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STANCES
ОглавлениеSur une Dame dont sa jupe fut retroussée en versant dans un carosse à la campagne.
Philis, je suis dessous vos loix
Et sans remède cette fois,
Mon âme est vostre prisonnière;
Mais sans justice et sans raison,
Vous m'avez pris par le derrière,
N'est-ce pas une trahison?
Je m'estois gardé de vos yeux,
Et ce visage gracieux
Qui peut faire pastir le nostre,
Contre moy n'ayant point d'appas,
Vous m'en avez fait voir un autre,
Dequoy je ne me gardois pas.
D'abord il se fit mon vainqueur,
Ses attraits percèrent mon cœur,
Ma liberté se vit ravie,
Et le méchant, en cet estat,
S'estoit caché toute sa vie
Pour faire cet assassinat.
Il est vray que je fus surpris,
Le feu passa dans mes esprits,
Et mon cœur autrefois superbe,
Humble se rendit à l'Amour,
Quand il vit vostre cu sur l'herbe,
Faire honte aux rayons du jour.
Le Soleil confus dans les Cieux,
En les voyant si radieux
Pensa retourner en arrière,
Son feu ne servant plus de rien.
Mais ayant vu vostre derrière,
Il n'osa pas montrer le sien.
En découvrant tant de beautez
Les Sylvains furent enchantez,
Et Zéphire voyant encore
D'autres appas que vous avez,
Même en la présence de Flore,
Vous baisa ce que vous sçavez.
La Rose, la reine des Fleurs,
Perdit ses plus vives couleurs;
De crainte, l'œillet devint blesme,
Et Narcisse alors convaincu,
Oublia l'amour de soy-mesme
Pour se mirer en vostre c...
Aussi rien n'est si précieux,
Et la clarté de vos beaux yeux,
Vostre teint qui jamais ne change
Et le reste de vos appas,
Ne méritent point de loüange
Qu'alors qu'il ne se montre pas.
On m'a dit qu'il a des défaux
Qui me causeront mille maux,
Car il est farouche à merveilles,
Il est dur comme un diamant,
Il est sans voix et sans oreilles
Et ne parle que rarement.
Mais je l'aime, et veux que mes vers,
Par tous les coins de l'Univers,
En fassent vivre la mémoire,
Et ne veux penser désormais
Qu'à chanter dignement la gloire
Du plus beau cu qui fut jamais.
Philis, cachez bien ces appas,
Les mortels ne dureroient pas,
Si ces beautez estoient sans voiles.
Les Dieux qui règnent dessus nous,
Assis là-haut sur les Estoilles,
Ont un moins beau siège que vous.[71]
«Ah! ah! quel charmant paysage!» se serait écrié Piccaluga, à l'époque heureuse où la pauvre Biana Duhamel et le prince consort étaient, au grand scandale de l'Élysée, accueillis, aux Ambassadeurs, par une intempestive Marseillaise. Hélas! par ces temps de pudibonderie honteuse, que diraient les successeurs de M. Bérenger, ce dernier rempart de la vieille gaîté française, s'il plaisait à quelque poète de la Butte, de célébrer ainsi les culbutes au Moulin de la Galette, d'une gigolette dépourvue de pantalon?
C'était, pourtant, le cas de toutes à cette époque. Gigolettes, non pas, mais grandes dames, à peine si, à la cour du Grand Roi, les plus illustres prenaient soin de s'en munir pour monter à cheval. Souvent même, elles négligeaient cette précaution: c'étaient, en cas de chute, des horizons aperçus non moins vastes que ceux que chanta Voiture.
