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ОглавлениеAu quartier-général à Milan, le 12 nivose an 5 (1er janvier 1797)
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien faire traduire devant le conseil militaire de la Lombardie les citoyens Bockty, Chevilly et Descriveur, employés à différentes administrations de l'armée, pour avoir volé et compromis l'armée et les opérations les plus importantes de la guerre. C'est par cette dilapidation infâme, le rachat des bons et les versemens factices, qu'ils ont compromis mon opération et ont été la cause de la perte d'un grand nombre de nos camarades; enfin ce sont de pareilles friponneries qu'il faut réprimer par des exemples sévères, pour empêcher qu'au milieu de l'Italie, c'est-à-dire la contrée la plus fertile de l'Europe, le soldat ne manque du nécessaire, comme cela est arrivé plusieurs fois.
J'accuse M. Bockty d'avoir porté la corruption parmi nos agens, et de n'être venu à l'armée que pour faire manquer mon opération en faisant des versemens factices.
J'accuse le citoyen Chevilly d'être un des points d'appui de tout ce manège, et d'avoir gagné des sommes considérables au détriment du soldat.
Le citoyen Descriveur, garde-magasin à Crémone, a offert à M. Bockty dix mille pintes de vin de versement factice: il est connu depuis longtemps pour faire cet infâme commerce.
Je demande en conséquence que ces trois employés soient condamnés à la peine de mort, ne devant pas être considérés comme de simples voleurs, mais comme des hommes qui tous les jours atténuent les moyens de l'armée et font manquer les opérations les mieux concertées, ou du moins n'en permettent la réussite qu'après une expansion de sang français, qui est trop précieux pour qu'on ne prenne pas toutes les mesures capables d'épouvanter leurs complices, trop nombreux dans l'armée d'Italie.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 12 nivose an 5 (1er janvier 1797)
Au citoyen président du congrès cispadan.
J'ai appris avec le plus vif intérêt, par votre lettre du 30 décembre, que les républiques cispadanes s'étaient réunies en une seule, et que, prenant pour symbole un carquois, elles étaient convaincues que leur force est dans l'unité et l'indivisibilité. La misérable Italie est depuis longtemps effacée du tableau des puissances de l'Europe. Si les Italiens d'aujourd'hui sont dignes de recouvrer leurs droits et de se donner un gouvernement libre, l'on verra un jour leur patrie figurer glorieusement parmi les puissances du globe; mais n'oubliez pas que les lois ne sont rien sans la force. Votre premier regard doit se porter sur votre organisation militaire. La nature vous a tout donné, et, après l'unité et la sagesse que l'on remarque dans vos différentes délibérations, il ne vous manque plus, pour atteindre au but, que d'avoir des bataillons aguerris et animés du feu sacré de la patrie.
Vous êtes dans une position plus heureuse que le peuple français, vous pouvez arriver à la liberté sans la révolution et ses crimes. Les malheurs qui ont affligé la France avant l'établissement de la constitution ne se verront jamais au milieu de vous. L'unité qui lie les diverses parties de la république cispadane, sera le modèle constamment suivi de l'union qui régnera entre toutes les classes de ses citoyens; et le fruit de la correspondance de vos principes et de vos sentimens soutenus par le courage, sera la liberté, la république et la prospérité.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 12 nivose an 5 (1er janvier 1797).
À M. Bataglia, provéditeur de la république de Venise à Brescia.
Je reçois à l'instant, monsieur, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire. Les troupes françaises ont occupé Bergame pour prévenir l'ennemi, qui avait l'intention d'occuper ce poste essentiel. Je vous avouerai franchement que j'ai été bien aise de saisir cette circonstance pour chasser de cette ville la grande quantité d'émigrés qui s'y étaient réfugiés, et châtier un peu les libellistes, qui y sont en grand nombre, et qui, depuis le commencement de la campagne, ne cessent de prêcher l'assassinat contre les troupes françaises, et qui ont, jusqu'à un certain point, produit cet effet, puisqu'il est constant que les Bergamasques ont plus assassiné de Français, que le reste de l'Italie ensemble.
La conduite de M. le provéditeur de Bergame a toujours été très partiale en faveur des Autrichiens, et il ne s'est jamais donné la peine de dissimuler, tant par sa correspondance que par ses propos et par ses actions, la haine qui l'anime contre l'armée française. Je ne suis point son juge, ni celui d'aucun sujet de la sérénissime république de Venise; cependant, lorsque, contre les intentions bien connues de leur gouvernement, il est des personnes qui transgressent les principes de la neutralité et se conduisent en ennemis, le droit naturel m'autoriserait aussi à me servir de représailles.
Engagez, je vous prie, M. le provéditeur de Bergame, qui est votre subordonné, à être un peu plus modeste, plus réservé et un peu moins fanfaron lorsque les troupes françaises sont éloignées de lui. Engagez-le à être un peu moins pusillanime, à se laisser moins dominer par la peur à la vue des premiers pelotons français. Si ce sentiment, qui est celui peut-être d'un châtiment qu'il savait avoir mérité par sa conduite passée à l'égard des Français, ne l'avait prédominé, le château de Bergame n'aurait point été évacué par les troupes vénitiennes, mais on s'y serait conduit comme à Brescia et à Verone.
Immédiatement après le reçu de votre lettre, j'ai pris en considération la position de la ville de Bergame, que j'ai fait évacuer par une partie des troupes qui y étaient. J'ai donné l'ordre au général Baraguay d'Hilliers de restituer le château à la garnison vénitienne et de faire le service ensemble. Quant à la tranquillité de Bergame, vos intentions, celle du gouvernement de Venise et la bonté de ce peuple m'en sont un sûr garant. Je connais le petit nombre d'hommes mal intentionnés, qui, depuis six mois, ne cessent de prêcher la croisade contre les Français. Malheur à eux, s'ils s'écartent des sentimens de modération et d'amitié qui unissent les deux gouvernemens!
C'est avec plaisir que je saisis cette occasion, monsieur, pour rendre justice au désir de la tranquillité publique que montrent M. l'évêque de Bergame et son respectable clergé. Je me convaincs tous les jours d'une vérité bien démontrée à mes yeux, c'est que si le clergé de France eût été aussi sage, aussi modéré, aussi attaché aux principes de l'Évangile, la religion romaine n'aurait subi aucun changement en France; mais la corruption de la monarchie avait infecté jusqu'à la classe des ministres de la religion: l'on n'y voyait plus des hommes d'une vie exemplaire et d'une morale pure, tels que le cardinal Mattei, le cardinal archevêque de Bologne, l'évêque de Modène, l'évêque de Pavie, l'archevêque de Pise; il m'a paru quelquefois, discourant avec ces personnages respectables, me retrouver aux premiers siècles de l'Église.
