Читать книгу L'appellativisation du prénom - Vincent Balnat - Страница 12
1.2.1. Travaux à orientation syntaxique
ОглавлениеSuite au tournant pragmatique des années 1970, la recherche en onomastique s’oriente davantage vers l’emploi des noms propres dans les textes et les énoncés1, mettant l’accent sur les caractéristiques syntaxiques et sémantico-référentielles des noms propres dans leurs emplois « modifiés »2 :
La perspective syntaxique permet de mettre en lumière des constructions du nom propre jusqu’alors ignorées ou considérées comme marginales, qu’on regroupe sous l’appellation de « noms propres modifiés » […]. C’est d’ailleurs autour de ces noms propres modifiés, dans des perspectives tant sémantiques que référentielles et syntaxiques, que se sont concentrées nombre des recherches en linguistique du nom propre, au point de parfois prendre le pas sur l’étude de ses emplois référentiels ou syntaxiquement prototypiques. (LEROY 2001 : 86 sq.)
Un nom propre est dit « modifié » quand, pour reprendre les mots de KLEIBER (1981 : 332), il « se présente accompagné de déterminants qui lui font perdre le caractère « unique » ou « singulier » fréquemment assimilé à la marque spécifique qui l’oppose aux noms communs ». Parmi les types de modification, on rencontre l’emploi métaphorique du nom propre, que FLAUX (2000), SIBLOT & LEROY (2000) et VAXELAIRE (2005 : 269 sqq.) nomment, conformément à la tradition rhétorique esquissée en introduction, « antonomase »3 :
1 Ein echter Mozart liebt nicht die Trompetenmusik (KALVERKÄMPER 1978 : 330)
2 Alfred Biolek, der Reich-Ranicki der Küche (THURMAIR 2002a : 1)
3 Paul est un vrai Napoléon (KLEIBER 1981 : 410)
4 Des Raphaël et des Cézanne, il n’y en a plus guère (LEROY 2004 : 71)4
Selon JONASSON (1994 : 219), les noms propres en emploi métaphorique signalent « d’abord un rôle, ensuite éventuellement une valeur (un référent) ». Ce rôle est défini par « les propriétés caractéristiques, ou le rôle social, d’un porteur connu dans la communauté linguistique » (ibid.). Comme le montrent les exemples précédents, ces travaux s’intéressent prioritairement aux métaphores peu ou pas lexicalisées (« antonomases discursives » ; DANJOU-FLAUX 1991 : 40), les « antonomases lexicalisées » comme Krösus/crésus et Mäzen/mécène n’étant souvent considérées comme métaphores que dans une perspective diachronique5. KALVERKÄMPER (1978 : 349) parle dans ce cas d’« Exmetaphern »6 ayant atteint un degré de lexicalisation tel qu’elles ne sont plus perçues comme métaphores. Le fait que les travaux sur l’emploi textuel des noms propres délaissent ce type de métaphores s’explique par la fixité et la stabilité de leur signification, qui se prêtent peu à l’analyse du sens en (con)texte.
Ces travaux, lorsqu’ils abordent les métaphores lexicalisées (cf. entre autres KALVERKÄMPER 1978 : 348 sqq. et LEROY 2001 : 220 sqq.), font généralement peu de cas des prénoms. Cela tient d’une part au fait que les dénominations d’êtres humains sont issues plus fréquemment de noms de famille que de prénoms, phénomène que FLAUX (2000) explicite en ces termes :
La figure de l’antonomase, lorsqu’il s’agit d’une antonomase lexicale, se maintient aussi longtemps que persiste le lien mémoriel avec le référent initial. Pour qu’un Np [nom propre ; VB] fonctionne comme un Npa [nom propre en antonomase ; VB] il faut, mais il ne suffit pas, que le porteur initial jouisse d’une certaine notoriété [p. 123]. […] les patronymes ont plus de chance, en général, de convoquer des connaissances partagées par un grand nombre de sujets parlants que les prénoms, sauf cas particuliers [p. 140].
D’autre part, la plupart des travaux sur l’emploi métaphorique des noms propres reposent sur l’analyse du lien entre le nom propre et le référent initial auquel il est associé : c’est le cas de LEROY (2001 : 222, n. 22) qui, dans sa thèse consacrée à l’antonomase du nom propre en français, exclut de l’analyse les « prénoms formant type (jacques et jeanjean) », choix résultant d’une définition étroite du terme « antonomase » qui pose la présence d’un « référent (personne, lieu …) qui bénéficie d’une certaine notoriété » (2001 : 361)7.