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1. — FRACTURE DE LA CLAVICULE.

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Table des matières

On a dit et répété depuis longtemps que l’on pouvait juger de l’insuffisance de l’art contre une maladie d’après le nombre des remèdes proposés pour la combattre: cette vérité trouve aussi son application dans la pathologie externe; la fracture de la clavicule en est un frappant exemple. C’est surtout depuis l’époque de Desault que l’on a varié et modifié à l’infini le système des moyens contentifs, sans arriver à résoudre complétement toutes les conditions du problème. Si donc nous publions à notre tour quelques réflexions sur un sujet tant de fois exploité, c’est moins dans le but de proposer un nouvel appareil, que de poser les véritables principes d’après lesquels on doit le construire. Nous verrons en effet que, dans leurs divers procédés, les chirurgiens n’ont eu en vue qu’une ou quelques-unes seulement des indications que présente cette fracture.

OBSERVATION 1re. — Baticle (Louis-Robert), âgé de trente ans, maçon, n’ayant jamais été malade que par suite d’accidents, était, le 22 juillet 1834, monté sur une poutre pour travailler à la démolition d’une maison; la poutre vermoulue sur laquelle il était placé s’étant brisée sous son poids, il tomba d’une hauteur de 12 pieds sur les solives de l’étage inférieur. La violence du coup lui ayant fait perdre connaissance sur-le-champ, il ne peut se rappeler quelles sont les parties de son corps qui ont porté dans la chute. Revenu assez promptement à lui, il se fit transporter à l’hôpital Saint-Louis. Il se plaignait alors d’une gêne assez considérable de la respiration, et d’une douleur dans l’épaule qui l’empêchait de remuer le bras. Il n’y avait aucune lésion du côté de la tête (saignée de trois palettes; dicte). Le bras est maintenu le long du tronc à l’aide d’une écharpe.

Le lendemain matin 23, à notre visite, nous reconnaissons une fracture de la clavicule gauche, à l’union du tiers externe avec le tiers moyen de cet os. Le fragment externe est déprimé et porté en dedans sous le fragment interne qui fait une légère saillie au-dessus du précédent. Le malade ne peut élever son membre sans une douleur excessive. Une large ecchymose occupe le moignon de l’épaule du même côté.

L’appareil de Desault fut immédiatement appliqué ; mais au bout de quelques jours, voyant que malgré tous les soins il se relâchait, ne maintenait pas la fracture réduite exactement, el gênait la respiration du malade, on le défit, et nous vîmes alors un phénomène que nous avions déjà observé plusieurs fois, et qui se présenta chez ce sujet d’une manière manifeste. Je veux parler de la possibilité de porter le membre à la tète. Et remarquez bien que, lors de son entrée, la douleur qu’il ressentait, en voulant exécuter ce mouvement, le lui interdisait complétement. Nous appliquâmes, à la place de l’appareil de Desault, une fronde dont nous donnerons plus loin la description.

A l’aide de ce moyen, Baticle sortit guéri à la fin d’août, présentant une très-légère difformité qui était seulement sensible au toucher.

Causes. — La fracture de la clavicule peut avoir lieu de deux manières, comme le disent fort bien les auteurs: 1° par une violence portée directement sur la clavicule; 2° par une chute sur le moignon de l’épaule, dans laquelle la clavicule, se trouvant pressée entre le moignon de l’épaule qui repose sur le sol, et le sternum qui presse sur elle avec toute la force que lui donne le poids du corps augmenté de la vitesse de la chute, ploie et se rompt dans le point qui offre le moins de résistance. Auquel de ces deux mécanismes la fracture est-elle due chez notre malade? Est-il tombé sur la partie antérieure du tronc, de telle sorte que la courbure antérieure de la clavicule soit venue rencontrer l’angle saillant d’une poutre; ou bien est-ce l’épaule qui a porté, et la solution de continuité est-elle venue par voie indirecte? Le malade s’étant évanoui, ignore les circonstances de sa chute; mais l’ecchymose qui, des le premier jour de l’accident, occupait la région deltoïdienne, l’absence de toute trace de contusion du côté de l’os rompu, ne laissent aucun doute à cet égard: la fracture a eu lieu médiatement. Cette recherche de la cause n’est point oiseuse comme on pourrait le penser; car si elle a agi directement, il y aura plus souvent complication de contusion, elle exigera des soins particuliers, et il faudra surveiller plus attentivement le malade, de crainte qu’il ne se développe du gonflement et des accidents inflammatoires.

