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LES TUILERIES

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Table des matières

Ce palais des grandeurs et des élégances eut d’humbles commencements: on fabriquait jadis d’excellentes tuiles sur l’emplacement même de ses jardins, au lieu dit la Sablonnière, peuplé d’un grand nombre de ces fabriques. Charles VI, vers 1416, ordonna que les tueries et escorcheries de Paris fussent transférées hors la ville, près les tuileries Saint-Honoré. Au début du XVIe siècle, un sieur de Villeroy, secrétaire des finances, possédait sur ces terrains une habitation assez vaste, appelée les Tuileries; il la vendit à Louise de Savoie, mère de François Ier, qui se déplaisait aux Tournelles, mais ne se plut point davantage aux Tuileries, et les donna viagèrement au maître d’hôtel du jeune dauphin Henri, son petit-fils.

En 1563, ce palais des Tournelles, séjour des rois, fut reconnu malsain, inhabitable. Il était d’ailleurs tombé aussi dans la disgrâce de Catherine de Médicis depuis la mort funeste d’Henri II: on cherchait donc à lui construire une résidence digne d’elle. Catherine trouva l’emplacement des Tuileries à sa convenance, et décida qu’elle s’y fixerait. Lorsqu’elle se fut assuré un espace suffisant par beaucoup d’acquisitions dans le voisinage, elle commanda les plans du futur palais à Philippe Delorme, abbé de Saint-Eloy, aumônier et conseiller du roi, et à Jean Bullant, excellent architecte; et ces deux maîtres réalisèrent tout ce que la reine-mère avait espéré de leurs talents réunis. On jeta les fondements de l’édifice en mai 1564.

FAÇADE DES TUILERIES


Le château des Tuileries, dans l’origine, se composait seulement d’un pavillon central, se reliant à deux autres par deux galeries, corps-de-logis avec terrasses du côté des jardins, — quatre-vingts toises de développement sur vingt de largeur. Ces cinq parties formaient un ensemble d’une très heureuse disposition, de proportions harmonieuses; la reine Catherine en fit son habitation; le roi Charles IX se tenait au Louvre.

Mais lorsque tout fut achevé, un astrologue, auquel Catherine avait demandé son horoscope, lui apprit qu’elle mourrait près de Saint-Germain. Cet homme croyait certainement faire sa cour à la reine, en lui prédisant une mort bien heureuse et naturelle, en son nouveau palais, le plus tard possible, au milieu de sa cour, de ses enfants et de ses amis, près de sa paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois; mais Catherine ne l’entendait pas ainsi. Peut-être ne voulait-elle mourir ni là ni ailleurs. Toujours est-il qu’elle n’alla plus même à Saint-Germain-en-Laye, plus à sa paroisse de Paris, et qu’elle se fit bâtir un nouvel hôtel, l’hôtel de Soissons, près de Saint-Eustache. C’est Mézeray, un grave historien, qui nous le dit. Voilà pourquoi Catherine laissa, sans l’agrandir, sans le perfectionner même, ce pur et gracieux palais de Philibert Delorme, et de ce moment au règne d’Henri IV, les guerres de religion et de parti donnèrent aux souverains bien assez d’occupations et de préoccupations en dehors de l’architecture; mais Catherine de Médicis, pour s’être dérobée au voisinage de Saint-Germain-l’Auxerrois, n’échappa point à l’horoscope, et lorsqu’elle dut se préparer à la mort, le prélat qui se trouva près d’elle pour l’assister, s’appelait Julien de Saint-Germain, évêque de Nazareth; ainsi le dit la légende.

Henri IV, vainqueur de la Ligue et de tous ses ennemis, français ou étrangers, reprit les projets d’embellissements délaissés par sa belle-mère. Il ajouta aux Tuileries deux corps-de-logis et deux pavillons terminaux, ce qui porta la façade de l’édifice à 168 toises et 3 pieds de longueur. Il relia les Tuileries au Louvre par la Grande Galerie du côté de la rivière. Ces ouvrages, qui ne furent terminés que sous Louis XIII, par du Cerceau, ont peut-être le tort, relativement aux Tuileries de Philibert Delorme, de compliquer tout l’ensemble d’une variété trop considérable de styles; les proportions et l’harmonie si parfaites de l’œuvre première n’ont pu être conservées pour le reste. Un grand trouble en résulte, que voulut faire cesser Louis XIV, sous le règne duquel on put constater qu’il y avait dans l’exécution générale des Tuileries cinq sortes de combles, et cinq espèces de dispositions et de décorations, sans qu’il y eût, pour ainsi dire, aucun rapport entre ces parties ni dans la conception, ni dans la distribution, ni dans le style.

Le travail de raccordement dont furent chargés Levau et d’Orbay constituait une besogne ingrate et féconde en responsabilités dangereuses. Il s’agissait, sans toucher aux constructions premières, de faire disparaître des façades toutes les disparates d’ensemble et de détail, et de ramener à une ligne d’entablement à peu près uniforme les masses discordantes d’un tel bâtiment. Louis XIV, malgré tant de frais et de persévérance, n’obtint pas le résultat qu’il espérait, et la partie du milieu seule a pu être heureusement remaniée.

LES TUILERIES (COTÉ DU JARDIN)


Henri IV créa le Jardin des Tuileries, qui, primitivement, était séparé du palais par une rue. L’étendue de ce jardin n’était pas considérable; on y trouvait cependant un étang, un bois, une volière, une orangerie, un labyrinthe, un écho, sans parler des allées et du parterre. La volière, au milieu du quai des Tuileries, l’écho au bout de la grande allée; plus loin, entre la volière et la Porte de la Conférence, existaient une garenne et un chenil. Colbert, lorsqu’il entreprit la restauration et l’embellissement des maisons royales, commença par les Tuileries, qu’il réunit au jardin en supprimant la rue qui les séparait. On abattit la volière et différentes maisons jusqu’à la Porte de la Conférence, et, à leur place, on éleva une terrasse, celle du bord de l’eau, parallèle à la terrasse qui longeait le Manège et la rue Saint-Honoré. Ce fut Le Nôtre qui conçut et exécuta les travaux de ce magnifique jardin, malgré des difficultés presque insurmontables, car le terrain n’était pas de niveau dans sa largeur, et pour égaliser ces deux terrasses il eût fallu rapporter plus de 30,000 toises cubes de terre. Le génie de Le Nôtre simplifia tout.

La disposition majestueuse du jardin dessiné par Le Nôtre, le détail si varié dont il l’a enrichi furent d’autant plus admirés que l’espace manquait au créateur pour développer ses idées. Le jardin n’a de longueur que trois cent soixante toises et, de largeur, seulement soixante-huit; Le Nôtre trouva dans ce petit cadre, des parterres, trois jets d’eau, trois allées principales, dont celle du milieu longue de cent soixante-cinq toises, large de seize, accompagnée de deux contre-allées sous les marronniers; des bosquets, des boulingrins de figures variées, deux terrasses dont la grande, celle du bord de l’eau, régnait dans un parcours de deux cent quatre-vingt-six toises sur quatorze de largeur. Promenade pour ainsi dire unique dans une ville d’Europe, et d’où les promeneurs, sous de frais ombrages, voyaient le plus riche quartier de la ville, les Invalides, la Seine riante et noble bordant une ligne de palais nouveaux, une campagne semée de villages que bornaient à l’horizon le coteau de Meudon et les collines de Saint-Cloud, perspectives dont Le Nôtre s’était emparé, comme Poussin et Claude Gelée choisissent les lointains de leurs paysages.

Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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