cadres. Ces deux demi-brigades, si elles arrivent, forment quatre mille cinq cents hommes.

Le général Willot a mal à propos retenu la onzième demi-brigade, forte de quatre cents hommes, et que le général Châteauneuf-Randon envoyait ici. Ajoutez à ce nombre le dixième bataillon de l'Ain, fort de cinq cents hommes, qui est à Nice, cela fait neuf cents hommes des six mille que ce général devait envoyer.

Renouvelez les ordres au général Châteauneuf-Randon; ordonnez le départ de la quarantième, qui est à Lyon, et de la quatre-vingt-septième, qui est à Marseille; faites-nous passer quinze mille hommes de ceux qui sont à portée; mais calculez que, sur quatre mille hommes que vous envoyez, il n'en arrivera que la moitié.

Songez qu'il faut que vous ayez en Italie, pour pouvoir vous soutenir pendant l'hiver, trente-cinq mille hommes d'infanterie à l'armée d'observation et dix-huit mille hommes d'infanterie à l'armée de siège, pour faire face à l'empereur. Ces deux forces réunies font cinquante-trois mille hommes, il en existe dans ce moment vingt-sept. Supposez que la saison étant meilleure, il nous rentre trois mille malades, quoique les pluies d'automne nous en donnent beaucoup, il resterait vingt-trois mille hommes à nous envoyer.

J'espère avoir, avant un mois, si par des courriers extraordinaires vous confirmez mes ordres et mes réquisitions, huit mille hommes, tirés des garnisons du midi.

Il faut donc encore quinze mille hommes. Si vous les faites partir de Paris ou des environs, ils pourront arriver dans le courant de décembre; mais il faut qu'ils aient les ordres de suite. Si vous avez des dépôts, envoyez-nous-en de même pour encadrer dans nos corps.

Il nous faudrait encore quinze cents hommes de cavalerie légère ou des dragons: par exemple, le quatorzième régiment de chasseurs. Il faudrait huit cents canonniers pour le siège de Mantoue, dix officiers du génie, et quelques officiers supérieurs d'artillerie pour le même siège.

Il nous faudrait de plus quinze cents charretiers, organisés en brigades, ayant leurs chefs; je n'ai que des Italiens qui nous volent: deux bataillons de sapeurs et sept compagnies de mineurs.

Si la conservation de l'Italie vous est chère, citoyens directeurs, envoyez-moi tous ces secours. Il me faudrait également vingt mille fusils; mais il faudrait que ces envois arrivassent, et qu'il n'en soit pas comme de tout ce que l'on annonce à cette armée, où rien n'arrive. Nous avons une grande quantité de fusils, mais ils sont autrichiens; ils pèsent trop, et nos soldats ne peuvent s'en servir.

Nous avons ici des fabriques de poudre, dont nous nous servons, et qui nous rendent trente milliers par mois: cela pourra nous suffire.

Je vous recommande de donner des ordres pour que les huit mille hommes que j'attends à la fin d'octobre arrivent: cela seul peut me mettre à même de porter encore de grands coups aux Impériaux. Pour que les trois mille hommes du général Châteauneuf-Randon arrivent, il faut qu'ils partent six à sept mille.

J'essaye de faire lever ici une légion armée de fusils autrichiens, et habillée avec l'uniforme de la garde nationale du pays: cette légion sera composée de trois mille cinq cents hommes au complet; il est possible que cela réussisse.

Les avant-postes du général Vaubois ont rencontré la division autrichienne qui défend le Tyrol; il a fait à l'ennemi cent dix prisonniers.

Quelles que soient les circonstances qui se présenteront, je vous prie de ne pas douter un seul instant du zèle et du dévouement de l'armée d'Italie à soutenir l'honneur des armes de la république.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 11 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Le peuple de la Lombardie se prononce chaque jour davantage; mais il est une classe très-considérable qui désirerait, avant de jeter le gant à l'empereur, d'y être invitée par une proclamation du gouvernement, qui fût une espèce de garant de l'intérêt que la France prendra à ce pays-ci à la paix générale.

Cette résolution du gouvernement, et l'arrêté qui établirait un gouvernement régulateur, et qui reconnaîtrait dès aujourd'hui l'indépendance de la Lombardie, avec quelques modifications pour la durée de la guerre, vaudrait à l'armée autant qu'un secours de trois à quatre mille hommes.

Les friponneries qui se commettent sont innombrables: au milieu de la guerre, il ne m'a pas été possible d'y porter un coup d'oeil sévère; mais aujourd'hui, pendant le séjour à Milan que les circonstances me permettent, je vous promets de leur faire une guerre vive: je vous annoncerai bientôt que le conseil en aura fait justice d'une douzaine.

Désormais le peuple de la Lombardie, plus heureux, sentira moins le poids de l'armée, et sera moins sujet aux vexations. Il n'en est pas de même du malheureux Mantouan: la nature frémit en pensant à la nuée de coquins qui désolent ce pays. J'ai fait quelques dispositions pour atténuer le mal.

Bologne et Ferrare, n'ayant pas de troupes, sont les plus heureux de tous: on vient d'y établir des surveillans; s'ils font comme les anciens agens militaires de la Lombardie, qui se sont pour la plupart sauvés avec une caisse, ils porteront la désolation dans ce beau pays. Je vais avoir soin de m'en faire rendre compte.

Reggio a fait sa révolution et a secoué le joug du duc de Modène. C'est peut-être le pays d'Italie qui est le plus prononcé pour la liberté.

Modène avait essayé d'en faire autant; mais les quinze cents hommes de troupes que le duc y tient en garnison ont fait feu sur le peuple et dissipé l'attroupement. Je crois que le plus court de tout ceci serait de déclarer l'armistice rompu, vu qu'il est encore dû cinq à six cent mille liv., et de mettre cette place à l'instar de Bologne et de Reggio. Ce seraient des ennemis de moins que nous aurions, car la régence ne dissimule pas la crainte que nous lui inspirons, et la joie qu'elle ressent des succès des ennemis. Je vous prie de vouloir bien me prescrire vos ordres là-dessus.