Avant de rechercher la manière dont se produisent les déplacements dans cette fracture, établissons une distinction importante fondée sur son siége. D’après la forme de la clavicule, la force et le nombre de ses moyens d’union avec l’apophyse coracoïde et l’acromion, il est facile de voir que les causes fracturantes indirectes doivent agir sur la partie de l’os qui présente une courbure plus marquée, c’est-à-dire vers sa partie moyenne ou un peu en dehors de celle-ci. Quant à celles qui siégent entre l’insertion du ligament coraco-claviculaire et l’articulation qui unit l’acromion à la clavicule, et dont les auteurs parlent à part, nous en citerons plus loin un exemple.

Symptômes. — Chez Baticle, la fracture s’était effectuée dans le lieu d’élection, et présentait un déplacement très-marqué dont nous allons-tâcher de nous rendre un compte exact. On a dit depuis Hippocrate que la saillie du fragment interne n’était qu’apparente et qu’il fallait l’attribuer au seul changement de position subi par le fragment externe. Il y a là une erreur: quelques auteurs, entre autres Duverney , avaient déjà pressenti la vérité, mais sans l’exprimer d’une manière formelle. Voici l’opinion que je professe à cet égard. Le fragment interne est tiré en haut par le faisceau externe du sterno-cléido-mastoïdien, qui est asséz fort et épais, et qui agit dans une direction presque perpendiculaire, tandis que cette action n’est contre-balancée que par la portion du grand pectoral insérée à ce fragment. Or les fibres du grand pectoral se rendent à l’os très-obliquement, leur effort sera donc vaincu par le sterno-mastoïdien. A cette raison on peut ajouter que lorsque le fragment acromial est passé sous l’interne, il peut contribuer à le relever et à lui faire prendre cette position. Quant à l’objection tirée de quelques observations dans lesquelles on a vu le fragment interne déprimé et l’externe saillant, cela tenait à des circonstances qui, pour être ignorées, n’obscurcissent point le mécanisme que je viens d’expliquer. Une preuve journalière vient, je crois, à l’appui de nos idées. Si le fragment externe était seul abaissé, il suffirait, pour réduire la fracture, d’élever l’épaule malade au niveau de l’opposée; or cela est insuffisant, et pour mettre les fragments bout à bout, ce niveau doit être dépassé.

Voilà pour le fragment interne. Voyons actuellement sous l’influence de quelles forces l’externe est déprimé. Bichat pensait que le poids du bras devait seul entrer ici en ligne de compte, et il reproche à Duverney d’avoir mentionné le deltoïde comme y prenant part. Il y a ici une distinction à établir: si la fracture siège à l’union du tiers externe avec le tiers moyen, ce qui a lieu souvent, le deltoïde et le trapèze s’insérant sur la clavicule dans une étendue à peu près égale, les deux muscles pourront se faire équilibre, et le fragment externe n’être pas incliné sur le scapulum; mais si la rupture de l’os a lieu un peu en dehors de l’insertion du sterno-cléido-mastoïdien, c’est-à-dire vers le tiers interne, on conçoit alors que le grand pectoral et le. deltoïde, agissant sur un bras de levier plus long, l’emporteront sur le trapèze; que le fragment externe formera un angle moins ouvert avec le scapulum, et s’abaissera, tandis que l’épaule elle-même sera portée en bas par son propre poids. Le grand dorsal, par l’intermédiaire de l’humérus, peut considérablement aider à ce changement de position. Il est facile de s’assurer du double déplacement que nous venons de décrire, en comparant la direction des deux fragments avec celle de. la clavicule saine.

