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FRACTURES DU GENOU

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Recueillies et publiées par E. BEAUGRAND, interne du service.

La déchirure des ligaments et les désordres qui se passent dans l’articulation du genou, lors d’une luxation, n’offrent pas tous les dangers dont les auteurs classiques nous ont tracé l’effrayant tableau. L’ouverture d’une articulation n’est-elle redoutable que quand il y a communication avec l’air extérieur? C’est ce que semblent prouver nos observations (voy. plus bas, luxations de la jambe), et ce que semblent confirmer les fractures de la notule et des condyles du fémur, dans lesquelles l’articulation est aussi intéressée.

1° Fracture de la rotule. — Ces fractures ne sont pas rares, et si nous en citons un exemple, c’est pour faire ressortir le peu de danger de ces lésions, quoique l’articulation soit ouverte à l’épanchement du sang, et pour démontrer qu’à l’aide d’un appareil convenable, une réunion exacte peut être obtenue.

OBSERVATION. — Mercier (Pierre), âgé de trente-quatre ans, maçon, est doué d’une bonne constitution et habituellement bien portant. Le 28 juin 1834, dans la matinée, il montait une échelle la tète chargée d’une auge remplie de plâtre. Parvenu à la hauteur de 30 pieds environ, il manqua un échelon qu’il voulait saisir avec la main, et l’auge le portant en arrière, il tomba sur un tas de moellons. La tête porta sur l’angle d’une pierre, et le coin de l’auge le frappa violemment au genou gauche. Mercier ne perdit pas connaissance; il se releva sur-le-champ, et put faire une trentaine de pas, la jambe blessée étant maintenue étendue. Il monta ainsi dans un fiacre, traînant après lui la jambe gauche. Arrivé à l’hôpital, le malade put monter l’escalier, et gagner son lit sans trop de difficulté. Outre une plaie de tête peu grave, et dont la guérison n’offrit rien de particulier, l’examen du genou gauche nous fit reconnaître une fracture transversale de la rotule avec écartement d’un demi-pouce environ. Le bandage invaginé des plaies en travers fut appliqué avec la précaution de mettre des compresses graduées au-dessus et au-dessous de la rotule, ce qui rendait la coaptation plus exacte encore . La jambe fut fixée dans l’extension à l’aide d’une attelle et d’un bandage spiral qui s’étendait de la fesse au talon. Un coussin de balle d’avoine, interposé entre le membre et l’attelle, empêchait que la pression de celle-ci ne devînt incommode au malade. Tout l’appareil reposait sur un plan incliné qui maintenait la cuisse fléchie sur le bassin. Quelques douleurs légères qui existaient pendant les premiers jours ne tardèrent pas à se dissiper. Le bandage fut soigneusement resserré chaque fois qu’il se relâchait. Une seule fois il fut renouvelé en entier. Enlevé le 6 août, le 48e jour après l’accident, la fracture nous parut parfaitement consolidée. Comparée à celle du côté sain, la rotule n’offrait pas une demi-ligne de différence pour la longueur. Le doigt ne sentait ni dépression, ni la moindre inégalité ; seulement il nous parut que les bords latéraux étaient légèrement irréguliers: ainsi le fragment supérieur semblait s’être porté légèrement en dehors et l’inférieur en dedans.

Au bout de quelques jours le malade put marcher, quoique l’articulation malade conservât encore un peu de roideur.

Voila une fracture de la rotule déterminée par une violence extérieure grave, et tous les accidents se bornent à quelques douleurs ressenties pendant trois ou quatre jours, et néanmoins dans ces fractures l’articulation est nécessairement ouverte. Cette observation est une preuve de plus à joindre à toutes celles qui existent déjà, que la réunion de ces fractures peut se faire très-exactement.. Des pièces pathologiques l’ont déjà prouvé. Pour obtenir une consolidation exempte de difformité, il faut que les fragments soient maintenus dans un contact exact, et tel est le but que l’on doit se proposer dans l’application de l’appareil. Celui auquel nous donnons la préférence, qui nous a toujours réussi, c’est le bandage unissant des plaies en travers, avec la précaution de mettre des compresses graduées au-dessus et au-dessous de la rotule pour favoriser encore davantage le rapprochement des fragments; ces moyens sont heureusement secondés par la flexion de la cuisse sur le bassin. Cette flexion détermine le relâchement des muscles extenseurs de la jambe, dont l’action, comme on sait, porte sur la rotule et écarte les fragments. Du reste, le défaut de réunion exacte n’offre pas de grands inconvénients. J’ai cité, dans ma Physiologie , l’observation d’un homme qui, malgré une fracture consolidée avec écartement, pouvait encore faire jusqu’à sept lieues par jour, et j’en ai donné l’explication.

