Читать книгу Autour du drapeau : 1789-1889 : campagnes de l'armée française depuis cent ans - Charles Antoine Thoumas - Страница 6

Avant-Propos

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Table des matières

Au milieu des nombreuses tentatives de réforme qui marquèrent les débuts du règne de Louis XVI, et qui furent impuissantes à contenir le flot montant de la Révolution, l’armée française n’avait pas été oubliée. Les désastres de la guerre de Sept ans avaient fait ressortir les vices de son organisation, et mis au jour les abus de toute sorte qui l’affaiblissaient en la déshonorant. Aussitôt après la guerre, un ministre philosophe, le duc de Choiseul, avait essayé de porter la main sur ces abus, et s’en était pris au plus déplorable de tous, la vénalité des grades: car en ce temps-là un régiment ou une compagnie s’achetait, comme aujourd’hui, une étude de notaire ou une charge d’avoué, et il n’était pas rare de voir le brevet de colonel déposé, comme don de bienvenue, sur le berceau d’un enfant.

Ami de la Pompadour, Choiseul dut sa disgrâce à l’influence contraire de la Dubarry: avec lui disparurent, pour quelque temps, les idées de réforme. Plus hardi et plus novateur, le comte de Saint-Germain, appelé par Louis XVI au ministère de la Guerre, en 1775, cinq ans après la chute de Choiseul, y apporta tout un plan élaboré de longue date. La base de ses projets consistait dans la suppression des corps privilégiés, tels que la maison du roi et des princes, la gendarmerie, etc., et des grades sans emploi. La plupart des régiments avaient un colonel propriétaire et un colonel commandant, à qui était dévolue, nominativement, l’autorité qu’exerçait en réalité un colonel en second, souvent suppléé lui-même par un lieutenant-colonel. Saint-Germain voulait réduire au strict nécessaire ces états-majors luxueux. Mais trop de gens, et des gens trop puissants, vivaient du privilège et des abus... Saint-Germain succomba sous leurs attaques. Son œuvre était si bien conforme aux exigences de la situation du pays, qu’elle lui survécut en partie et fut continuée par ses successeurs. Des comités, composés des officiers les plus compétents, étudièrent les diverses branches de l’organisation militaire, et de leurs études sortit, au moment où la Révolution allait éclater, un ensemble de règlements vraiment remarquables pour l’époque à laquelle ils furent édictés. Les dispositions de ces règlements, suspendues par la Révolution, ont presque toutes été appliquées depuis lors, et quelques-unes seulement de nos jours, après que de cruels événements en eurent démontré l’inéluctable nécessité.

Jusque-là les régiments n’avaient de lien entre eux que pendant la guerre; encore n’étaient-ils alors groupés que par brigades, composées de régiments de la même arme, infanterie ou cavalerie. Un jour de bataille, les brigades, disposées suivant le rang d’ancienneté de leur premier régiment, formaient les diverses lignes de l’armée, le centre, les ailes et la réserve; le commandement supérieur de chacun de ces éléments était exercé par des officiers généraux désignés, à tour de rôle, d’après l’ordre du tableau. Désormais les troupes durent être groupées, pour le temps de paix comme pour le temps de guerre, en divisions permanentes, dans la composition desquelles entraient, en proportions déterminées, l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie, et qui devaient être commandées en tout temps par les mêmes officiers généraux.

Cette organisation en divisions, abandonnée à la Révolution, reprise en 1793, mais pour la guerre seulement, a été la base de la tactique moderne. En outre, aux termes d’une ordonnance datée de 1788, le territoire de la France dut être partagé en régions de commandements en chef, dans chacune desquelles un maréchal de France ou un lieutenant-général avait autorité sur toutes les troupes. C’est là notre organisation actuelle en régions de corps d’armée qui, adoptée par la Prusse et la Russie, dès l’année 1813, ne l’a été en France qu’après la terrible expérience de la guerre de 1870.

La discipline qui, déjà vers la fin du règne de Louis XIV, excitait les plaintes des généraux et qui faisait dire au comte de Saint-Germain pendant la guerre de Sept ans: «Je commande à une bande d’assassins et de voleurs!» s’était considérablement améliorée, depuis l’avènement de Louis XVI, par suite de l’obligation imposée aux généraux et aux colonels de résider, au moins pendant la plus grande partie de l’année, au milieu des troupes qu’ils commandaient. Une guerre honorable, celle de l’Indépendance des États-Unis d’Amérique, avait relevé le prestige du drapeau et la réputation de l’armée.

