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II. — FRACTURES DU COL DU FÉMUR.

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Table des matières

Les fractures du col du fémur présentent, entre autres différences très-importantes, d’être simples, sans complication d’aucune autre lésion, ou bien au contraire d’être compliquées d’une plaie par arme à feu, ce qui augmente considérablement leur gravité, comme nous le verrons.

Les fractures simples, constatées peut-être par A. Paré le premier, ont depuis près d’un siècle fixé d’une manière tout à fait spéciale l’attention des chirurgiens, et l’on a vu, surtout dans ces derniers temps, éclater entre les auteurs les dissidences les plus tranchées sur la possibilité de la consolidation et sur le choix d’une méthode curative. Nous ne reproduirons pas la controverse établie entre les chirurgiens anglais et français, au sujet de la formation du cal; les premiers en nient généralement la possibilité avec A. Cooper (Œuvres chir., t. II, p. 140), pour les cas de fracture dans l’articulation . La question est aujourd’hui jugée, et une multitude imposante de faits a démontré que la réunion avait lieu dans la majorité des cas. Ce que nous voulons ici, c’est, à l’aide de quelques observations, appeler l’attention sur divers points de l’histoire symptomatologique et diagnostique de cette maladie, et enfin dire quelques mots en faveur d’un moyen très-puissant, l’extension continue directe, que certaines personnes sembleraient vouloir bannir de la thérapeutique des fractures.

Vous savez que les causes de cette fracture sont directes ou indirectes. Les premières consistent surtout dans les projectiles lancés par la poudre à canon, et les lésions qui en résultent rentrent dans l’histoire des fractures compliquées.

Les solutions de continuité par voie indirecte paraissent être le résultat de deux mécanismes essentiellement différents. Dans l’un, le col du fémur tendrait à être redressé, et c’est ce qui arriverait lors d’une chute sur le grand trochanter. Dans l’autre, au contraire, l’angle que le col forme avec le corps de l’os tend à devenir plus fermé. Cela s’observe quand le fémur est refoulé de bas en haut, tandis que le poids du corps transmis par le côté supérieur de la cavité cotyloïde entraîne en bas la tête du fémur: c’est ce qui a lieu dans les chutes sur les genoux ou sur la plante des pieds. Ce dernier cas est, sans comparaison, le plus rare.

Voici deux observations qui montrent l’accident arrivé par le premier mode, et qui de plus nous offrent la maladie à son plus grand état de simplicité.

OBSERVATION 1re. — Henri Millot, âgé de soixante ans, traversait la rue Saint-Martin, chargé d’un paquet qu’il portait entre ses bras. Voulant se ranger contre les maisons pour éviter une voiture qui avançait rapidement de son côté, il heurta du pied le bord du trottoir auquel il n’avait pas fait attention, et tomba sur la hanche droite. Relevé aussitôt par quelques personnes qui passaient, il essaya de marcher, mais l’excessive douleur que le moindre mouvement occasionnait dans la partie lésée l’en empêcha.

Transporté à l’hôpital Saint-Louis dans le service de M. Jobert, ce chirurgien constata une fracture du col du fémur, et fit, dès le jour même 24 mars, placer le membre blessé sur un double plan incliné. Par suite d’une mutation dans les services, ce malade entra dans mes salles vers les premiers jours de mai. Je continuai l’emploi des moyens déjà mis en usage, avec la précaution de renouveler les coussins chaque fois que le poids du membre les avait affaissés. L’appareil fut retiré le 5 juillet. Le raccourcissement que Millot avait présenté lors de son arrivée persistait. Au bout de quelques jours il commença à marcher avec des béquilles, et sortit le 20 juillet, après être resté 104 jours soumis à l’emploi du double plan incliné.

On pourrait dire que ce raccourcissement est dû à un défaut de soins ou d’adresse: mais si je suis bien informé, M. Dupuytren n’est pas plus heureux à son hôpital; c’est du moins ce que j’ai entendu dire plusieurs fois à plusieurs personnes, entre autres à M. Marjolin, qui suivit la pratique de M. Dupuytren à l’Hôtel-Dieu comme chirurgien en second.

