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DIX-SEPTIÈME ET DIX-HUITIÈME SIÈCLES

Table des matières


Si grande qu'ait été la vogue du pantalon féminin au XVIe siècle, elle prit fin avec lui.

Des attardées, en petit nombre, s'obstinaient seules à en porter durant les vingt premières années du siècle suivant. Des marquises n'échappaient pas à ce travers, suivant le Pasquil de la Cour sur le retour de Bordeaux[58] en décembre 1615.

Un carosse de marquise

Versant, fut veu la chemise

D'une dame et son calçon

Et jurèrent les poètes

De le mettre en la chanson[59].

D'où il faut conclure, puisque l'on vit à la fois la chemise et le caleçon, que celui-ci était ouvert et laissait indiscrètement s'échapper le pan de chemise cher à Zola et familier à tant d'autres, car, il n'est pas à supposer que la dame le portât sous la chemise.

La signora Léonora Galigaï était également restée fidèle à cette mode de son enfance. Après l'assassinat de son mari, le maréchal d'Ancre, (24 avril 1617), et avant qu'elle ne fût conduite à la Bastille, le sieur du Hallier, capitaine des gardes, fut chargé de perquisitionner dans son hôtel et de saisir ses bijoux.

L'exécuteur des basses œuvres du jeune Louis XIII et du favori Albert de Luynes poussa loin ses investigations sur la personne de la veuve. De nos jours, à défaut des rayons X, on eût au moins eu recours au ministère d'une matrone:

«Et enquise si elle n'avoit point de bijoux sur elle, elle haussa sa cotte et monstra jusque près des tétins. Elle avoit un calson de frise rouge de Florence; on lui dit en riant qu'il falloit donc mettre les mains au calson. Elle respondit qu'en autre temps elle ne l'eusse pas souffert, mais lors tout estoit permis; et Du Hallier tasta un peu sur le calson»[60].

En Loir-et-Cher, d'autre part, les Archives départementales mentionnent dans l'inventaire des biens et hardes laissés par Léonor Pégorier, femme de Louis du Buisson, seigneur de Clénor, décédée le 14 mai 1615, «une paire de canesons de fustine à usage de femme estimez quatre sols»[61].

La châtelaine n'en portait sans doute que l'hiver, et par les grands froids, seul moment, auquel, suivant cette prédiction d'Astrophile le Roupieux, on en faisait encore usage:

«Nos fringantes Damoiselles reprendront leurs calessons de laine»[62].

Toujours la populaire et royale futaine de Marie Stuart; elle peut paraître luxueuse, il est vrai, à côté du parchemin, dont, trente ans plus tard, Babonnette, devait fabriquer ses culottes.

Boileau nous a révélé l'avarice de cette Marie Ferrier, femme du lieutenant criminel Jacques Tardieu, mais il s'était tenu au dessous de la vérité en nous parlant de son jupon bigarré de latin:

Peindrai-je son jupon bigarré de latin:

Présent qu'en un procès sur certain privilège

Firent à son mari les régents d'un collège,

Et qui sur cette jupe, à maint rieur encor,

Derrière elle faisait dire Argumentabor?

D'après un poète anonyme du temps, ce vêtement fait de trois thèses latines, aurait été d'un usage plus intime. C'était un caleçon et la dame le laissa apercevoir un beau jour sous ses jupes relevées.

Une certaine Magistrate,

Depuis le genouil jusqu'au flanc,

Couvroit sa cuisse délicate

D'un caleçon de satin blanc,

Mais caleçon de profonde science.

Dont un Docteur avoit honoré l'Eminence

Et que cette profane à son ventre appliqua

Si bien qu'on y put voir au moment de sa chute

A l'endroit qui chez elle a tant fait de dispute.

Questio physica[63].

D'autres en portaient encore, «et, pour attirer les challans» ne craignaient point de le leur laisser voir:

«Ouy da, M. G. (Maître Guillaume), mais il vous reste encore une visite, entrons en la gallerie des Merciers, vous me direz votre opinion des belles dames qui sont icy pour attirer les challans...

«Cependant pour emploier le tems à leur guise, chacune tasche d'emmancher la vétille.

«L'une enfille son aiguille à tastons,

«L'autre empeze son linge sale,

«L'autre rattache ses caleçons»[64].

C'étaient là des exceptions. Marie de Médécis elle-même semblait avoir renoncé à cette mode d'origine italienne.