L'on en riait. Rien de tel pour égayer une chasse. Le soleil que Louis XIV avait pour emblème ne l'empêchait point d'apprécier la lune à sa juste valeur. Bussy-Rabutin, cette mauvaise langue, nous dit la gaîté du roi et de sa maîtresse—du moment—Mlle de Fontanges, alors «durement enceinte» au souvenir de l'accident qui, le tantôt, avait dévêtu l'une des chasseresses:
«La chasse finie, le Roi descendit de cheval prit place auprès d'elle (Mlle de Fontanges), et la conduisit dans son appartement. Elle étoit pour lors dans l'humeur la plus gaie du monde; et elle dit mille plaisanteries à son amant sur le divertissement qu'une de la troupe avoit donné en tombant de son cheval. Le Roi rioit de tout son cœur, particulièrement quand elle dit devant plusieurs personnes que cette chute devoit être d'autant plus sensible à cette chasseresse, que les dames ne s'étoient pas pourvues de caleçons contre l'ordinaire. Cela donna occasion à Mlle de B..., fille d'honneur de Madame, de dire qu'elle mourroit, s'il lui étoit arrivé un pareil accident...»[72]
Allons donc! Il arriva à Mlle Churchill et elle n'en mourut pas, au contraire!
Le pantalon ne sévissait pas plus, alors, à la cour d'Angleterre qu'à celle de France. Mlle Churchill, entre autres, n'en portait pas; ce à quoi elle dût d'asseoir définitivement son crédit. Pouvait-elle choisir meilleur fondement? Sa figure pouvait laisser à désirer, son corps était, par contre, superbe et digne de fixer les désirs qui voyagent en croupe?
«Mlle Churchill chancela, fit quelques cris et tomba. La chute ne pouvoit être que rude dans un mouvement si rapide; cependant elle lui fût favorable de toutes les manières: car, sans se faire aucun mal, elle démentit tout ce que son visage avoit fait juger du reste. Le duc mit pied à terre pour la secourir. Elle étoit tellement étourdie qu'elle n'avoit garde de songer à la bienséance dans cette occasion; et ceux qui s'empressèrent autour d'elle la trouvèrent encore dans une situation assez négligée. Ils ne pouvoient croire qu'un corps de cette beauté fût de quelque chose au visage de Mlle Churchill. Depuis cet accident, on s'aperçut que les soins et la tendresse du duc ne firent qu'augmenter, et l'on s'aperçut à la fin de l'hiver, qu'elle n'avait pas tyrannisé ses désirs ni fait languir son impatience»[73].
Parfois même, comme dans les contes bleus ou dans les romans de M. Henry Bordeaux, l'aventure se terminait par un bel et bon mariage. Notre vieil ami Loys Guyon, sieur de la Nauche, fournit cet enseignement:
«Une demoiselle d'assés médiocre maison en biens, âgée de dix-huict ans ou environ, servante d'une grande maison de Lymosin, estant en la compagnie de sa maistresse, voyageant en autre pays, voulant franchir un fossé, tomba de dessus son cheval par terre, ses cotillon, robbe, chemise se trouvèrent renversez sur son corps, qui fut cause que les assistans en bonne partie de la compagnie virent toutes les parties secrettes de cette demoiselle, ventre, cuisses et fesses. Et si estan treuvé un jeune homme noble et riche, il descendit de son cheval et la contempla quelque peu de temps, après il la recouvrit, releva, baisa, et remonta à cheval, et à cause des belles et blanches parties qu'il avoit recogneu en elle, il en devint amoureux et pour récompense de son service et amitié qu'il lui portoit la pria de lui prester tout et si peu qu'il luy plairoit. Mais la fille fit la sourde. Ce que voyant, ses désirs et concupiscence s'accreurent et il lui dit qu'il l'espouseroit; mais elle sage ne lui accorda que solenellement il ne l'eust espousée; ce qu'il fit, ce que tout le monde trouva estrange, d'autant que les maisons et qualitez n'estoient réciproques. Et combien qu'elle aye desja plus de quarante ans elle se sçait tenir si propre en toutes les parties de son corps, et principalement les parties qui premièrement incitèrent son mari à la rechercher, qu'il l'ayme autant que jamais»[74].