Passons immédiatement à une seconde observation qui a beaucoup d’analogie avec celle-ci.

OBSERVATION 2e. — Boussaingault, âgé de soixante-quinze ans, doué d’une vigoureuse constitution, a toujours joui d’une excellente santé, sauf quelques douleurs rhumatismales pour lesquelles il venait à Saint-Louis prendre des bains de vapeur. Comme il s’y rendait le 2 juin, il fit une chute sur la hanche du côté droit. Placé sur-le-champ dans mon service, l’ensemble des symptômes suivants ne permet pas de méconnaître une fracture du col du fémur: 1° Raccourcissement de près de deux pouces, cédant facilement au moindre effort d’extension. 2° Rotation en dehors du membre abandonné à lui-même. Si l’on tourne alternativement la cuisse en dedans et en dehors, et qu’on applique en même temps la main sur le grand trochanter, on sent celui-ci tourner autour de son axe, mais on ne peut obtenir de la crépitation. 3° Impossibilité de mouvoir le membre. L’appareil de M. Dupuytren, employé comme chez le précédent, fut retiré dans les premiers jours de septembre: ce malade ne tarda pas à sortir pour aller achever sa guérison à la campagne; il ne pouvait encore marcher qu’avec peine et ne se soutenait qu’avec des béquilles. Nous ne répéterons pas ce qui a été dit partout de l’influence prédisposante de l’âge; cette partie de l’étiologie se trouve longuement discutée dans tous les traités classiques, et spécialement dans les leçons cliniques de M. le professeur Dupuytren (Leçons orales, t. II).

Les symptômes observés chez ce dernier malade sont bien ceux mentionnés par les auteurs comme caractérisant la fracture du col du fémur; et si nous voulons aller plus loin, nous dirons, d’après sir A. Cooper, que l’âge avancé du sujet, le raccourcissement assez considérable et l’absence de crépitation, dénotaient une fracture intracapsulaire. Je ne m’arrêterai pas ici au raccourcissement, les causes en sont bien connues; je dirai seulement quelques mots sur la rotation en dehors, pour mentionner une remarque que j’ai eu l’occasion de faire plusieurs fois, et qui peut aider le diagnostic quand, le raccourcissement étant peu considérable, la crépitation nulle, on ne sait si l’on a affaire à une fracture du col ou bien à une simple contusion. Voici ce dont il s’agit: le malade étant couché sur le dos, et le membre étendu et dans la rotation en dehors, on pourra sans difficulté augmenter cette déviation au point de porter la pointe du pied en dehors et un peu en arrière, or c’est ce qui ne s’obtient que bien rarement chez un sujet dont le col du fémur a conservé sa continuité, et dont la hanche est le siège d’une contusion violente.

Il est facile de se rendre compte de ce fait. Dans l’état sain, le mouvement de rotation en dehors ne tarde pas à être borné par la tension de la partie antérieure de la capsule articulaire, et bientôt, si l’effort continue, par la résistance qu’elle oppose à la tète du fémur tendant à se porter en avant, tandis qu’en arrière son col finit par appuyer contre la partie postérieure du bourrelet cotyloïdien. Il paraît même que dans ce mouvement la capsule fibreuse peut résister à la distension avec une énergie assez grande pour forcer le col du fémur à se rompre. Un fait curieux cité par A. Cooper vient à l’appui de cette assertion. «Une dame qui avait une fracture du col du fémur, me racontait la manière dont ce fâcheux accident lui était arrivé. Elle était à son comptoir; elle se tourna promptement du côté d’un tiroir qui était placé derrière, son pied se trouva arrêté par une élévation du parquet, qui empêcha cette dame de tourner son pied en même temps que le reste du corps, ce qui donna lieu à une fracture du col du fémur.»