Outre le déplacement suivant l’épaisseur, il y en a un autre suivant la longueur. Il est produit par une foule de muscles qui y prennent part plus ou moins directement et immédiatement. Ces muscles sont le sous-clavier, les pectoraux, le grand dorsal, le trapèze, le rhomboïde. On peut aisément constater l’étendue de ce transport de l’épaule en dedans, en mesurant des deux côtés, à l’aide d’un ruban, la distance qui sépare le milieu de la fossette sus-sternaire de l’acromion.

Prenant la résultante des diverses forces que nous venons d’analyser, on voit que l’épaule est portée en bas, en dedans et en avant. Le déplacement en avant est surtout favorisé par le coucher sur le dos dans un lit un peu mou. Alors le corps, s’enfonçant dans les oreillers, est placé comme dans une gouttière dont les deux plans inclinés latéraux repoussent en avant les deux épaules, mais surtout celle qui est privée de son soutien.

Il est, dans cette fracture, un phénomène variable que les auteurs citent comme constant, dont ils ont donné une explication que je crois erronée. Je veux parler de l’impossibilité dans laquelle, au moment de l’accident, le blessé se trouve de porter sa main à sa tête. On a dit que la clavicule était l’arc-boulant de l’épaule, et Bichat , dans un langage à la fois vague et inexact, a fait de cet os le centre mobile, mais solide, des mouvements du bras, et il ajoute: «D’où il suit que les fractures de cet os, considérées par rapport à ses fonctions, rangent, pour ainsi dire, l’individu qui en est affecté dans la section nombreuse des animaux non clavicules». Est-il vrai, comme l’avance Bichat, et comme beaucoup de personnes semblent le croire, que les animaux non clavicules soient privés de la faculté de mouvoir en tous sens, et particulièrement vers la tète, l’extrémité supérieure? Parmi les êtres dont il est ici question se rangent, les chiens, les chats, les ours, les phoques, etc. Or les chats se servent avec une extrême facilité de leurs pattes de devant, les passent sur leur tête sans difficulté, et ne le cèdent peut-être qu’aux singes en adresse et en dextérité. Les ours, comme chacun sait, exécutent avec leurs membres supérieurs des mouvements remarquables par leur étendue et leur précision. Enfin les phoques, animaux nageurs, ne sont nullement gênés dans leur mode particulier de locomotion par l’absence de la clavicule.

Reprenons actuellement les fonctions de cet organe chez l’homme, nous verrons que la première assertion n’est pas plus fondée que la seconde. Tout le monde reconnaît que, dans la fracture dont nous parlons, le bras peut être assez facilement porté en avant et en arrière: c’est donc seulement une abduction et une élévation forcées, comme celles qui ont lieu quand on veut porter sa main à sa tête, qui se trouvent empêchées. Or, dans ce mouvement, l’épaule tend à se porter en dedans, et dès lors à augmenter le chevauchement; de là résulte nécessairement une douleur très-vive dans les parties voisines, que viennent irriter les deux extrémités rompues, et c’est cette douleur qui arrête le malade dans l’effort qu’il fait pour élever la main. Cela est si vrai, que dans les premiers temps le bras ne se meut, en effet, qu’avec une grande difficulté ; mais au bout d’un certain temps, le blessé arrive sans peine à se toucher le sommet de la tête. Enfin, si la fracture ne s’est pas consolidée et qu’elle soit transversale, le malade ne tarde pas à recouvrer l’intégrité presque parfaite de ses mouvements. Je dis que la fracture doit être transversale, car si elle était oblique, ses extrémités aiguës viendraient déchirer les parties molles. Voici un exemple très-curieux de ce que j’avance ici.