Je vous prie de croire, monsieur, aux sentimens d'estime, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 17 nivose an 5 (6 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
Plus j'approfondis, dans mes momens de loisir, les plaies incurables des administrations de l'armée d'Italie, plus je me convaincs de la nécessité d'y porter un remède prompt et infaillible.
La comptabilité de l'armée est, chez le payeur, dans un désordre frappant; on ne peut avoir compte de rien, et à la réputation de friponner bien constatée du contrôleur se joint l'ineptie des autres employés. Tout se vend. L'armée consomme cinq fois ce qui lui est nécessaire, parce que les gardes-magasins font de faux bons, et sont de moitié avec les commissaires des guerres.
Les principales actrices de l'Italie sont entretenues par les employés de l'armée française; le luxe, la dépravation et la malversation sont à leur comble. Les lois sont insuffisantes: il n'y a qu'un seul remède; il est à la fois analogue à l'expérience, à l'histoire et à la nature du gouvernement républicain: c'est une syndicature, magistrature qui serait composée d'une ou de trois personnes, dont l'autorité durerait seulement trois ou cinq jours, et qui, pendant ce court espace, aurait le droit de faire fusiller un administrateur quelconque de l'armée. Cette magistrature, envoyée tous les ans aux armées, ferait que tout le monde ménagerait l'opinion publique, et garderait une certaine décence, non-seulement dans les moeurs et dans la dépense, mais encore dans le service journalier.
Le maréchal de Herwick fit pendre l'intendant de l'armée, parce qu'il manqua de vivres; et nous, au milieu de l'Italie, ayant tout en abondance, dépensant dans un mois cinq fois ce qu'il nous faudrait, nous manquons souvent. Ne croyez pas cependant que je sois mou, et que je trahisse la patrie dans cette portion essentielle de mes fonctions. Je fais arrêter tous les jours des employés, je fais examiner leurs papiers, visiter les caisses; mais je ne suis secondé par personne, et les lois n'accordent pas une assez grande autorité au général pour pouvoir imprimer une terreur salutaire à cette nuée de fripons. Cependant le mal diminue, et, à force de gronder, de punir et de me fâcher, les choses, je l'espère, se feront avec un peu plus de décence; mais songez, je vous le répète, à l'idée que je vous donne d'une syndicature.
Je vous ferai passer incessamment le procès-verbal qu'on m'apporte de l'interrogatoire d'un fournisseur arrêté par mes ordres: par ce procès-verbal, vous verrez combien le mal est porté à son comble et a besoin d'un remède puissant.
La compagnie Flachat a donné à l'Italie l'exemple des rachats. Le commissaire ordonnateur Sucy, qui avait connaissance de tous ces tripotages, m'en a parlé avec quelques détails lors de son dernier voyage à Milan.
Ces gens-là ont peut-être gagné trois millions par des versemens factices. Cette compagnie doit cinq millions à l'armée, provenant des contributions; le payeur de l'armée a tiré, sur sa maison à Gênes, pour six cent mille livres de traites pour le prêt, elle a eu l'impudeur de les laisser protester. J'ai regardé la compagnie comme banqueroutière, et j'ai fait mettre les scellés sur ses maisons de Livourne et de Gênes. Je vous prie de donner des ordres pour faire arrêter à Paris les agens de cette compagnie: ce sont les plus grands escrocs de l'Europe; ils nous ont mis ici dans une situation bien embarrassante. J'ai voulu faire arrêter Flachat et son beau-frère, agent de la compagnie à Milan, jusqu'à ce qu'ils eussent payé; mais ces fripons s'étaient sauvés.
En vous parlant des friponneries qui se commettent, je ne dois pas manquer de rendre justice aux employés qui se conduisent bien et avec décence.
Je suis très-content du citoyen Pesillicot, agent de la compagnie Cerfbeer. Si cette compagnie nous avait envoyé un homme comme celui-là au commencement de la campagne, elle eût gagné plusieurs millions, et l'armée encore davantage.
Je suis également content de l'agent des vivres-viandes, Collot: c'est un administrateur, il soutient son service.
Parmi les commissaires des guerres, la probité du citoyen Boinot est particulièrement distinguée et reconnue par toute l'armée. S'il y avait à l'armée une quinzaine de commissaires des guerres comme celui-là, vous pourriez leur faire présent de cent mille écus à chaque, et nous aurions encore gagné une quinzaine de millions. Je vous prie de donner à ces différens administrateurs des marques de votre satisfaction.
Je vous enverrai une dénonciation du commissaire des guerres Boinot contre l'ancien agent de la compagnie Cerfbeer, Thévenin.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Ancône, le 24 nivose an 5 (12 février 1797)
À M. le prince Belmonte Pignatelli, ministre de S-M. le roi des Deux-Siciles.
Le directoire exécutif m'a envoyé dans le temps, monsieur, les notes que vous lui avez remises, exprimant le désir que le roi votre maître avait que l'armistice conclu entre la république française et le pape continuât à avoir lieu et pût servir à un accommodement définitif.
J'ai en conséquence réitéré dès-lors auprès de la cour de Rome mes instances pour l'exécution des conditions de l'armistice, et pour y ouvrir des négociations de paix, comme vous le verrez par les pièces que je vous ferai passer. Mais la cour de Rome, livrée à l'esprit de vertige, a préféré le hasard des armes: la guerre est devenue dès-lors inévitable; mais, fidèle au système de modération qui dirige exclusivement les opérations du directoire exécutif, et envieux de donner à sa majesté le roi des Deux-Siciles une preuve de la considération qu'a pour lui la république française, après la première conférence que j'ai eu l'honneur d'avoir avec vous, j'ai écrit la lettre que je vous ai communiquée à M. le cardinal Mattei. Je ne doute point que le directoire exécutif de la république française ne soit charmé, dans toutes les circonstances, de saisir les occasions d'affermir la paix qui l'unit à sa majesté le roi des Deux-Siciles, et de montrer sa modération au milieu des succès éclatans que vient d'obtenir l'armée d'Italie, par les défaites de l'armée autrichienne et la prise de Mantoue, comme elle a montré à l'Europe sa fermeté dans tout ce qui tendait à soutenir la dignité de la république et la gloire des armes françaises.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 24 nivose an 5 (13 janvier 1797)
Au général Joubert.
Je vous prie de me faire connaître le plus tôt possible si vous croyez que l'ennemi a devant vous plus de neuf mille hommes. Il est très-nécessaire que je sache si l'attaque que l'on vous fait est une attaque réelle, égale ou supérieure à vos forces, ou si c'est une attaque secondaire et pour donner le change.