Puisse cette histoire morale faire réfléchir les jeunes filles à la recherche d'un épouseur, les matins de partie de campagne, au moment de passer leur «inexpressible»... ou de passer outre.
Par un fait exprès, le dix-septième et le dix-huitième siècles foisonnent de chutes joliment révélatrices. Toutes, marquises, comédiennes ou bourgeoises, ignoraient la gêne et l'androgynat de l'empantalonnement. A son défaut et à défaut d'un Voiture, chroniqueurs et rimailleurs s'en mêlèrent et chantèrent ces accidents à... cœur joie.
Seules, quelques comédiennes, connues surtout pour leurs cabrioles, comme la Du Parc, se munissaient pour se livrer à ce jeu, d'une culotte, à laquelle elles ne devaient pas tarder à renoncer:
«On voyait ses jambes et partie de ses cuisses, dit Mlle Poisson, par le moyen de sa jupe fendue des deux côtés avec des bas de soie attachés en haut d'une petite culotte»[75].
Jupe fendue et culotte: tout cela est très moderne, mais, la moutarde ne date-t-elle pas, en tant que danse, du XVIe siècle?[76]
Une autre «théâtreuse», la Beauchasteau, portait également, suivant Tallemant des Réaux, des caleçons, mais l'esprit ne semblait guère être venu à cette fille, encore qu'elle ait fait ou plutôt laissé faire pour cela tout le nécessaire:
«A une farce, la Beauchasteau voulut faire la goguenarde, elle demanda à Jodelet—comédien du Marais et de l'Hôtel de Bourgogne, mort en 1660—ce que c'était que l'amour;
«Je ne sais. C'est un Dieu qui a un flambeau, un bandeau, un carquois.
—«J'entends: c'est un Dieu qui a une flèche que M. de Lespy envoya l'autre jour dans un calçon de chamois à Mlle de Beauchasteau»[77].
Oui, trésor. Enfin, du moment qu'il était en chamois.
Ou c'étaient de vieilles dames restées fidèles à cette habitude perdue. D'après leur correspondance scatologique, la duchesse d'Orléans et son amie l'Électrice de Hanovre auraient été du nombre:
«Vous étiez de bien mauvaise humeur, quand vous avez tant déclamé contre le c....; je n'en saurais donner la raison, sinon qu'assurément votre aiguillette s'étant nouée à deux nœuds vous avez c... dans vos chausses»[78].
Non plus en chamois, mais fermés: c'était complet! mais à l'âge des deux correspondantes, qui pouvait en avoir cure?
A part ces exemples, absence absolue de pantalons. Ils auraient cependant été bien nécessaires. La boue de Paris, comme la... rougeole de Rouen avaient mauvaise réputation:
Que de gens de toutes façons,
Hommes, femmes, filles, garçons
Et que les culs à travers cottes
Amasseront icy de crottes,
S'ils ne portent des caleçons[79]
Diane et ses compagnes, dans l'Ovide bouffon, n'en portaient pas davantage, et leurs ébats aquatiques en étaient aussi dépourvus que les séants des bourgeoises de Paris, qui allaient muser à la foire Saint-Germain et y chercher aventure:
Dedans cette eau froide et gelée
Diane et toute sa tolée,
Quant elles avoient le cu chaut,
Pour avoir fait maint soubresaut,
Sans calleçons et sans chemises
Venoient faire mille sottises[80].
Au XVIIIe siècle, suivant Quicherat:
«Il y eut plus étrange que cela: c'est que porter un caleçon (précaution dont usaient quelques personnes en très petit nombre) fut considéré comme un signe de mœurs équivoques»[81].
Même pour courir, à la suite du quartier général de Maurice de Saxe, les mauvais et peu sûrs chemins des Flandres, les actrices qui composaient la troupe de Favart avaient négligé de prendre cette précaution.