Quant à cette rotation en dehors, est-elle due au poids du membre seulement, ou bien faut-il y joindre une action musculaire? Duverney l’attribue à l’action des quadrijumeaux (le pyramidal, les deux jumeaux et le carré), surtout quand le malade est debout. Bichat pense que ces muscles n’y sont pour rien. Comme il n’y a rien de changé dans ces muscles après la fracture, comme il n’y a de changé que le col du fémur qui, étant fracturé, peut s’infléchir sur lui-même sans que la capsule fibreuse s’y oppose, il est possible que Bichat ait raison. Du reste, nous manquons de faits pour établir le contraire en ce moment.

Diagnostic. — Les auteurs ont donné avec soin les signes qui pouvaient différencier cette fracture des luxations de la cuisse, et effectivement il est des cas qui, au premier aspect, peuvent embarrasser le praticien; en voici un de ce genre.

OBSERVATION 3°. — Baucheron, âgé de soixante-quatorze ans, commissionnaire, suivait le trottoir qui longe les murs du Jardin des plantes du côté de la rivière. Sa vue, obscurcie pas destaies, suites d’anciennes ophthalmies, ne lui permit pas d’apercevoir qu’il était trop près du bord; il tomba. La chute eut-elle lieu d’abord sur les pieds, ou bien tout le poids du corps porta-t-il sur le grand trochanter du côté gauche? c’est ce qu’il nous est impossible de savoir. Ce vieillard, dans un état voisin de l’enfance, ne se rappelle que fort confusément les circonstances de sa chute. Quoi qu’il en soit, il ne put se relever; on le mil dans un fiacre qui le ramena chez lui, et c’est de là qu’il s’est fait transporter à l’hôpital Saint-Louis sur un brancard.

Le lendemain matin à la visite, nous trouvons le membre pelvien gauche raccourci de près de trois pouces; la cuisse et la jambe dans une légère flexion et dans la rotation en dehors. Legrand trochanter s’est rapproché de l’épine iliaque de toute l’étendue du raccourcissement; la fesse gauche est manifestement plus tendue et plus volumineuse que la droite; tous les mouvements imprimés à l’articulation coxo-fémorale sont excessivement douloureux, et la rotation en dedans est rendue très-difficile à cause de la contraction active des muscles. Les efforts même assez énergiques d’une seule personne ne peuvent rendre au membre sa longueur habituelle. Pas de crépitation.

La première idée qui put s’offrir à l’esprit et qui parut le mieux fondée, c’est que ce malade était atteint d’une fracture du col du fémur. Cependant le raccourcissement était ici bien plus considérable qu’il n’est d’habitude, et le membre ne pouvait reprendre sa longueur sous l’influence de tractions modérées. Était-ce donc une luxation du fémur dans laquelle la tète de l’os serait dirigée en avant et en dedans, seule manière d’expliquer la rotation du membre en sens opposé ? Mais nous avons démontré qu’une semblable disposition de l’extrémité supérieure du fémur dans la luxation iliaque était impossible sans un affreux désordre qui n’existait pas ici; d’ailleurs on eût senti une éminence osseuse arrondie sur le pubis, et le toucher ne faisait reconnaître rien de pareil.

Une dernière supposition pouvait être faite; si dans la chute le rebord supérieur de la cavité cotyloïde avait été brisé, la tête du fémur pouvait être sortie de sa cavité et s’être logée dans l’excavation que lui offraient les parties rompues de l’os iliaque.

Cependant il fallait agir, une indication urgente était là, c’était de rendre au membre sa longueur habituelle. En la remplissant, je trouvais l’avantage de constater la nature du déplacement: si un choc se faisait entendre et que le membre vînt à recouvrer sa longueur et ses mouvements, c’était une luxation. Si je parvenais seulement à faire cesser le raccourcissement ou bien à le rendre moindre, et que je pusse alors apercevoir de la crépitation, eh bien, c’était une fracture du col, opinion vers laquelle j’inclinais fortement. Le malade fut placé sur une table couverte d’un matelas, un élève seul pratiquait l’extension, augmentant graduellement ses efforts. Au bout de quelques instants, on entendit un craquement sourd, inégal. Les tractions lurent suspendues. On reconnut que le raccourcissement n’était. plus que d’un pouce environ. Les muscles de la fesse étaient moins tendus; en un mot, les symptômes de la fracture du col du fémur se dessinèrent bien nettement et tous nos doutes furent levés.