OBSERVATION 2e. — Doussot (Pierre-Nicolas), actuellement âgé de quarante-huit ans, servait, lors de la désastreuse retraite de Moscou, dans un régiment de cuirassiers. Renversé de cheval dans une charge contre l’infanterie russe, et resté au pouvoir des ennemis, ceux-ci tachèrent de l’assommer à coups de crosse de fusil, et ne parvinrent qu’à fausser sa cuirasse en plusieurs endroits et à lui fracturer les deux clavicules. Il fut obligé de se rendre, et les Russes l’emmenèrent prisonnier sans le panser. Comme il se servait beaucoup moins de son bras gauche que du droit, la fracture se consolida de ce côté ; mais à droite il n’y eut point de réunion, et le malade, à chaque mouvement un peu considérable, entendait un craquement et sentait une mobilité, indice certain que les fragments ne s’étaient pas ressoudés. Cependant au bout de six semaines ou deux mois il put se servir de son membre avec presque autant de facilité qu’auparavant. Rentré en France en 1815, il fut incorporé dans une compagnie de gendarmerie, et put, sans difficulté, remplir ses pénibles fonctions. Un jour, faisant un effort brusque et énergique pour retenir son cheval qui s’emportait, il ressentit un craquement violent dans l’épaule gauche, et les fragments qui étaient restés presque en contact se déplacèrent, les mouvements furent gênés pendant quelque temps, et il profita de cette infirmité pour obtenir son congé. Peu à peu la mobilité se rétablit.

Ce malade n’est pas le seul sur lequel nous ayons observé le retour des mouvements avant la consolidation; notre premier sujet en fait foi. J’ai vu récemment un enfant dont la clavicule venait d’être rompue dans sa partie moyenne; la fracture paraissait transversale; il y avait déplacement, et cependant l’enfant portait facilement, sans trop de douleur, sa main jusque sur le sommet de la tête. Un de mes confrères, M***, m’a, il y a peu de temps, présenté le même phénomène sur lui-même. Enfin, nous citerons plus loin une observation analogue.

Du reste, le rôle important que joue la douleur dans cette circonstance avait déjà été entrevu par Brasdor dans son mémoire sur les fractures de la clavicule. Quant au malade dont il rapporte l’histoire et qui, affecté d’une fracture non consolidée, éprouvait encore beaucoup de difficulté pour élever le bras, le défaut de détails sur la manière dont l’accident était arrivé ne permet pas d’apprécier la cause d’une pareille gêne.

On sait qu’une multitude de lésions même très-légères, une douleur rhumatismale, une contusion, etc., produisent le même effet; un tiraillement dans les muscles peut aussi donner lieu au même phénomène. C’est ainsi que nous avons eu dans notre service, pendant quelques jours, un cocher de fiacre qui, ayant saisi une poignée un peu élevée pour monter sur son siège, et s’élevant ainsi par l’a force du bras, éprouva dans l’épaule un tiraillement violent et se sentit aussitôt incapable de remuer le bras. Il vint réclamer nos secours, croyant avoir l’épaule démise, mais nous ne lui découvrîmes aucune lésion apparente; les seuls symptômes qu’il présentât étaient de la douleur et cette impossibilité de porter sa main à sa tête. Au bout de cinq ou six jours, après quelques bains et des applications émollientes, il sortit parfaitement guéri. Depuis, dans notre consultation, nous avons rencontré un cas semblable: un homme, soulevant un fardeau qu’il voulait placer sur sa tête, éprouva dans l’épaule les mêmes symptômes; il n’y avait là non plus aucune lésion appréciable. J’ai insisté sur ces faits pour démontrer que ce signe, donné par certains auteurs comme pathognomonique de la fracture de la clavicule, dépendait essentiellement de la douleur, et pouvait se rencontrer dans des affections toutes différentes.

Nous avons dit plus haut que la solution de continuité pouvait siéger en dehors du ligament coraco-claviculaire; alors le déplacement est presque nul. L’observation suivante nous permettra d’exposer les symptômes de cette variété importante.