C'est presque un passage du Roman comique:
«Un jour une troupe de comédiens, à la tête desquels se trouvait un nommé Mézière, s'était mise en marche pour Cologne, où elle devait jouer devant l'Electeur. A peine était-elle hors des faubourgs de Bruxelles, qu'elle était surprise par les hussards ennemis qui commencèrent par la dépouiller. On ne laissa aux femmes que leurs chemises et un simple jupon; les hommes furent tous rangés en cercle, à genoux, en attendant qu'il fût statué sur leur sort. L'un de ces malheureux, un ancien libraire du quai des Augustins, appelé Flahaut, se fiant sur son érudition et sur son éloquence, se lève en qualité d'orateur de la troupe et adresse une harangue en latin au commandant des hussards pour implorer sa pitié. L'officier l'écoute sans l'interrompre, et, pour toute réplique lui allonge un coup de sabre qui, contre toute prévision, ne fut pas mortel. Honteux de sa maladresse, il allait redoubler, lorsqu'il fut arrêté par un cri perçant, et un spectacle aussi étrange qu'inattendu. L'une des actrices, Mlle Grimaldi, femme d'un danseur italien surnommé Jambe de fer, pour échapper à l'horreur d'un pareil massacre, avait pris à deux mains son petit jupon et l'avait ramené sur sa tête, sans trop songer aux conséquences[82]: mais, en de semblables moments, l'on ne pense pas à tout. Elle se jette aux pieds du chef de la bande, et, dans cette posture que la légèreté du costume rendait au moins bizarre, elle le supplie, tout en larmes, avec cette onction qui part du cœur, d'épargner ses camarades, de n'immoler qu'elle, puisqu'il lui fallait une victime.
«Comment ne pas être attendri? comment aussi garder son sérieux à l'aspect de cette pauvre danseuse, dont la tête était enfouie au détriment du reste, dans son insuffisant jupon? Nos hussards allemands, pour cette fois, se conduisirent en galants hommes. Ils rendirent la liberté aux prisonniers; ils poussèrent la générosité jusqu'à leur abandonner des lambeaux de mantelets et de tabliers pour se couvrir, et distribuèrent aux femmes, au lieu de leurs robes, des habits de caractère. La Grimaldi eut pour sa part un costume d'Arlequin[83]...»
Les Étrennes à Thalie auxquelles M. Desnoiresterres a emprunté les éléments de ce récit ne disent pas si Grimaldi-Arlequin poussa le dévouement aussi loin que Boule-de-Suif, et si l'irascible capitaine put jouir autrement que par la vue des rondeurs que lui avait révélées le linge tendu—peut-être même relevé—sur les charmes postérieurs de la suppliante.
C'est évidemment là le dénouement le plus plausible.
Si on ignorait en tournée l'usage du pantalon, à plus forte raison, ne le soupçonnait-on pas tant à la ville qu'à la campagne. Temps heureux, temps de l'escarpolette et de ses hasards, des parties à âne—sun Montmorency avant Paul de Kock—et de leur imprévu. C'étaient alors les embarquements pour Cythère et pour ailleurs, dont, dans l'ancien Gil-Blas, Colombine a joliment évoqué le souvenir.
Pourtant, les chutes continuaient. Recouvrant les têtes poudrées à frimas, les jupons relevés dévoilaient, en de soudaines apparitions de roseurs potelées, un véritable moutonnement de croupes. Il n'y avait pas scandale; la gaîté seule saluait ces menus accidents. Jean-Jacques, dans ses Confessions, est à peu près seul à témoigner de la pitié pour «le derrière de Mlle Lambercier, qui, par une malheureuse culbute fut étalé tout en plein devant le roi de Sardaigne à son passage»[84].