Le malade reporté dans son lit, nous lui appliquâmes l’appareil à extension continue de Desault, avec la précaution de garnir soigneusement de coton toutes les parties sur lesquelles devaient porter les lacs extensifs, afin d’en adoucir la pression. Quelques jours après, un délire nerveux très-intense se déclara sans cause appréciable, puisque le malade ne s’était pas plaint un seul instant de souffrir dans l’appareil. Nous combattîmes cet accident par les narcotiques et les calmants. Apaisé pendant quelques jours, il ne tarda pas à reparaître. Un vésicatoire fut appliqué à la nuque, un autre à la cuisse droite. Le délire alors diminua peu à peu d’intensité, et depuis il ne s’est montré qu’à des intervalles assez éloignés et avec peu d’énergie; le reste du temps le malade est plongé dans des rêvasseries continuelles. (Nous avons dit en commençant que chez ce vieillard les facultés intellectuelles étaient dans un grand état d’affaiblissement.)

L’appareil fut enlevé le 6 octobre, après cinquante-six jours d’application: le membre présenta un raccourcissement d’un pouce environ. Aujourd’hui (28 octobre) le malade ne s’est pas encore levé ; il a toujours de temps en temps des accès de délire qui feraient croire à une aliénation mentale.

Mais ce n’est pas seulement avec les luxations de la hanche que la fracture du col du fémur peut être confondue. Il est des, cas où une fracture du bassin peut la simuler au point de rendre l’illusion complète.

OBSERVATION 4e. — Fracture du bassin simulant une fracture du col du fémur. — Le nommé Croisy (Victor), âgé de vingt ans, fut apporté dans mon service le 19 mai 1834. Il venait d’être renversé par un charrette pesamment chargée, dont la roue lui passa obliquement sur la partie supérieure de la cuisse et. sur Je bas-ventre, froissant le testicule droit. Une saignée fut pratiquée sur-le-champ, et 50 sangsues furent placées sur l’abdomen.

Le lendemain matin 20 mai, Croisy se plaint de souffrir dans les parties contuses des douleurs assez vives, mais qui cependant ne s’exaltent que très-peu par la pression. La région inguinale du côté droit est tuméfiée; le scrotum est fortement ecchymosé. Du reste, chose remarquable, mais qui a déjà été notée bien des fois, la peau du ventre n’offre aucune trace de contusion. On ne peut reconnaître ni mobilité, ni crépitation évidente dans les os du bassin, et acquérir la preuve de leur fracture, quelque effort que l’on fasse pour y parvenir. Toutefois il faut dire ici que le gonflement était assez considérable, que cet examen causait au malade des douleurs qui ne permettaient pas de le prolonger. Ajoutons que le bassin étant mal fixé par le poids du corps et des membres inférieurs sur le plan solide que lui présentent les matelas, il était fort difficile d’y reconnaître de la mobilité. Le pouls était fréquent et développé. (50 sangsues seront encore appliquées.)

Les jours suivants, le malade se plaint toujours de souffrir dans la région de l’aine; plusieurs applications de sangsues ne peuvent calmer les douleurs et faire disparaître le gonflement inflammatoire.

25 mai. Un examen plus attentif nous fit apercevoir une chose que nous n’avions pas encore remarquée ou qui ne s’était peut-être pas encore manifestée chez ce blessé. Le membre inférieur droit était fortement tourné dans la rotation en dehors, raccourci d’un demi-pouce, et reprenait sa direction et sa longueur normales par la moindre traction. A ces symptômes nous dûmes soupçonner une fracture du col du fémur. L’état du malade ne permettait pas de songer à mettre en usage aucun des appareils contentifs ordinaires, et l’on se borna à fixer le membre au moyen d’une alèze pliée en cravate et passée sur le genou.

Bientôt une suppuration énorme s’empara de tout le bassin;, il fallut ouvrir plusieurs abcès dans la région inguinale. Une communication entre la vessie et le principal foyer s’établit spontanément, et le malade succomba le 3 juin avec des symptômes de résorption purulente et épuisé par la suppuration.