L'ennemi nous présente sur Verone à peu près six mille hommes, que je donne ordre d'attaquer dans le moment. Si vous avez neuf ou dix mille hommes devant vous, ce qui doit réellement être pour oser faire une attaque véritable, il s'ensuivrait qu'il n'aurait pas du côté de Legnago plus de neuf à dix mille hommes; si cela était, et que votre attaque et celle que je fais faire ici réussissent ce soir comme il faut, je serai bien loin d'avoir à craindre qu'ils ne passent l'Adige.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Villa-Franca, le 26 nivose an 5 (15 janvier 1797).
Au général Joubert.
Je vous apprends avec plaisir, mon cher général, que le général Augereau a attaqué hier l'ennemi, lui a pris quelques hommes, douze pièces de canon, lui a brûlé ses ponts, etc.
Vous avez bien fait de garder la soixante-quinzième; la victoire ne sera pas douteuse, et le succès de ce matin est d'un bon augure. Mantoue fait dans ce moment-ci une sortie qui ne paraît pas lui réussir.
J'envoie la dix-huitième demi-brigade, qui arrive à son secours.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Roverbello, le 26 nivose an 5 (15 janvier 1797).
Au général Joubert.
La dix-huitième et la cinquante-septième sont ici. L'ennemi, après avoir passé l'Adige, s'est divisé en deux corps: le premier s'est mis en marche vers Mantoue, le second est resté à Anghuiara pour défendre le pont de l'Adige. Les généraux de division Guieux et Augereau ont attaqué ce corps, auquel ils ont fait deux mille prisonniers, pris plusieurs pièces de canon, et brûlé tous ses ponts sur l'Adige.
Le premier corps s'est présenté à midi à Saint-George: le général Miollis, qu'il a sommé de se rendre, lui a répondu à coups de canon. Après une fusillade très-opiniâtre, l'ennemi n'a point pu forcer ce poste essentiel; il est dans ce moment-ci entre Saint-George et le Mincio, au village de Valdagno, où il cherche à communiquer par le lac avec la garnison de Mantoue. Je fais reconnaître dans ce moment sa position; j'attends quelques rapports sur les reconnaissances que j'ai fait faire de la Molinella, après quoi je chercherai à le battre. Si le général Augereau, comme je pense, se porte sur Castellara à la suite de cette colonne qui lui a échappé, vous sentez que nous vaincrons facilement. La trente-deuxième vient d'arriver à Franca, cela nous mettra à même de finir bientôt cette lutte sanglante et vive, qui est, je crois, une des plus actives de la campagne. J'attends avant minuit un petit billet de votre part, de la Corona.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 28 nivose an 5 (17 janvier 1797).
Au général Joubert.
Nous voilà donc aux mêmes positions où nous étions, M. Alvinzi ne peut pas en dire autant: il s'agit actuellement de savoir en profiter. Je vous prie de me faire passer votre état de situation, et de veiller à ce qu'il soit exact. Je viens d'ordonner qu'on vous envoie le vingt-quatrième régiment de chasseurs en place du vingt-deuxième: si cet arrangement ne vous convenait pas, il faut que vous m'en préveniez sur-le-champ.
Je viens d'ordonner au général d'artillerie de fournir à votre division douze pièces d'artillerie prêtes à marcher, et trois pièces d'artillerie de montagne. Il ne peut vous manquer pour marcher que des souliers et des vivres. Faites vérifier dans vos magasins, et faites transporter à Rivoli trente mille rations de biscuit, et assurez-vous qu'il existe dans vos magasins tout ce qui est nécessaire pour avoir, le 30 au soir, trente mille rations de pain: cela fait des vivres pour votre division pendant quatre jours.
Il paraît encore vous manquer de souliers: faites-moi connaître dans la nuit, au juste et sans exagération, combien il vous en faut. Renvoyez-moi la carte que j'ai laissée chez vous, de la ligne entre Rivoli et l'Adige.
Je vous préviens que vous vous mettrez en mouvement dans la nuit du 30 nivose au 1er pluviose.
Faites-moi passer le plus tôt possible une relation des deux journées de la Corona, du combat de Rivoli, le nom des hommes qui se sont distingués et l'avancement qu'on pourrait leur donner.
Vous voilà avec deux seuls généraux de brigade, Baraguay d'Hilliers et Vial; je viens de donner les ordres pour que le général Dugoulot se rende sous vos ordres; je ferai demain donner des ordres à un quatrième.
Je n'ai point vu le chef de brigade de la quatorzième de ligne à la bataille de Rivoli: mon intention est que les chefs de brigade commandant restent toujours à leurs corps, et que les membres du conseil militaire, quel que soit leur grade, se trouvent à leurs drapeaux à toutes les affaires générales.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Roverbello, le 28 nivose an 5 (17 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
Il s'est passé depuis le 23 des opérations d'une importance telle, et qui ont si fort multiplié les actions militaires, qu'il m'est impossible, avant demain, de vous en faire un détail circonstancié. Je me contente aujourd'hui de vous les annoncer.
Le 23 nivose, l'ennemi est venu attaquer la division du général Masséna devant Verone, ce qui a donné lieu au combat de Saint-Michel, où nous l'avons battu complètement. Nous lui avons fait six cents prisonniers et pris trois pièces de canon. Le même jour, il attaqua la tête de notre ligne de Montebello, et donna lieu au combat de la Corona, où il a été repoussé. Nous lui avons fait cent dix prisonniers.
Le 24, à minuit, la division de l'armée ennemie, qui depuis le 19 était établie à Bevilaqua, où elle avait fait replier l'avant-garde du général Augereau, jeta rapidement un pont sur l'Adige, à une lieue de Porto-Legnago, vis-à-vis Anghiari.
Le 24, au matin, l'ennemi fit filer une colonne très-forte par Montagna et Caprino, et par là obligea la division du général Joubert à évacuer la Corona et à se concentrer à Rivoli. J'avais prévu le mouvement, je m'y portai dans la nuit, et cela donna lieu à la bataille de Rivoli, que nous avons gagnée le 25 et le 26, après une résistance opiniâtre, et où nous avons fait à l'ennemi treize mille prisonniers, pris plusieurs drapeaux et plusieurs pièces de canon. Le général Alvinzi, presque seul, a eu beaucoup de peine à se sauver.
Le 25, le général Guieux attaqua l'ennemi à Anghiari, pour chercher à le culbuter avant qu'il eût entièrement effectué son passage. Il ne réussit pas dans son objet, mais il fit trois cents prisonniers.