La tactique, c’est-à-dire l’art de disposer les troupes pour le combat, avait été l’objet de discussions savantes et d’études pratiques dans les camps d’exercices, qui avaient mis aux prises les partisans de l’ordre mince et ceux de l’ordre profond. Les premiers, dont le représentant le plus éloquent et le plus convaincu était le fameux Guibert, recherchant surtout la puissance du tir, préconisaient la tactique à la prussienne, c’est-à-dire la formation de l’infanterie en une ligne de bataille de trois rangs de profondeur, soutenue à une certaine distance en arrière par une seconde ligne pareille; les autres, s’appuyant sur les écrits du chevalier Folard, traducteur de Polybe, et s’attachant à donner le plus de vigueur possible au choc, formaient des colonnes profondes, en repliant plusieurs fois sur elle-même la ligne de bataille. Malgré l’opinion du maréchal de Broglie, le plus réputé des généraux d’alors, le règlement de 1788, œuvre de Guibert, avait consacré l’ordre mince; mais, dans l’esprit de la plupart des officiers, la vérité était entre les deux extrêmes, c’est-à-dire dans l’emploi opportun de la ligne de bataille ou de l’ordre en colonne, suivant les circonstances. Les guerres de la Révolution devaient bientôt donner raison à ceux qui pensaient ainsi.

En résumé, au moment où l’édifice de l’ancien régime allait s’écrouler, l’état de l’armée française était, à presque tous les points de vue, aussi satisfaisant qu’il l’avait jamais été. Cette armée portait cependant en elle deux grandes causes de désorganisation:

1° Le mode de recrutement des soldats, exclusivement fournis par les enrôlements volontaires, peuplait les régiments de tous les mauvais sujets raccolés dans les cabarets et les mauvais lieux. Les hommes ainsi raccolés, une fois sous les drapeaux, n’aspiraient pour la plupart qu’à déserter; le nombre des déserteurs s’élevait à plus de trois mille par an, en dépit des mesures de répression les plus sévères.

2° Il existait entre les officiers et la troupe une ligne de démarcation infranchissable, surtout depuis les malencontreuses ordonnances de 1781 et de 1786, qui fermaient l’accès du grade d’officier à quiconque ne pouvait faire preuve de quatre quartiers de noblesse. Cette exclusion semblait d’autant plus dure aux sous-offciers, appelés alors bas officiers, que la guerre d’Amérique avait attiré dans les rangs de l’armée des jeunes gens instruits, appartenant à la bourgeoisie, ayant le sentiment de leur valeur et impatients de briser la barrière injustement opposée à leur légitime ambition.

L’effectif présent sous les armes, au commencement de l’année 1789, montait à 160,000 hommes, y compris les troupes de la Maison du roi, réduite, depuis les dernières réformes, aux compagnies des gardes du corps, au régiment des gardes françaises et à celui des gardes suisses. En dehors de la Maison du roi, l’infanterie, forte de 110,000 hommes, se composait de 102 régiments, dont 23 étrangers, et de 12 bataillons de chasseurs. L’artillerie comprenait, outre plusieurs compagnies d’ouvriers ou de mineurs, 7 régiments de canonniers à pied qui, en raison de leur origine, comptaient dans la série des régiments d’infanterie pour un seul, portant le n° 64. Les conducteurs des attelages, des pièces et des voitures d’artillerie, étaient des charretiers civils fournis, comme les chevaux eux-mêmes, par des entrepreneurs. Le génie n’existait pas encore, ou plutôt il ne consistait qu’en un corps d’officiers. Les troupes à cheval comprenaient 2 régiments de carabiniers, 24 régiments de cavalerie proprement dite, ou de grosse cavalerie, 18 régiments de dragons, 12 régiments de chasseurs et 6 régiments de hussards. Nous ne citons que pour mémoire la maréchaussée, analogue à notre gendarmerie actuelle, comprenant alors 33 compagnies.

L’Assemblée nationale, s’attachant à supprimer tous les privilèges, ne pouvait laisser à une caste l’apanage exclusif des grades; mais avant qu’elle eût le temps de modifier légalement la constitution militaire de la France, l’indiscipline et la violence réparèrent l’injustice du passé, en compromettant la tranquillité du pays dans le présent, et son salut dans l’avenir.