OBSERVATION 3e. — Raber (François), cordonnier, âgé de trente-trois ans, doué d’une vigoureuse constitution, se trouvant dans un état voisin de l’ivresse, voulait monter dans une voiture, le pied lui manqua; il tomba à la renverse, et dans sa chute presque tout le poids du corps porta sur l’épaule gauche. Reçu d’urgence à l’hôpital Saint-Louis, il présentait les symptômes suivants: douleur vive dans toute la région contuse; il n’y a pas d’ecchymose, on n’aperçoit aucune déformation, et le toucher ne fait reconnaître aucuns changements dans la disposition des parties. Mais lorsque, appuyant la main gauche sur l’acromion et la partie externe de la clavicule, on fait avec l’autre exécuter au bras du malade des mouvements en différents sens, on a la sensation d’une crépitation très-manifeste, qui même peut être entendue à distance, et de plus on perçoit un léger déplacement en dedans de l’acromion. En présence de signes aussi évidents, le diagnostic ne saurait être douteux. Il s’agit d’une fracture de l’extrémité externe de la clavicule en dehors du ligament coraco-claviculaire. Quant aux mouvements du membre thoracique de ce côté, la douleur ne lui permet pas de porter sa main plus haut que le niveau de son front, et il le fait en fléchissant l’avant-bras sur le bras, et en portant celui-ci en avant et en haut, comme le font ceux qui ont une fracture en dedans du ligament coraco-claviculaire avec déplacement. On maintient simplement le bras appliqué le long du corps, à l’aide d’une serviette. Au bout de sept à huit jours la douleur, étant presque entièrement disparue, Raber ne portait encore la main à sa tête qu’avec un peu de gêne, et cependant il n’y avait pas interruption dans la continuité de la clavicule, car dans les mouvements le fragment externe appuyait sur l’interne, et reportait ainsi l’effort sur le sternum, mais la susceptibilité des parties molles voisines ne s’était pas encore calmée; bientôt le mouvement fut complètement rétabli.

Le diagnostic de la fracture de la clavicule est le plus souvent très-facile, à moins qu’il n’y ait un gonflement considérable qui ne permette pas d’apprécier le déplacement et la crépitation, seuls signes véritablement pathognomoniques.

Traitement. — Le déplacement de l’épaule dans cette affection ayant lieu dans trois sens différents, le traitement doit présenter une triple indication: 1° relever l’épaule; 2° l’écarter du tronc; 3° la porter en arrière.

1° La première indication est connue depuis bien longtemps. Pour y satisfaire, Hippocrate conseillait de soutenir le bras avec une écharpe nouée sur l’épaule saine. Plus tard elle fut négligée, et c’est à Desault que l’on doit d’avoir compris toute son importance, et d’avoir cherché à la remplir à l’aide de ses jets de bandes ascendantes. Ici se présente naturellement. une remarque qui n’est pas sans importance. Plusieurs anatomistes (Gavard, Boyer, etc.), ont avancé que la clavicule était dirigée obliquement en dehors et en haut; aussi Boyer conseille-t-il, dans la réduction, de porter l’épaule au-dessus du niveau du bord supérieur du sternum. Le précepte est bon, mais le fait anatomique sur lequel il repose manque d’exactitude. En effet, et j’ai déjà consigné ces observations dans mon Traité des bandages (p. 234) et dans mon Anatomie des formes (p. 62), si l’on observe sur le modèle vivant la direction de la clavicule, on la verra inclinée en dehors et un peu en bas, surtout chez les femmes, ou tout au moins dirigée horizontalement. Je n’ai rencontré la direction mentionnée par les auteurs que chez des sujets athlétiques dont les muscles trapèzes, vigoureusement dessinés, tenaient les épaules relevées. Nous avons donné plus haut la véritable raison pour laquelle il fallait tenir l’épaule malade non-seulement plus élevée que le sommet du sternum, mais encore que celle du côté opposé.

