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APRÈS TROIS MOIS DE MARIAGE

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C’était en 1850, par une belle matinée d’avril, dans une chambre coquettement meublée, située au premier étage d’une maison de belle apparence. Le soleil, en pénétrant par les ouvertures des rideaux, venait se jouer sur le tapis qui recouvrait le plancher et caresser de ses doux rayons une jeune femme à demi couchée sur une causeuse.

Mais la jeune femme paraissait peu sensible à cette gracieuse faveur que le soleil lui accordait.

Le coude enfoncé dans les coussins de la causeuse, la tète inclinée sur sa main, elle était triste et rêveuse.

De l’autre main, qui retombait mollement sur ses genoux, s’échappait une lettre encore ouverte. Ses cils humides témoignaient de quelques larmes qu’elle venait de verser.

Un léger coup frappé à la porte la tira de sa méditation, et quand cette porte s’ouvrit, et que son mari entra, elle fit un mouvement comme pour soustraire à ses regards la lettre qu’elle tenait.

— Qu’avez-vous donc, Hélène? lui demanda celui-ci. Comme vous paraissez soucieuse! Est-ce cette lettre que vous lisez qui vous attriste ainsi, et y aurait-il de l’indiscrétion à vous demander de qui elle est?

— Aucune, mon ami, répondit Hélène, avec un léger trouble dans la voix. Cette lettre est de Virginie Valmont, et elle ne contient rien qui puisse m’attrister.

Et, s’efforçant de sourire, elle tendit la main à son mari.

— Si madame Valmont n’a rien de fâcheux à vous apprendre, dit M. Darnilly, il serait en effet bien extraordinaire qu’elle vous attristât, elle si gaie habituellement.

— Aussi m’empressai-je de vous dire qu’il n’en est rien.

— Mais, que vous dit-elle aujourd’hui cette petite folle de madame Valmont? Me permettez-vous de lire? fit-il, en avançant la main comme pour prendre la lettre.

Mais madame Darnilly l’esquiva, et, comme si elle n’avait pas entendu, elle se leva, marcha vers la fenêtre, et souleva un coin du rideau.

— Comme il fait beau temps! Paul, dit-elle, si nous faisions une promenade en bateau.

M. Darnilly feignit à son tour de ne pas entendre.

— Est-ce que vous refusez de me montrer cette lettre? insista-t-il. C’est donc quelque chose que je ne puis connaître?

— Nullement, mon ami, répondit-elle en la lui présentant. Je ne prévoyais pas que vous teniez autant à la voir. Et certes, si vous n’aviez pas plus de secrets pour moi que je n’en ai pour vous...

Elle n’ajouta rien de plus, mais elle prononça ces mots avec une expression qui disait assez qu’elle doutait du cœur de son mari.

— Vous savez bien, ma chère amie, que je n’ai rien de caché pour vous, répondit celui-ci d’un ton léger.

— Comme il ment! murmura la jeune femme.

Paul Darnilly lut la lettre, et si le lecteur veut bien la lire avec lui, il verra qu’elle était en effet peu faite pour attrister.

Disons auparavant que madame Valmont, quoique plus âgée de quelques années, était une amie intime d’Hélène, et qu’elle demeurait aux environs du lieu où se passait cette scène.

«Ce n’est qu’avant hier que j’ai reçu ta bonne et affectueuse lettre, ma chère Hélène; j’étais à la campagne quand on l’a reçue, et je n’avais point donné l’ordre chez moi en partant de m’envoyer ma correspondance.

Tu te plains que tu t’ennuies, après trois mois de mariage, est-ce possible?

Je sais, du reste, que tn tenais beaucoup à rester demoiselle, et que c’est poussée par ta tante que tu t’es décidée à te marier.

Mais tu as, je crois, un bon et charmant mari, et tu aurais peut-être tort de te plaindre.

Cependant, je ne puis trop te gronder en cette circonstance. J’aime la liberté au moins autant que toi-même; toutefois, je te conseille... au surplus, je ne te conseille rien, je prends pour principe le proverbe qui dit qu’il ne faut jamais mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce; c’est pourquoi je vais te parler d’autre chose.

C’est qu’en vérité ton ennui ne pouvait venir plus à propos: j’ai précisément plusieurs anecdotes à te raconter, mais des anecdotes comme tu les aimes.

Je commencerai par les époux Mignonnet, qui font quelque bruit dans notre petite ville; ce sont en effet deux types assez originaux.

Madame Mignonnet est une femme de trente à trente-cinq ans, grande, sèche et l’air revêche. Comme bien des personnes maigres, elle a des creux au milieu des joues qui lui donnent l’air d’un revenant.

Cependant, madame Mignonnet prétend qu’elle était autrefois d’une très-grande beauté ; c’est peut-être pour qu’on lui dise qu’elle est toujours, la même; parce que, si l’on veut se faire aimer d’elle, il faut toujours lui faire des compliments.

Madame Mignonnet a un autre grand défaut, c’est celui de vouloir imiter les autres.

Une mariée de seize ans

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