Le signal du désordre et du soulèvement contre les lois militaires de l’ancien régime fut donné par le corps le plus privilégié de tous, le régiment des gardes françaises. C’était en même temps le mieux composé, et celui dans lequel la ligne de démarcation était le plus tranchée entre les sous-officiers, jeunes gens instruits, agités par toutes les aspirations du parti libéral, et les officiers, appartenant presque tous à la haute aristocratie, ayant d’habitude pour colonel un maréchal de France, pour capitaines des maréchaux de camp vivant à la cour, tandis que le régiment, réparti dans des casernes entre tous les quartiers de Paris, s’identifiait avec le peuple de la capitale. Après s’être rangé du côté de l’émeute contre les troupes chargées de la réprimer, et avoir fourni un fort contingent aux vainqueurs de la Bastille, le régiment des gardes françaises fut licencié. Détail curieux: avant de se séparer des drapeaux qui avaient si glorieusement figuré à Veillane, à Lens, à Fleurus, à Fontenoy et sur tant d’autres champs de bataille, tous les bas officiers et les soldats allèrent, en corps, suspendre pieusement ces vieux drapeaux aux voûtes de Notre-Dame. Ils entrèrent alors dans la composition de la garde nationale de Paris, dont ils formèrent les compagnies soldées, à raison de une par bataillon, jusqu’au jour où, ces compagnies elles-mêmes étant licenciées, on en fit deux nouveaux régiments d’infanterie, sous les numéros 103 et 104.

Les ovations dont les gardes françaises furent l’objet; le contact des gardes nationaux, dont l’indépendance faisait paraître plus dure la discipline du régiment; les écrits et les discours qui représentaient l’obéissance du soldat comme incompatible avec la liberté ; la faculté accordée aux militaires de former des comités et des associations pour soutenir leurs intérêts, et d’affilier ces associations entre elles; la prétention des municipalités à substituer leur autorité à celle des commandants des troupes, furent autant de causes de dissolution, dont l’action combinée produisit le résultat qu’il était naturel d’en attendre: des soulèvements et des désertions en masse, chaque ville imitant l’exemple donné par la capitale à l’égard des gardes françaises, et admettant les déserteurs en qualité de gardes nationaux soldés. Une autre cause vint précipiter la désorganisation des régiments: ce fut l’émigration ou la démission des officiers.

Dès le lendemain de la prise de la Bastille, les personnages de la cour désignés sur les listes de proscription affichées au Palais-Royal, en tète desquelles figuraient le comte d’Artois, frère de Louis XVI, et le prince de Condé, avaient quitté la France; ils furent suivis par un grand nombre de députés à l’Assemblée nationale, après les journées des 5 et 6 octobre, pendant lesquelles le palais de Versailles fut envahi par la populace parisienne. Le maréchal de Broglie, qui avait commandé les troupes réunies à Paris au début de la Révolution, et qui depuis lors séjournait à Metz, chef-lieu de son grand commandement, était en butte aux attaques des journaux et des sociétés populaires. Pour s’y soustraire, il passa la frontière et gagna Luxembourg. De nombreux colonels l’imitèrent, afin d’éviter les poursuites dont ils étaient menacés.

L’un de ces colonels était le vicomte de Mirabeau, frère du célèbre orateur, dont il était loin de partager les idées politiques, député comme lui à l’Assemblée nationale, et bien connu sous le sobriquet de Mirabeau-tonneau. Colonel du régiment de Touraine, il était parti pour Perpignan, sur la nouvelle qu’une partie des soldats de ce régiment qui s’y trouvait en garnison s’étaient insurgés. Après avoir fait de vains efforts pour rétablir l’ordre, il avait quitté Perpignan, emportant les cravates des drapeaux, pour rallier dans une autre garnison les soldats restés fidèles. Arrêté en route, puis relâché comme inviolable en sa qualité de député, il avait été accusé, devant l’Assemblée nationale, par une délégation des révoltés, d’avoir amené le bouleversement du régiment par sa violence, et, après deux mois d’information, l’Assemblée avait décidé que pour ce fait, il serait traduit devant un conseil de guerre; il donna sa démission et quitta la France.