Je crois qu'il ne faut pas laisser cet état dans la situation de déchirement où il se trouve, mais déclarer au plénipotentiaire que vous avez à Paris les négociations rompues. Au lieu d'avoir un nouvel ennemi, nous aurions au contraire des secours et des alliés, les peuples de Modène et de Reggio réunis. Cependant, comme la face des affaires change tous les quinze jours dans ce pays, puisque cela suit les opérations militaires, et qu'il ne faudrait pas que votre rupture avec Modène arrivât dans un instant où je ne pourrais pas disposer de quinze cents hommes pendant quelques jours, pour établir un nouvel ordre de chose dans ce pays, vous pourriez déclarer à l'envoyé de Modène que vous m'avez fait connaître vos intentions, et que vous me chargez de la conclusion de la paix avec son prince. Il viendrait alors au quartier-général, ayant soin de lui signifier qu'il y soit rendu avant douze jours. Je lui déclarerais alors que toutes négociations sont rompues, dans le même instant que nos troupes entreront dans Modène, feront poser les armes à la garnison, prendront pour otages les plus enragés aristocrates, et mettront en place les amis de la liberté de Modène.

Vous aurez alors Modène, Reggio, Bologne et Ferrare, où la masse du peuple se forme tous les jours pour la liberté, et où la majorité nous regarde comme libérateurs, et notre cause comme la leur.

Les états de Modène arrivent jusqu'au Mantouan: vous sentez combien il nous est intéressant d'y avoir, au lieu d'un gouvernement ennemi, un gouvernement dans le genre de celui de Bologne, qui nous serait entièrement dévoué. Nous pourrions, à la paix générale, donner le Mantouan au duc de Parme, ce qui serait politique sous tous les rapports; mais il serait utile que vous fissiez connaître cela à l'ambassadeur d'Espagne, pour que cela revienne au duc de Parme; ce qui l'engagerait à nous rendre beaucoup de services. Puisque nous sommes alliés avec l'Espagne, il ne serait point indifférent que le duc de Parme réunît à notre armée un de ses régimens de sept à huit cents hommes: cela me rendrait disponible un pareil nombre de nos troupes, et ferait que tous les habitans du duché de Parme regarderaient notre cause comme la leur; ce qui est toujours beaucoup. J'emploierai ce corps devant Mantoue, ou pour l'escorte des prisonniers et des convois, ce que nos gens font très-mal: sur quatre mille prisonniers, il s'en sauve ordinairement mille; ce qui est produit par le petit nombre d'escortes que je peux y mettre. J'ai essayé, pour les escortes, de quatre cents hommes Milanais, ce qui m'a parfaitement réussi; il faudrait aussi que le duc fût obligé de nous fournir un bataillon de pionniers fort de huit cents hommes, avec les outils.

Éloignés, comme nous sommes de la France, ce sera pour nous un bon secours que l'alliance de ce prince, puisque ses états sont sur le théâtre de la guerre.

Les barbets désolent nos communications: ce ne sont plus des voleurs isolés, ce sont des corps organisés de quatre à cinq cents hommes. Le général Garnier, à la tête d'une colonne mobile que j'ai organisée, occupe dans ce moment-ci Tende; il en a arrêté et fait fusiller une douzaine.

L'administration du département du Var s'est refusée à fournir deux cents hommes que j'ai mis en réquisition pour la formation de cette colonne mobile. Le général Willot non-seulement a refusé d'obéir à un ordre que j'ai donné pour le départ du dixième bataillon de l'Ain, mais encore il a retenu la onzième demi-brigade, que le général Châteauneuf-Randon envoyait à l'armée, et un escadron du dix-huitième régiment de dragons. Ce général a cependant huit mille hommes dans sa division, troupes suffisantes pour conquérir le midi de la France, s'il était en révolte.

Je tiens en respect et je fais la police dans un pays ennemi plus étendu que toute sa division, avec huit ou neuf cents hommes. Ce général a des idées trop exagérées, et embrasse trop les différentes opinions des partis qui déchirent la France, pour pouvoir maintenir l'ordre dans le Midi sans une armée puissante.

Le général Willot a servi, au commencement de la révolution, à l'armée d'Italie; il jouit de la réputation d'un brave homme et d'un bon militaire, mais d'un royaliste enragé. Ne le connaissant pas, et n'ayant pas eu le temps de peser ses opérations, je suis bien loin de confirmer ce jugement; mais, ce qui me paraît bien avéré, c'est qu'il agit dans le Midi comme dans la Vendée, ce qui est un bon moyen pour la faire naître.

Quand on n'a égard à aucune autorité constituée, que l'on déclare en masse tous les habitans de plusieurs départemens indignes du nom de citoyen, on veut ou se former une armée considérable, ou faire naître la guerre civile: je ne vois pas de parti mitoyen. Si vous laissez le général Willot à Marseille, il faut lui donner une armée de vingt mille hommes, ou vous attendre aux scènes les plus affligeantes.

Quand une ville est en état de siège, il me semble qu'un militaire devient une espèce de magistrat, et doit se conduire avec la modération et la décence qu'exigent les circonstances, et il ne doit pas être un instrument de factions, un officier d'avant-garde. Je vous soumets toutes ces réflexions, spécialement par la nécessité que j'ai d'avoir des troupes.

Je vous prie aussi d'ôter de dessous mes ordres la huitième division, parce que les principes et la conduite du général Willot ne sont pas ceux qu'il doit avoir dans sa place, et que je me croirais déshonoré de voir, dans un endroit où je commande, se former un ferment de trouble, et de souffrir qu'un général sous mes ordres ne soit qu'un instrument de factions.

Par sa désobéissance et par son insubordination, il est la cause des horreurs qui se commettent dans ce moment dans le département des Alpes-Maritimes. Le convoi des tableaux chefs-d'oeuvre d'Italie a été obligé de rentrer à Coni; il eût été pris par les barbets. Si le général Willot n'obéit pas sur-le-champ à l'ordre que je lui ai donné de faire partir la quatre-vingt-troisième demi-brigade, mon projet est de le suspendre de ses fonctions. Nice même, dans ce moment-ci, n'est pas en sûreté.