Le 26, le général Augereau attaqua l'ennemi à Anghiari, ce qui donna lieu au second combat d'Anghiari. Il lui fit deux mille prisonniers, s'empara de seize pièces de canon, et brûla tous les ponts sur l'Adige; mais l'ennemi, profitant de la nuit, défila sur Mantoue. Il était déjà arrivé à une portée de canon de cette place; il attaqua Saint-George, faubourg que nous avions retranché avec soin, et ne put l'emporter. J'arrivai dans la nuit avec des renforts, ce qui donna lieu à la bataille de la Favorite, sur le champ de bataille de laquelle je vous écris. Le fruit de cette bataille est sept mille prisonniers, des drapeaux, des canons, tous les bagages de l'armée, un régiment de hussards, et un convoi considérable de grains et de boeufs que l'ennemi prétendait faire entrer dans Mantoue. Wurmser a voulu faire une sortie pour attaquer l'aile gauche de notre armée; mais il a été reçu comme d'ordinaire et obligé de rentrer. Voilà donc, en trois ou quatre jours, la cinquième armée de l'empereur entièrement détruite.
Nous avons fait vingt-trois mille prisonniers, parmi lesquels un lieutenant-général, deux généraux, six mille hommes tués ou blessés, soixante pièces de canon, et environ vingt-quatre drapeaux. Tous les bataillons de volontaires de Vienne ont été faits prisonniers: leurs drapeaux sont brodés des mains de l'impératrice.
L'armée du général Alvinzi était de près de cinquante mille hommes, dont une partie était arrivée en poste de l'intérieur de l'Autriche.
Du moment que je serai de retour au quartier-général, je vous ferai passer une relation détaillée, pour vous faire connaître les mouvemens militaires qui ont eu lieu, ainsi que les corps et les individus qui se sont distingués. Nous n'avons eu dans toutes ces affaires que sept cents hommes tués et environ douze cents blessés. L'armée est animée du meilleur esprit et dans les meilleures dispositions.
Vous m'avez annoncé, depuis plus de trois mois, dix mille hommes venant de l'Océan; il n'est encore arrivé que la soixante-quatrième demi-brigade, forte de dix-huit cents hommes.
L'empereur aura réorganisé une nouvelle armée en Italie, avant que je n'aie reçu ces dix mille hommes.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 29 nivose an 5 (18 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
Je m'étais rendu à Bologne avec deux mille hommes, afin de chercher, par ma proximité, à en imposer à la cour de Rome, et lui faire adopter un système pacifique, dont cette cour parait s'éloigner de plus en plus depuis quelque temps.
J'avais aussi une négociation entamée avec le grand-duc de Toscane, relativement à la garnison de Livourne, que ma présence à Bologne terminerait infailliblement.
Mais, le 18 nivose, la division ennemie qui était à Padoue se mit en mouvement; le 19, elle attaqua l'avant-garde du général Augereau qui était à Bevilaqua, en avant de Porto-Legnago; après une escarmouche assez vive, l'adjudant-général Dufour qui commandait cette avant-garde, se retira à San-Zeno, et le lendemain à Porto-Legnago, après avoir eu le temps, par sa résistance, de prévenir toute la ligne de la marche de l'ennemi.
Je fis passer aussitôt sur l'Adige les deux mille hommes que j'avais avec moi à Bologne, et je partis immédiatement après pour Verone.
Le 23, à six heures du matin, les ennemis se présentèrent devant Verone, et attaquèrent l'avant-garde du général Masséna, placée au village de Saint-Michel: ce général sortit de Verone, rangea sa division en bataille, et marcha droit à l'ennemi, qu'il mit en déroute, lui enleva trois pièces de canon, et lui fit six cents prisonniers. Les grenadiers de la soixante-quinzième enlevèrent les pièces à la baïonnette; ils avaient à leur tête le général Brune, qui a eu ses habits percés de sept balles.
Le même jour et à la même heure, l'ennemi attaquait la tête de notre ligne de Montebaldo, défendue par l'infanterie légère du général Joubert: le combat fut vif et opiniâtre, l'ennemi s'était emparé de la première redoute; mais Joubert se précipita à la tête de ses carabiniers, chassa l'ennemi, qu'il mit en déroute complète, et lui fit cent dix prisonniers.
Le 24, l'ennemi jeta brusquement un pont à Anghiari, et y fit passer son avant-garde, à une lieue de Porto-Legnago; en même temps le général Joubert m'instruisit qu'une colonne assez considérable filait par Montagna, et menaçait de tourner son avant-garde à la Corona. Différens indices me firent connaître le véritable projet de l'ennemi, et je ne doutai plus qu'il n'eût envie d'attaquer, avec ses principales forces, ma ligne de Rivoli, et par là arriver à Mantoue: je fis partir dans la nuit la plus grande partie de la division du général Masséna, et je me rendis moi-même à Rivoli, où j'arrivai à deux heures après minuit.
Je fis aussitôt reprendre au général Joubert la position intéressante de San-Marco; je fis garnir le plateau de Rivoli d'artillerie, et je disposai le tout, afin de prendre, à la pointe du jour, une offensive redoutable, et de marcher moi-même à l'ennemi.
À la pointe du jour, notre aile droite et l'aile gauche de l'ennemi se rencontrèrent sur les hauteurs de San-Marco: le combat fut terrible et opiniâtre.
Le général Joubert, à la tête de la trente-troisième, soutenait son infanterie légère que commandait le général Vial.
Cependant, M. Alvinzi, qui avait fait ses dispositions, le 24, pour enfermer toute la division du général Joubert, continuait d'exécuter son même projet; il ne se doutait pas que pendant la nuit j'y étais arrivé avec des renforts assez considérables pour rendre son opération non-seulement impossible, mais encore désastreuse pour lui. Notre gauche fut vivement attaquée; elle plia, et l'ennemi se porta sur le centre.
La quatorzième demi-brigade soutint le choc avec la plus grande bravoure. Le général Berthier, chef de l'état-major, que j'y avais laissé, déploya dans cette occasion la bravoure dont il a fait si souvent preuve dans cette campagne.
Les Autrichiens, encouragés par leur nombre, redoublaient d'efforts pour enlever les canons placés devant cette demi-brigade: un capitaine s'élance au devant de l'ennemi, en criant: quatorzième, laisserez-vous prendre vos pièces? En même temps la trente-unième, que j'avais envoyée pour rallier la gauche, paraît, reprend toutes les positions perdues, et, conduite par son général de division Masséna, rétablit entièrement les affaires.
