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II

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A l’extrémité du territoire de l’ancien Talmondais, sur une plage calcaire battue chaque jour des vagues de l’Océan, git une épaisse couche de détritus, qui témoigne du séjour prolongé, sur ce point, d’une tribu d’icthyophages assez nombreuse. On y trouve, mêlés au sable, des ossements de toutes sortes, mais appartenant aux races actuellement vivantes; des cendres, des morceaux de charbon, des ustensiles faits avec des os, ou bien des silex taillés d’une façon un peu moins rudimentaire que ceux laissés par les populations primitives, parmi lesquels j’ai recueilli un hameçon et un couteau long de 0m, 11; enfin de nombreux tessons de vases. La couche qui renferme ces débris repose directement sur le banc calcaire formant sous-sol, et a environ 1m,00 d’épaisseur. Coupée à pic en falaise par la violence du choc incessant des eaux, elle est très facile à étudier sur une étendue de plusieurs centaines de mètres. Les fragments de vases de la fabrication la plus barbare occupent la zône inférieure, tandis que ceux qui se présentent ensuite sont mieux façonnés et mieux cuits. Les premiers ont été faits à la main, avec une terre grossière et sableuse, prise dans les marais du voisinage, et ne portent aucune trace d’ornements. Leur cuisson a été si incomplète, qu’ils ne font pas résistance à la pression du doigt et s’en vont en poussière. On sent qu’ils sont le produit de l’industrie individuelle, alors que la division du travail n’étant pas encore créée, chacun était à la fois son tailleur, son armurier, son potier, comme il était son pourvoyeur de vivres et son cuisinier. Au-dessus s’élèvent des dunes de sable, hautes parfois de quarante à cinquante pieds, dont la formation a demandé des milliers d’années. Les tourmentes qui ont régné, il y a cinq ans, en ces parages, ayant bouleversé la partie supérieure des dunes, une quantité considérable de restes d’habitations et de clôtures celtiques ont été mis à nu. Ce sont des enceintes de petite dimension, parfois rondes; mais le plus souvent carrées et arrondies aux angles. Des murgers de 0m,40 de hauteur, construits avec des galets pris au rivage, en forment les contours; mais comme ces pierres sont très impressionnables à la gelée, elles s’émiettent chaque hiver et auront bientôt disparu. Or, le niveau des vestiges en question, qui ont au moins deux mille années d’existence, est supérieur de six, huit, dix et parfois vingt mètres, à celui de la couche où gisent les traces des populations primitives. Qu’on juge par là du nombre des siècles qui séparent celles-ci du temps où nous vivons!

Lorsque M. J. Quicherat et moi nous découvrîmes, pendant le cours de l’automne de 1860, ces curieux débris, nous apprîmes des habitants du pays que la tradition populaire plaçait en ce lieu une ville jadis détruite par les eaux de la mer, en punition des plaisirs illicites auxquels on s’y livrait. Le nom de Belesbat, donné plus tard au petit manoir que la féodalité bâtit sur ces ruines, doit donc être la traduction d’un autre plus ancien, puisé dans la même légende. Depuis notre excursion, les grandes marées de l’année 1862 ont ensablé la côte et mis jusqu’ici obstacle à une reconnaissance exacte et complète du gisement (). A petite distance est un bourg appelé autrefois Becciacum, et maintenant Saint-Vincent-sur-Jart (). C’est le chef-lieu de la commune dans le territoire de laquelle sont compris les restes de notre bourgade d’icthyophages.

Des poteries du même âge que celles de Belesbat ont été trouvées, il y a une vingtaine d’années, dans une caverne située sur les bords de la Gartempe, à quelques kilomètres de Saint-Savin (Vienne). Elles étaient aussi d’une terre noirâtre à l’intérieur, mêlée de graviers, mal cuite et sans consistance. Quand à leur forme, on eut dit la partie inférieure d’une citrouille, dont il ne reste plus que l’écorce. A côté reposaient des armes en silex d’une exécution grossière, des ossements humains mêlés à ceux de divers animaux qu’on m’a dit appartenir aux races de notre période.


L'art de terre chez les Poitevins

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