Les barbets tirent leurs forces du régiment provincial de Nice, que le roi de Sardaigne a licencié; peut-être serait-il utile de faire un corps particulier de tous les habitans des Alpes maritimes qui se sont trouvés engagés dans le régiment provincial et le corps franc au moment de la guerre. On pourrait, dans ce cas, déclarer qu'ils ne reprendront leurs droits de citoyens qu'après avoir servi deux ans sous les drapeaux de la république.

J'ai écrit au ministre des affaires étrangères et au roi de Sardaigne lui-même des lettres très-fortes. J'espère que tous les jours le nombre de ces brigands sera moins redoutable.

J'ai envoyé à Turin le citoyen Poussielgue, secrétaire de la légation à Gênes, sonder les dispositions de ce cabinet pour un traité d'alliance; il nous faut ce prince ou la république de Gênes. J'avais même désiré une entrevue avec le ministre des affaires étrangères du roi de Sardaigne, mais cela n'a pu s'arranger.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 11 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

La république de Venise a peur: elle trame avec le roi de Naples et le pape; elle se fortifie et se retranche dans Venise. De tous les peuples de l'Italie, le Vénitien est celui qui nous hait le plus: ils sont tous armés, et il est des cantons dont les habitans sont braves. Leur ministre à Paris leur écrit que l'on s'arme, sans quoi tout est perdu: on ne fera rien de tous ces gens-là si Mantoue n'est pas pris.

Le roi de Naples a soixante mille hommes sur pied, il ne peut être attaqué et détrôné que par dix-huit mille hommes d'infanterie et trois mille de cavalerie. Il serait possible que, de concert avec l'Autriche et Rome, il portât un corps sur Rome et ensuite sur Bologne et Livourne: ce corps pourrait être de quinze mille hommes, et inquiéterait beaucoup l'armée française.

Le grand-duc de Toscane est absolument nul sous tous les rapports.

Le duc de Parme se conduit assez bien; il est nul aussi sous tous les rapports.

Rome est forte par son fanatisme: si elle se montre contre nous, elle peut accroître de beaucoup la force du roi de Naples, m'obliger à tenir trois mille hommes de plus sur mes derrières, par l'inquiétude qu'elle mettrait dans l'esprit de ces peuples: seule, sans Naples, il faudrait deux mille hommes d'infanterie et quinze cents de cavalerie pour la soumettre. Si elle arme, le fanatisme lui donne quelque force; il y aurait du sang de répandu: réunie avec Naples, l'on ne peut marcher à Rome avec moins de vingt mille hommes d'infanterie et deux mille hommes de cavalerie; et si l'on voulait aller à Naples après avoir été à Rome, il faudrait une armée de vingt-quatre mille hommes d'infanterie et de trois mille cinq cents de cavalerie. Je pense que six mille hommes d'infanterie et cinq cents de cavalerie suffiraient pour tenir les états du pape en respect, en s'y conduisant avec adresse et caractère, une fois que l'on s'en serait rendu maître.

Le roi de Sardaigne fomente la rébellion des barbets. Si Naples et Rome agissent contre nous, il faudra trois mille hommes de plus dans les places du Piémont.

Gênes. Le 16 de ce mois, le ministre Faypoult présentera une note au sénat, et nous ferons notre opération, conformément à vos ordres; si elle réussit, nous pourrons compter sur le gouvernement.

Si vous persistez à faire la guerre à Rome et à Naples, il faut vingt-cinq mille hommes de renfort, qui, joints aux vingt mille, nécessaires pour tenir tête à l'empereur, font un renfort de quarante-cinq mille hommes qu'il faudrait. Si vous faites la paix avec Naples, et qu'il n'y ait que Rome, il serait possible, avec les seules forces destinées à tenir tête à l'empereur, de profiter d'un moment favorable pour l'écraser; il faudrait compter cependant sur un surcroît de trois mille hommes.

Je crois que vous ne pouvez faire à la fois, dans la position actuelle de la république, la guerre à Naples et à l'empereur. La paix avec Naples est de toute nécessité: restez avec Rome en état de négociations ou d'armistice jusqu'au moment de marcher sur cette ville superbe.

Rome deviendrait très-forte de sa réunion avec Naples. Si nous sommes battus sur le Rhin, il nous convient de faire la paix avec Rome et avec Naples.

Il est une autre négociation qui devient indispensable, c'est un traité d'alliance avec le Piémont et Gênes. Je voudrais donner Massa et Carrara, les fiefs impériaux à Gênes, et la faire déclarer contre la coalition.

Si vous continuez la guerre avec Naples, il me paraît nécessaire de prendre Lucques et d'y mettre garnison: cette place est forte et bien armée; elle couvre les états de Gênes et offre une retraite à la garnison de Livourne.

Par cette lettre et celles que je vous enverrai incessamment, vous connaîtrez parfaitement notre position. Je n'avais jamais compté qu'après avoir détruit en une campagne deux armées à l'empereur, il en aurait une plus puissante, et que les deux armées de la république hiverneraient bien loin du Danube: le projet de Trieste et de Naples était fondé sur des suppositions.

J'ai écrit à Vienne, et ce soir le courrier part dans le même temps que l'armée se porte sur la Brenta.

Je fais fortifier l'Adda; mais c'est une faible barrière. Je vous le répète, des secours prompts, car l'empereur fait déjà filer ses troupes.

La négociation avec Rome a été mal conduite: il fallait, avant de l'entamer, qu'elle eût rempli les conditions de l'armistice; l'on pouvait au moins attendre quelques jours, et l'on aurait facilement eu les cinq millions du second paiement, dont une partie était déjà arrivée à Rimini. On a montré au pape tout le traité à la fois, il fallait au contraire préalablement l'obliger à se prononcer sur le premier article; mais surtout on ne devait pas choisir l'instant où l'armée était dans le Tyrol, et l'on devait avoir à l'appui un corps de troupes à Bologne, qui se serait accru par la renommée. Cela nous coûte dix millions, cinq de denrées, et tous les chefs-d'oeuvre d'Italie, qu'un retard de quelques jours nous aurait donnés.