Cependant, il y avait déjà trois heures que l'on se battait, et l'ennemi ne nous avait pas encore présenté toutes ses forces; une colonne ennemie qui avait longé l'Adige, sous la protection d'un grand nombre de pièces, marche droit au plateau de Rivoli pour l'enlever, et par là menace de tourner la droite et le centre. J'ordonnai au général de cavalerie Leclerc de se porter pour charger l'ennemi, s'il parvenait à s'emparer du plateau de Rivoli, et j'envoyai le chef d'escadron Lasalle, avec cinquante dragons, prendre en flanc l'infanterie ennemie qui attaquait le centre, et la charger vigoureusement. Au même instant, le général Joubert avait fait descendre des hauteurs de San-Marco quelques bataillons qui plongeaient le plateau de Rivoli. L'ennemi, qui avait déjà pénétré sur le plateau, attaqué vivement et de tous côtés, laisse un grand nombre de morts, une partie de son artillerie, et rentre dans la vallée de l'Adige. À peu près au même moment, la colonne ennemie qui était déjà depuis long-temps en marche pour nous tourner et nous couper toute retraite, se rangea en bataille sur des pitons derrière nous. J'avais laissé la soixante-quinzième en réserve, qui non-seulement tint cette colonne en respect, mais encore en attaqua la gauche qui, s'était avancée, et la mit sur-le-champ en déroute. La dix-huitième demi-brigade arriva sur ces entrefaites, dans le temps que le général Rey avait pris position derrière la colonne qui nous tournait; je fis aussitôt canonner l'ennemi avec quelques pièces de 12; j'ordonnai l'attaque, et, en moins d'un quart d'heure, toute cette colonne, composée de plus de quatre mille hommes, fut faite prisonnière.
L'ennemi, partout en déroute, fut partout poursuivi, et pendant toute la nuit on nous amena des prisonniers. Quinze cents hommes qui se sauvaient par Guarda furent arrêtés par cinquante hommes de la dix-huitième, qui, du moment qu'ils les eurent reconnus, marchèrent sur eux avec confiance et leur ordonnèrent de poser les armes.
L'ennemi était encore maître de la Corona, mais ne pouvait plus être dangereux. Il fallait s'empresser de marcher contre la division de M. le général Provera, qui avait passé l'Adige, le 24, à Anghiari; je fis filer le général Victor avec la brave cinquante-septième, et rétrograder le général Masséna, qui, avec une partie de sa division, arriva à Roverbello, le 25.
Je laissai l'ordre, en partant, au général Joubert d'attaquer, à la pointe du jour, l'ennemi s'il était assez téméraire pour rester encore à la Corona.
Le général Murat avait marché toute la nuit avec une demi-brigade d'infanterie légère et devait paraître, dans la matinée, sur les hauteurs de Montebaldo, qui dominent la Corona: effectivement, après une résistance assez vive, l'ennemi fut mis en déroute, et ce qui était échappé à la journée de la veille fut fait prisonnier: la cavalerie ne put se sauver qu'en traversant l'Adige à la nage et il s'en noya beaucoup.
Nous avons fait, dans les deux journées de Rivoli, treize mille prisonniers, et pris neuf pièces de canon: les généraux Sandos et Meyer ont été blessés en combattant vaillamment à la tête des troupes.
Combat de Saint-George.
M. le général Provera, à la tête de six mille hommes, arriva le 26, à midi, au faubourg de Saint-George; il l'attaqua pendant toute la journée, mais inutilement: le général de brigade Miollis défendait ce faubourg; le chef de bataillon du génie Samson, l'avait fait retrancher avec soin; le général Miollis, aussi actif qu'intrépide, loin d'être intimidé des menaces de l'ennemi, lui répondit avec du canon, et gagna ainsi la nuit du 26 au 27, pendant laquelle j'ordonnai au général Serrurier d'occuper la Favorite avec la cinquante-septième et la dix-huitième demi-brigade de ligne et toutes les forces disponibles que l'on put tirer des divisions du blocus; mais, avant de vous rendre compte de la bataille de la Favorite, qui a eu lieu le 27, je dois vous parler des deux combats d'Anghiari.
Premier combat d'Anghiari.
La division du général Provera, forte de dix mille hommes, avait forcé le passage d'Anghiari; le général de division Guieux avait aussitôt réuni toutes les forces qu'il avait trouvées, et avait marché à l'ennemi: n'ayant que quinze cents hommes, il ne put parvenir à faire repasser la rivière à l'ennemi; mais il l'arrêta une partie de la journée et lui fit trois cents prisonniers.
Deuxième combat d'Anghiari.
Le général Provera ne perdit pas un instant et fila sur-le-champ sur Castellara. Le général Augereau tomba sur l'arrière-garde de sa division, et après un combat assez vif, enleva toute l'arrière-garde de l'ennemi, lui prit seize pièces de canon, et lui fit deux mille prisonniers. L'adjudant-général Duphot s'y est particulièrement distingué par son courage. Les neuvième et dix-huitième régimens de dragons et le vingt-cinquième régiment de chasseurs s'y sont parfaitement conduits. Le commandant des hulans se présente devant un escadron du neuvième régiment de dragons, et, par une de ces fanfaronnades communes aux Autrichiens: Rendez-vous! crie-t-il au régiment. Le citoyen Duvivier fait arrêter son escadron: Si tu es brave, viens me prendre, crie-t-il au commandant ennemi. Les deux corps s'arrêtent, et les deux chefs donnèrent un exemple de ces combats que nous décrit avec tant d'agrément Le Tasse. Le commandant des hulans fut blessé de deux coups de sabre: ces troupes alors se chargèrent, et les hulans furent faits prisonniers.
Le général Provera fila toute la nuit, arriva, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, à Saint-George, et l'attaqua le 26; n'ayant pas pu y entrer, il projeta de forcer la Favorite, de percer les lignes du blocus, et, secondé par une sortie que devait faire Wurmser, de se jeter dans Mantoue.
Bataille de la Favorite.
Le 27, à une heure avant le jour, les ennemis attaquèrent la Favorite, dans le temps que Wurmser fit une sortie, et attaqua les lignes du blocus par Saint-Antoine; le général Victor, à la tête de la cinquante-septième demi-brigade, culbuta tout ce qui se trouva devant lui. Wurmser fut obligé de rentrer dans Mantoue presque aussitôt qu'il en était sorti, et laissa le champ de bataille couvert de morts et de prisonniers de guerre. Serrurier fit avancer alors le général Victor avec la cinquante-septième demi-brigade, afin d'acculer Provera au faubourg de Saint-George, et par là le tenir bloqué. Effectivement la confusion et le désordre étaient dans les rangs ennemis; cavalerie, infanterie, artillerie, tout était pêle-mêle; la terrible cinquante-septième demi-brigade n'était arrêtée par rien; d'un côté elle prenait trois pièces de canon, d'un autre elle mettait à pied le régiment des hussards de Herdendy. Dans ce moment le respectable général Provera demanda à capituler; il compta sur notre générosité, et ne se trompa pas. Nous lui accordâmes le capitulation dont je vous enverrai les articles: six mille prisonniers, parmi lesquels tous les volontaires de Vienne, vingt pièces de canon, furent le fruit de cette journée mémorable.
