Читать книгу L'appellativisation du prénom - Vincent Balnat - Страница 15

1.3. Tour d’horizon des approches autres que linguistiques

Оглавление

Le nom propre en général et le prénom en particulier ne constituent pas la chasse gardée des linguistes. C’est ce que souligne d’emblée l’une des spécialistes du nom propre en français dans sa préface à un recueil d’études sur la question :

De tous les objets de langage, les noms propres sont à coup sûr ceux qui ont inspiré le plus d’intérêt dans des domaines variés à l’extérieur de la linguistique : philosophie, logique, anthropologie, onomastique, sémiotique, psychanalyse, … ont pris pour objet le nom propre. (GARY-PRIEUR 1991b : 4)

L’ancrage interdisciplinaire, primordial pour retracer l’évolution des noms propres1, s’impose également pour l’étude de l’appellativisation du prénom dans la mesure où la productivité du phénomène et les raisons du choix du prénom sont souvent liées à des facteurs historiques et culturels affectant sa popularité et/ou sa perception :

L’attribution d’un nom propre est […] un processus socialement déterminé, tout comme l’usage qui en est fait, marqué à la fois par le porteur, socialisé d’une certaine manière, et par la communauté linguistique de la couche sociale dont il est membre. Ainsi, des caractéristiques particulières pourront venir se greffer sur les noms en question et les affubler d’un ‘masque’ à connotation positive ou négative (physionomie du nom), ce qui à son tour aura bien entendu une incidence sur le choix individuel du nom.2

Pour ces raisons, nous avons consulté, outre les travaux précurseurs de BACH (1938, 1943, 1952/53) sur la répartition sociale des noms propres3, des études historiques et sociologiques au sens large (englobant l’histoire des mentalités) consacrées aux pratiques d’attribution des prénoms. Étant donné la quantité de travaux portant sur les époques et régions les plus diverses4, nous signalons uniquement quelques titres particulièrement pertinents pour notre objet d’étude. Pour l’allemand, nous retenons

 parmi les ouvrages historiques, celui de NIED Heiligenverehrung und Namengebung (1924) ; ceux, richement documentés, de MITTERAUER, spécialiste autrichien d’histoire sociale, consacrés aux liens multiples et complexes entre attribution des prénoms, religion, modèles familiaux et liens de parenté à plusieurs époques et dans plusieurs cultures : Ahnen und Heilige. Namengebung in der europäischen Geschichte (1993) et Traditionen der Namengebung. Namenkunde als interdisziplinäres Forschungsgebiet (2011) ; l’ouvrage de WOLFFSOHN & BRECHENMACHER Die Deutschen und ihre Vornamen (1999) qui étudie les tendances politiques de groupes sociaux aux XIXe et XXe siècles sur la base des préférences en matière de prénoms ;

 parmi les ouvrages sociologiques, le recueil Name und Gesellschaft. Soziale und historische Aspekte der Namengebung und Namenentwicklung (EICHHOFF, SEIBICKE & WOLFFSOHN 2001) contenant les contributions de MÜLLER (2001), KOHLHEIM (2001) et WOLFFSOHN (2001) sur les liens entre attribution du prénom et changements sociétaux, et l’étude de GERHARDS (2010) sur l’influence des procédés de sécularisation, de la politique et des liens de parenté sur le choix du prénom durant les 100 dernières années. Le site www.beliebte-vornamen.de offre de précieuses données statistiques sur la popularité des prénoms les plus fréquents en Allemagne de 1890 à nos jours, celui de la Gesellschaft für deutsche Sprache (gfds.de/vornamen/beliebteste-vornamen) sur les prénoms populaires en Allemagne depuis 1977.

Pour le français, nous citons

 parmi les travaux historiques5, ceux de l’historien de la famille BURGUIÈRE (1980, 1984) consacrés aux aspects historiques et sociétaux du choix du nom de baptême dans la France de l’Ancien Régime ; deux ouvrages auxquels a collaboré DUPÂQUIER, spécialiste de l’histoire des populations en France : Le prénom. Mode et histoire (DUPÂQUIER, BIDEAU & DUCREUX 1984) et Le temps des Jules. Les prénoms en France au XIXe siècle (DUPÂQUIER, PÉLISSIER & RÉBAUDO 1986) ;

 parmi les travaux de démographes, ceux de DESPLANQUES (1986) sur les prénoms en France au XXe siècle et son désormais classique La cote des prénoms (BESNARD & DESPLANQUES 1986)6, contenant tous les deux de précieuses statistiques sur la fréquence de certains prénoms7 ;

 parmi les travaux anthropologiques, l’étude fondamentale de LÉVI-STRAUSS La pensée sauvage (1962) qui traite entre autres les fonctions de classification et de signification des anthroponymes et les raisons de leur attribution aux animaux et aux plantes, celles de ZONABEND (1980) sur l’anthroponymie dans le domaine européen, de BROMBERGER (1982), qui plaide pour une analyse anthropologique des noms de personnes, de MÉCHIN (2012), qui étudie le processus de nomination sur la base d’une centaine d’entretiens menés auprès de parents, ainsi que le recueil Nomination et organisation sociale (CHAVE-DARTOEN, LEGUY & MONNERIE 2012), dans lequel les articles théoriques côtoient les études de cas ;

 parmi les travaux sociologiques, ceux de BESNARD (1979), BOZON (1987) et BESNARD & GRANGE (1993) sur la diffusion des goûts en matière de prénomination et celui de COULMONT (2011) qui fait le point sur la recherche des 30 dernières années sur les implications sociales du choix et de l’usage des prénoms.

L'appellativisation du prénom

Подняться наверх