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ACTE III
UNE LOGE A L’OPÉRA

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La voilà dans l’escalier de l’Opéra, elle traverse courageusement les vagues et va se nicher au no16, où personne n’est encore venu.

–Enfin

Elle soulève son masque pour respirer.

–Me voilà donc à ce bal de l’Opéra qui était mon rêve! Je ne me doutais pas que j’y viendrais un jour de désespoir.

Elle regarde et s’avance vers la salle.

–Toutes les folies! toutes les gaietés!

Elle soupire.

–Oh! que c’est triste la joie des autres! Oh! que c’est douloureux le carnaval quand on est à son mercredi des Cendres. Comment les trouver ici? Une aiguille dans une botte de foin!

On frappe à la porte de la loge.

–Ah! c’est le comte d’Aspremont.

Elle entr’ouvre la porte et parle d’une voix déguisée.

–Mon cher comte, vous êtes un ange, je vous adore. Vous connaissez Fleur-de-Thé, il me la faut. Amenez-la moi morte ou vive. Moyennant quoi j’irai souper avec vous – l’an prochain. – Voyons, ne nous amusons pas aux bagatelles de la porte.

Elle ferme la porte.

–Mais, en vérité, c’est qu’il devenait familier! Il cherchait mon cœur sous mon domino.

Elle porte la main à son cœur:

–Mon pauvre cœur!

Strauss joue la valse de Faust.

–Ah! la valse de Faust! c’est le réveil des doux souvenirs! Il était Faust, j’étais Marguerite; il cherchait la science, il trouvait l’amour! Quand sonnera ma dernière heure, je veux qu’on me joue encore cette valse-là.

On frappe une seconde fois à la porte de la loge, madame de Campagnac regarde par l’œil-de-bœuf.

–Je te reconnais, beau masque, va donc changer de figure. L’insolent, il vient de me dire une chose à faire rougir une statue. On ne va pas au bal de l’Opéra pour être au sermon.

Elle se penche vers la salle.

–Oh! mon Dieu, je reconnais tout le monde! Si on allait me reconnaître! Après cela quelle est donc la bégueule qui ne soit venue jusqu’ici?

On frappe à la porte.

–Si c’était cette demoiselle!

Elle court ouvrir la porte.

–Eh bien, mais finissez donc! vous me prenez pour une petite poste! je ne veux pas de votre billet, si doux qu’il soit! Mais finissez donc!

Elle referme la porte et prend le billet dans son sein.

–Qui donc lui a indiqué cette boîte-là, à cet inpertinent? Sans compter qu’il m’a embrassée sur le cou; il paraît qu’on ne perd pas son temps ici.

Elle ouvre le billet et regarde la signature.

–Fleur-de-Thé! Quoi! c’est elle qui ose me crayonner ce billet:

«Ma cocotte.»

Elle s’indigne.

–Ma cocotte! par exemple je ne m’attendais pas à celle-là. Ma cocotte!

«Je n’ai pas le temps d’aller dans ta loge; si tu t’ennuies, parle, je t’enverrai trois ou quatre hommes que j’ai sur les bras. Mais, pour ce soir, ne me demande pas mon amoureux, je soupe avec lui.»

Madame de Campagnac déchire la lettre.

–Elle s’imagine qu’elle écrit à une de ses pareilles! Oh! je vais mourir de rage! Voyez-vous cette créature qui me fait l’aumône de son superflu! Mais elle compte sans l’hôte, car je serai du souper, moi!

Madame de Campagnac va sortir de la loge, mais elle jette un dernier coup d’œil dans la salle.

–Oh! mon Dieu! n’est-ce pas lui que je vois là-bas dans cette avant-scène étreignant ce domino gris-perle? Il va l’enlever, il l’enlève! C’est elle! Je vais mourir! Mes chevaux! Mes gens!

La jalouse s’évanouit presque.

–Suis-je assez bête! Il ferait beau me voir un jour de bal de l’Opéra crier à haute voix: «Les gens de madame de Campagnac!» Si je ne retrouve pas ma voiture, j’irai à pied au café Anglais.

Descendue au péristyle, madame de Campagnac cherche vainement un Auvergnat pour demander son coupé. Tout le monde parle de la neige. Elle se hasardeparle passage de l’Opéra, elle traverse le boulevard de son pied mignon, elle arrive toute haletante dans l’escalier du café Anglais. Elle donne vingt francs au premier garçon qu’elle rencontre et lui ordonne d’ouvrir le cabinet où doit souper mademoiselle Fleur-de-Thé.

Mais mademoiselle Fleur-de-Thé ne soupera pas au café Anglais.

Ce n’est donc pas au café Anglais que se passe le quatrième acte, c’est chez le duc de Santa-Cruz, madame de Campagnac connaît le chemin de l’hôtel de son amant; ce n’est pas la première fois qu’elle se fait ouvrir la nuit. Sa jalousie date de loin; vingt fois elle a voulu le surprendre jusque dans son sommeil. Aussi le petit nègre qui attend le duc en dormant dans l’antichambre ne fait pas de façons pour la laisser passer.

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