L'armée de la république a donc, en quatre jours, gagné deux batailles rangées et six combats, fait près de vingt-cinq mille prisonniers, parmi lesquels un lieutenant-général et deux généraux, douze à quinze colonels, etc.; pris vingt drapeaux, soixante pièces de canon, et tué ou blessé au moins six mille hommes.
Je vous demande le grade de général de division pour le général Victor, celui de général de brigade pour l'adjudant-général Vaux; toutes les demi-brigades se sont couvertes de gloire, et spécialement les trente-deuxième, cinquante-septième et dix-huitième de ligne, que commandait le général Masséna, et qui, en trois jours, ont battu l'ennemi à Saint-Michel, à Rivoli et à Roverbello. Les légions romaines faisaient, dit-on, vingt-quatre milles par jour; nos brigades en font trente, et se battent dans l'intervalle.
Les citoyens Desaix, chef de la quatrième demi-brigade d'infanterie légère; Marquis, chef de la dix-neuvième; Fournesy, chef de la dix-septième, ont été blessés. Les généraux de brigade Vial, Brune, Bon, et l'adjudant-général Argod se sont particulièrement distingués.
Les traits particuliers de bravoure sont trop nombreux pour être tous cités ici.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 1er pluviose an 5 (20 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
Je vous envoie onze drapeaux pris sur l'ennemi aux batailles de Rivoli et de la Favorite. Le citoyen Bessières, commandant des guides, qui les porte, est un officier distingué par sa valeur et sa bravoure, et par l'honneur qu'il a de commander une compagnie de braves gens qui ont toujours vu fuir la cavalerie ennemie devant eux, et qui, par leur intrépidité, nous ont rendu, dans la campagne, des services très-essentiels.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 1er pluviose an 5 (20 janvier 1797)
Au directoire exécutif.
Je vous ferai passer, citoyens directeurs, des lettres interceptées, qui sont extrêmement intéressantes, en ce que vous y verrez l'opiniâtre mauvaise foi de la cour de Rome, et le refus que paraît faire le cabinet de Vienne d'accepter l'alliance de Rome; ce qui ne peut provenir que du désir qu'il peut avoir de ne pas mettre d'entraves à la paix générale.
J'ai fait imprimer ces lettres dans les gazettes de Bologne et de Milan, afin de convaincre toute l'Italie de l'imbécile radotage de ces vieux cardinaux.
Je fais demain passer le Pô, près de Ferrare, à cinq mille hommes, qui marcheront droit sur Rome.
On entend beaucoup de bruit dans Mantoue, ce qui fait penser que les assiégés, conformément aux instructions de l'empereur, brisent les affûts et les trains d'artillerie: cela n'est qu'une conjecture; mais ce qui n'en est pas une, c'est qu'ils sont depuis long-temps à la demi-ration de pain, à la viande de cheval, sans vin ni eau-de-vie.
Nous sommes aujourd'hui en mouvement pour occuper Vicence et Padoue, où nous aurons de meilleurs cantonnemens. Si les renforts que vous m'annoncez de l'armée du Rhin arrivent, nous ne tarderons pas à avoir ici de grands événemens; mais j'ai vu un état que l'on m'a envoyé, où l'on calcule les demi-brigades à deux mille quatre cents hommes. Je tiens pour impossible que les demi-brigades, après une campagne comme l'a faite l'armée du Rhin, puissent être de ce nombre. Je crois que c'est beaucoup que de les évaluer à deux mille; il y en aura encore tant qui s'échapperont en route!
Le neuvième régiment de dragons n'a ici qu'un escadron, ainsi que le cinquième de cavalerie et le dix-huitième de dragons; je vous prie de vouloir bien ordonner que ces régimens soient en entier réunis à l'armée d'Italie, sans quoi vous perdrez de très-bons corps; ce sera d'ailleurs un bon renfort de cavalerie que vous nous donnerez; spécifiez dans votre ordre que les hommes qui composent ces régimens doivent rejoindre leurs corps à Milan, soit à pied, soit à cheval. Le dépôt du premier régiment de cavalerie est à Lille, je vous prie d'ordonner qu'il se mette en marche pour se rendre à Milan.
Nous avons besoin ici d'un renfort de cavalerie, le quinzième régiment de chasseurs ne suffit pas. On dit qu'aux autres armées l'on ne se sert pas de la grosse cavalerie, moi je l'estime et m'en sers beaucoup; je désirerais que vous pussiez m'en envoyer un millier d'hommes, ce qui, joint à un autre régiment de dragons, ferait à peu près deux à trois mille hommes de cavalerie de renfort, qui nous suffiraient.
Nous n'avons que deux bataillons de pionniers réduits à rien, je vous prie de nous en envoyer deux autres.
Je vous prie surtout d'ordonner que tous les régimens de cavalerie que l'on m'enverra aient leurs armes, sabres et mousquetons, et les dragons leurs fusils.
Il nous faudrait encore trois ou quatre compagnies d'artillerie légère, et cinq à six cents hommes d'artillerie à pied, et quelques bons officiers de cette arme; car, excepté les citoyens Chasseloup et Samson, les autres ne sont pas en état de tracer une flèche, et ne font que des bêtises. Tous ceux que vous annoncez ne viennent pas: il ne manque cependant pas d'officiers de génie et d'artillerie; mais ce sont des officiers de paix et de bureau, qui ne voient jamais le feu, de sorte qu'excepté les deux que je vous ai nommés, le reste est sans expérience: aussi se plaint-on généralement dans l'armée des ouvrages que fait le génie.
Le commissaire ordonnateur Denniée a peu de santé; Villemansy ne vient pas, ni Naudin, ni Eyssautier: tous ces messieurs font ce qui leur convient; cependant, il est de plus en plus urgent que la partie administrative soit organisée.
Je vous enverrai la liste des officiers-généraux qui, par leur peu de talens, sont incapables de commander, et que je vous prie de retirer de l'armée.
Si vous m'envoyez des généraux, ou des adjudans-généraux, je vous prie de ne pas m'envoyer de ceux qui ont servi dans la Vendée, parce qu'ils n'entendent rien à la guerre. Si Chasset n'était plus utile à Paris, ainsi que les adjudans-généraux Sherlock, Doulcet et Beauvais, je vous prie de me les envoyer. Je désirerais aussi avoir l'adjudant-général Espagne et Camin: je crois que ce dernier n'est plus employé; mais c'est un officier de la plus grande distinction.
Quant à des généraux de division, à moins que ce ne soient des officiers distingués, je vous prie de ne m'en pas envoyer; car notre manière de faire la guerre ici est si différente des autres, que je ne peux pas confier une division sans avoir éprouvé, par deux ou trois affaires, le général qui doit la commander.