Le maréchal de Broglie avait été remplacé à Metz par le marquis de Bouillé, qui réprima, avec la plus grande énergie, le soulèvement de la garnison de Nancy, et qui, d’abord félicité par l’Assemblée et fêté par l’opinion publique, devint bientôt à son tour impopulaire, quand les idées d’indiscipline prirent le dessus. Chargé d’assurer la fuite du roi Louis XVI, il ne tint pas à lui et à ses habiles mesures que ce monarque arrivât sain et sauf à Montmédy. Aussi, après l’arrestation du roi à Varennes, il se vit forcé de fuir avec tous les officiers qui l’avaient secondé, et ils allèrent grossir l’émigration, qui commençait à faire boule de neige; car les officiers émigrés, et notamment les colonels, écrivaient sans relâche à ceux qui étaient restés à leurs régiments, les invitant à les imiter, les traitant de traîtres et de rebelles au roi s’ils s’y refusaient. Il faut bien le dire, cette émigration des officiers ne produisit pas autant de mal qu’on serait tenté de le croire. La plupart d’entre eux, très braves sur les champs de bataille, s’occupaient fort peu des détails de l’instruction et du commandement, qu’ils abandonnaient aux sous-officiers. On trouva donc chez ces derniers une pépinière toute naturelle d’excellents officiers pour remplacer les partants.

La Constitution militaire du 1er janvier 1791 fut comme le résumé des lois et des décrets successivement votés par l’Assemblée; elle eut pour effet d’apporter dans l’armée l’uniformité et la régularité ; tous les corps privilégiés étaient supprimés; les régiments perdirent les noms qui rappelaient l’ancien régime, et ne furent plus désignés que par des numéros. C’est ainsi, par exemple, que Picardie devint le 2e régiment d’infanterie de ligne, Royal-Dragons le 1er régiment de dragons, Chamborant-Hussards, le 2e de hussards; les anciennes appellations prévalurent cependant quelque temps encore. Les régiments étrangers, à l’exception des Suisses, furent déclarés régiments français. Le mode d’avancement fut réglé de manière à rendre les grades accessibles à tous ceux qui s’en montreraient dignes: les bas officiers quittèrent ce nom humiliant et prirent celui de sous-officiers; le mode de recrutement par enrôlements volontaires fut conservé, après de longues et vives discussions.

La force effective de l’armée fut d’ailleurs peu modifiée; elle dut comprendre, sur le pied de paix, 150,000 hommes dont 110,000 d’infanterie, 30,000 de cavalerie et 10,000 d’artillerie, et être portée, en cas de guerre, à 250,000 hommes, par des engagements complémentaires de trois ans, Une arme nouvelle, l’artillerie à cheval ou légère, fut créée d’après l’initiative de Lafayette, qui en avait rapporté l’idée d’une visite au camp de Silésie. Deux batteries d’abord, puis neuf, furent organisées. Elles devaient rendre les plus grands services.

Lorsqu’au mois de juillet 1791, après l’arrestation du roi à Varennes, et en présence de l’attitude hostile des puissances étrangères, il fut décidé que l’armée serait mise sur le pied de guerre, les hommes firent complètement défaut pour les enrôlements volontaires. Ce n’est pas que la perspective d’une invasion prochaine eût laissé les esprits indifférents: un enthousiasme guerrier se manifesta, au contraire, dans toute la nation pour repousser les prétentions de l’étranger; mais, tandis que les gardes nationales de plusieurs départements et villes demandaient à grands cris à marcher à l’ennemi, tandis que sur plusieurs points du territoire il s’organisait des corps de volontaires, très peu d’hommes songeaient à s’enrôler dans les régiments de ligne. Un décret rendu par l’Assemblée, au mois de septembre 1791, pour régulariser la formation des bataillons de volontaires pris dans les rangs de la garde nationale, vint diminuer encore le nombre des enrôlements dans l’armée, par la nature des conditions faites à ces volontaires. Ils nommaient leurs officiers à l’élection, et ces officiers étaient si nombreux, qu’il semblait facile à tous de parvenir à l’épaulette; ils étaient libres de se retirer après chaque campagne, en prévenant deux mois à l’avance, et avaient droit à des congés, lorsque des affaires urgentes les appelaient dans leurs foyers; enfin ils étaient exemptés des conditions de taille exigées pour les troupes de ligne.

L’organisation des bataillons de volontaires, dont le nombre avait été fixé par le décret de l’Assemblée à 169, comprenant un effectif de 97,000 hommes, fut d’abord vigoureusement poussée. Un grand nombre de volontaires s’habillèrent et s’équipèrent à leurs frais. Le 23 septembre, 60 bataillons étaient déjà rendus sur la frontière; toutefois, il ne fut formé que 83 bataillons.

Les généraux se plaignaient de la diminution des effectifs dans les troupes de ligne, et demandaient, avec instance, le versement des volontaires dans les anciens régiments. Plusieurs députés réclamaient au contraire l’assimilation des troupes de ligne aux volontaires. Ces deux mesures furent également repoussées. Les bataillons de volontaires et les anciens régiments, conservant leurs organisations respectives, marchèrent les uns à côté des autres, jusqu’au jour où la fusion de ces deux éléments constitua l’armée vraiment nationale.