Tous ces pays-ci sont si peuplés, la situation de nos forces est si connue, tout cela est tellement travaillé par l'empereur et par l'Angleterre, que la scène change tous les quinze jours.

Si nous ne réussissons pas dans tout ce que nous entreprendrons, je vous prie de croire que ce ne sera pas faute de zèle et d'assiduité.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 11 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796).

À Sa Majesté l'empereur d'Allemagne, roi de Hongrie et de Bohême, archiduc d'Autriche, etc.

Sire, l'Europe veut la paix. Cette guerre désastreuse dure depuis trop long-temps.

J'ai l'honneur de prévenir votre majesté que si elle n'envoie pas des plénipotentiaires à Paris pour entamer les négociations de paix, le directoire exécutif m'ordonne de combler le port de Trieste et de ruiner tous les établissemens de votre majesté sur l'Adriatique. Jusqu'ici j'ai été retenu dans l'exécution de ce plan, par l'espérance de ne pas accroître le nombre des victimes innocentes de cette guerre.

Je désire que votre majesté soit sensible aux malheurs qui menacent ses sujets, et rende le repos et la tranquillité au monde.

Je suis avec respect, de votre majesté,

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 11 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796).

Au chef de l'état-major.

J'apprends, citoyen général, que plusieurs négocians génois, en conséquence d'une intrigue, sont sortis avec grand fracas de Gênes, et se sont réfugiés à Milan, laissant entrevoir qu'ils sont instruits que les Français doivent bombarder Gênes. Vous voudrez bien leur donner ordre de sortir sur-le-champ de la Lombardie, et de retourner à Gênes, ayant à coeur d'ôter aux malveillans les moyens d'inquiéter le brave peuple de Gênes, auquel l'armée d'Italie a des obligations essentielles, tant pour les blés qu'il nous a procurés dans les momens de détresse, que par l'amitié que, de tout temps, il a témoignée pour la république.

Dans ce moment, où ils viennent de fermer leur port aux Anglais et de chasser le ministre de l'empereur qui avait fomenté la rébellion des fiefs impériaux, ils ont des droits plus particuliers à la protection de la république française.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 13 vendémiaire an 5 (4 octobre 1796).

Au citoyen Garreau, commissaire du gouvernement.

Nous avons le plus grand besoin d'argent, soit à l'armée, soit en France: je crois donc qu'il faudrait que vous prissiez ce soir des mesures pour faire ramasser le plus qu'il sera possible des sommes sur les créances de la chambre, les capitaux de l'archiduc et les créances connues sous le nom de Rivellet: ces trois objets pourront nous être d'une grande ressource, et vous savez que nous avons besoin de ne rien épargner.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 14 vendémiaire an 5 (5 octobre 1796).

Au cardinal Mattei.

Les circonstances dans lesquelles vous vous êtes trouvé, Monsieur, étaient difficiles et nouvelles pour vous; c'est à cela que je veux bien attribuer les fautes essentielles que vous avez commises. Les vertus morales et chrétiennes que tout le monde s'accorde à vous donner, me font désirer vivement que vous vous rendiez dans votre diocèse. Assurez tous les ministres du culte et les religieux des différentes congrégations, de la protection spéciale que je leur accorderai, toutes les fois cependant qu'ils ne se mêleront pas des affaires politiques des nations.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 15 vendémiaire an 5 (6 octobre 1796).

Au souverain pontife.

J'ai l'honneur de communiquer à votre sainteté un manifeste qui circule dans la Romagne, afin de connaître s'il est officiel, ou s'il est publié par les ennemis de la religion et de votre sainteté.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 15 vendémiaire an 5 (6 octobre 1796).

Au citoyen Faypoult, ministre de la république française à Gênes.

J'apprends, citoyen ministre, que le citoyen Gosselin, commissaire ordonnateur de l'armée, se trouve à Gênes: je vous prie de le faire arrêter et conduire à Milan.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 15 vendémiaire an 5 (6 octobre 1796).

Au chef de l'état-major.

Vous ferez arrêter et conduire à Milan le commissaire des guerres Flague, partout où il se trouvera. Il est accusé d'avoir vendu un tonneau de quinquina. On présume qu'il est à Livourne.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 17 vendémiaire an 5 (8 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Mantoue ne pourra pas être pris avant le mois de février, je dois déjà vous l'avoir annoncé: vous verrez par là que notre position en Italie est incertaine, et notre système politique très-mauvais.

Nous avons entamé des négociations avec Rome lorsque l'armistice n'était pas rempli, lorsque dix millions en tableaux et cinq millions en denrées étaient sur le point de nous être livrés. Rome arme, fanatise les peuples; l'on se coalise de tous côtés contre nous, l'on attend le moment pour agir, l'on agira avec succès si l'armée de l'empereur est un peu renforcée.

Trieste est aussi près de Vienne que Lyon l'est de Paris: en quinze jours les troupes y arrivent. L'empereur a déjà, de ce côté-là, une armée.

Je vous ferai passer toutes les pièces qui vous mettront à même de juger de notre position et de la situation des esprits.

Je crois la paix avec Naples très-essentielle, et l'alliance avec Gênes, ou la cour de Turin, nécessaire.

Faites la paix avec Parme et une déclaration qui prenne sous la protection de la France les peuples de la Lombardie, Modène, Reggio, Bologne et Ferrare, et par-dessus tout, envoyez des troupes. Il est de nécessité, à la fin d'une campagne comme celle-ci, d'envoyer quinze mille hommes de recrues. L'empereur en a envoyé trois fois pendant la campagne.

