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NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR V.-J. GERDY
ОглавлениеPar E. BEAUGRAND.
Vulfranc-Joseph Gerdy, né à Loches (Aube) le 20 mars 1809, commença ses humanités au collége de Bar-sur-Seine, et vint, en 1825, à Paris, les achever, comme externe, au collége Louis le Grand. Une fois ses classes terminées, il aborda l’étude de la médecine; mais, du moins, au début de sa carrière, il n’eut point à livrer cette terrible bataille de la vie, dont, à force de persévérance et d’énergie, son frère était sorti vainqueur: marchant sur les pas de celui-ci, il put suivre, sans y rencontrer d’obstacles, la route qui lui avait, en quelque sorte, été frayée d’avance. On comprend quelles solides connaissances il dut acquérir en anatomie et en physiologie, sciences dont bien jeune encore il donna des leçons particulières. Reçu interne en 1832, il se livra dès lors exclusivement à la pathologie et prit le grade de docteur en 1837, après avoir conquis les couronnes de l’internat et de l’École pratique. Enfin, à la suite d’un concours dans lequel il fit preuve d’un savoir aussi varié qu’étendu (1839), il entra à la Faculté avec le titre d’agrégé en chirurgie.
L’année même de sa réception au doctorat, V. Gerdy avait été appelé par M. de Saint-Fériol, propriétaire des sources d’Uriage, comme médecin libre, afin de ranimer cet établissement qui languissait entre les mains de l’inspecteur général alors fort âgé. M. de Saint-Fériol cherchait un jeune médecin instruit, mais surtout versé dans la connaissance des maladies de la peau et de la scrofule, affections auxquelles conviennent particulièrement les eaux d’Uriage; Alibert, à qui il s’était adressé, lui désigna V. Gerdy, son ancien interne, dont il avait pu apprécier les solides qualités, et celui-ci justifia pleinement le choix dont il avait été l’objet. Son zèle, son dévouement sans bornes, eurent bientôt donné une nouvelle vie aux eaux naguère délaissées. C’est qu’en effet il s’était consacré à cette œuvre avec la plus entière abnégation; le soin des malades qui venaient en foule s’adresser à lui, absorbait toute sa journée, et, au grand détriment de sa santé, il leur sacrifiait jusqu’aux heures de ses repas. A cela ne se bornait pas son activité, il trouvait encore le temps d’étudier la composition chimique des sources, les conditions géologiques dans lesquelles elles émergeaient du sol, etc. Puis, lorsque, au bout de quelques années, la mort de l’inspecteur en titre lui eut laissé la libre direction des eaux, soutenu par le propriétaire qui ne recula devant aucune dépense, il s’occupa et d’un captage mieux entendu des sources, obtenu au moyen du creusement de longues galeries souterraines, et de l’amélioration des appareils pour les bains, les douches, etc. Enfin, grâce à ses efforts, l’établissement d’Uriage put bientôt prendre rang parmi les plus importants que nous possédions en France.
Les intéressantes recherches qu’il fit paraître successivement sur l’analyse de ces sources, et leurs applications à la pathologie, lui ouvrirent les portes de l’Académie de médecine, où il fut admis comme membre correspondant.
V. Gerdy était un des fondateurs de la Société d’hydrologie médicale, et il s’y distingua dans plusieurs discussions scientifiques, notamment sur le traitement thermal des scrofules et du rhumatisme. C’est dans cette société qu’une circonstance vint prouver que si Vulfranc ne recherchait pas, comme son frère, les luttes ardentes et passionnées, il ne les évitait pas non plus quand une question de justice ou d’honneur se trouvait engagée. A l’exemple des autres sociétés, celle d’hydrologie s’était réservé le droit d’exclure de son sein tout membre qui aurait commis un acte d’indignité, mais les motifs de cette exclusion devaient demeurer un secret dans le conseil de famille, dont le président notifiait la décision au membre exclu. En 1861, à propos d’une révision du règlement, on proposa que cette décision fût adressée par le secrétaire général à tous les membres de la Société, dans une lettre confidentielle; les motifs de l’exclusion pouvaient même y être relatés. C’est contre cette double. divulgation que s’éleva V. Gerdy, et dont il fit ressortir les graves inconvénients. Il insista tout particulièrement sur cette note confidentielle adressée à deux ou trois cents personnes, parmi lesquelles se trouveraient nécessairement des rivaux, des envieux, les dénonciateurs eux-mêmes; ne profiteraient-ils pas de cette singulière confidence pour la publier à son de trompe dans la localité habitée par le membre exclu, et l’atteindre ainsi dans sa position, sa fortune, son honneur? Ce qui n’était qu’un simple avertissement, sans bruit, sans esclandre, deviendrait alors une punition rigoureuse pour un délit peut-être exagéré par la passion; et le conseil de famille serait ainsi transformé en conseil de discipline! Ces raisons et bien d’autres encore ne purent convaincre la Société, la mesure en question fut votée, et V. Gerdy,. alors vice-président, donna immédiatement sa démission.
