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TONY

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Voilà la Sesia passée. Tony a essayé de me jeter à l’eau en passant sur le pont de bateaux. Lecteur, je te présente Tony. C’est mon «dada.» Il a le poitrail large, la tête sèche et la jambe fine et nerveuse. Bien qu’il soit blanc comme la neige, sa crinière et sa queue sont noires, ce qui lui donne l’air le plus fantasque et le plus original qu’on puisse imaginer. Je l’avais choisi à la remonte de Marseille, et j’eus lieu de m’en repentir. Tony est doux, pacifique et bon enfant; il mange volontiers du sucre dans ma poche, et il serait parfait sans un défaut unique qui paralyse toutes ses bonnes qualités: «il est ombrageux.» Quand il marche en troupe, rien ne l’émeut; mais dès qu’il se voit seul, la moindre chose lui donne la fièvre de la peur, et il souffle alors comme une clarinette aveugle, en dressant les oreilles.

Il n’a pas été sans s’apercevoir bientôt que je suis novice cavalier, et il n’en a pas abusé ; jusqu’à présent, il s’est borné à me faire faire au galop le tour du port de Gênes en plein midi. A Montebello, un homme qui cueillait des feuilles de mûrier lui parut un spectacle tellement extravagant, qu’il m’a emporté l’espace d’un bon kilomètre à travers choux. Une autre fois, il m’a fait franchir un fossé à la vue d’une vieille femme qui ouvrait un parapluie rouge sur la route pour se garantir du soleil; enfin le bruit de son sabot sur les planches du pont de bateaux lui a donné une telle frayeur, que sans un prodige d’équilibre j’étais à l’eau. Le capitaine M*** prétend que Tony n’a pas dit son dernier mot et qu’il me tuera un jour ou l’autre. Ce qui serait tout au moins ridicule.

L'envers d'une campagne : Italie 1859

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