On gâte tout en Italie, le prestige de nos forces se dissipe: l'on nous compte. Je crois imminent, et très-imminent, que vous preniez en considération la situation de votre armée en Italie, que vous adoptiez un système qui puisse vous donner des amis, tant du côté des princes que du côté des peuples. Diminuez vos ennemis. L'influence de Rome est incalculable. On a très-mal fait de rompre avec cette puissance; tout cela sert à son avantage. Si j'eusse été consulté sur tout cela, j'eusse retardé la négociation de Rome comme celle de Gênes et de Venise. Toutes les fois que votre général en Italie ne sera pas le centre de tout, vous courrez de grands risques. On n'attribuera pas ce langage à l'ambition; je n'ai que trop d'honneur, et ma santé est tellement délabrée, que je crois être obligé de vous demander un successeur. Je ne peux plus monter à cheval, il ne me reste que du courage, ce qui est insuffisant dans un poste comme celui-ci.

Tout était prêt pour l'affaire de Gênes; mais le citoyen Faypoult a pensé qu'il fallait retarder. Environné de peuples qui fermentent, la prudence veut que l'on se concilie celui de Gênes jusqu'à nouvel ordre. J'ai fait sonder par le citoyen Poussielgue la cour de Turin, elle est décidée à une alliance. Je continue cette négociation. Des troupes, des troupes, si vous voulez conserver l'Italie.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 17 vendémiaire an 5 (8 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Cent cinquante hommes de la garnison de Mantoue étaient sortis le 8, à dix heures du matin, de la place, avaient passé le Pô à Borgoforte pour chercher des fourrages; cependant, à cinq heures après midi, nous achevâmes le blocus de Mantoue en nous emparant de la porte Pradella et de celle de Cerese, comme j'ai eu l'honneur de vous en instruire par mon dernier courrier.

Ce détachement, se trouvant par là séparé de Mantoue, chercha à se retirer à Florence. Arrivé à Reggio, les habitans en furent instruits, coururent aux armes et les empêchèrent de passer, ce qui les obligea à se retirer dans le château de Monte-Chiragolo, sur les états du duc de Parme. Les braves habitans de Reggio les poursuivirent, les investirent et les firent prisonniers par capitulation. Dans la fusillade qui a eu lieu, les gardes nationales de Reggio ont eu deux hommes tués. Ce sont les premiers qui aient versé leur sang pour la liberté de leur pays.

Les braves habitans de Reggio ont secoué le joug de la tyrannie de leur propre mouvement, et sans même être assurés qu'ils seraient soutenus par nous.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 17 vendémiaire an 5 (8 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Je vous ferai passer, citoyens directeurs, une proclamation sur Modène. Ces petits régentaux s'avisent de conspirer, je les ai prévenus. Pourquoi faut-il que je n'aie pas deux brigades pour en faire autant à Rome? Mais je n'ai pas de troupes disponibles, et Naples est là qui nous obligerait à rétrograder. L'affaire de Modène améliore un peu notre position.

Je suis ici environné de voleurs; j'ai déjà trois commissaires des guerres, deux administrateurs et des officiers au conseil militaire.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 18 vendémiaire an 5 (9 octobre 1796).

Au commissaire du gouvernement.

Il faudrait, je crois, réunir un congrès à Modène et à Bologne, et le composer des députés des états de Ferrare, Bologne, Modène et Reggio; les députés seront nommés par les différens gouvernemens, de manière que l'assemblée soit composée d'une centaine de personnes. Vous pourriez faire la distribution proportionnée à la population en favorisant un peu Reggio. Il faudra avoir soin qu'il y ait parmi ces députés des nobles, des prêtres, des cardinaux, des négocians et de tous les états, généralement estimés patriotes. On y arrêterait, 1°. l'organisation de la légion italienne; 2°. l'on ferait une espèce de fédération pour la défense des communes; 3°. ils pourraient envoyer des députés à Paris pour demander leur liberté et leur indépendance. Ce congrès ne devrait pas être convoqué par nous, mais seulement par des lettres particulières: cela produirait un grand effet, et serait une base de méfiance et d'alarme pour les potentats de l'Europe, et il est indispensable que nous ne négligions aucun moyen pour répondre au fanatisme de Rome, pour nous faire des amis et pour assurer nos derrières et nos flancs. Je désirerais que ce congrès fût tenu le 23 de ce mois. Je vous prie de prendre en grande considération cet objet, je ferai en sorte de m'y trouver pour cette époque. Nous sommes ici sans un sou, et tout coûte. Procurez-nous de l'argent.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 19 vendémiaire an 5 (10 octobre 1796).

Au chef de l'état-major.

Vous voudrez bien, général, donner l'ordre de faire arrêter l'officier qui commandait le poste de la Chiuza lors de l'affaire du 11 thermidor, et le faire traduire au conseil militaire comme traître ou lâche, ayant rendu ce poste sans raison et sans y être forcé.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 20 vendémiaire an 5 (11 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

L'affaire de Modène, citoyens directeurs, a parfaitement réussi: ce pays est content et heureux de se voir délivré du joug qui pesait sur lui. Les patriotes sont nombreux et en place. Je vous enverrai différens imprimés qui vous mettront au fait de la tournure que je donne à l'esprit pour opposer fanatisme à fanatisme, et nous faire des amis des peuples qui, autrement, deviendraient nos ennemis acharnés. Vous y trouverez l'organisation de la légion lombarde. Les couleurs nationales qu'ils ont adoptées sont le vert, le blanc et le rouge.

Parmi les officiers, il y a beaucoup de Français; les autres sont des officiers italiens, qui, depuis plusieurs années, se battent avec nous à l'armée d'Italie. Le chef de brigade est un nommé Lahoz, milanais: il était aide-de-camp du général Laharpe. Je l'avais pris avec moi; il est connu des représentans qui ont été à l'armée d'Italie, et spécialement du citoyen Ritter.

Je vous enverrai un manuscrit de l'organisation que je compte donner à la première légion italienne. À cet effet, j'ai écrit aux commissaires du gouvernement pour que les gouvernans de Bologne, de Modène, de Reggio et de Ferrare aient à se réunir en congrès: cela se fera le 23. Je n'oublie rien de ce qui peut donner de l'énergie à cette immense population, et tourner les esprits en notre faveur. La légion lombarde sera soldée, habillée, équipée par les Milanais. Pour subvenir à cette dépense, il faudra les autoriser à prendre l'argenterie des églises, ce qui vient à peu près à 1,000,000.