Aussi, l'un des premiers soins de l'abbé de Choisy en s'habillant en femme avait-il été de supprimer ses caleçons. Leur absence donnait à son déguisement plus de vraisemblance:

«Quand je vis que mon dessein réussissoit, j'ouvris aussi cinq ou six boutonnières du bas de ma robe pour laisser voir une jupe de satin noir moucheté, dont la queue n'étoit pas si longue que celle de ma roble. J'avais encore par dessous un jupon de damas blanc qu'on ne me voit que quand on me portoit la queue; je ne mettois plus de haut-de-chausses, il me sembloit que cela ressembloit davantage à une femme, et je ne craignois point d'avoir froid, nous étions en été»[65].

Mlle de La Fayette[66] n'en portait sans doute pas davantage, le jour de l'accident conté peut-être un peu crûment, mais de façon plaisante par M. de La Porte: la présence d'un caleçon eût rendu moins visibles les traces de sa défaillance. L'anecdote n'est pas du meilleur goût, mais peint à merveille la liberté d'allure et de langage de la cour au commencement du XVIIe siècle. Anne d'Autriche précédait ainsi Louis XIII et ses pincettes dans la voie de la grossièreté.

On ne saurait souhaiter au plus couard des experts semblable mission. Malgré soi, on pense au mot si connu de Théophile Gautier sur le siècle de Louis XIV:

«Pendant ce temps, il se fit une cabale de M. de Saint-Simon, de Mgr l'évêque de Limoges, de Mme de Seneçai et de Mlles d'Aiches, de Vieuxpont et de Polignac pour introduire Mlle de La Fayette à la place de Mme de Hautefort[67]. S. E. protégea tellement cette intrigue qu'en peu de temps on vit que le Roi ne parloit plus à Mme de Hautefort, et que son grand divertissement chez la Reine étoit d'entretenir Mlle de La Fayette, et de la faire chanter. Elle se maintint bien en cette faveur par les conseils de ceux et celles de son parti, et n'oublia rien pour cela; elle chantoit, elle dansoit; elle jouoit aux petits jeux avec toute la complaisance inimaginable; elle étoit sérieuse quand il falloit l'être, elle rioit aussi de tout son cœur dans l'occasion, et même quelquefois un peu plus que de raison; car un soir à Saint-Germain en ayant trouvé sujet, elle rit si fort qu'elle en pissa sous elle, si bien qu'elle fut long-temps sans oser se lever, le Roi l'ayant laissée en cet état, la Reine la voulut voir lever, et aussi-tôt on apperçut une grande mare d'eau[68]. Celles qui n'étoient pas de son parti ne purent se tenir de rire, et la Reine sur-tout, ce qui offensa la cabale, d'autant plus qu'elle dit tout haut que c'étoit La Fayette qui avoit pissé; Mlle de Vieuxpont soutenoit le contraire en face de la Reine, disant que ce qui paraissoit étoit du jus de citron, et qu'elle en avoit dans sa poche qui s'étoient écrasés; ce discours fut cause que la Reine me commanda de sentir ce que c'étoit; je le fis aussi-tôt, et lui dit que cela ne sentoit point le citron; de sorte que tout le monde demeura persuadé que la Reine disoit vrai; elle voulut sur le champ faire visiter toutes les filles pour sçavoir celle qui avoir pissé, parce qu'elles disoient presque toutes que ce n'étoit point La Fayette; mais elles s'enfuirent dans leurs chambres. Toute cette histoire ne plut point au Roi, et moins encore la chanson qui en fut faite[69]; mais comme ce n'étoit point un sujet pour que le Roi témoignât être fâché contre la Reine, la chose se passa ainsi; et les Demoiselles n'osèrent pas non plus faire paroître leur ressentiment, remettant à se venger dans l'occasion, comme elles le firent dans la suite en ma personne»[70].

En dehors de ce petit accident, il en était un plus fréquent auquel le manque de caleçon ne laissait pas de donner un intérêt bien particulier. L'histoire galante fourmille de chutes malheureuses—pas pour tout le monde—dont l'estampe du XVIIIe siècle a maintes fois tiré parti.

Les poètes aussi, d'ailleurs. Dès le XVIIe siècle, l'un d'eux, et non des moindres, Voiture, adressait, en forme de stances, cette gentillesse à une précieuse qui, en tombant de carosse, avait laissé voir de sa personne des trésors généralement réservés à la plus stricte intimité.

C'était, affirme la légende, Mlle Paulet, dont le nom méritait mieux, en vérité, d'être connu par autre chose que l'impôt auquel il dut longtemps son impopularité.

Malgré certaines mines et des périphrases restées légendaires, la pruderie n'étouffait pas à l'Hôtel de Rambouillet. Il est un mot, que bien avant Richepin—le Richepin de la Chanson des Gueux et non des Annales—la langue des dieux osait employer alors qu'il ne s'agissait ni de lampes, ni de sacs, mais de ce qu'avait pu laisser voir, en tombant, une pauvre fille, démunie comme ses contemporaines, de pantalon.

Le Pantalon Féminin

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