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III
ОглавлениеM. de Boismorand, de Poitiers, a, de son côté, opéré des fouilles dans d’autres cavernes et dans des tumulus du bassin de la Gartempe, et en a extrait des poteries un peu mieux façonnées, ainsi que des armes et ustensiles, tels que couteaux, haches, flèches, poignards, marteaux, etc., annonçant, par le soin minutieux apporté à leur fabrication, un degré de civilisation plus avancé.
Les cinq vases découverts par M. Charles Desmarets, dans la tombelle de Brioux (commune de Pairé, canton de Couhé, Vienne), ressemblent davantage à ceux de la caverne des rives de la Gartempe. L’un a 0m,05 de diamètre sur 0m,065 de hauteur. Les parois sont droites, légèrement évasées par le haut, et ont deux petites anses pleines peu saillantes. Un autre, tout aussi petit, est renflé au milieu et a ses anses percées d’un trou, destiné sans doute à recevoir un cordon. Ùn troisième, en partie brisé, a 0m,12 de large à la panse, sur 0m,14 de haut. Les deux derniers sont en trop mauvais état pour qu’il soit possible d’en avoir les mesures. La terre dont ils sont tous faits est très sableuse, à peine cuite et d’une teinte rougeâtre à l’extérieur. Ils ne présentent pas la moindre trace d’ornementation ().
Il faut ranger dans la même classe les vases sortis du tumulus de Bougon (Deux-Sèvres), exploré par MM. Baugier, Ch. Arnaud et Sauzé. J’emprunte au second la description qu’il en a donnée dans l’ouvrage intitulé : Monuments religieux, militaires et civils des Deux-Sèvres, p. 27.
«Les vases qu’on avait placés çà et là, tout près des cadavres, sont de formes très variées. Il y en a quatre parfaitement conservés; les autres sont tous plus ou moins altérés. L’un d’eux a l’aspect d’une petite gamelle de 0m,40 de hauteur sur 0m,15 de largeur. Il est, à l’intérieur, légèrement coloré de rouge; la pâte en est très noire, et l’on voit à sa surface deux petites cavités laissées par l’empreinte des doigts. Un autre pot, de même forme et de même grandeur, est couvert, sur toute sa surface, d’une couleur de rouille dont les tons sont assez vigoureux. Ce vase, légèrement ébréché d’un côté, est d’une terre moins grossière et mieux cuite. Le plus beau de tous ressemble à une large gourde dont on aurait enlevé la partie supérieure. Dans sa partie sphérique, ses flancs se soulèvent beaucoup plus, pour s’abaisser ensuite simultanément du côté de l’orifice de la base. Un quatrième a l’ouverture plus large et va toujours en diminuant du côté de la base. Le haut est entouré de deux lignes parallèles tracées sans doute avec la pointe de quelque instrument en os. Un cinquième se distingue par des formes plus élégantes dans les contours. Le bourrelet ou oreillon qui lui reste est percé d’un trou horizontal. L’autre bourrelet devait être également percé. Un sixième, comme un pot à fleurs, va toujours s’élargissant du côté de l’orifice. Il a 0m,25 de hauteur sur 0m, 19 de largeur. Mentionnons encore un curieux gobelet, qui n’est pas plus large en haut qu’en bas. Son diamètre est 0m, 09 et sa hauteur de 0m, 11. Au lieu d’une anse, il a deux cavités pour y placer les doigts, afin de l’empêcher de glisser de la main. Vient après une sorte de pot au feu, sans anses, ayant 0m,17 de hauteur sur 0m, 15 de diamètre. Parmi ces fragments, il faut remarquer ceux d’un vase qui ressemblait aussi lui à nos pots à fleurs, et qui a 0m, 15 de hauteur et 0m,15 de diamètre à la partie supérieure. Deux oreillons servaient à le soulever. Quelques autres débris sont couverts de petites bandes lisses en relief et de rangées de points faits avec un poinçon triangulaire...
«La terre de toutes ces poteries a été préparée sans soin; aussi de petits cailloux se montrent-ils à chaque instant dans les cassures, qui sont si peu cuites qu’elles retournent en poussière au plus léger frottement. Aucune n’a été faite au tour...»