2° Quant à la seconde, on avait déjà pensé à se servir de l’humérus comme d’un levier du premier genre pour porter l’épaule en dehors. Galien, comme je l’ai indiqué dans mon Traité des bandages (p. 585), a décrit, sous le nom de spica de Glaucias, un appareil offrant une ressemblance presque complète avec celui de Desault, sans omettre la pelote de laine molle sous l’aisselle. Paul d’Égine donne formellement le précepte de placer une pelote sous l’aisselle pour porter l’épaule en dehors, mais c’était seulement pour la réduction; il ne paraît pas qu’il l’ait employée d’une manière permanente. Je dirai la même chose des auteurs, A. Paré, Verduc, etc., etc., qui ont cité le même procédé. C’est donc Desault qui a la gloire d’avoir bien saisi la nécessité de cette pratique, et de l’avoir remise en vigueur avec d’importantes modifications.

3° La troisième indication avait parfaitement été saisie par les anciens chirurgiens, et c’est la seule que l’appareil de Desault ne remplisse pas. Les différents auteurs qui ont précédé cet illustre chirurgien se sont évertués à trouver un appareil qui pût convenir au but qu’ils se proposaient. C’est ainsi qu’à l’exemple d’Hippocrate , ils faisaient coucher le malade sur le dos, et lui plaçaient un coussin résistant entre les deux épaules, les autres variaient à l’infini les spica, les 8 de chiffre. C’est encore pour porter les épaules en arrière qu’Heister , imagina sa croix ou plutôt son T de fer. Brasdor, convaincu de l’importance de cette troisième indication, après plusieurs essais successifs, parvint, avec l’aide de Pipelet, à confectionner un corset dont on trouvera la description et la figure dans les Mémoires de l’Académie de chirurgie . Les cordons placés par derrière permettent de serrer ou de relâcher l’appareil suivant l’exigeance des cas.

Je ne reproduirai pas ici les nombreuses modifications que les auteurs ont fait subir à l’appareil de Desault. Je renvoie les personnes qui seraient curieuses d’en avoir une idée à l’excellent article que M. Sanson a publié sur les fractures, dans le Dict. de méd. et de chir. pratiques: cet auteur paraît avoir bien compris les défauts que présentent ces appareils, sans toutefois avoir pris la peine d’analyser leur action et de rendre un compte exact de leur mécanisme. Il termine tout ce qui est relatif à ces diverses modifications en disant: «Il suffit de jeter un coup d’œil sur tous les bandages que j’ai fait connaître, pour voir qu’aucun ne remplit parfaitement le but...; qu’aucun ne la porte (l’épaule) en même temps en haut, en dehors et en arrière, et que d’ailleurs ceux mêmes qui portent le membre en haut ne le maintiennent que peu de temps dans cette position, et ne remédient que très-imparfaitement au déplacement en bas.»

Puisque ces divers procédés pris isolément ne satisfont qu’à une partie des conditions, ne pourrait-on pas arriver à résoudre complétement la difficulté, en construisant un appareil qui réunît toutes les données sur lesquelles les auteurs ont faitre poser les leurs?

Ainsi, par exemple, on porterait les épaules en arrière à l’aide d’un corset analogue à celui de Brasdor, et dont l’action serait augmentée ou diminuée à volonté. Pour écarter l’épaule du tronc, on placerait dans l’aisselle le coussin de Desault, et au lieu du bandage compliqué de cet auteur, et dont les tours de bande se relâchent si facilement, on maintiendrait le coude porté en dedans, au moyen d’une fronde à quatre chefs, comme nous l’avons employée pour notre premier malade. Le centre de la fronde aurait un gousset garni de coton cardé, pour ne pas comprimer douloureusement la peau qui recouvre l’olécrâne. On l’appliquerait sous cette partie; les deux chefs supérieurs seraient conduits l’un par derrière, l’autre par devant la poitrine, et s’attacheraient autour du corps après avoir fait plusieurs circulaires horizontaux: le plein de la fronde embrasserait le coude fléchi qui serait porté en dedans; les chefs inférieurs remonteraient obliquement, l’un derrière le bras, l’autre par devant, pour se réunir sur l’épaule saine après plusieurs circulaires obliques. Cet appareil serait recouvert du grand plein de la poitrine et du bras. Les choses étant ainsi disposées, on pourrait chaque jour resserrer les chefs de la fronde et le corset, sans rien déranger.