2° Fracture des condyles. — C’est à Desault qu’appartient le mérite d’avoir le premier signalé à l’attention des chirurgiens les fractures des condyles de l’humérus et du fémur, et d’avoir démontré que les fractures pénétrant dans les articulations étaient beaucoup moins graves que les anciens ne l’avaient prétendu: cette opinion a été habilement développée par Bichat dans les Œuvres chirurgicales de Desault, et il a fait ressortir toutes les hypothèses absurdes sur lesquelles les auteurs avaient fondé leurs craintes. L’observation que nous allons rapporter est bien propre à confirmer ces idées, et à faire voir que le nombre des cas de fractures dans lesquelles l’amputation immédiate a été conseillée est beaucoup plus restreint que certains chirurgiens ne le pensent.

OBSERVATION. — Prévost (Étienne), vidangeur, âgé de trente-deux ans, d’une constitution vigoureuse, était occupé à décharger une voiture, lorsqu’un tonneau du poids de 12 à 1500 livres vint lui frapper violemment la cuisse droite et le renversa par terre. Il lui fut impossible de se relever, et on le transporta à l’hôpital Saint-Louis le 13 mai 1833, quelques heures après l’accident.

Au moment de son arrivée, tout le genou droit était énormément gonflé. Au niveau du condyle interne du fémur existait une tumeur d’une couleur violacée, d’un volume égal à celui du poing; la cuisse était légèrement infiltrée de sang et tuméfiée dans sa moitié inférieure. La jambe ne me sembla pas avoir sa direction naturelle; elle formait avec la cuisse un angle obtus saillant en dedans. Les mouvements de latéralité du genou paraissaient moins limités que de coutume; enfin la mobilité des condyles et la crépitation qu’ils firent entendre prouvèrent l’existence d’une fracture des condyles. Le malade, du reste, ne présentait pas d’autre lésion. Cinquante sangsues furent immédiatement appliquées sur le genou, et le membre fut placé sur un double plan incliné. Dans la soirée, le membre avait doublé de volume; toute la cuisse était énormément tuméfiée; la moindre pression faisait naître des douleurs atroces. Le pouls large, développé, donnait 90 à 100 pulsations par minute. Il y avait là un épanchement sanguin auquel il fallait donner issue. Je n’hésitai donc pas à pratiquer deux incisions longues de trois pouces environ, l’une en dedans, l’autre en dehors de la cuisse, à trois travers de doigt au-dessus de l’articulation. Il en sortit une grande quantité de sang noirâtre. Quatre-vingt-dix sangsues furent appliquées autour du genou; le malade fut plongé dans un bain. Enfin on enveloppa la cuisse de cataplasmes émollients (limonade; diète).

Le lendemain 14, le malade avait peu dormi, mais les douleurs et le gonflement étaient bien moindres; le pouls était aussi moins développé, moins fréquent (bain; cataplasmes émollients; diète).

Les jours suivants, l’amélioration continua d’une manière notable, et le malade commençait même à prendre quelques aliments, lorsque dans la nuit du 20 mai il se réveilla en sursaut au milieu d’un rêve pénible, et fit exécuter quelques mouvements brusques et saccadés au membre blessé. Aussitôt de vives douleurs se manifestèrent dans le genou, et le gonflement reparut. Cependant ces accidents, dont on pouvait craindre les suites, cédèrent à une application de soixante sangsues, qui fut faite sur-le-champ.

Le 21 au matin, la douleur était bien diminuée, le membre fut placé sur le double plan incliné formé de coussins, et il fut fixé par des draps pliés en cravate. Dès lors l’état du malade cessa d’inspirer la moindre inquiétude. De temps en temps on eut soin de renouveler le plan incliné. Les deux incisions furent maintenues rapprochées avec des bandelettes agglutinatives.

Le 4 juillet, le malade commençait à marcher assez librement; sa guérison fut retardée par quelques douleurs rhumatismales qui se développèrent dans le membre inférieur gauche, et le forcèrent de garder le lit pendant quelques jours encore; mais elles furent bientôt dissipées sous l’influence des bains de vapeur, et Prévost put se lever et marcher, conservant encore un peu de roideur dans le genou droit.

Ici le désordre était bien plus considérable que dans le cas précédent: la fracture des condyles et l’état des parties molles révélaient suffisamment un épanchement sanguin dans la capsule articulaire et pourtant tout a promptement cédé aux émissions sanguines abondantes, (140 sangsues dans les premières 24 heures), qui furent mises en usage. Si quelques jours après, à la suite de mouvements involontaires, la douleur et le gonflement reparurent, soixante sangsues dissipèrent en quelques heures ces symptômes alarmants.

Mélanges d'anatomie, de physiologie et de chirurgie. Chirurgie

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