On a beaucoup écrit sur les volontaires, et on a émis à leur sujet les idées les plus contradictoires. Le fait est que les vrais, les seuls volontaires, furent ceux des bataillons formés en 1791: ils étaient animés d’un enthousiasme qui suppléa, en plusieurs occasions, à l’expérience dont ils manquaient. Dans quelques-uns de leurs bataillons, les choix d’officiers furent mauvais: les plus grands parleurs, les plus grands buveurs surtout l’emportèrent sur les plus capables; mais dans un grand nombre d’autres bataillons, le choix des volontaires, limité par le décret de l’Assemblée à des hommes ayant déjà servi, tomba sur d’anciens officiers et sous-officiers vraiment méritants. Les cadres de ces bataillons devinrent comme la pépinière des généraux de la République et de l’Empire.

Parmi les noms des commandants de bataillon, nous retrouvons aujourd’hui ceux de huit maréchaux de France: Bessières (Lot), Davout (Yonne), Jourdan (Haute-Vienne), Oudinot (Meuse), Pérignon (Pyrénées), Victor (Bouches-du-Rhône), Lefebvre (Paris), Suchet (Ardèche).

Neuf autres maréchaux figurent parmi les capitaines: Brune (Seine-et-Oise), Masséna (Var), Lobau (Meurthe), Lannes (Gers), Mortier (Nord), Gouvion-Saint-Cyr (Paris), Molitor (Moselle), Soult (Haut-Rhin). On y trouve encore les généraux en chef Championnet (Drôme), Lecourbe (Jura), Marceau (Eure-et-Loir), Moreau (Ille-et-Vilaine), Moreaux, confondu bien à tort avec le précédent (Ardennes), Souham (Corrèze), les généraux Bon, Chabran, Delmas, Gazan, Hardy, Haxo, Humbert, Laharpe, Lemoine, Friant, Levai, Belliard, Broussier, Lorge, Marchand, Morand, Verdier, Bonnet, Boudet, Heudelet, Jacquinot, Leclerc, Semélé, Subervie, Defrance, Guilleminot, Merlin, etc.

Un décret de l’Assemblée avait institué, en juillet 1791, le drapeau national aux trois couleurs: bleu, blanc et rouge. La plupart des colonels émigrés avaient emporté les anciens drapeaux, dont les couleurs variaient d’un régiment à l’autre; l’Assemblée décida que ceux de ces drapeaux qui existaient encore seraient envoyés à Paris pour y être brûlés; mais les troupes se refusèrent à exécuter cet ordre, et voulurent conserver leurs vieux drapeaux pour les suspendre aux voûtes des églises de leurs villes de garnison. Presque partout, les municipalités offrirent aux régiments leurs nouveaux drapeaux tricolores.

En vue de la guerre prochaine, l’Assemblée, sur la proposition du ministre Narbonne, décréta, au mois de novembre 1791, la formation de trois armées, sur les frontières du Nord et du Nord-Est, avec Strasbourg, Metz et Lille pour quartiers généraux. Lückner, nommé maréchal de France, dut commander l’armée du Rhin, forte de 38,000 hommes; Lafayette, qui avait donné sa démission de chef de la garde nationale de Paris, prit le commandement de l’armée du Centre, comprenant 48,000 hommes; enfin Rochambeau, illustré par la guerre d’Amérique et nommé, lui aussi, maréchal, fut mis à la tête de l’armée du Nord, forte de 52,000 hommes. Le parti girondin, qui dominait dans l’Assemblée législative, et qui avait attiré à lui le général Dumouriez en le faisant nommer ministre des Affaires étrangères, voulait absolument qu’on déclarât la guerre à l’Autriche. 14,000 émigrés étaient réunis en armes à Coblentz; une convention avait été signée entre la Prusse et l’Autriche pour envahir la France. Il fallait aller au-devant de ces attaques, en attaquant soi-même. Le parti jacobin, redoutant les influences militaires, était opposé à la guerre. Les Girondins remportèrent, et, dans la séance du 20 avril 1792, sur la proposition de Louis XVI, amené à l’Assemblée législative par Dumouriez, la déclaration de guerre à l’Autriche fut solennellement votée.

L’épée de la France était tirée du fourreau; elle ne devait y rentrer, pendant une période de vingt-trois ans, qu’à deux reprises, et pour quelques mois à peine.


Autour du drapeau : 1789-1889 : campagnes de l'armée française depuis cent ans

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