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Partie II – Dimension esthétique

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« Aimez, donc la raison : que toujours vos écrits/ Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix1. » À la lumière de ces vers issus de l’Art poétique, Nicolas Boileau, NicolasBoileau semblerait un fervent défenseur de la raison et, par conséquent, un apôtre des Modernes. Or, ces deux vers sont sortis de leur contexte initial et Boileau, NicolasBoileau est également le traducteur du Traité du sublime du pseudo-LonginLongin dont il défend les idées. Sans entrer dans les détails de cette opposition qui sépare le sublime de la raison, nous pouvons constater qu’elle pourvoit les débats autour de la critique du goût d’un cadre théorique. Aujourd’hui, les chercheurs estiment que la doctrine classique se trouve au milieu, c’est-à-dire entre ces deux extrêmes. Elle constitue donc un compromis dont Annie Becq souligne « le caractère composite des éventuelles références philosophiques2 ». Face au même problème, Alain Génetiot parle d’« un juste tempérament » caractéristique de la littérature du XVIIe siècle français : « Mais la poétique classique ne se contente pas de faire coexister des styles contraires, elle les fond dans le creuset du style moyen qui conduit à la synthèse classique3. »

Dans la dernière partie du siècle, cette coexistence riche de tensions est mise à rude épreuve : la Querelle des Anciens et des Modernes fait éclater ce compromis et Marc Fumaroli constate : « Les Modernes, tel l’abbé Terrasson, JeanTerrasson, rationalisent la poétique ; les Anciens au contraire approfondissent leur réflexion sur le ‘goût’, et sur les facettes de l’expérience poétique du vrai, du beau et du sublime4. » Désormais, les Modernes cherchent à appliquer « la méthode géométrique au domaine du goût5 » et les Anciens doivent réagir à cette provocation, c’est-à-dire démontrer que l’extension du royaume de la raison à celui des belles-lettres n’est qu’une hybris. C’est le conflit de base qui structure la Querelle d’Homère6 dont une des questions les plus importantes est celle de savoir ce qui constitue la nature de la belle littérature.

Néanmoins, ni les Anciens, ni les Modernes n’abordent cette problématique d’une façon purement abstraite ou théorique, mais la querelle éclate de nouveau à la suite de deux traductions très différentes de l’Iliade d’Homère : celles d’Anne Dacier et d’Houdar de La Motte. Ainsi, les débats tournent autour de deux textes concrets et notre grande question peut engendrer plusieurs petites. Premièrement, il faut s’interroger sur les deux traductions de l’Iliade et l’accueil qui leur est accordé. Cela signifie que nous étudierons les réactions des deux partis à l’Iliade homérique, que la plupart des participants à la querelle ne connaissent que grâce à la traduction d’Anne Dacier7 et qu’ils n’en distinguent guère, ainsi qu’à l’Iliade en douze chants d’Houdar de La Motte. Deuxièmement, nous étudierons les différentes conceptions de la critique du goût en général et de ce qui est un bon homme de lettres en particulier. De nouveau, nous nous intéresserons aux convictions des Anciens et des Modernes afin de trouver une éventuelle dualité des voix. Et pour bien conclure cette étude, nous analyserons quelques exemples des nouvelles galantes ainsi que les genres qui appartiennent à l’« empire de la galanterie8 », c’est-à-dire les conversations, les lettres et les petites pièces de poésie mondaines9.

Le but de cette analyse des textes sera de découvrir dans quelle mesure le Nouveau Mercure galant contribue à divulguer des idéaux ou des genres littéraires. Cette étude nous permettra également de préciser la nature de la réception de la Querelle d’Homère dans le périodique. Ainsi, le deuxième chapitre de cette partie illustre de quelle façon la Querelle d’Homère, en tant que deuxième partie de la Querelle des Anciens et des Modernes s’inscrit pleinement dans la tradition des débats sur la conception du beau qui ont eu lieu au XVIIe siècle10 et qui aboutissent à la philosophie des Lumières et à la définition de l’esthétique par des philosophes, tels que Edmund Burke, EdmundBurke, Denis Diderot, DenisDiderot, Alexander Baumgarten, AlexanderBaumgarten ou encore Emmanuel Kant, EmmanuelKant par la suite. Ce changement de perspectives complétera par conséquent la vue d’ensemble de la réception de la Querelle d’Homère au sens large tout en prenant en compte les œuvres des théoriciens de l’art, comme Roger de Piles, Roger dePiles, ce qui soulignera d’autant plus la fertilité de la Querelle d’Homère et ce qui justifiera encore l’approche particulière de cette analyse qui veut mettre en avant le caractère multidisciplinaire des querelles.

Au total, ce plan reflète plus que celui de notre première partie la dualité des Anciens et des Modernes. Pourtant, nous savons que celle-ci ne forme pas une frontière absolue, mais un continuum. Par conséquent, nous ne nous laisserons pas enfermer dans une opposition simpliste, mais continuerons à chercher les tons gris, c’est-à-dire les voix divergentes, neutres ou de compromis, ce qui nous permettra de montrer que les deux partis ne constituent pas de blocs monolithiques. En outre, tout en voulant étudier le plus de contributions possible, nous devrons faire des choix difficiles, mais cohérents. Ainsi, dans la première étape de notre analyse qui sera consacrée à la Querelle d’Homère dans un sens plutôt étroit du terme, nous mettrons l’accent sur les textes de querelle de premier ordre. Puis, nous élargirons nos questions de recherche et, parallèlement, nous agrandirons également notre base textuelle pour prendre en compte tous les Mercures d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay de 1714 à 1716.

La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières

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