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ACTE IV
LA CHAMBRE A COUCHER DE SANTA-CRUZ

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Table des matières

Elle entre furieuse dans la chambre à coucher, jetant son masque au-dessus d’elle.

–Eh bien, j’en ai entendu de belles au café Anglais! Et moi qui croyais savoir ma grammaire française. Ma grammaire est démodée.

Elle regarde autour d’elle

–C’est donc ici qu’ils vont venir! c’est donc ici qu’ils vont enterrer le carnaval! Quelle nuit! Ne me dirait-on pas possédée du démon? Oh! le démon de la jalousie! Est-il bien possible que j’aie fait tout cela? Je me vois encore au bal de l’Opéra et au café Anglais. J’étais dans le cabinet même où on les attendait. J’entendais toutes ces coquines masquées dire autour de moi: «Fleur-de-Thé va venir.» On se démasquait déjà. Les hommes osaient soulever mon loup; heureusement que je suis une place forte et que je me défends les armes à la main. J’ai entendu dire que si mademoiselle Fleur-de-Thé était en retard, c’est qu’elle s’encarnavalisait avec Santa-Cruz. J’attendais toujours, étonnée d’être là, me pardonnant à moi-même, parce que je voulais mourir. Voilà que tout à coup on vient nous apprendre que mademoiselle Fleur-de-Thé se trouve mal et que «son amant» l’emmène chez lui. J’arrive ici pour lui faire respirer des sels, à cette demoiselle.

Madame de Campagnac remonte au haut de sa colère:

–Je lui ferai respirer la mort! Et ce ne sera pas me venger trop, car elle me fait mourir à petit feu.

Elle regarde un trois crayons représentant Fleur-de-Thé dans son dernier rôle. Un très joli dessin de Verhaz.

–Quoi! il a cette fille dans sa chambre à coucher? Je la reconnais avec son air de mijaurée! Autrefois les hommes avaient des petites maisons pour cacher ces folles-là.

Madame de Campagnac prend un soupçon de poignard à sa ceinture et va pour frapper le portrait.

–Non! mais je la frapperai elle-même. Ah! il s’imagine qu’on va ainsi d’une vraie grande dame à une princesse de théâtre pour revenir le lendemain à la vraie grande dame! Non. Je suis absolue dans ma vengeance comme dans mon amour.

Elle écoute avec anxiété.

–Je croyais avoir entendu du bruit à la grande porte. Si on m’avait trompée! s’ils n’allaient pas venir! Que faire, mon Dieu?

Elle tombe sur une chaise, abimée dans sa douleur.

–Cette chambre, j’y ai été emparadisée. Comme il m’aimait! Je lui avais tout sacrifié, ma part du ciel peut-être. J’aurais voulu trouver d’autres sacrifices encore. C’est qu’il était si beau! C’est que j’étais si heureuse!

Elle pleure.

–Ah! le bonheur, ça coûte cher. Combien de larmes de douleur pour payer des larmes de joie.

Elle se lève.

–Ils ne viennent pas. Ils ne viendront pas! Ce n’est pas chez lui, c’est chez elle qu’ils sont allés. Mais je suis à bout de force et de courage, je ne veux plus m’humilier jusqu’à remonter chez cette fille. Qu’ils soient heureux, moi je vais mourir.

Madame de Campagnac écoute encore, elle saisit une plume, elle écrit:

–Adieu, Achille, je t’ai bien aimé!

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