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PLACE LOUIS-LE-GRAND OU DES CONQUÊTES

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L’idée de créer cette place vint à Louvois, vers 1683, pour établir une communication directe entre la rue Saint-Honoré et celle des Petits-Champs. On prétend aussi que ce ministre, jaloux de la faveur du maître, voulait, en cette occasion, lui plaire et flatter son goût pour les entreprises grandioses. Celle-là devait séduire Louis XIV, et le séduisit en effet. L’emplacement choisi était occupé dans son centre par l’hôtel de Vendôme, bâti par Henri IV pour son bien-aimé fils César de Vendôme, l’aîné des enfants que lui donna Gabrielle d’Estrées. Louis XIV fit acheter, en 1685, l’hôtel de Vendôme, toutes les terres, jardins et propriétés qui l’entouraient, même le couvent des Capucines, qui fut transféré rue Neuve-des-Petits-Champs. On démolit l’hôtel, en 1687, et les travaux commencèrent sur un plan vraiment gigantesque et dans des proportions qui eussent fait de cette place la plus grande et la plus magnifique de l’Europe. Elle fut appelée Place des Conquêtes; on la commençait en effet dans le temps des splendeurs du règne, le temps de Tourville, Duquesne, Luxembourg et Catinat, le temps où Gênes s’humiliait, où l’Europe effrayée se coalisait pour tenter de résister à la France, le temps enfin où l’on avait tant gagné sans rien perdre. La place devait avoir 175 mètres de longueur sur 160 de largeur, former trois lignes de bâtiments, car on eut ouvert en entier le quadrilatère sur la rue Saint-Honoré, afin de donner à la place tout l’air, le soleil et l’espace possibles. On eût logé dans les bâtiments: la Bibliothèque, toutes les académies, la Monnaie, les ambassadeurs extraordinaires: en un mot, l’utile se fût confondu avec le beau dans cette création. Toutes les façades des édifices de la place eussent été symétriques, d’une ordonnance riche et majestueuse; et tout autour, au rez-de-chaussée, un large portique voûté, sous lequel les promeneurs et les passants eussent cheminé à couvert, devait donner accès à chacune des maisons qui formaient cet arc. On commençait à bâtir, et déjà s’élevait le grand hôtel de la bibliothèque, lorsque Louvois mourut. C’était en 1691, quatre années avaient suffi pour changer la paix en guerre, les prospérités en disgrâces, la richesse en une gène douloureuse bien que dissimulée. Il fallut tout interrompre, et cette interruption dura jusqu’en 1698, à la paix de Ryswich, demandée par Louis XIV après dix ans de victoires stériles, dont le résultat fut la restitution des pays conquis. Néanmoins, comme la paix semblait être un mieux, M. de Pontchartrain, alors ministre, proposa une reprise des travaux; le roi s’y opposa, en raison de la misère des peuples. Les matériaux des ouvrages commencés furent vendus à la ville de Paris, et l’emplacement qu’ils occupaient lui fut cédé, à la condition qu’elle bâtirait, au faubourg Saint-Antoine, un hôtel pour la 2e compagnie des mousquetaires, et, sur l’emplacement cédé, une place d’après les dessins qui lui seraient fournis. Le plan de Louvois était définitivement écarté.

PLACE LOUIS-LE-GRAND


HOTEL DE VENDOME


Mansard en traça un nouveau. Toutes les proportions de cette place étaient réduites. L’ouverture par la rue Saint-Honoré devenait une simple rue, l’arc ou plan primitif se changeait en un carré équilatéral avec angles à pans coupés. Richesse, grandeur, audace, tout disparaissait dans une modeste composition accommodée à l’état de la fortune présente. Au lieu de ces grands édifices nationaux dont tout Paris eût été fier, on vit s’élever, sur la place nouvelle, des hôtels de fermiers généraux et financiers que la misère publique n’avait pas ruinés. Mais on se rabattit sur le seul et réel ornement de la place, la statue équestre du roi, colossale, fondue par Keller, en 1692, d’après le projet de Girardon. La statue, admirablement réussie à la fonte, était haute de vingt pieds, du poids de 70,000 livres, et, assure-t-on, vingt hommes assis pouvaient tenir, à table, dans l’intérieur du cheval. Cette figure d’un roi victorieux, heureux, tout-puissant, fut érigée solennellement, en 1699, alors que Louis XIV avait perdu conquêtes, puissance et bonheur. Le roi, présent à l’inauguration, ne put se retenir de soupirer, de récriminer contre tant de dépenses inopportunes; et le duc de Bourgogne, héritier présomptif de la couronne, refusa d’assister à la cérémonie, en disant: «Comment se réjouir, quand le peuple souffre?»

Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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