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LA RÉVOLUTION DU 14 JUILLET L'APPEL DES TROUPES ET LES PROJETS DE LA COUR

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Le roi, qui avait de l'honneur, avait ressenti vivement l'humiliation que le Tiers et la majorité du Clergé lui avaient imposée. Il prêta une oreille complaisante aux conseils de revanche qui lui venaient de la reine et du comte d'Artois. Dès le 26 juin il appelait autour de Paris et de Versailles 20,000 hommes, dont 3,000 cavaliers, la plupart des troupes étrangères qu'il croyait plus sûres.

Les contemporains ont cru communément à un projet de coup de force comportant une double offensive, contre l'Assemblée et contre Paris.

Le jour de la séance royale, le 23 juin, des bruits très inquiétants s'étaient répandus dans Paris. L'on racontait que Necker, instruit que la cour s'apprêtait à l'exiler, avait offert trois fois sa démission et n'avait réussi à la faire accepter qu'en promettant de ne point quitter Versailles; qu'un nouveau ministère était formé avec le prince de Conti comme premier ministre, le prince de Condé comme généralissime de l'armée, Foulon comme contrôleur général des finances; «que le projet de la cour était de faire arrêter un député par chaque bailliage pour le retenir en otage dans l'intérieur du château de la Bastille, où l'on avait vu arriver un grand nombre de lits et une grande quantité de matelas» (Hardy).

Quelques jours plus tard, nouvelles rumeurs. L'espoir un moment nourri après la réunion des ordres, de voir disgracier les princes de Conti et de Condé ainsi que Barentin, s'évanouit, la concentration des troupes est connue et commentée à Paris dès la fin de juin et des bruits sinistres circulent. Le 3 juillet, l'on raconte au Palais-Royal que les membres du tiers, exposés à être assassinés par les nobles, demandent du secours, et peu s'en faut que plusieurs milliers d'hommes ne se mettent en route pour Versailles. Puis, à mesure que les troupes se rapprochent, et surtout après la séance du 8 juillet à l'Assemblée, les on-dit se précisent: la cour veut imposer à l'Assemblée, au cours d'une nouvelle séance royale, les déclarations du 23 juin, qui seront ensuite largement répandues dans tout le royaume, lues au prône de toutes les paroisses; si l'Assemblée résiste, elle sera transférée dans une ville éloignée ou prorogée pour un mois, ou immédiatement dissoute. L'on affirme qu'au cours d'une nuit prochaine, les troupes stationnées à Versailles prendront les armes, que le local de l'Assemblée sera occupé militairement, les plus turbulents arrêtés, voire condamnés et exécutés, les autres dispersés. Au coeur même de la crise, le 13 et le 14 juillet, le bruit court avec persistance que la salle des Menus-Plaisirs est minée; ce bruit trouve créance parmi les députés et Grégoire se fait à la tribune l'interprète des frayeurs qu'il inspire. Contre Paris, l'on méditait un assaut dans les règles: des batteries installées sur les hauteurs de Montmartre foudroieraient la ville; en même temps, les troupes campées au Champ de Mars et celles de Courbevoie, de Saint-Denis, etc., feraient irruption. Tout ce qui résisterait serait fusillé ou sabré; les soldats auraient permission de piller. Puis les barrières seraient fermées, garnies de canons, et Paris serait isolé du reste de la France. L'on se communiquait, dans le public, des plans d'opérations où la mission de chaque corps, les itinéraires, la progression méthodique de l'attaque étaient minutieusement indiqués.

Ces bruits doivent être accueillis avec circonspection. Paris et Versailles ont passé, pendant la première quinzaine de juillet 1789, par un accès d'exaltation généralisée qui atteignit son paroxysme le jour de la prise de la Bastille, par une sorte de «grande peur» qui explique la naissance des rumeurs les plus folles. A l'Assemblée même, tous ceux des députés qui n'avaient pas partie liée avec la cour semblent y avoir prêté foi; et point n'est besoin, pour faire comprendre leur crédulité, d'invoquer les calculs politiques: ils ont subi la contagion du moment.

Il n'est point douteux que, du 23 juin au 12 juillet, des projets extrêmes ont été agités. Dans une dépêche du 9 juillet, le comte de Salmour, ministre de Saxe à Paris, attribue à d'Epréménil un plan de dissolution Des Etats généraux à main armée. «D'après son projet, l'on devrait casser les Etats généraux, arrêter quelques-uns des membres qui avaient parlé avec plus de chaleur, les livrer au parlement, ainsi que M. Necker, pour instruire leur procès dans les formes juridiques et les faire périr sur l'échafaud comme criminels de lèse-majesté et coupables de haute trahison.» Le même témoin note «les rodomontades ridicules des aristocrates», à mesure que les régiments arrivent. Les officiers de l'état-major du maréchal de Broglie se laissaient aller, en parlant de l'Assemblée, à de graves intempérances de langage, et le maréchal lui-même, à en croire Salmour et Besenval, montrait une assurance, une jactance menaçantes. [Note: Pierre Caron, La tentative de contre- révolution de juin-juillet 1789 dans la _Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. VII, pp. 20-23.].

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