Quelques années après (1864), alors qu’il était question de laisser aux malades le droit d’user à leur gré des eaux minérales, V. Gerdy adressait au ministre de l’agriculture et du commerce une lettre fortement motivée, dans laquelle il démontrait, par de nombreux exemples, les dangers d’une telle liberté. Assimilant l’usage des eaux à celui des médicaments actifs, il demandait que leurs différents modes d’administration ne fussent accordés que sur l’ordonnance d’un médecin.
L’année suivante, sa constitution, fortement et depuis longtemps ébranlée, l’obligeait de donner sa démission de médecin inspecteur des eaux d’Uriage et de se consacrer exclusivement au soin de sa santé. Il voyageait, allait passer les hivers dans le Midi, sans obtenir autre chose qu’une amélioration passagère. Des douleurs rhumatismales, des bronchites répétées, des accidents de congestion cérébrale, ne lui laissaient que de courtes trêves, dans lesquelles il pouvait constater un affaiblissement progressif. Enfin une congestion cérébrale plus forte que les précédentes l’emporta, après quelques jours de maladie, le 16 septembre 1873, à l’âge de soixante-quatre ans.
Gomme si ce n’était pas assez pour Vulfranc d’avoir consacré trente années de sa vie à l’étude et à l’application des eaux minérales, il voulut laisser après sa mort les moyens de préparer la réalisation d’une idée qui avait fait l’objet de ses plus constantes préoccupations. Il déplorait profondément l’espèce de sujétion dans laquelle se trouvent trop souvent les médecins inspecteurs des eaux vis-à-vis des administrations, obligés dans maintes circonstances d’opter entre leur position et le complaisant acquiescement aux vues intéressées de ceux qui dirigent ces entreprises commerciales. Il imputait surtout cet état de choses au mode vicieux de recrutement des inspecteurs, dont beaucoup n’offrent réellement pas de garanties sérieuses en hydrologie, et qui, cependant, l’emportent sur des candidats depuis longtemps versés dans la connaissance des eaux minérales. De pareils hommes manquent de l’autorité nécessaire pour résister aux exigences des administrations qui font de l’emploi des eaux une pure question de lucre. Le seul moyen de les relever aux yeux des propriétaires ou fermiers des sources, et de leur donner le prestige qui leur est indispensable, c’est la nomination par le concours. Déjà à deux reprises, lors du congrès général de France en 1845, et plus tard en 1854, à la Société d’hydrologie, il avait présenté et fait adopter les deux propositions suivantes: 1° nomination des médecins inspecteurs des eaux par le concours; 2° leur constitution en corps hiérarchique, où un avancement régulier leur permettrait de diriger des établissements de différentes natures et d’une importance croissante. Est-il besoin de dire que ces vœux, unanimement approuvés par le congrès et par la Société d’hydrologie, ne furent pas écoutés!...
Voyons maintenant les dispositions qu’il a soumises à l’Académie de médecine par une clause longuement et très-judicieusement développée de son testament. Il lègue à cette illustre société une rente annuelle de 4500 fr. avec la destination suivante: deux élèves en médecine ayant été attachés pendant deux ans au moins en qualité d’internes dans les hôpitaux de l’une des trois facultés ou de l’une des six principales villes de France, ayant fait preuve d’aptitude et de zèle dans ces fonctions, et ayant subi tous les examens pour le doctorat moins la thèse, seront désignés à la suite d’un concours spécial et public, par une commission de cinq membres au moins, prise dans le sein de l’Académie. Ils seront institués pour quatre ans, et tenus de résider pendant toute la durée de la saison thermale dans un des quarante ou cinquante principaux établissements de la France, pour y étudier les propriétés et les effets des eaux minérales, et présenter à l’Académie, du 15 avril au 1er mai suivant, un rapport contenant toutes les observations qu’ils auront pu recueillir sur les malades ayant fréquenté l’établissement. Ils exposeront en même temps leurs appréciations sur les résultats immédiats et consécutifs du traitement, sur les dispositions matérielles des établissements, sur les conditions hygiéniques et climatériques des localités, etc.
Recommandés par l’Académie aux médecins inspecteurs, ils ne sauraient trouver de difficultés sérieuses dans l’accomplissement de leurs recherches.
Les élèves désignés par le concours recevront chaque année 1500 fr. pendant la durée de leurs fonctions. Ceux qui auront accompli leur mission à la satisfaction de l’Académie auront droit, à l’expiration de leur mandat, à une gratification de 500 fr. par année de service. Du reste, l’Académie sera toujours maîtresse de révoquer les élèves qui auraient rempli avec négligence les devoirs qui leur sont imposés; seront aussi considérés comme démissionnaires ceux qui prendraient le titre de docteur avant la fin des quatre années. Quant au concours public dont le testateur a fait la condition sine quâ non de ce legs, il en laisse la disposition à la volonté de l’Académie; dissertation écrite ou verbale, dont la première pourrait servir d’épreuve éliminatoire, questions verbales, etc.
