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LE PALAIS-ROYAL

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Table des matières

Lorsque Richelieu, après les nombreuses disgrâces de ses commencements, fut parvenu d’abord au Conseil d’État, puis au Cardinalat, respirant pour la première fois dans cette carrière où il n’avait, jusque-là, pas un instant repris haleine, il songea qu’il était temps de s’établir dignement à Paris, et se fit construire un hôtel, dans la rue Saint-Honoré, sur l’emplacement des hôtels de Mercœur et de Rambouillet, ce dernier, jadis, hôtel d’Armagnac. Jacques Lemercier fut son architecte. Les travaux commencèrent en 1629, un an après la prise de la Rochelle. On trouva que cet édifice était bas, humble et sans relief. Richelieu le voulait ainsi, non qu’il fùt d’un esprit modeste, mais parce qu’il craignait d’irriter, par trop de luxe et d’orgueil, les nombreux et très puissants ennemis qu’il s’était faits. Richelieu ne s’inquiétait guère des conspirations ni des attaques, et les combattait de façon à en triompher toujours; mais il n’aimait pas le bruit de la critique, il redoutait l’opinion que l’on ne saurait étouffer par la main du bourreau. Il commença donc cet hôtel, qui fut appelé simplement hôtel de Richelieu.

JULES MANSART.


Mais peu à peu fortifié contre ses propres appréhensions par l’incroyable développement de son crédit et de sa fortune, il agrandit sa résidence dans les mêmes proportions, acheta tous les terrains déserts ou inoccupés qui, en deçà ou au delà de l’ancienne clôture de Charles V, pouvaient être annexés, et lorsqu’il eut, pour ses jardins et dépendances, tout l’espace qu’un roi eût pu souhaiter pour son palais, il revendit le terrain à divers particuliers qui bâtirent et créèrent ainsi la rue de Richelieu, celle des Bons-Enfants et une partie de la rue Neuve-des-Petits-Champs. L’hôtel fut terminé en 1636, et Richelieu l’appela: Palais-Cardinal, comme le dit Corneille, et aussi l’inscription gravée en or, sur marbre, qu’on voyait encore au fronton de la première entrée, en 1715.

LE PALAIS-ROYAL.


Cependant Richelieu avait, en 1639, fait à Louis XIII une donation entre vifs de son palais, meubles et joyaux divers d’un grand prix, «par reconnaissance des grâces et faveurs extraordinaires qu’il avait reçues du roi». Le palais, après la mort du cardinal arrivée en 1642, fut occupé par la reine Régente, Anne d’Autriche et ses deux fils Louis et Philippe, qui en prirent possession le 7 octobre 1643. L’inscription fut changée alors, et le Palais-Cardinal reçut le nom de Palais-Royal. — La famille de Richelieu réclama, pour son honneur, le maintien du mot Palais-Cardinal, et il fut fait droit momentanément à cette demande; mais bientôt l’usage reprit le dessus, et le Palais s’appela de nouveau et s’appelle toujours le Palais-Royal.

La donation faite à Louis XIII par Richelieu, et qu’il confirma par testament à Narbonne, en mai 1642, comprenait: le Palais, huit tentures de tapisserie, cinq cents mille écus d’argent comptant, un buffet d’argent ciselé pesant 3,000 marcs, un grand diamant taillé en cœur, et la chapelle entière du cardinal composée d’une grande croix, deux chandeliers, un calice et deux burettes, toutes pièces en or garnies de pierreries, un ciboire d’or avec rubis et un reliquaire du roi saint Louis. Nous allons voir de quels bons sentiments fut payé par la Régente et ses enfants le riche présent fait par le cardinal.

Les appartements du Palais, ornés avec une rare magnificence, avaient offert une résidence spacieuse et toute prête à la famille royale. On donna la chambre du cardinal au jeune roi Louis XIV, qui entrait dans sa cinquième année, et comme il fallait aussi un appartement au petit duc d’Anjou, Anne d’Autriche fit détruire, dans la première cour, la galerie de gauche, celle qui faisait la gloire et l’orgueil de Richelieu, la plus vaste et la mieux entendue de tout le palais, et dont la voûte, peinte par Philippe de Champagne, représentait les principales actions de la vie du cardinal.

