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LA SÉANCE ROYALE
ОглавлениеEnfin la séance royale arriva; elle eut tout l'appareil extérieur qui naguère en imposait à la multitude; mais ce n'est pas un trône d'or ni un superbe dais, ni des hérauts d'armes, ni des panaches flottants qui intimident des hommes libres. La cour ignorait encore cette vérité, qu'on retrouve partout dans toutes les histoires. La garde nombreuse qui entourait la salle n'effraya pas les députés; elle accrut au contraire leur courage. On répéta la faute qu'on avait faite le 5 mai, de leur affecter une porte séparée et de les laisser exposés dans le hangar qui la précédait, à une pluie assez violente, pendant que les autres ordres prenaient leurs places distinguées; enfin ils furent introduits.
Le discours et les déclarations du roi eurent pour objet de conserver la distinction des ordres, d'annuler les fameux arrêtés de la constitution des communes en assemblée nationale, d'annoncer en trente-cinq articles les bienfaits que le roi accordait à ses peuples, et de déclarer à l'assemblée que, si elle l'abandonnait, il ferait le bien des peuples sans elle. D'ailleurs toutes les formes impératives furent employées, comme dans ces lits de justice où le roi venait semoncer le parlement. Dans ces bienfaits du roi promis à la nation, il n'était parlé ni de la Constitution tant demandée, ni de la participation des états généraux à la législation, ni de la responsabilité des ministres, ni de la liberté de la presse; et presque tout ce qui constitue la liberté civile et la liberté politique était oublié. Cependant les prétentions des ordres privilégiés étaient conservées, le despotisme du maître était consacré et les états généraux abaissés sous son pouvoir. Le prince ordonnait et ne consultait pas; et tel fut l'aveuglement de ceux qui le conseillèrent qu'ils lui firent gourmander les représentants de la nation, et casser leurs arrêtés comme si c'eût été une assemblée de notables. Enfin, et c'était le grand objet de cette séance royale, le roi ordonna aux députés de se séparer tout de suite, et de se rendre le lendemain matin dans les chambres affectées à chaque ordre pour y reprendre leurs séances.
Il sortit. On vit s'écouler de leurs bancs tous ceux de la noblesse et une partie du clergé. Les députés des communes, immobiles et en silence sur leurs sièges, contenaient à peine l'indignation dont ils étaient remplis, en voyant la majesté de la nation si indignement outragée. Les ouvriers, commandés à cet effet, emportent à grand bruit ce trône, ces bancs, ces tabourets, appareil fastueux de la séance; mais, frappés de l'immobilité des pères de la patrie, ils s'arrêtent et suspendent leur ouvrage. Les vils agents du despotisme courent annoncer au roi ce qu'ils appellent la désobéissance de l'assemblée…. [Note: Rabaut, op. cit., pp. 58-59.]
A ce récit de Rabaut Saint-Étienne, Montjoye ajoute ce détail qu'«à l'instant même où le roi se plaça sur son trône, tous les députés des trois ordres, par un mouvement simultané, s'assirent et se couvrirent et ils étaient déjà assis et couverts lorsque M. le garde des sceaux dit: le roi permet à l'Assemblée de s'asseoir.»