A l’autopsie, outre les désordres des parties molles et que j’omets à dessein, nous trouvâmes du côté droit une fracture de la branche horizontale du pubis, à l’union du tiers interne avec les deux tiers externes. Plus bas était une fracture double de la branche ascendante de l’ischion, laissant un fragment moyen long de cinq à six lignes, flottant dans le vaste foyer purulent qui baignait toute cette région. Il y avait un déplacement assez considérable; toute la masse du fragment externe avait éprouvé un mouvement de bascule qui portait la partie rompue de la branche horizontale au-dessus et un peu en avant du bout interne. Par suite de ce mouvement, l’intervalle laissé au milieu de la branche montante par le fragment moyen détaché de l’os se trouvait comblé ; les os étaient complètement dénudés de leur périoste; les symphyses sacro-iliaque et pubienne étaient détruites, dépouillées de cartilages. Le col du fémur el l’articulation coxo-fémorale étaient dans la plus parfaite intégrité.

Au milieu d’accidents aussi graves, une fracture du col n’était qu’un accident secondaire sur lequel nous ne fixâmes pas notre attention d’une manière spéciale. Néanmoins, si pareil cas se présentait, on pourrait, je crois, arriver à porter un diagnostic certain à l’aide des considérations suivantes: Une cause agissant avec une extrême violence ne peut guère avoir borné son action à une simple fracture du col du fémur, il faut donc explorer le bassin: alors, si celui-ci a été brisé, on verra que les rapports de distance entre le grand trochanter et l’épine iliaque ne sauraient être changés, car c’est au déplacement du bassin et non de l’extrémité supérieure du fémur que sont dus la rotation en dehors et le raccourcissement. Il n’y aurait de changement que si l’os iliaque était lui-même fracturé ; mais alors la mobilité de l’épine iliaque en ferait bientôt reconnaître la cause. Si l’on porte alternativement le membre en dedans et en dehors, le grand trochanter doit décrire des arcs de cercle aussi grands que de coutume et non pivoter sur son axe; autrement les mouvements seraient dus, non pas à la rotation du fémur, mais à des déplacements du bassin dont on. constaterait probablement la mobilité. Enfin, si la crépitation se faisait entendre et qu’on en recherchât le siége exactement, on le trouverait dans le bassin, tandis que dans la fracture du col elle est dans la hanche.

Cette fracture du bassin offre cela de curieux qu’elle a déterminé une rotation de la cuisse en dehors, tandis que le plus grand nombre des lésions de ce, genre rapportées par les auteurs, A. Cooper entre autres, avaient donné lieu à la rotation en dedans. Il faut avouer que A. Cooper (t. I, p. 72) dit bien que dans certains cas de fracture du pubis et de l’ischion le membre est raccourci sans être tourné en dedans; mais il ne parle pas de la déviation en sens opposé.

Traitement. — Rendre au membre sa longueur et sa direction habituelles, et le maintenir dans cet état, telles sont les indications que présente la fracture du col; mais il est excessivement difficile de les remplir.

