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III.

Table des matières

JUGEMENT FINAL.

XVI. Je crois avoir rassemblé des traits en nombre suffisant pour permettre de juger avec exactitude du degré de civilisation auquel le peuple père aryen était parvenu à l’époque de la séparation du peuple fils. Bien loin d’être élevé, comme on veut le faire croire, son degré de culture était étonnamment bas pour un peuple existant depuis des milliers d’années. Ignorance de l’art agricole, absence de villes, ignorance du travail des métaux pour des buts techniques et pour la monnaie, développement misérable des institutions du droit; même la notion du droit n’existait pas encore dans le langage et n’était pas distinguée des usages et de la religion; — que faut-il de plus pour justifier ce jugement?

Cela suffit également pour marquer le caractère du peuple. C’était un peuple privé de toute aptitude pratique — le contraire absolu du peuple romain. Hautement doué du côté de l’esprit, il appliquait ses sens et sa pensée au monde interne, à la langue, à la religion, à la poésie, même à la philosophie et avec grand succès à une époque postérieure, sans ressentir le besoin de faire servir tout cela à l’amélioration des conditions extérieures de sa vie. Il était satisfait de l’état modeste de la vie pastorale. Une maison de bois, de riches troupeaux, une femme et des descendants du sexe masculin, voilà tout ce que l’Aryas demandait à la destinée. Il assaisonnait l’uniformité de sa vie en jouant et en buvant, se livrait au jeu avec la même passion effrénée que Tacite a constatée chez les Germains. Si la maison communale était fermée, il y avait dans le même local un jeu de dés; et plus d’un malheureux, ayant tout perdu, jouait, comme les anciens Germains, jusqu’à sa liberté. Dans Nal et Damajanti le prince joue tout ce qu’il a, même sa couronne; réduit à la mendicité il se retire avec sa femme dans les forêts. Comme buveur, l’Aryas était encore le digne ancêtre du Germain. On connaissait deux boissons enivrantes: soma, notre vin, et surā correspondant à notre eau-de-vie; il y avait déjà des distilleries et des débits publics de cette liqueur.

Aujourd’hui encore l’esprit pratique fait défaut dans les Indes; c’est par suite de cette infériorité que le peuple hindou a joué dans l’histoire un rôle aussi peu en rapport avec ses hautes facultés et son extraordinaire expansion et qu’il subit la domination étrangère. Une poignée d’Européens suffit pour maintenir sous le joug une population mille fois plus nombreuse; — quel jour jeté sur sa minorité politique! Et quel tableau nous offre sa condition sociale actuelle? La malédiction du système des castes imposé par ses sages, les brahmanes, qui s’y réservèrent la première place, et la conservent encore, perdure sous une forme modifiée mais infiniment aggravée. A la place des trois castes inférieures primitives, il en est survenu d’innombrables autres dont les caractères distinctifs dépassent en absurdité toute imagination, et qui se séparent si rigoureusement les unes des autres, que leurs membres ne peuvent manger ni boire en commun, ni se marier entre-eux.

«Les statuts des castes, dit l’auteur cité en note, sont plus

«obligatoires pour l’Hindou, qu’aucune loi de la morale; ce

«n’est même pas aller trop loin que de dire: les règlements

«de la caste forment sa religion. La plus haute loi de la

«vie est pour l’Hindou: manger, boire, et se marier cor-

«rectement. Devant cette règle tous les préceptes et com-

«mandements de la religion passent à l’arrière plan. Celui

«qui est expulsé de sa caste est dans la plupart des cas un

«homme perdu; — beaucoup de ces malheureux ont péri

«dans un bannissement volontaire, dans la misère et le

«désespoir; d’autres ont violemment mis fin à leurs jours». Même le manque de toute imputabilité n’exclut point les conséquences de la transgression de la défense. Un Anglais brutal et insolent avait un jour fourré par violence dans la bouche d’un brahmane de la viande et des boissons prohibées. L’homme fut expulsé de sa caste, essaya vainement pendant trois ans de tous les moyens pour récupérer sa position et ne réussit finalement qu’en payant 500,000 fr. Mélange incroyable de sagesse et de déraison, les sages n’avaient point d’yeux pour la plus fondamentale de toutes les distinctions du droit et de la morale: entre la culpabilité et l’innocence.

Complétons le tableau des mœurs de l’Hindou actuel par quelques traits, p. ex. sa lamentable hutte de limon se fondant à la pluie, la séquestration de la femme dans le gynécée (Zenana), sa culture intellectuelle extrêmement insuffisante, les cadeaux de circonstance dépassant toute mesure et causant souvent la ruine complète. Nous ne risquerons pas d’être contredits en disant que l’Hindou est resté le digne descendant de l’Aryas au point de vue de l’aspect pratique des conditions de sa vie; il est resté sous ce rapport aussi enfant que son ancêtre. Je ne l’ai mentionné que pour avoir l’occasion de mettre ce dernier en lumière. Et c’est de l’Aryas aussi complètement dénué d’esprit pratique que descend le peuple romain si éminemment doué sous ce rapport. Comment cela s’est-il fait? C’est l’objet des livres suivants.

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