Il y avait, dans la deuxième, une autre galerie chère aussi à Richelieu qui l’avait créée pour honorer certaines illustrations de la France, au nombre de vingt-cinq, choisies par le cardinal lui-même. Leurs portraits en pied étaient peints par Philippe de Champagne, Juste d’Egmont, Poerson et Simon Vouet. Philippe de Champagne, dont la conscience égalait le talent, n’avait voulu peindre ses héros que d’après les portraits originaux; ainsi avait-il fait: Henri IV d’après Porbus, Marie de Médicis d’après Van Dyck, Gaston de Foix d’après Raphaël. Dans cette galerie, qui aurait tant de prix aujourd’hui, Richelieu s’était glissé modestement le dernier; mais là encore vint le poursuivre la haine de ses royaux héritiers, car le roi Louis XIV ayant cédé le Palais-Royal à son frère pour qu’il l’habitât durant sa vie, et donné ledit Palais, en toute propriété (1692), à son neveu Philippe d’Orléans, duc de Chartres, depuis Régent, à l’occasion de son mariage avec Marie de Bourbon, fille légitimée de France, la galerie des Illustres fut détruite comme l’avait été l’autre, et remplacée par des appartements. Il est heureux pour la mémoire du cardinal que son immortalité n’ait pas dépendu de quelques peintures confiées à ces deux galeries.

En 1652, Louis XIV, âgé de 14 ans, ayant quitté le Palais-Royal pour habiter au Louvre, le Palais fut offert, comme asile, à la veuve infortunée de Charles Ier, Henriette de France, reine d’Angleterre, qui ne dut pas regretter ce Louvre où Mazarin lui avait accordé le logement pour elle et sa fille, mais ne lui payait pas sa pauvre pension; en sorte que la fille et la petite-fille d’Henri IV eurent froid et faim et, l’hiver, restaient souvent au lit, faute de bois, en ce Louvre de leur glorieux père. Cependant il se fit comme une éclaircie dans la cruelle destinée de ces femmes martyres, et, dix ans après, à la chapelle du Palais-Royal, on célébra le mariage de Monsieur, frère unique de Louis XIV, avec cette même fille d’Henriette et de Charles Ier, cette Madame tant aimée, tant pleurée, «Madame se meurt, Madame est morte.»

Si les voûtes du Palais-Cardinal abritèrent de hautes pensées, de vastes plans, si Richelieu, ce grand tragique, y médita de sombres et profondes combinaisons politiques, on ne peut se rappeler, sans sourire, que le Cardinal rouge fut aussi, à certaines heures, un poète et rima des tragi-comédies sur cette même table où il décidait le plan d’une campagne et signait des ordres d’exécutions capitales. Car il s’était fait construire, pour y produire ses pièces, deux salles de spectacle, l’une réservée à un public de choix et petite, l’autre, un magnifique théâtre, situé dans l’aile droite du palais, du côté de la rue des Bons-Enfants; la salle pouvait contenir trois mille spectateurs, et l’on y représenta deux tragédies du cardinal, qui s’abrita sous le nom de deux collaborateurs.

Cet homme d’État, si terriblement sérieux, se croyait-il donc au-dessus du ridicule!

On assure que pour faire jouer Mirame, et Mirame fit rire tous les spectateurs, Richelieu dépensa deux cent mille écus. Que ne les donnait-il à Corneille après Cinna qui faisait pleurer le grand Condé ? Quel bon placement pour le cardinal, et quel revenu de véritable gloire! Mais les plus grands sont parfois si petits, les plus forts, souvent si faibles!

C’est ce théâtre de Richelieu que Louis XIV donna, en 1660, à Molière, après le mauvais succès du Petit Bourbon, et Molière y fit représenter ses chefs-d’œuvre jusqu’en 1673. Après sa mort, comme si rien n’eût pu le remplacer dans son genre, le théâtre du Palais-Royal cessa de jouer des ouvrages dramatiques ou comiques, la musique s’y installa; il devint l’Opéra français.

Il nous reste à parler du grand jardin du Palais-Royal, spacieux quadrilatère qu’en 1642, l’art des illustres jardiniers de Louis XIV n’avait pas encore dessiné selon le goût grandiose et pur de cette époque. Le jardin de Richelieu n’était pas public; il se composait de deux grandes allées de marronniers parallèles, du côté de la rue de Richelieu et du côté de la rue des Bons-Enfants; on y trouvait un mail, un grand manège. Plus tard on y fit, vers 1648, pour l’instruction et l’amusement des fils de France, une sorte de fort en terrassements avec bastions, demi-lunes et contrescarpes. Là s’exerçait à des semblants d’attaques et de défenses obsidionales la jeune noblesse de la nouvelle cour. Peut-être est-ce là que Louis XIV prit ce goût pour les sièges qui lui valut tant de gloire et d’avantages, quand, au lieu du fortin du Palais-Royal, il eut en face de lui Philisbourg, Mons et Besançon, et à ses côtés, au lieu de ses petits courtisans ingénieurs, Vauban.