Je vous enverrai différentes lettres avec différentes notes du citoyen Cacault. Tout annonce que, d'ici à un mois, de grands coups se porteront en Italie. D'ici à ce temps, il faudra avoir conclu une alliance avec Gênes ou avec le roi de Sardaigne. Vous ferez peut-être aussi très-bien de faire la paix avec le roi de Naples.

J'ai renvoyé le citoyen Poussielgue à Turin pour continuer sa négociation; je lui ai dit de vous instruire directement de Turin, de l'issue de cette seconde entrevue.

Faites surtout que je sois instruit de notre position actuelle avec Naples; vous savez que j'ai deux mille quatre cents hommes de cavalerie napolitaine, que je fais surveiller, et qu'il faudrait prévenir, si nous avions de plus fortes raisons de nous méfier de Naples: s'ils agissent de leur côté en même temps que les Autrichiens et les autres puissances, cela ne laisserait pas d'être un surcroît d'embarras. Au mois de thermidor, lorsque je me repliais sur Brescia, je pensais à les faire arrêter, et je ne l'osai pas.

Le général Serrurier m'écrit de Livourne que le grand-duc arme aussi.

Pour peu que ma santé me le permette, croyez que je n'épargnerai rien de ce qui sera en mon pouvoir pour conserver l'Italie.

Je vous ferai tenir une lettre du citoyen Faypoult: il me paraît, d'après cela, qu'on négocie l'affaire de Gênes à Paris, et que nous avons bien fait de ne pas nous en mêler. Cette conduite inspire au gouvernement génois de la méfiance. Je reviens à mon principe, en vous engageant à traiter avant un mois avec Gênes et Turin.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 20 vendémiaire an 5 (11 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Des corps nombreux de l'empereur filent dans le Tyrol. Les pluies d'automne continuent toujours à nous donner beaucoup de malades. Il n'y a pas grand'chose à espérer du renfort des hommes aux hôpitaux, puisqu'il y a à présumer que c'est dans un mois que l'on frappera ici les grands coups.

Je vous enverrai incessamment la réponse que le général Châteauneuf m'a faite par un courrier extraordinaire que je lui avais expédié: il s'ensuit donc que je ne puis rien espérer au-delà de deux mille hommes, et votre ordre en portait six mille. Vous m'avez prévenu, par le dernier courrier, qu'il allait m'arriver dix mille hommes, indépendamment de ces deux mille hommes. Vous devez me faire connaître le jour et le lieu de leur départ, avec leur état de situation: s'il part dix mille hommes, vous devez calculer qu'il n'en arrivera que cinq mille.

Je ne sais pas encore si le général Kellermann fait venir la quarantième de Lyon, et si le général Willot obéit à l'ordre que je lui ai donné de faire partir la quatre-vingt-troisième. De ces deux demi-brigades, si elles arrivent à temps, dépend peut-être le destin de l'Italie.

Je fais fortifier Pizzighitone, Reggio, et tous les bords de l'Adda. J'ai fait fortifier également les bords de l'Adige; enfin, dans l'incertitude du genre de guerre que je ferai et des ennemis qui pourront m'attaquer, je n'oublie aucune hypothèse, et je fais dès aujourd'hui tout ce qui peut me favoriser. Je fais mettre en même temps les châteaux de Ferrare et d'Urbin près Bologne en état de défense.

Nous avons beaucoup d'officiers d'artillerie et du génie malades. Faites-nous partir une dizaine d'officiers de chacune de ces armes, des hommes actifs et braves: Mantoue nous a ruiné ces deux armes. Je vous prie de laisser le commandement de ces armes au citoyen Chasseloup et au général Lespinasse: ce sont deux très-bons officiers. J'ai tant de généraux de brigade blessés et malades que, malgré ceux que vous faites tous les jours, il m'en manque encore: il est vrai qu'on m'en a envoyé de si ineptes, que je ne puis les employer à l'armée active.

Je vous prie de nous envoyer le général Duvigneau et quelques autres de cette trempe. Envoyez-nous plutôt des généraux de brigade que des généraux de division. Tout ce qui nous vient de la Vendée n'est pas accoutumé à la grande guerre; nous faisons le même reproche aux troupes, mais elles s'aguerrissent.

Mantoue est hermétiquement bloqué, et cela avec sept mille hommes d'infanterie, et mille cinq cents hommes de cavalerie.

Envoyez-nous des hommes qui aient servi dans la cavalerie, pour recruter nos régimens; nous leur procurerons des chevaux: qu'ils viennent avec leur uniforme de dragons, chasseurs ou hussards, leurs sabres et carabines, hormis les dragons qui doivent avoir des fusils comme l'infanterie. Il y a tant de ces anciens gendarmes qui infestent les rues de Paris: moyennant quelques recruteurs qui courraient les rues, en faisant ressouvenir qu'ici on paye en argent, je crois qu'il serait possible de vous en procurer un bon nombre. Nous avons plus de mille deux cents hommes de cavalerie malades ou blessés, et leurs chevaux sont à ne rien faire aux dépôts. Envoyez-nous des officiers de cavalerie, chefs de brigade, capitaines, nous trouverons ici à les placer: que ce soit des hommes qui se battent.

Je vous prie de donner la retraite aux chefs de brigade Goudran du vingtième de dragons, et au citoyen Sérilhac du vingt-cinquième de chasseurs: ce sont des hommes qui sont malades la veille d'une affaire; ces gens-là n'aiment pas le sabre. Je vous prie aussi de faire donner la retraite au citoyen Gourgonier, chef d'escadron au premier de hussards.