Je vous prie d'envoyer ici l'adjudant-général Saint-Martin, le chef de brigade d'artillerie Gueriau, actuellement directeur du parc de l'armée des Alpes, le chef de bataillon d'artillerie Allix, le chef de bataillon du génie Laroche. Il est très-essentiel pour l'armée et pour la république de m'envoyer ici des jeunes gens qui apprennent à faire la guerre de mouvement et de manoeuvres; c'est celle qui nous a fait obtenir de grands succès dans cette armée.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 3 pluviose an 5 (22 janvier 1797).
Au citoyen Cacault.
Vous aurez la complaisance, citoyen ministre, de partir de Rome six heures après la réception de cette lettre, et vous viendrez à Bologne. On vous a abreuvé d'humiliations à Rome, et on a mis tout en usage pour vous en faire sortir; aujourd'hui, résistez à toutes les instances, partez.
Je serai charmé de vous voir et de vous assurer des sentimens d'estime et de considération avec lesquels je suis.
BONAPARTE.
Lettre au cardinal Mathei incluse dans la précédente.
Les étrangers qui influencent la cour de Rome ont voulu et veulent encore perdre ce beau pays; les paroles de paix que je vous avais chargé de porter au Saint-Père, ont été étouffées par ces hommes pour qui la gloire de Rome n'est rien, mais qui sont entièrement vendus aux cours qui les emploient; nous touchons au dénouement de cette ridicule comédie. Vous êtes témoin du prix que j'attachais à la paix, et du désir que j'avais de vous épargner les horreurs de la guerre. Les lettres que je vous fais passer, et dont j'ai les originaux entre les mains, vous convaincront de la perfidie, de l'aveuglement et de l'étourderie de ceux qui dirigent actuellement la cour de Rome. Quelque chose qui puisse arriver, je vous prie, monsieur le cardinal, d'assurer Sa Sainteté qu'elle peut rester à Rome sans aucune espèce d'inquiétude. Premier ministre de la religion, il trouvera, à ce titre, protection pour lui et pour l'église. Assurez également tous les habitans de Rome qu'ils trouveront dans l'armée française des amis qui ne se féliciteront de la victoire, qu'autant qu'elle pourra améliorer le sort du peuple, et affranchir l'Italie de la domination des étrangers; mon soin particulier sera de ne point souffrir qu'on apporte aucun changement à la religion de nos pères.
Je vous prie, monsieur le cardinal, d'être assuré que, dans mon particulier, je me ferai un devoir de vous donner, dans toutes les circonstances, la marque de l'estime et de l'attachement avec lesquels je suis.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 9 pluviose an 5 (28 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
La division du général Augereau s'est rendue à Padoue, de là elle a passé la Brenta, et s'est rendue à Citadella, où elle a rencontré l'ennemi, qui a fui à son approche.
Le général Masséna s'est rendu a Vicence, de là à Bassano, et a poursuivi l'ennemi qui s'est retiré au-delà de la Piave et dans les gorges de la Brenta: il a envoyé le brave général Mesnard à sa poursuite, celui-ci l'a atteint à Carpenedolo, et lui a fait huit cents prisonniers après un combat assez vif. Les grenadiers de la vingt-cinquième demi-brigade ont passé le pont de la Brenta à la baïonnette, et ont fait une boucherie horrible de ce qui s'est opposé à leur passage.
La division du général Joubert est en marche pour suivre l'ennemi dans les gorges du Tyrol, que la mauvaise saison rend difficiles; il a rencontré hier à Avio l'arrière-garde de l'ennemi, et lui a fait trois cents prisonniers après un léger combat.
La division Rey a accompagné les prisonniers. Rien de nouveau au blocus de Mantoue.
J'ai écrit au citoyen Cacault de sortir de Rome trois heures après la réception du courrier que je lui ai expédié à cet effet.
Le temps est horrible, il pleut à seaux depuis quarante-huit heures.
Je donne ordre au citoyen Leroux de prendre les fonctions d'ordonnateur en chef; j'engage le citoyen Denniée à rester à l'armée comme ordonnateur de division, nous n'en avons pas trop. Le commissaire Naudin est arrivé.
Si le citoyen Villemansy doit venir en Italie, qu'il se dépêche, parce qu'une fois la campagne commencée, il ne pourra plus reprendre le fil de nos opérations.
Il n'est encore arrivé aucune des troupes des dix mille hommes de l'Océan, que les dix-huit cents hommes de la soixante-quatrième demi-brigade.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 9 pluviose an 5 (28 janvier 1797).
Au citoyen Carnot, membre du directoire exécutif.
J'ai reçu votre lettre, mon cher directeur, sur le champ de bataille de Rivoli. J'ai vu dans le temps avec pitié tout ce que l'on débite sur mon compte. L'on me fait parler chacun suivant sa passion. Je crois que vous me connaissez trop pour imaginer que je puisse être influencé par qui que ce soit. J'ai toujours eu à me louer des marques d'amitié que vous m'avez données à moi et aux miens, et je vous en conserverai toujours une vraie reconnaissance; il est des hommes pour qui la haine est un besoin, et qui, ne pouvant pas bouleverser la république, s'en consolent en semant la dissension et la discorde partout où ils peuvent arriver. Quant à moi, quelque chose qu'ils disent, ils ne m'atteignent plus: l'estime d'un petit nombre de personnes comme vous, celle de mes camarades et du soldat, quelquefois aussi l'opinion de la postérité, et par-dessus tout le sentiment de ma conscience et la prospérité de ma patrie, m'intéressent uniquement.
Deux divisions de l'armée sont aujourd'hui à Bassano; l'ennemi, à ce qu'on m'assure, évacue Trente; Mantoue est toujours strictement bloqué. Le baron de Saint-Vincent est parti le 4 de Trente pour Vienne. Le 15, nous bombardons Mantoue. Colli, celui qui commandait l'armée autrichienne en Piémont, est débarqué à Ancône avec quelques officiers et sous-officiers autrichiens; il a déjà passé en revue l'armée papale. Quand vous aurez reçu cette lettre, une de nos divisions aura déjà attaqué cette armée. J'ai écrit au citoyen Cacault pour qu'il eût sur-le-champ à évacuer Rome: on n'a pas d'idée des mauvais traitemens que cette prêtraille lui a fait essuyer.
J'attends toujours avec impatience Villemansi; Denniée ne va plus, Leroux va exercer ses fonctions en attendant.
