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L'INSUBORDINATION DE L'ARMÉE
ОглавлениеLe jeudi [25 juin 1789], les soldats du régiment des Gardes françaises ayant abandonné leurs casernes s'étaient répandus dans Paris, allant par bandes dans tous les lieux publics, criant: Vive le Roi, Vive le Tiers! allant boire dans les cabarets, obtenant de l'argent de plusieurs fanatiques qui leur en distribuaient des poignées. Crainte d'une révolte générale, on n'osa les consigner. Le vendredi, ils se répandirent de même dans tous les endroits publics, firent mettre bas les armes à plusieurs patrouilles des gardes suisses qu'ils rencontrèrent et publièrent les deux imprimés ci-joints. M. du Châtelet, accouru à Paris, parvint, en allant lui-même à chaque caserne, à les contenir hier samedi. Et la réunion effectuée ne laissant pas d'animosité entre les partis, il faut espérer qu'on n'aura pas besoin de se servir des troupes, sur lesquelles V.E. voit qu'on ne pourrait faire aucun fonds.
J'apprends à l'instant que le Roi ne peut pas compter davantage sur ses propres gardes du corps. Un maréchal des logis, bas-officier avec rang de lieutenant-colonel, est venu dire, au nom de la troupe, au duc de Guiche, capitaine de quartier, que leur devoir était de garder et de protéger la personne du Roi, mais non de monter à cheval pour se battre avec la canaille; qu'en conséquence ils ne feraient point de patrouilles. Le duc Guiche a cassé le bas-officier. Sur quoi les gardes du corps sont venus présenter au Roi un mémoire, où, en l'assurant de leur attachement pour sa personne, ils ont demandé son rétablissement. Le Roi a mis au bas du mémoire: «j'ai toujours compté sur la fidélité de mes gardes du corps», et il le leur a rendu. Les gardes ont fait dire à M. de Guiche que si on ne leur rendait point leur camarade, à la fin de leur service qui se termine avec le mois de juin, le Roi pouvait disposer de 600 bandoulières, ce qui fait la moitié de tout le corps, y ayant dans ce moment double garde.
Les régiments de Reinach (Suisse) et de Lauzun (hussards) viennent d'arriver. La fidélité des régiments étrangers commence aussi à devenir suspecte. Les bourgeois les séduisent, et les Suisses de Salis-Samade logés à Issy et à Vaugirard ont assuré leurs hôtes qu'au cas où on les fît marcher, ils dévisseraient les batteries de leurs fusils. [Note: Dépêche de Salmour, ministre plénipotentiaire de Saxe, 28 juin 1789, dans FLAMMERMONT, Rapport sur les correspondances des agents diplomatiques étrangers en France avant la Révolution. Nouvelles archives des missions, t. VIII, p. 231.]
Le 24 juin, la majorité du Clergé, désobéissant à son tour au roi se rendit à la délibération du Tiers. Le 25, 47 membres de la noblesse, le duc d'Orléans en tête, en firent autant. Le 27, le roi se résigna à sanctionner ce qu'il ne pouvait plus empêcher. Il ordonna aux deux ordres privilégiés de se réunir au Tiers. Le jour même la réunion est un fait accompli.
Le serment du jeu de paume laissa un vif souvenir parmi les patriotes et une société particulière fut fondée par Gilbert Romme pour en commémorer l'anniversaire.