Читать книгу Une mariée de seize ans - Clémence Badère - Страница 13

Оглавление

IX

Table des matières

LA BOITE DE PANDORE

Hélène souffrait donc. Les idées se heurtaient dans sa tête. Elle aurait voulu pouvoir lire dans le cœur de Paul et dans celui de Virginie; elle se mettait l’esprit à la torture pour tâcher de se rappeler si elle n’avait rien vu qui pût justifier son accusation.

Lorsqu’elle se fut indignée et tourmentée, elle pleura et se sentit un peu soulagée. Elle poussa un gros soupir, serra la lettre dans la boîte cù elle l’avait prise et remit tout en place. Puis, brisée par l’émotion qu’elle venait d’éprouver, elle alla se réfugier dans sa chambre.

Affaissée dans les coussins de son fauteuil et dans les plis de sa robe soyeuse qui ondulait en plis gracieux autour de son corps charmant, elle donnait l’idée d’une fauvette qui revient, brisée par la tempête qu’elle vient d’essuyer, se réfugier toute palpitante dans son nid de soyeux duvets.

Ainsi plongée dans ses rêveries, Hélène revoyait la lettre anonyme, et ces mots lui revinrent à l’esprit: — Quand votre visage si gracieux se tourne vers moi. — Quand vos grands yeux si doux rencontrent les miens.

Elle n’avait pas encore fait attention que son mari possédait tous ces avantages. Toutefois, en se reportant aux premiers jours de son mariage, elle revoyait encore les beaux yeux de Paul s’arrêter doucement sur elle. Elle maudissait celle qui lui avait ravi son cœur; car, bien qu’il fût toujours affable, il n’avait plus néanmoins la même tendresse.

Cependant, Hélène sortit de son abattement; elle se leva, rajusta sa toilette, lissa ses beaux cheveux, comme, après l’orage, l’oiseau lisse son plumage. Et, se regardant dans sa glace, elle se dit que tout n’était peut-être pas perdu, et qu’elle pourrait bien, si elle voulait, reconquérir l’amour de son mari.

N’était-elle pas plus jolie, avec ses beaux cheveux ondoyants, ses grands yeux limpides et son teint blanc et rosé, que cette blondine de Virginie avec son minois chiffonné ?

Après quelques jours d’absence, monsieur Darnilly revint. Hélène en sa présence se sentit troublée. Il est vrai que le souvenir du petit larcin commis à la boite pouvait bien être pour quelque chose dans son trouble, mais il s’y mêlait aussi un autre sentiment.

Elle regarda Paul, et fit une réflexion qui fut tout à son avantage; elle se dit que l’auteur anonyme n’avait point exagéré.

Enfin, son caractère changea, elle devint plus sérieuse; elle poussait de gros soupirs et s’arrêtait parfois, rêveuse. Son cœur s’ouvrait à la tendresse comme une fleur aux rayons du soleil.

Elle prenait aussi chaque jour plus-de soin de sa personne, et se faisait toute gracieuse pour plaire à son mari.

Puis, sous le prétexte de regarder avec lui, soit une gravure, soit une fleur, elle inclinait doucement vers lui sa tête charmante avec toute sorte de coquetteries et de câlineries féminines.

Mais c’est en vain que ses yeux noyés de langueur cherchaient ceux de Paul, c’est en vainque son sein bondissait à son approche, il semblait n’y pas faire attention.

L’homme, par sa force, est supérieur à la femme. Elle, l’être faible, sent qu’elle a besoin de lui.

Aimante, il lui semble qu’il a été placé là pour l’aimer, la protéger et la défendre. Elle l’aimera s’il reste au-dessus d’elle par sa sagesse, par son dévouement, s’il est pour elle un mentor aimable.

Mais, s’il devient injuste, despote brutal, le prestige tombe, il ne sera plus homme que de nom. Ainsi déparé de tous ses avantages, il sera comme le paon qui aurait perdu son plumage.

Quant à notre héros, il conserva toujours ses avantages; le paon de notre fable ne perdit rien de son joli plumage.

Hélène se faisait donc toute gracieuse à l’égard de son mari, mais celui-ci, nous le savons, semblait n’en tenir aucun compte. S’il la regardait, c’était de la même manière qu’il eût regardé son guéridon ou sa pendule.

Comme on le voit, les rôles étaient changés: M. Darnilly jouait à son tour le rôle d’Adam, et il était plus froid que notre premier père; car si Eve, dans le jardin du paradis terrestre, eût eu affaire à un Adam semblable, jamais il n’aurait voulu goûter le fruit; cette pauvre Eve, c’est en vain qu’elle lui en aurait vanté le goût et le parfum! Et où serions-nous, bon Dieu!

— Mon mari ne m’aime plus, se disait Hélène, et il est probable qu’il ne m’aimera jamais. Pourvu, mon Dieu! qu’il n’en aime pas une autre!

Ainsi, retirée dans sa chambre, où elle n’avait encore connu ni peines ni douleurs, où sa vie s’écoulait si paisible, la jeune femme se faisait maintes réflexions.

Elle se reportait au jour où elle avait eu le funeste désir de connaître le secret du coffret, elle maudissait sa curiosité, car, sans elle, elle serait encore calme et heureuse!

Bien que cette petite clef ne fût pas celle de Barbe-bleue, la curieuse qui s’en était emparée s’en trouvait néanmoins punie.

Elle avait bien besoin de l’ouvrir, cette boîte! C’était pour elle celle de Pandore, car, depuis qu’elle l’avait ouverte, elle ressentait des tourments qu’elle n’avait jamais connus jusqu’alors.

Une mariée de seize ans

Подняться наверх