Tous les officiers autrichiens, généraux et autres, auxquels j'ai fait part de la bêtise de la cour de Vienne, qui, dans les entrevues avec le général Clarke, a paru ne pas reconnaître la république, ont beaucoup crié. L'opinion publique, à Vienne, est très-contraire à Thugut. J'ai dit à Manfredini, la dernière fois que je l'ai vu, que si l'empereur voulait avoir la preuve que Thugut s'était vendu à la France dans le temps de son ambassade à Constantinople, il serait facile de la lui procurer. Je vous prie de presser Truguet pour l'envoi de quelques frégates dans l'Adriatique.
La tête des troupes que vous annoncez venant du Rhin, n'est pas encore arrivée à Lyon; de Lyon à Verone il y a vingt-huit jours de marche; nous sommes aujourd'hui au 9 pluviose: ainsi il n'y a pas d'espoir qu'avant le 9 ventose nous puissions avoir ici un seul bataillon des colonnes venant du Rhin. Des dix mille hommes de l'Océan annoncés depuis tant de temps, il n'y a encore que dix-huit cents hommes, formant la soixante-quatrième demi-brigade, qui soient arrivés. De Vienne à Trente, il n'y a que trente jours de marche; de Vienne à la Piave, c'est-à-dire, près de Bassano, il y a encore moins. J'ai écrit à la trésorerie relativement à son indécente conduite avec la compagnie Flachat. Ces gens-là nous ont infiniment nui en emportant cinq millions, et par là nous ont mis dans la situation la plus critique. Quant à moi, s'ils viennent dans l'arrondissement de l'armée, je les ferai mettre en prison, jusqu'à ce qu'ils aient rendu à l'armée les cinq millions qu'ils lui ont enlevés. Non-seulement la trésorerie ne pense pas à faire payer le prêt à l'armée et à lui fournir ce dont elle a besoin, mais encore elle protège les fripons qui viennent à l'armée pour s'engraisser. Je crains bien que ces gens-là ne soient plus ennemis de la république que les cours de Vienne et de Londres.
Vous verrez, par la lettre que j'ai écrite au directoire, que nous venons encore de faire onze cents prisonniers aux deux combats de Carpenedolo et d'Avio. Nous serons sous peu à Trente. Je compte garder cette partie du Tyrol et la Piave jusqu'à l'arrivée des forces que vous m'annoncez. Dès l'instant qu'elles seront arrivées, je serai bientôt à Trieste, à Clagenfurth et à Brixen; mais il faut pour ces opérations que les trente mille hommes que vous m'annoncez arrivent.
Je vous serai obligé, par le premier courrier, de me donner des nouvelles de l'expédition d'Irlande, surtout s'il y en a de mauvaises: car, pour peu que nous ayons quelque désavantage, on ne manquera pas d'exagérer au centuple.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Bologne, le 13 pluviose an 5 (1er février 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous fais passer, citoyens directeurs, la lettre que m'a écrite M. le maréchal Wurmser: je lui ai répondu que je ne pouvais accorder la capitulation qu'il me demandait, et que par égard pour lui, je lui permettrais de sortir avec cinq cents hommes à son choix, à condition qu'ils ne serviraient pas pendant trois mois contre la république, mais que tout le reste devait être prisonnier. J'ai laissé mes instructions au général Serrurier, et je suis parti pour Bologne.
Le général Serrurier vient de m'instruire qu'il vient de recevoir un nouveau parlementaire, par lequel il lui offre sa place, à condition qu'il sortira avec sa garnison, et qu'il s'engagera à ne pas servir pendant un an contre la république française. Je vais répondre au général Serrurier que je m'en tiens à ma première proposition, et que si le général Wurmser n'y a pas accédé avant le 15, je me rétracte, et ne lui accorde pas d'autre capitulation que d'être prisonnier de guerre avec sa garnison.
J'ai fait partir ce matin la division du général Victor, qui s'est portée à Imola, première ville des États du pape. Je vous enverrai ma proclamation et d'autres pièces imprimées à cette occasion.
Ne pourrait-on pas, si nous allions jusqu'à Rome, réunir le Modénois, le Ferrarois et la Romagne, et en faire une république, qui serait assez puissante? Ne pourrait-on pas donner Rome à l'Espagne, à condition qu'elle garantirait l'indépendance de la nouvelle république? Alors nous pourrions restituer à l'empereur le Milanez, le Mantouan, et lui donner le duché de Parme, en cas que nous fussions obligés de passer par là, afin d'accélérer la paix, dont nous avons besoin. L'empereur n'y perdrait rien, l'Espagne y gagnerait beaucoup, et nous y gagnerions plus encore; nous aurions un allié naturel en Italie, qui deviendrait puissant, et avec lequel nous correspondrions par Massa-Carrara et l'Adriatique.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Bologne, le 13 pluviose an 5 (1er février 1797).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
Je vous ai rendu compte, par mon dernier courrier, des combats d'Avio et de Carpenedolo. Les ennemis se retirent sur Morri et Torbole, appuyant leur droite au lac, et la gauche à l'Adige; le général Murat s'embarqua avec deux cents hommes, et vint débarquer à Torbole.
Le général de brigade Vial, à la tête de l'infanterie légère, après avoir fait une marche très-longue dans les neiges et dans les montagnes les plus escarpées, tourna la position des ennemis, et obligea un corps de quatre cent cinquante hommes et douze officiers à se rendre prisonniers. On ne saurait donner trop d'éloges aux quatrième et dix-septième demi-brigades d'infanterie légère que conduisait ce brave général: rien ne les arrêtait; la nature semblait être d'accord avec nos ennemis; le temps était horrible, mais l'infanterie légère de l'armée d'Italie n'a pas encore rencontré d'obstacle qu'elle n'ait vaincu.
Le général Joubert entra à Roveredo; l'ennemi, qui avait retranché avec le plus grand soin la gorge de Calliane, célèbre par la victoire que nous y avons remportée lors de notre première entrée dans le Tyrol, parut vouloir lui disputer l'entrée de Trente.
Le général Belliard chercha à tourner l'ennemi par la droite, dans le temps que le général de brigade Vial, continuant à marcher sur la rive droite de l'Adige, le culbuta, lui fit trois cents prisonniers, et arriva à Trente, où il trouva dans les hôpitaux de l'ennemi deux mille malades ou blessés, qu'il a recommandés à notre humanité en fuyant: nous y avons pris quelques magasins.
Dans le même temps, le général Masséna avait fait marcher deux demi-brigades pour attaquer l'ennemi qui occupait le château de Scala, entre Feltro et Primolazo. L'ennemi a fui à son approche, et s'est retiré au-delà de la Prado, en laissant une partie de ses bagages.
Le général Augereau s'est approché de Treviso; le chef d'escadron Duvivier a culbuté la cavalerie ennemie, après lui avoir enlevé plusieurs postes.
BONAPARTE.