Aujourd’hui les praticiens sont partagés entre deux moyens principaux. L’un, dont l’invention remonte très-haut, consiste à exercer des tractions continuelles à l’aide d’un appareil disposé à cet effet sur le membre placé dans l’extension. C’est dans ce but que les anciens employaient les glossocomes, des poids attachés au pied du malade, etc., etc. Telle est l’idée qui dirigea Desault dans la construction de son ingénieux appareil, telle est, en un mot, l’extension que nous appellerons droite, pour la distinguer de la suivante. Le second moyen a été proposé surtout par les modernes: il consiste à placer le membre dans la demi-flexion. On sait qu’Hippocrate conseille la flexion pour les membres supérieurs, et l’extension pour les jambes comme position plus naturelle; ce précepte semble être tombé dans l’oubli jusqu’à nos jours, et cependant on trouve dans A. Paré une phrase dont le sens, peut-être un peu obscur, pourrait être interprété en faveur de la demi-flexion: cette phrase, la voici: «Or, quant à la figure que l’on doit observer (après l’application de l’appareil), elle sera convenable. si les muscles sont en leur situation naturelle, ce qui se fera si la partie est tenue en FIGURE MOYENNE en laquelle, si elle est sans douleur, le malade pourra longuement demeurer.» Quoi qu’il en soit, Pott , ayant analysé avec soin l’action musculaire dans les fractures, en conclut que la position fléchie devait être préférée à la première. Les Anglais, adoptant les idées de leur compatriote, White de Manchester, puis M. James, firent construire des appareils formés de deux plans inclinés, en bois, qu’ils employèrent dans les fractures du fémur. Sir A. Cooper adopta cet appareil, et dès le commencement de ce siècle le mit en usage. M. Dupuytren , l’un des premiers en France, professa la doctrine de la position demi-fléchie; et pour les fractures du col du fémur, après avoir essayé la machine de James et d’A. Cooper, construisit son double plan incliné avec des coussins seulement, et, par la manière dont il disposa le blessé, joignit à la demi-flexion l’extension continue.

Enfin il est des chirurgiens qui ne veulent rien faire, et qui se contentent de maintenir le membre dans l’immobilité, en l’attachant, par exemple, avec celui du côté opposé.

Auquel des deux premiers moyens faut-il donner la préférence? A aucun exclusivement, car tous deux renferment des avantages appropriés à quelques-unes des circonstances qui accompagnent les fractures. Ainsi, si j’avais affaire à une fracture présentant un raccourcissement peu considérable, facile à vaincre, je mettrais volontiers en usage le double plan incliné solide, convenablement garni de coussins. Mais si le raccourcissement est très-considérable, que détruit il tende sans cesse à se reproduire, alors, comme dans les fractures obliques de la cuisse, j’emploie l’extension droite, continue, et je n’ai jamais eu lieu de m’en repentir. Elle est surtout indiquée pour moi quand le malade est indocile ou qu’il a le délire. On lui a adressé bien des reproches injustes pour assurer la préférence à l’extension demi-fléchie, et j’avoue que rien ne justifie à mes yeux cette prétendue supériorité. On a dit que si l’on soumettait le membre étendu à une traction permanente, il en résultait des douleurs très-vives: cela est vrai quand on agit avec trop d’énergie; mais si l’on a soin de modérer l’effort extensif, et surtout d’attendre pour l’appliquer que la première irritation soit calmée, alors le malade ne souffre pas plus par ce procédé que par tout autre. En outre, remarquons que dans la méthode anglaise, le jarret portant sur l’angle du pupitre en bois qui constitue le double plan incliné, le soin que l’on a de couvrir ce plancher d’un coussin n’empêche pas le malade de souffrir d’une pareille compression. On a reproché à l’extension droite un inconvénient qui devrait la faire proscrire s’il n’était possible de l’éviter: je veux parler de la pression supportée par les parties sur lesquelles les liens extensifs et contre-extensifs prennent leur appui, et qui peut être portée au point de déterminer la gangrène, comme on en a observé des exemples; mais on n’aura rien à craindre si l’on a soin de matelasser avec du coton les parties sur lesquelles les moyens d’action doivent porter, et de répandre ceux-ci sur les plus larges surfaces possibles. Dans l’extension demi-fléchie, le bassin est suspendu à la jambe qui est retenue sur le double plan; et, comme nous l’avons vu, c’est le jarret qui soutient tout l’effort; dès lors les vaisseaux principaux du membre sont comprimés; de là, surtout chez les vieillards, l’œdème du membre, et par conséquent une tendance extrême des parties sur lesquelles passe le drap plié qui maintient la jambe, à être prises de gangrène.