Le chef du septième régiment de hussards, qui a été blessé, est un brave homme, mais il est trop vieux, et il faut lui accorder sa retraite. Moyennant que ces officiers supérieurs manquent, les affaires écrasent un petit nombre de braves qui finissent par être blessés, prisonniers ou tués; et les corps se trouvent sans chef.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 21 vendémiaire an 5 (12 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Je vous enverrai l'état de ce que l'armée a dépensé. Vous y verrez que les calomnies que l'on s'est plu mal à propos à accumuler sur l'ordonnateur Denniée ne peuvent pas l'atteindre. C'est un bon travailleur et un homme d'ordre, sans avoir cependant des talens transcendans.

Vous remarquerez qu'il y a une grande différence entre le compte du payeur de l'armée et celui des commissaires du gouvernement: cela roule sur quatre ou cinq millions. Les commissaires du gouvernement prétendent avoir donné cinq millions de plus au payeur, qui, de son côté, est en règle, puisqu'il dit: présentez-moi mes bons; d'ailleurs il connaît sa dépense. Je crois que cette différence vient de ce que les commissaires du gouvernement ont eux-mêmes ordonnancé des fonds et fait payer des dépenses arriérées, sans que cet argent ait été versé dans la caisse du payeur et que l'ordonnateur l'ait ordonnancé; ce qui est subversif de toute comptabilité et de tout ordre. Il est à ma connaissance que trois ou quatre adjudans-généraux, ayant été faits prisonniers, ont eu, à leur retour, 3,000 liv. de gratification accordées par les commissaires: vous sentez bien que l'ordonnateur n'aurait pas fait solder ces gratifications. Elles ont été accordées à de braves officiers qui les méritaient; mais cela a produit le mauvais effet de faire naître des prétentions chez tous les officiers supérieurs qui ont été faits prisonniers, et malheureusement il n'y a que trop d'argent de dépensé en indemnités pour pertes. Au moindre petit échec, chacun a perdu son porte-manteau; les conseils d'administration signent tout ce que l'on veut, cela m'a fait prendre le parti de ne plus faire accorder, même gratification de campagne, sans signature du ministre; ce qui nous économisera beaucoup.

Vous voyez donc que, depuis six mois que nous sommes en campagne, on n'a dépensé que onze millions: il reste donc à vous expliquer pourquoi on a dépensé si peu, c'est que, 1°. on a long-temps vécu de réquisitions; 2°, nous avons eu des denrées en nature de Modène, Parme, Ferrare et Bologne; 3°. la république nous a fourni et nous fournit encore beaucoup de denrées; enfin nous vivons souvent avec les magasins de l'ennemi.

Je vous prie de nous envoyer le commissaire ordonnateur Naudin; il est un peu vieux, mais je le connais pour un homme probe et sévère, il pourra être chargé utilement pour la république d'un des services de cette armée; je crois même que vous feriez bien de le faire ordonnateur des contributions, chargé de correspondre avec le ministre des finances et la trésorerie: vos commissaires pourraient alors en avoir simplement la surveillance comme des autres parties, ce qui les rendrait au rôle passif qu'ils doivent avoir par vos instructions, et remédierait aux abus sans nombre qui existent.

Je ne puis pas d'ailleurs vous dissimuler qu'il n'y a presque aucun ordre dans les contributions. Vos commissaires ne sont pas assez habitués aux détails de la comptabilité; il faut de plus un esprit de suite, que leurs occupations ou le grand caractère dont ils sont revêtus ne leur permet pas d'avoir.

Je crois donc qu'un commissaire ordonnateur, chargé en chef des contributions, indépendant du commissaire ordonnateur en chef, qui aurait un payeur nommé par la trésorerie, surveillerait d'une manière efficace la compagnie Flachat, en ce qu'il aurait un détail exact, une comptabilité sûre de tout ce qu'il aurait remis et des lettres de change qui sont tirées.

Enfin, vos commissaires font de beaux tableaux, qui ne s'accordent ni avec ceux du payeur, ni avec ceux de la compagnie Flachat: pourquoi? C'est que la comptabilité est une science à part; elle exige un travail à part et une attention réfléchie: d'ailleurs, peut-être penserez-vous qu'il convient de ne pas donner une comptabilité de détails à des hommes qui ont une responsabilité morale et politique. Si, suivant l'esprit de vos instructions, vos commissaires ne doivent que surveiller, il faut que jamais ils n'agissent; et il y a, en général, une présomption défavorable contre ceux qui manient de l'argent.

BONAPARTE.

Au quartier-général à Milan, le 21 vendémiaire an 5 (12 octobre 1796).

Au directoire exécutif.

Depuis que je suis à Milan, citoyens directeurs, je m'occupe à faire la guerre aux fripons; j'en ai fait juger et punir plusieurs: je dois vous en dénoncer d'autres. En leur faisant une guerre ouverte, il est clair que j'intéresse contre moi mille voix, qui vont chercher à pervertir l'opinion. Je comprends que, s'il y a deux mois, je voulais être duc de Milan, aujourd'hui je voudrai être roi d'Italie; mais, tant que mes forces et votre confiance dureront, je ferai une guerre impitoyable aux fripons et aux Autrichiens.

La compagnie Flachat n'est qu'un ramassis de fripons sans crédit réel, sans argent et sans moralité: je ne serai pas suspect pour eux, car je les croyais actifs, honnêtes et bien intentionnés; mais il faut se rendre à l'évidence.

1°. Ils ont reçu quatorze millions, ils n'en ont payé que six, et ils refusent d'acquitter les mandats donnés par la trésorerie, à moins de quinze ou vingt pour cent. Ces honteuses négociations se font publiquement à Gênes. La compagnie prétend qu'elle n'a pas de fonds; mais, moyennant cet honnête profit, elle consent à solder le mandat.

2°. Ils ne fournissent aucune bonne marchandise à l'armée; les plaintes me viennent de tous côtés; ils sont même fortement soupçonnés d'avoir fait pour plus de quatre-vingt mille quintaux de blé en versemens factices, en corrompant les garde-magasins.

