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COROT

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L’année 1875, à ses débuts, a été cruelle pour l’art français. Le 18 janvier mourait François Millet; le 23 février est mort Camille Corot. A quelques semaines l’un de l’autre ont disparu deux des représentants les plus illustres, les plus originaux de la peinture contemporaine. Tous deux, par des titres divers, méritaient également le nom glorieux de «maître», ce nom si facilement prodigué par l’engouement ou par la mode.

Nous venons d’avoir à l’École des beaux-arts l’exposition de Corot. Tout ce que Paris compte de personnes s’intéressant à l’art l’a visitée: c’est hier même qu’elle a fermé ses portes. Elle a été loin sans doute d’offrir réuni tout l’œuvre de l’artiste. Les amis de Corot n’estiment pas à moins de quatre ou cinq milliers les toiles exécutées par l’infatigable travailleur dans le cours de sa longue vie, et nous en avons vu au quai Malaquais quelques centaines seulement. On y regrettait de fâcheuses lacunes, et plusieurs des plus exquises productions n’y figuraient pas, soit à cause de la distance, soit à cause du mauvais vouloir jaloux des propriétaires: elle n’en offrait pas moins l’occasion de suivre l’ensemble de cette existence si bien remplie, et nul moment n’est plus opportun pour rassembler les traits de l’artiste heureux et sympathique, dont le nom restera inscrit au livre d’or de la gloire nationale.

S’il était un peintre pour lequel une exposition fût inutile, il semblait que celui-là dût être Corot. Nous croyions tous le bien connaître. On le rencontrait à chacun de nos salons annuels. On apercevait chaque jour, pour ainsi dire, en se promenant dans Paris, aux vitrines des marchands, sa signature sur des toiles d’une valeur inégale, mais toujours aisées à reconnaître dès le premier coup d’œil. Cette exposition devait pourtant révéler aux jeunes générations un Corot nouveau pour elles, celui que ses contemporains appelaient le Corot de la première manière. Celui-là sans doute n’est pas pour nous et ne sera pas non plus pour la postérité le grand Corot; mais, sans le premier Corot, qui peut dire que le second eût existé ? Comment ne pas regarder avec une curiosité bienveillante les premiers et longs efforts d’où un résultat si admirable devait sortir! Les artistes les. plus intéressants à étudier, ce sont ceux qui, nés à la fin d’un art et au commencement d’un autre art, ont suivi d’abord la voie où tout le monde marchait, mais qui bientôt ont senti, tandis qu’autour d’eux tant d’autres se tenaient satisfaits, que la voie suivie n’était pas la véritable; qui se sont cherchés longtemps, qui se sont trouvés enfin; qui, en se trouvant, ont révélé au siècle un monde nouveau, donné à leurs contemporains la conscience de ce qu’ils sentaient vaguement, ouvert aux travailleurs une carrière désormais facile. Le cap de Bonne-Espérance est doublé, la terre de Colomb est découverte. Élancez-vous maintenant, hardis navigateurs!

Peintres français contemporains

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