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ACTE II
LA CHAMBRE A COUCHER DE FLEUR-DE-THÉ

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Table des matières

La femme de chambre a beau disputer le passage à madame de Campagnac, la voilà qui franchit le seuil du harem où mademoiselle Fleur-de-Thé se multiplie. Elle dit qu’elle est attendue, elle dit qu’elle attendra. La femme de chambre a beau représenter que madame n’est pas là, qu’elle joue la comédie, qu’elle ne rentrera que vers le matin après le bal de l’Opéra; madame de Campagnac, dans sa folie, a voulu pénétrer jusque là. Elle va et vient comme une folle dans la chambre.

–Me voilà donc chez cette fille! Oh! je sens bien qu’il est venu ici ce soir. Je crois respirer son souffle.

Elle respire.

–Il a fumé ici…

Elle aperçoit sur le guéridon une boîte de cigarettes russes.

–Les cigarettes que je lui ai données! Voilà donc pourquoi il en fume tant!

Elle jette la boîte au feu.

–Je sais bien ce qui va se passer. C’est l’heure où finit le spectacle. Achille va la ramener ici avant d’aller avec elle au bal de l’Opéra. J’ai dit à la femme de chambre que j’étais la sœur de Santa-Cruz, il entrera sans comprendre. J’éteindrai les bougies, j’apparaîtrai comme un spectre. Ah! il y aura une belle scène! Je me trouverai peut-être mal mais cela me fera du bien.

Madame de Campagnac se regarde dans la psyché.

–Est-il bien possible que ce soit moi! Quoi, je suis venu ici! chez cette fille! Et pour quoi faire? pour chercher mon amant! Oh! la jalousie! Mais si j’étais restée chez moi, drapée dans ma dignité, je fusse morte. Folie pour folie, j’aime mieux vivre que de mourir.

Elle regarde les tentures de la chambre à coucher de Fleur-de-Thé. C’est une admirable brocatelle bleu de ciel à fleurs d’or.

–Ces drôlesses-là! elles inventeraient le luxe s’il n’existait pas. 0mon Dieu!

Elle regarde un pastel ancien.

Mais c’est lui! mais c’est elle! Quoi il l’aime aussi en peinture! car c’est bien Achille qu’on a peint là en Endymion sous cette Diane un peu déshabillée.

Elle saisit un verre de Bohême et le lance vers le pastel, mais le verre se brise à côté.

–J’ai manqué mon coup! Oh! que ne puis-je les briser tous les deux comme cette coupe! Mais je suis folle, ce pastel est daté de1760.

La pendule sonne minuit.

–Une, deux, trois, quatre, c’est toujours mon cœur qui bat! Minuit! s’ils n’allaient pas venir! Quel malheur de ne pas les foudroyer ici!

Elle continue à inventorier la chambre.

–Oui, je veux qu’elle me voie là. Je veux que mon souvenir reste ici comme une ombre vengeresse. Ils auront toujours peur de moi. Que vois-je, une lettre! une lettre de lui!

Elle saisit une lettre sur la cheminée:

–Suis-je assez humiliée! Il lui écrit à elle tandis qu’à moi il envoie des télégrammes! Voyons:

«Ma mie,»

Madame de Campagnac s’indigne et dit trois fois: «Ma mie!»

–Faut-il que ce soit cette fille qui lui rappelle qu’il a peut-être dans les veines du sang de Henri IV. Henri IV aussi disait: «Ma mie.»

Elle continue à lire:

«Voici le programme de la fête: tu jetteras un domino sur tes épaules, tu viendras me retrouver au bal de l’Opéra, nous souperons au café Anglais, après quoi tu me montreras mon chemin.»

–Son chemin! je vais le lui montrer, moi!

Madame de Campagnac sort furieuse, la lettre à la main.

Que va-t-elle faire? Il lui faut un domino, car ce n’est plus qu’à l’Opéra qu’elle peut retrouver son amant et sa rivale. Elle court chez Babin et s’ensevelit dans le plus grand des dominos noirs.

Elle se demande si elle pourra trouver une loge. Elle se souvient qu’une de ses amies lui a indiqué une loge de foyer.

Histoires romanesques

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