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Mon départ pour le Nouveau-Continent a été aussi accidentel que subit. J’ai été emmené en Amérique plutôt que je n’y suis allé. C’est à peine si, au moment de la détermination, j’eus le temps d’échanger, à ce sujet, une lettre avec nos amis de Paris.

Trois ou quatre mois consacrés à voir le Nouveau-Monde, tel était uniquement mon programme, et j’avais si peu l’idée d’y trouver une issue nouvelle à nos préoccupations supérieures, que j’emportai avec moi le travail dent je viens de vous parler, pensant le terminer en mer et l’envoyer à Paris peu de temps après mon arrivée.

Parti d’Anvers le28novembre1852et de Liverpool le 1er décembre, j’entrais, le14au soir, dans la splendide baie de New-York, bien que nous n’eussions presque pas cessé d’avoir vent contraire et très-grosse mer. Les bonnes traversées, par vapeur, ne prennent déjà plus que dix à onze jours; il est à croire qu’avant peu d’années ce sera tout au plus six eu sept. Les deux hémisphères se rapprochent singulièrement.

Nous connaissons tous plus ou moins, en Europe, l’état de la société américaine. Outre les récits et les journaux, nous avons, sur les États-Unis, de bons livres. Ici, pourtant, la réalité est bien autrement saisissante que les peintures les plus fidèles. Deux heures de promenade dans les rues de New-York me pénétrèrent plus à fond que toutes mes lectures du principe principiant de la société américaine.

Cette spontanéité humaine à l’œuvre sur un champ sans limites; la rapidité et la masse du mouvement qu’elle engendre; la rudesse de celui-ci et son ordre particulier; la réaction du milieu résultant sur la personnalité elle-même qu’une telle atmosphère trempe, aimante, arme et munit pour ses circonstances propres; l’incroyable quantité de travail social lancé par ces volcans d’activités moléculaires sans cesse en éruption; tous les phénomènes, enfin, de la création spontanée la plus rapide et la plus énergique qui se soit jamais produite dans l’histoire de l’humanité, vous apparaissent, vous enveloppent en un instant, vous crèvent les yeux, vous crient dans les oreilles, vous tiraillent, vous bousculent; bref, se font comprendre vivement et de toutes les manières. A peine débarqué, l’Européen reconnaît qu’il a mis, formellement, le pied sur un nouveau monde.

L’énergie de l’individualisme libre, la puissance de l’activité personnelle, dégagée d’entraves, se dressent de toutes parts et vous frappent si fort que l’on en est d’abord étourdi.

Personne ne m’attendait en Amérique. Nos amis apprirent mon arrivée par les journaux, dont plusieurs, à cette occasion, parlèrent en termes bienveillants de nos doctrines, et je fus, de la part d’une réunion mensuelle des journalistes de New-York, l’objet d’une invitation tout amicale et sympathique.–Brisbane, qui était à Buffalo, ne tarda pas à me rejoindre.

On entrait au cœur de l’hiver. Je sentais le besoin de débrouiller le chaos qui tourbillonnait autour de moi, de me faire un plan quelconque, et d’apprendre un peu d’anglais avant de m’engager dans l’intérieur. Il fallait me mettre en étal de voir avec quelque fruit. D’ailleurs . Brisbane, à qui l’idée d’une tournée ensemble allait parfaitement, était en core retenu par des affaires. Il fut décidé que je ferais d’abord une résidence de quelques semaines à la North-American-Phalanx, établissement sociétaire fondé dans l’Etat de New-Jersey, non loin de New-York. J’avais naturellement à cœur d’étudier cet établissement, et j’y devais trouver d’excellentes leçons d’anglais. Brisbane m’y conduisit avant de retourner à ses affaires. Quelques mots sur cette Association ne sauraient être déplacés ici.

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