Читать книгу Quatre mots - Anatole Velitchko - Страница 13

table papillon nuage poème

Оглавление

Depuis déjà quelque temps, j’écrivais

De la poésie rimée en langue russe.

Chaque jour, rentrant de l’école,

Je m’asseyais à mon bureau,

Sortais d’une pile de papier à lettres

Prévue à cet effet, une feuille

Et me mettais à composer un poème.


C’étaient les meilleurs moments

De ma jeune vie.

Rien ne pourrait être comparé

À l’état dans lequel j’étais plongé

Lors de cette création poétique.


Un soir au tout début de l’automne

Je ressentis une poussée d’inspiration

Particulièrement intense.

Une sorte d’envol musical

Se produisit en moi.

Je m’assis à la table, attrapai un crayon

Et presque sans ratures ni corrections

D’un trait j’écrivis un poème

A propos duquel

Je réalisai tout de suite :

C’est mon chef-d’œuvre, c’est

Le meilleur que j’ai écrit jusque-là.


À la maison, tout le monde dormait.

Je me faufilai dans la cuisine

Et dérobai une cigarette

Dans le tiroir de ma grand-mère.

Maintenant je suis un vrai poète

Comme Maïakovski5 ou Mandelstam6.

Je dois donc fumer comme eux le font

Sur les portraits accrochés

Au-dessus de mon bureau.


De retour dans ma chambre,

Je m’assis sur le rebord de la fenêtre,

Allumai la cigarette,

Exhalai un nuage de fumée.

J’étais un fumeur débutant

Et ma tête se mit à tourner.


Quoique, ce vertige était dû moins

À l’effet du tabac corsé

Qu’à mon incroyable réussite poétique :

Sous la lampe de bureau

Il y avait une feuille de papier ligné

Couverte d’écriture au crayon

– un miracle !


Un papillon nocturne tournoyait sous la lampe.

Je l’éteignis et je m’assis dans le noir

Sur le rebord de la fenêtre ouverte

Derrière laquelle bruissaient les arbres.


28 septembre 2019


5

Vladimir Maïakovski (1893 – 1930) – poète russe résolument avant-gardiste et futuriste à ses débuts, il devient ardent partisan de la révolution socialiste de Lénine. Anti-bourgeois, il critique avec véhémence les vestiges de l’ancien régime dans la mentalité des citoyens, ainsi que la politique des puissances capitalistes. Pourtant, à la fin des années 1920, il vit une crise existentielle qui le conduit au suicide à l’âge de 36 ans. Staline toutefois parle de lui comme du « meilleur poète de l’époque », et ainsi Maïakovski devient pour les générations à venir le poète emblématique de la révolution. Son œuvre est abondamment étudiée à l’école.

6

Ossip Mandelstam (1891 – 1938) – un des poètes russes les plus significatifs du 20e siècle, il fait ses débuts au groupe « acméiste » des poètes pétersbourgeois. Langage poétique recherché, vaste horizon culturel, émotions vives et complexes de ses poèmes font de lui une figure de premier plan. Pourtant, après la révolution d’Octobre 1917, il est de plus en plus marginalisé. Dans les années 1930, ses opinions politiques subissent de brusques métamorphoses. De sa haine viscérale envers Staline, il passe à l’adhésion sans réserve au culte de la personnalité de ce dernier. Ce qui ne l’a pas sauvé : arrêté en 1938, il meurt quelques mois après, malade et fou, dans un camp de transit à Vladivostok. La poésie de Mandelstam, n’étant pas formellement interdite en URSS, restait tout de même quasiment inconnue en dehors des cercles universitaires et littéraires.

Quatre mots

Подняться наверх