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VILLAVERNIA

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11 mai.

Nous sommes logés dans le château, charmante habitation avec un parc et un jardin. Il n’y a pas de lits! On prendra mon sort en pitié quand on saura que j’avais oublié d’en acheter un. J’aurais volontiers fait la campagne avec des cigares, un carnet et une culotte de nankin. Je me décidai à faire un tour de promenade au dehors, comptant sur le hasard, cette providence des gens abandonnés. La providence avait un costume de capitaine d’état-major,

— Bonjour, capitaine. Je vous serais bien obligé de m’indiquer un endroit où je trouverais une botte de paille?

— La paille est rare, me répondit sentencieusement le capitaine. Vous trouverez plutôt du foin.

— Du foin, cela m’est égal.

— Est-ce que votre cheval n’a pas de foin?

— Ce n’est pas pour mon cheval, c’est pour moi.

— C’est différent.

— C’est pour me coucher. J’ai une très-belle chambre, et je n’ai pas de lit.

Le capitaine prit un bouton de ma tunique.

— Je vais vous donner mieux qu’un lit, me dit-il avec un grand sérieux; ce sont deux aphorismes que j’ai rapportés d’Afrique et dont je me trouve bien:

1° En campagne, on ne demande rien, on prend,

2° Quand on a pris, on garde.

— Capitaine, voilà une morale plus élastique que le sommier où je reposerai ma tête ce soir.

Nous descendîmes ensemble jusqu’au village, dominé par le château. Un régiment de ligne campait dans l’église; les autres étaient disséminés à droite et à gauche. Chacun allait et venait. De tous côtés, des feux s’allumaient dans la plaine, au milieu des tentes et des faisceaux. Les marmites fumaient.

— Voilà, dis-je au capitaine, la vraie physionomie d’une armée.

— Oui; en campagne, manger est un mot grave. Tenez, les fantassins allument leur feu....

— Eh bien?

— Les zouaves ont déjà pris le café.

Je quittai là mon compagnon. J’ai trouvé un lit de sangles, et le lendemain nous sommes partis pour Tortone.

L'envers d'une campagne : Italie 1859

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