Si le souverain avait déjà pour les pantalons l'aversion connue de Victor-Emmanuel, il dut être amplement satisfait. Jean-Jacques, contempla l'objet, mais osa à peine sourire:
«J'avoue que je ne trouvai pas le moindre mot pour rire à un accident qui, bien que comique en lui-même, m'alarmait pour une personne que j'aimais comme une mère et peut-être plus»[85].
Le philosophe ne nous a guère, en vérité, habitués à cette réserve et ses contemporains sont loin de la partager. L'un, entre autres, le comte de Caylus, ce bizarre grand seigneur, archéologue, romancier et rimeur impénitent, semble avoir voué le champagne léger de ses rimes à la célébration du «trésor caché», révélé par une chute d'âne, de Sophie Arnould.
Le jour même du mariage de la cantatrice, il lui adressait cet épithalame:
Oui, sans doute, un joli visage
Même entre amis est bien venu,
On s'en aime un peu davantage
Un baiser en est mieux reçu.
Un jour, un âne trop sauvage
Vous dévoila comme on a su.
Lors l'amitié prudente et sage
Regretta tant de bien perdu.
De ce jour votre mariage
Dans notre esprit fut résolu.
Aujourd'hui, l'amour fait usage
De tout ce bien que l'on a vu[86].
Je ne sais si Sophie fut une épouse parfaite, mais elle avait si bon cœur.
A Mademoiselle*** Les vers expliqueront ce qui avait donné lieu.
Quand d'une effrayante manière,
Un jour la tête la première,
Votre honnête homme de papa
Tout au milieu des fossés se baigna,
On dit que quelqu'un demandât
Ce qui pourroit moins vous déplaire
Que sa chute il recommençât
Ou qu'un âne encor vous fît faire
Ce saut qui tant nous amusa.
Votre réponse alors fut modeste et fière;
Je consens à montrer, Monsieur, ce qu'on voudra
S'il plaît à Dieu, la chose arrivera;
Et votre choix nous montrera
Et bon cœur et joli derrière»[87].
Sophie Arnould ne fut pas seule, à vrai dire, à montrer ainsi son derrière,—il ne faut pas croire, ainsi que prétendent les misogynes, qu'ils se ressemblent tous—d'autres, dont les noms nous ont échappé excitèrent également la verve du comte.
L'inévitable chute d'âne et une échelle un peu raide à descendre servirent de prétexte à deux sœurs pour montrer le leur. Véritable leçon d'astronomie pratique qui se chantait sur l'air de Gabrielle de Vergy:
Chanson sur deux sœurs qui ont montré ce que l'on va voir.
De deux gentes sœurs, la cadette
Monta fort bien au pigeonnier;
Décemment la chose fut faite,
On dit qu'on ne saurait le nier.
Mais en descendant cette belle,
A tous si bien nous le montra,
Qu'on dit: Il faut tirer l'échelle
Après avoir vu ce cul-là.
On n'eut que ce cul dans la tête
Pendant plus de deux ou trois ans,
On le chante, chacun le fête,
Chacun lui fait des vers galants.
Pourtant, à ce succès unique,
Un obstacle se rencontra,
Et ce fut par une bourrique
Qui son frère aîné nous montra.
Chacun des deux a son mérite,
Par la forme l'un excellait,
Et quant à l'autre, l'on le cite
Pour être blanc comme du lait.
Dans cette cause d'importance
Bien juger est notre devoir.
Veut-on entendre ma sentence?
Que c'est une affaire à revoir.
Avec les chutes si plaisantes
Du joli couple que voici,
Elles n'en sont que plus décentes
Et nous devons conclure ici:
Que malgré la tant douce amorce
De nous montrer si joli cu,
Chacune d'entre elles nous force
A n'admirer que sa vertu[88].
Comme sujet d'admiration, j'en aimerais autant un autre; Caylus a fait mieux, ne serait-ce que cette amusante dispute entre fille et mère.
A une femme qui avait fait une chute d'âne. Air: Tu croyais en aimant Colette.