LE FORT ROYAL AU JARDIN DU PALAIS-ROYAL


Toute la façade du Palais-Royal était, en 1639, bornée et masquée par l’hôtel de Sillery dont il n’était séparé que par la rue Saint-Honoré, relativement très étroite. Déjà le cardinal songeait à repousser ce gênant voisinage; mais il mourut avant d’y avoir réussi. Anne d’Autriche, dès qu’elle s’installa au Palais-Royal, n’hésita pas à se donner de l’air et de la vue. Elle ordonna la démolition de l’hôtel Sillery, en fit une place, y établit des corps de garde; mais tous ces travaux et tant de dépenses n’avaient pas encore dégagé suffisamment le Palais; ce fut seulement vers 1719 que le Régent agrandit et termina la place du Palais-Royal, et y installa le Château-d’Eau, édifice de bon goût, dessiné par Robert de Cotte, pour contenir les réservoirs d’eau de Seine et d’eau d’Arcueil destinées au Palais-Royal et aux Tuileries.

Ce Vme quartier du Palais-Royal comprenait:

1 Abbaye: de Notre-Dame-de-Paix, au faubourg de la Conférence ou Chaillot; 1 Académie royale pour monter à cheval, rue Saint-Honoré vis-à-vis Saint-Roch; 1 Balancier du roi pour frapper médailles et jetons, aux galeries du Louvre; 6 bureaux de perceptions des droits: sur le quai du Louvre et quai des Tuileries, Porte de la Conférence et Patache sur l’eau vis-à-vis le Cours-la-Reine, bureau de Chaillot et de la Ville-l’Évêque; 2 carrefours: de la Butte-Saint-Roch, et Croix-de-la-Ville-l’Évêque; 2 Chapelles: de Saint-Nicolas de la Savonnerie au bout du Cours-la-Reine, et de Saint-Nicaise dans l’Enclos des Quinze-Vingts, rue Saint-Honoré ; 1 Chapitre: de Saint-Thomas du Louvre; 1 cimetière: de la Madeleine à la Ville-l’Évêque, rue d’Anjou; 2 communautés: des filles Sainte-Anne, des filles de la Charité ; 7 couvents: Capucins, Feuillants, Jacobins, de l’Assomption, Bénédictines, filles de la Conception, Sainte-Marie de Chaillot; 2 corps de garde, Gardes-Françaises; 2 promenades: les Champs-Élysées, le Cours-la-Reine; Grandes et Petites écuries du roi; 4 égouts; 3 fontaines; les Galeries du Louvre où sont logés et entretenus par le roi quantité d’excellents ouvriers; 1 hôpital: des Quinze-Vingts, rue Saint-Honoré au coin de la rue Saint-Nicaise; 5 hôtels considérables: de Bournonville ou Noailles, de Crussol, de Longueville, de Rambouillet, de Luxembourg; 1 imprimerie royale, aux galeries du Louvre; 1 magasin des marbres entre le Cours-la-Reine et les Tuileries; 3 manufactures: de tapis façon Turquie à la Savonnerie; de verrerie, même lieu; de tabac en poudre près de la Madeleine; 3 marchés pour le pain et autres vivres; 2 palais: Tuileries, Palais-Royal; 4 paroisses: Saint-Philippe-du-Roule, la Madeleine, Saint-Pierre-de-Chaillot, Saint-Roch; 3 places: des Tuileries, du Palais-Royal, de Louis-le-Grand ou des Conquêtes; 3 portes: Conférence, Saint-Honoré, Guichet du Louvre; 5 quais: du Louvre, Conférence, Tuileries, Cours-la-Reine, la Savonnerie; 1 prison: en bas de Chaillot, bord de la rivière; 51 rues et 4 culs-de-sac; 1006 maisons: 332 lanternes.

PLAN DU VIe QUARTIER


Paris sous Louis XIV : monuments et vues

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