Tous les objets provenant du tumulus de Bougon ont été déposés au musée archéologique de Niort.
M. le docteur Sauzé, de La Mothe-Saint-Héray, a recueilli, en 1844, des débris de vaisseaux de terre cuite analogues à ceux qui viennent d’être décrits, en pratiquant d’autres fouilles dans l’enceinte sacrée de la Ville-Dieu, située à petite distance de Bougon (). Je citerai encore les fragments de vases contenus dans la tombelle du Pé ou de l’Anguiller, commune du Bernard (Vendée) (), et ceux fournis par le sol de Poitiers et par celui de Château-l’Archer, de Verrières, de Civray, Bouresse, Availles près d’Airvault, Etusson, Evrunes sous Mortagne, Algon en Saint-Prouent, Curzon, Grandlieu sur les bords du lac, localités dont la plupart des noms dénotent une antiquité non moins reculée que celle des poteries qu’on y a trouvées.
Availles-sur-Chizé (Deux-Sèvres) a fourni des spécimens qu’il faut ranger encore dans la même catégorie, quoiqu’ils ne soient pas tout-à-fait aussi anciens que ceux mentionnés jusqu’à présent. Les formes et les procédés de fabrication n’ont pas changé ; mais la décoration est mieux comprise et l’exécution meilleure.
La ressemblance de ces deux derniers vases avec ceux exhumés de certaines sépultures des anciens peuples de l’Amérique du Nord est frappante (). Lorsque les archéologues auront à leur disposition une quantité suffisante de matériaux pour suivre la filiation des types à travers les siècles, il y aura lien de chercher la cause de cette ressemblance. Le musée archéologique de Niort possède plusieurs fragments découverts à Availles.
Des trois classes de poteries que je viens de passer successivement en revue, les deux premières ont été façonnées à la main. Pour la troisième on a fait usage de la tournette, qui a precédé l’invention du tour. L’argile sableuse, mêlée de quelques parcelles de charbon, dont elles sont composées, a toujours été prise sur place et n’a d’abord reçu aucune préparation. Celle des vases contemporains des armes de silex poli a été, au contraire, tant soit peu épurée; ce qui ne lui a pas donné néanmoins beaucoup de consistance à l’état malléable, puisqu’on a été obligé de soutenir les parois des pièces, aussitôt leur achèvement, avec des écorces d’arbres, des lanières de peaux ou des lambeaux d’étoffes, afin de les empêcher de s’en aller en morceaux ou de se fendre à la dessication, opération qui a souvent laissé des traces visibles. Une cuisson imparfaite au feu de boisa conservé à cette terre, mêlée de quelques parcelles de charbon, sa couleur noire à l’intérieur, tandis qu’elle est souvent plus ou moins rougeâtre à l’extérieur. Quant aux formes primitivement adoptées, elles sont très simples et peu variées. Il semble qu’elles aient d’abord été empruntées au règne végétal, qui a fourni les premiers récipients pour contenir les liquides. Ce n’est qu’après des tâtonnements nombreux, et par suite de contacts accidentels et passagers avec des civilisations plus avancées, que les poteries ont perdu leur simplicité originelle et ont reçu extérieurement des dessins tracés à la pointe. Ces dessins ont commencé par être des raies allant en sens divers; puis sont venus les points, les zigzags, les stries, les cercles, les imitations des clissages du vannier, etc., etc. Quelques antiquaires ont voulu y voir des figures d’hommes, d’animaux, de plantes. On a même prétendu reconnaître des inscriptions en langues orientales. Je ne sais si je me trompe, mais je crains bien que toutes ces belles choses, que mes yeux n’ont pu même entrevoir, ne soient les rêves d’imaginations trop promptes à s’enflammer. Ce qu’il y a de plus certain, c’est que les poteries des sauvages de tous les temps et de tous les pays, fabriquées par les mêmes procédés, présentent des motifs décoratifs absolument identiques. L’homme ayant commencé par l’animalité, avant de s’élever insensiblement au sommet de l’échelle des êtres et de dominer la création terrestre, ses œuvres successives accusent nettement, en quelque lieu qu’on les retrouve, les stations de son intelligence sur la route ascendante du progrès ().