Dans l’extension droite les tractions sont supportées à la fois par les articulations du pied, du genou et de la hanche. Il n’en est pas de même pour la demi-flexion; elle porte tout entière sur le genou, dont les ligaments sont tendus et tiraillés tant par sa position que par l’effort qu’il est obligé d’exercer: il peut donc en résulter des dangers pour l’articulation. Il est très-facile, quoiqu’on ait prétendu le contraire, de mesurer le membre sans défaire l’appareil, et certes beaucoup plus que dans la position demi-fléchie, car dans celle-ci, la cuisse étant inclinée sur le bassin, le genou s’est rapproché de l’épine iliaque; les rapports ainsi changés rendent la mensuration plus difficile.

Il n’est donc aucun des inconvénients reprochés à l’extension droite dont l’extension fléchie ne soit entachée elle-même, et souvent à un degré plus marqué. Enfin, ce dernier moyen ne m’offre pas, quand il est appliqué, la même sécurité que l’autre; il ne met pas à l’abri des mouvements involontaires ou des imprudences auxquelles peut se livrer un malade indocile.

L’extension droite adoptée dans la majorité des cas, quel appareil emploierons-nous? Celui de Boyer me paraît l’emporter de beaucoup sur celui de Desault. Il a essuyé les mêmes reproches que nous venons de reproduire pour les combattre, et de plus on a dit que l’emploi d’une force aveugle, telle qu’une vis, avait le grave inconvénient de produire un effet dont on ne pouvait pas apprécier l’énergie. Force aveugle! un lacs est-il donc plus intelligent qu’une vis? Il n’y a d’aveugle que le chirurgien, s’il agit sans discernement! Alors, en effet, il déterminera beaucoup de douleur et des tiraillements très-nuisibles; mais s’il a soin de s’arrêter quand le malade dit éprouver de la douleur, et surtout quand, chose bien facile à reconnaître, le membre a repris sa longueur habituelle, on n’aura rien à redouter, et l’on aura agi par une puissance mécanique, comme on le fait avec les mains sur les lacs extensifs de Desault, avec cette différence que, dans le premier cas, les tractions sont graduées, uniformes, et dans le prolongement du membre. Enfin lorsque l’appareil est appliqué, il est bien aisé de voir si la constriction est trop forte, en passant la main entre l’aine et le lac contre-extensif. Dans l’appareil de Boyer, les points d’appui de l’extension sont répartis sur de bien plus larges surfaces que dans celui de Desault, et même je crois que l’on pourrait faire subir à la machine du premier une modification avantageuse en substituant aux courroies qui partent du talon de la semelle un bas lacé qui remonterait jusqu’au-dessus du genou. On appliquerait ce bas par-dessus un bandage roulé, ou avec la précaution de garnir de coton, au besoin, les parties déprimées, afin que la pression fût supportable et égale partout. Enfin, comme tout le monde l’a remarqué, la machine de Boyer remédie à la déviation du pied en dehors. Il y a bien encore une autre objection, mais si futile, qu’en vérité je ne sais si je dois la relever ici: je veux parler de la difficulté qu’il y a de se procurer l’appareil en question, et du prix qu’il coûte: il est clair que si l’on ne peut pas l’avoir, on sera forcé de s’en passer; mais cela n’empêche pas qu’il ne soit de beaucoup préférable à tout autre, et qu’on ne l’emploie toutes les fois qu’on peut l’avoir à sa disposition. Enfin, pour les cas où la demi-flexion peut être mise en usage, faudra-t-il préférer le double plan incliné solide des Anglais, ou celui formé de coussins qu’emploie M. Dupuytren? Je trouve à ce dernier un défaut très-grave; c’est que les oreillers s’affaissent avec une très-grande facilité, et demandent à être renouvelés presque tous les jours; de la des mouvements nuisibles à la consolidation, et de plus il n’y a pas d’extension permanente, puisque le poids des membres efface l’angle du double plan, affaisse très-promptement les coussins, et permet ainsi au déplacement de se reproduire. Ce défaut est surtout sensible pour le praticien de campagne qui ne peut venir tous les jours réappliquer son appareil. La machine de White a bien l’inconvénient d’une pression nuisible sur le jarret, mais celle-ci est diminuée quand on recouvre le pupitre d’un coussin convenable. Aussi, parmi les doubles plans inclinés, les meilleurs encore sont ceux de sir A. Cooper et de Delpech.

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