Une aventure aussi fameuse
Doit enfanter plus d'un couplet,
Leur chute sera moins heureuse
Que la vôtre qui tant nous plaît.
Lorsqu'on vit cette culebutte,
Chacun au ciel levant les mains
S'écrioit: Grands Dieux! Quelle chute!
Grands Dieux! Quelle chute de reins!
Entre les fleurs, j'aimois la rose,
Ma foi, depuis ce que j'ai vu,
Voyez quelle métamorphose
Je ne veux qu'être gratte-cu.
Ce cul, de beauté peu commune,
Sembloit la Lune dans son plein;
On a fait un trou dans la Lune,
Disoit quelqu'un à son voisin.
On entendoit dire à la mère
Complimentez-moi, me voilà,
Ne dois-je pas être assez fière
Quand c'est moi qui fis ce cul-là?
La fille sans reconnaissance,
Lui dit: Maman, chacun son tour,
De vous, s'il reçut la naissance,
Aujourd'hui je l'ai mis au jour.
Avec intention maligne
Ce tour était par Belzébut,
D'une manière toute indigne,
Dressé contre notre salut.
Depuis je me mets en prières
Contre ce diable trop rusé;
Mais se sauver par les derrières
Avec vous semble malaisé.
Oui, l'on feroit bien une estampe
De ce malheur, si vous vouliez,
Ce seroit un beau cul-de-lampe
Que celui que vous montriez[89].
Il était vraiment par trop dangereux pour toutes, comédiennes ou grandes dames, de faire une chute devant le comte de Caylus. Aussi, avant de monter à âne, pour éviter les débordements de ce lyrisme particulier, certaines demandaient-elles au poète de leur fournir un caleçon qui les protégeât contre les indiscrétions d'une chute et de ses rimes.
C'était risquer de provoquer son indignation et il s'indigna.
A Mesdames***
qui demandaient des caleçons pour monter à âne.
Quand sur un âne autrefois on montoit
En arrivoit ce qui pouvoit,
Il était des chutes heureuses
Chacun alors en profitoit,
Et telle de nos promeneuses
Sait fort bien ce qu'il en coutoit.
Dites-moi de quoi l'on s'avise,
Quelle mauvaise invention
D'augmenter de précautions.
Et n'est-ce pas une traîtrise
En cavalcade ainsi qu'au rendez-vous,
De se cuirasser en dessous?
Est-il juste de bonne foi
Qu'à moi-même on s'adresse?
Et quelle maladresse
De vous fournir des armes contre moi?
Du moins faut-il bien que je sache
Ce dont il est question,
Et j'y mets la condition
De me montrer ce qu'on veut que je cache[90].
A la cour de France, sous Louis XVI, malgré l'austère surveillance de Mme de Noailles, cette duègne grave et solennelle que Marie-Antoinette avait, en une heure de gaîté, surnommée Mme l'Étiquette, il arrivait encore de choir d'âne, même à la reine.
M. Frantz Funck-Brentano a joliment conté l'anecdote. Elle égaye du rire frais de la fille de Marie-Thérèse le sombre drame dont l'Affaire du Collier devait être le prélude:
«Il arriva qu'un jour que Marie-Antoinette était montée à dos d'âne, la bête d'un coup d'arrière-train la jeta sur le gazon. La voilà assise dans l'herbe haute, les jupes retroussées et battant des mains: «Vite allez chercher Mme de Noailles, qu'elle nous dise ce que veut l'étiquette, quand une reine de France est tombée d'un âne![91]»
Pas plus que ses dames d'honneur, l'infortunée souveraine—le Livre-Journal de Mme Eloffe en fait foi—ne portait de pantalons... Mais, le comte de Caylus n'était plus là pour célébrer cette chute.
Puis, eût-il osé?
LE CALEÇON DES COQUETTES DU JOUR
Excepté les actrices, les Parisiennes ne portent point de caleçon.
Mercier.