Si ces conditions n’étaient pas acceptées, le legs de 4500 fr. se trouverait retiré, et remplacé par une rente annuelle de 1500 fr. pour un prix de 3000 décerné tous les deux ans au meilleur mémoire sur une question d’hydrologie.
La pensée de l’auteur se dévoile ici tout entière. Il veut former ainsi une pépinière de médecins instruits, qui s’offriront en quelque sorte forcément au choix de l’administration quand il s’agira de nommer des médecins inspecteurs. La condition de concours si fermement imposée est la réalisation de ce vœu dont il fut deux fois l’interprète et que nous rappelions plus haut, en même temps qu’elle est comme un hommage rendu à la mémoire de son frère, qui poursuivit, pendant les quinze dernières années de sa vie, le rétablissement de cette libérale institution qu’il avait toujours défendue avec son indomptable persévérance.
Enfin n’oublions pas que les sociétés de médecine et de chirurgie ont eu chacune un legs de 1000 fr. de rente annuelle pour la fondation de prix de 2000 fr. décernés tous les deux ans.
Rien de plus commun assurément que la différence des caractères entre les membres d’une même famille; les deux frères Gerdy nous en offrent un exemple remarquable. Autant l’aîné était fougueux, emporté, autant le plus jeune était calme et réfléchi. Aussi le premier, tout en raillant quelquefois son frère sur sa froide prudence, avait-il su apprécier la solidité de son jugement, et plus d’une fois il n’eut qu’à se louer d’avoir écouté ses avis. Ils ne se rencontraient réellement que sur un terrain, celui de l’honneur et de la droiture. Tous les deux portaient également au plus haut degré le sentiment si pur de l’amour de la famille. Les deux frères et un troisième, Paul Gerdy, plus âgé que Vulfranc, et qui demeurait au pays où il cultivait le bien de leur père, étaient restés unis de la plus étroite amitié. J’ai suivi le professeur Gerdy dans la longue agonie qui a précédé sa mort, et je puis rendre ici ce témoignage: rien de plus touchant que les soins qui lui furent prodigués par Vulfranc jusqu’à la dernière heure, avec le dévouement le plus infatigable. On comprend quelle dut être sa douleur en perdant celui qui avait été l’appui de sa jeunesse et auquel il devait, en partie, la position qu’il occupait alors.
L’année suivante un autre coup vint encore le frapper: son frère Paul Gerdy, momentanément à Paris, tombe malade d’une pneumonie, puis, tout à coup, une phthisie à marche aiguë se déclare, et il ne tarde pas à succomber. Cette perte si imprévue jeta un profond découragement dans l’âme de notre ami qui semblait y voir le présage de sa fin prochaine. A dater de ce jour il vécut entre le regret du passé et la crainte que lui donnait pour lui-même l’état chancelant de sa santé, sans que les bonnes et solides amitiés que son caractère avait su lui concilier pussent l’en distraire entièrement.
Vulfranc a publié les travaux suivants:
I. — De l’influence de la pesanteur sur la circulation et les phénomènes qui en dérivent, et de l’élévation des parties malades, considérée comme moyen thérapeutique. (Extr. de la clin. du prof. Gerdy), in Arch. gén. de méd., 2e sér,, t. III, p. 553. 1833.
II. — Note sur la cure radicale des hernies par la méthode de M. Gerdy ou de l’invagination, in. Bull. cliniq. de Fossone, t I, p. 90. 1835.
III. — Leçons cliniques de M. Gerdy à l’hôpital Saint-Louis, ibid., p. 139, 213.
IV. — Propositions d’anatomie, de pathologie et de tocologie. Thèse inaug. Paris, 1837, in-4°, 48 pp.
V. — Recherches expérimentales relatives à l’influence des bains sur l’organisme, in Archiv. de mid., 3e sér., t. I, p. 452. 1838.
VI. — Recherches et observations sur les eaux minérales d’Uriage et sur l’influence, etc. Paris. 1839, in 8°.
VII. — De la résection des extrémités articulaires des os. Thèse de conc. (agrég. chir.). Paris, 1839, in-8°, 187 pp.
VIII. — Mém. sur l’analyse des eaux minérales sulfureuses, suivi d’une dernière réponse à M. Dupasquier de Lyon. Paris, 1843, in-8°.
IX. — Études sur les eaux minérales d’Uriage et sur l’influence physiologique des eaux en général, et les divers modes de leur emploi. Paris, 1849, in-8°, XLVII-423 pp., fig.
X. — Lettre à MM. les membres de la Société d’hydrologie de Paris. Paris, 1861, in-8°, 39 pp.
XI. — Lettre à M. le ministre de l’agriculture, etc. — De la liberté absolue donnée aux malades dans l’usage des eaux minérales, et de l’inspection établie près de ces eaux. Paris, 1864, in-8°, 52 pp.