Outre la simplicité de son application dans les cas ordinaires, ce procédé permet, dans les cas de fractures compliquées, de voir l’état des parties, de panser les plaies s’il y en a. Un grand inconvénient que Desault n’avait pu éviter, c’était la compression de la poitrine: or, chez les femmes un peu grasses, l’application de son bandage était impossible sans emprisonner le. sein d’une manière douloureuse. Par la disposition des liens, notre fronde, portant peu sur la poitrine, gêne moins les fonctions respiratoires.

Quant au coucher des malades, et pour obvier à l’inconvénient que nous avons signalé dans les lits trop mous, on pourrait peut-être imiter en partie la conduite d’Hippocrate, et faire coucher le malade sur un lit bien ferme et légèrement convexe, analogue à ceux dont on se sert en orthopédie pour redresser la déviation de la colonne vertébrale.

Maintenant, à l’aide de ces précautions, obtiendra-t-on toujours une guérison parfaite, je veux dire sans difformité apparente et même non apparente? Je dois l’avouer, trop de fois j’ai vu échouer et j’ai échoué moi-même, malgré les soins les plus assidus, pour y croire. Peut-être même, dans les cas de fracture oblique, et dans lesquels par conséquent le chevauchement se produit avec une extrême facilité sous l’action incessamment répétée des causes du déplacement, serait-il impossible d’éviter le raccourcissement de la clavicule. En effet, pour lutter avec efficacité contre ces forces, il faudrait que l’épaule fut maintenue écartée du tronc par un coussin ferme et résistant: or, par la pression qu’il détermine, il cause nécessairement l’inflammation et l’ulcération de la peau, et devient insupportable.

Quant à la question de difformité, elle n’a réellement d’importance qu’autant qu’elle est apparente et qu’elle menace une femme du monde, obligée, par les exigences de la mode, à se découvrir les épaules et la partie supérieure de la poitrine. Mais par elle-même, la consolidation dite vicieuse n’entraîne ordinairement aucun inconvénient, les mouvements n’ont rien perdu de leur force et de leur étendue. Que si l’on nous objectait cette douleur et cette gêne dans la mobilité du membre supérieur que certains malades conservent si longtemps après la guérison, nous répondrions que cela est le plus ordinairement le résultat de la violence extérieure qui a brisé l’os, et non de la difformité du cal. En effet, de pareils accidents ne s’observent pas seulement dans les fractures consolidées avec chevauchement, mais encore dans celles qui offrent une réunion aussi parfaite que possible; et de plus, ces mêmes phénomènes se présentent à la suite de toutes les lésions physiques par suite de violences extérieures, c’est ce dont nous avons pu nous convaincre à l’hôpital Saint-Louis. Là, nous voyons un grand nombre de malades sortis de différents hôpitaux dans lesquels ils ont été traités de fractures, de contusions ou d’autres lésions traumatiques, venir nous demander des bains de vapeur, des douches, etc., pour calmer des douleurs quelquefois très-intenses siégeant dans les parties blessées, et gênant plus ou moins les mouvements. Tous ces faits, d’ailleurs, viennent parfaitement à l’appui des idées que nous avons émises plus haut sur les causes véritables qui empêchent les malades de mouvoir le bras dans les premiers temps de la fracture de la clavicule.

Mélanges d'anatomie, de physiologie et de chirurgie. Chirurgie

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