3°. Leur marché est onéreux à la république, puisqu'un million, qui pèse, en argent, dix mille livres, serait transporté par cinq ou six voitures, et en poste, pour cinq à six mille francs, tandis qu'il en coûte près de cinquante mille, la trésorerie leur ayant accordé dans son marché cinq pour cent. Flachat et Laporte ont peu de fortune et aucun crédit; Peregaldo et Payen sont des maisons ruinées et sans crédit; cependant, c'est à la réunion de ces quatre noms que l'on a confié tous les intérêts de la république en Italie. Ce ne sont pas des négocians, mais des agioteurs, comme ceux du Palais-Royal.

4°. Peregaldo, né à Marseille, s'est désavoué d'être Français; il a renié sa patrie et s'est fait Génois: il ne porte pas la cocarde, il est sorti de Gênes avec sa famille, répandant l'alarme en disant que nous allions bombarder Gênes. Je l'ai fait arrêter et chasser de la Lombardie. Devons-nous souffrir que de pareilles gens, plus mal intentionnées et plus aristocrates que les émigrés mêmes, viennent nous servir d'espions, soient toujours avec le ministre de Russie à Gênes, et s'enrichissent encore avec nous?

Le citoyen Lacheze, consul à Gênes, est un fripon: sa conduite à Livourne, en faisant vendre des blés à Gênes à vil prix, en est la preuve.

Les marchandises ne se vendent pas à Livourne. Je viens de donner des ordres à Flachat de les faire vendre; mais je parie que, grâce à tous ces fripons réunis, cela ne rendra pas deux millions: ce qui devrait en rendre sept au moins.

Quant aux commissaires des guerres, hormis Denniée, ordonnateur en chef, Boinod, Mazad et deux ou trois autres, le reste n'est que des fripons: il y en a trois en jugement; ils doivent surveiller, et ils donnent les moyens de voler, en signant tout. Il faut nous en purger, et nous en renvoyer de probes, s'il y en a; il faudrait en trouver qui eussent déjà de quoi vivre.

Le commissaire ordonnateur Gosselin est un fripon: il a fait des marchés de bottes à trente-six livres, qui ont été renouvelés depuis à dix-huit livres.

Enfin, vous dirai-je qu'un commissaire des guerres, Flack, est accusé d'avoir vendu une caisse de quinquina que le roi d'Espagne nous envoyait? D'autres ont vendu des matelas; mais je m'arrête, tant d'horreurs font rougir d'être Français. La ville de Crémone a fourni plus de cinquante mille aunes de toile fine pour les hôpitaux, que ces fripons ont vendue: ils vendent tout.

Vous avez calculé sans doute que vos administrateurs voleraient, mais qu'ils feraient le service et auraient un peu de pudeur: ils volent d'une manière si ridicule et si impudente, que, si j'avais un mois de temps, il n'y en a pas un qui ne pût être fusillé. Je ne cesse d'en faire arrêter et d'en faire mettre au conseil de guerre; mais on achète les juges: c'est ici une foire, tout se vend. Un employé accusé d'avoir mis une contribution de 18,000 fr. sur Salo, n'a été condamné qu'à deux mois de fers. Et puis comment voulez-vous prouver? ils s'étayent tous.

Destituez ou faites arrêter le commissaire ordonnateur Gosselin; destituez les commissaires dont je vous envoie la note. Il est vrai qu'ils ne demandent peut-être pas mieux.

Venons aux agens de l'administration.

Thevenin est un voleur, il affecte un luxe insultant: il m'a fait présent de plusieurs très-beaux chevaux dont j'ai besoin, que j'ai pris, et dont il n'y a pas eu moyen de lui faire accepter le prix. Faites-le arrêter et retenir six mois en prison; il peut payer 500,000 fr. de taxe de guerre en argent: cet homme ne fait pas son service. Les charrois sont pleins d'émigrés, ils s'appellent royal charrois, et portent le collet vert sous mes yeux; vous pensez bien que j'en fais arrêter souvent, mais ils ne sont pas ordinairement où je me trouve.

Sonolet, agent des vivres jusqu'aujourd'hui, est un fripon: l'agence des vivres avait raison.

Ozou est un fripon et ne fait jamais son service.

Collot fait son service avec exactitude, il a du zèle et plus d'honneur que ces coquins-là.

Le nouvel agent qui a été envoyé par Cerf-Beer paraît meilleur que Thevenin. Je ne vous parle ici que des grands voleurs. Diriez-vous que l'on cherche à séduire mes secrétaires jusque dans mon antichambre? Les agens militaires sont tous des fripons. Un nommé Valeri est en jugement à Milan, les autres se sont sauvés.

Le citoyen Faypoult, votre ministre; Poussielgue, secrétaire; et Sucy, commissaire ordonnateur, honnêtes hommes, sont témoins des friponneries que commet la compagnie Flachat à Gênes; mais je suis obligé de partir demain pour l'armée; grande joie pour tous les fripons qu'un coup d'oeil sur l'administration m'a fait connaître.

Le payeur de l'armée est un honnête homme, un peu borné; le contrôleur est un fripon, témoin sa conduite à Bologne.

Les dénonciations que je fais, sont des dénonciations en âme et conscience comme jury. Vous sentez que ce n'est pas dans ma place et avec mon caractère que je vous les dénoncerais, si j'avais le temps de ramasser des preuves matérielles contre chacun d'eux: ils se couvrent tous.

Desgranges, agent des vivres, est intelligent; mais il nous faudrait ici Saint-Maime, homme de mérite et de considération: le service se ferait, et vous épargneriez plusieurs millions: je vous prie de nous l'envoyer. Enfin il faudrait pour agens non pas des tripoteurs d'agiotage, mais des hommes qui eussent une grande fortune et un certain caractère. Je n'ai que des espions. Il n'y a pas un agent de l'armée qui ne désire notre défaite, pas un qui ne corresponde avec nos ennemis; presque tous ont émigré sous des prétextes quelconques; ce sont eux qui disent notre nombre et qui détruisent le prestige: aussi je me garde plus d'eux que de Wurmser; je n'en ai jamais avec moi; je nourris pendant les expéditions mon armée sans eux, mais cela ne les empêche pas de faire des comptes à leur manière.

BONAPARTE.

Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V)

Подняться наверх