Читать книгу Les sportsmen pendant la guerre - Édouard Cavailhon - Страница 3
PRÉFACE
ОглавлениеL’auteur m’ayant prié, par un excès de modestie coutre lequel mon amitié n’a su se défendre, de présenter au public ce livre qui n’en avait pas besoin pour lui plaire, je vais peut-être tromper son attente en parlant moins de son ouvrage que de lui-même.
Analyser, à l’avance, ces pages originales et pleines d’une communicative chaleur,–à quoi bon? Ne serait-ce pas en déflorer l’impression immédiate et vivante?
En faire ressortir les qualités sympathiques, cordiales,–à quoi bon encore? Ne sauteront-elles pas aux yeux de tous?
Combien j’aime mieux vous parler de celui qui les a écrites et qui sait être une personnalité par ce temps d’effacement général, où bien peu d’entre nous parviennent à distraire leur originalité du moule commun. M. Édouard Cavailhon est certainement un de ces rares élus dont on dit: il est quelqu’un,–ce qui veut dire aussi: il n’est pas tout le monde! Il suffit d’ouvrir ce livre pour s’en convaincre. Il est aussi éloigné, par les aspirations et par la forme, des banalités voulues du naturalisme-contemporain que des ambiguïtés psychologiques du spiritualisme à outrance. Il est pensé et écrit avec une indépendance absolue et, toutes proportions gardées, on en pourrait dire ce que notre vieux Montaigne disait du sien: Ceci est un livre de bonne foy!
La bonne foi!–mieux que cela: la foi! Voilà ce qui vibre sans cesse dans ce volume, et ce qui lui donne une saveur toute particulière. La foi en tout ce qui est noble, la foi en tout ce qui est grand, la foi en tout ce qui est digne d’être aimé et admiré. C’est là qu’est le secret de cette sincérité d’émotion, dont personne ne se défendra en le lisant; Oui, la foi, voilà ce qui caractérise ces pages, et la foi dans ce qu’il y a de plus saint au monde pour les hommes de cœur: la foi dans les destinées de la Patrie!
C’est que M. Edouard Cavailhon est, avant tout, un poète.
Je ne vous l’aurais pas fait connaître, si j’avais passé sous silence les deux recueils qu’il publia chez Dentu, il y a deux ans, et où il s’est peint tout entier: Impressions du moment et Chants d’artiste et chants d’amour. C’est là que moi-même j’ai appris à apprécier ce talent mâle, cette nature virile, tels que ce siècle épuisé ne nous en présente plus guère. Voyez plutôt le programme qu’il s’est fait à lui-même dans le premier de ses livres. Voilà comme il comprend le rôle du poète en ce temps-ci:
Lorsqu’elle râle ou meurt qu’il chante la patrie!
Ses vers relèveront l’abaissement des cœurs.
Bien que de notre temps la guerre semble impie,
Elle règne: il est bon d’exalter les vainqueurs.
Puisque Victor Hugo le grand, l’immortel maître,
A chanté Bonaparte, encensé les Bourbons
Et qu’il donne aujourd’hui, toujours reflet peut-êtr
Son souffle populaire à d’autres horizons,
Il faut que dans la voie, où je veux apparaître,
Je change mes accents suivant l’heure ou le lieu.
S’il est persécuté, je défendrai le prêtre;
S’il est persécuteur, je maudirai son Dieu.
Mais, dans cette âme aux tendresses multiples, la vigueur n’exclut pas la grâce, et le chanteur aime le son léger de la flûte à l’égal du mugissement profond des trompettes d’airain. Ecoutez plutôt ces jolis vers d’amour:
Qu’êtes-vous devenus, mes rêves d’espérance?
Je fus heureux un soir, était-ce donc assez?
Et faudra-t-il compter comme un jour de démence
Ces doux aveux, songes passés?
Il ne t’en souvient plus, mais, comme une caresse,
Cette image revient à mon cœur éperdu,
J’osai presser ta lèvre en un moment d’ivresse!
Ce baiser, tu me l’as rendu.
Qu’on me pardonne de parler aussi longuement du poète à propos d’un volume de prose. Mais vous le retrouverez tout entier dans le livre avec ses fougueux élans vers l’infini, avec son amour du juste et du beau, ces deux pôles de la vie humaine pour qui sait en comprendre les joies saintes et les austères devoirs.
Il est un autre point de vue sous lequel il faut que je vous révèle mon ami Edouard Cavailhon, sous peine de ne vous l’avoir fait connaître qu’à demi. Ce spiritualiste renforcé n’a pas pour les choses du corps le mépris qu’affectent, seuls, les imbéciles. « Guenille si l’on veut…» Non! vous ne lui ferez jamais admettre que la forme plastique puisse être traitée de guenille. Par son goût pour les nobles exercices où s’affirme la vigueur humaine, où la splendeur musculaire du plus beau des animaux se développe, où s’entretient la beauté des races, il appartient, tout entier, à la tradition antique. Aux ascètes émaciés qui décorent les portiques de nos cathédrales il préfère les modèles glorieux de la statuaire grecque et, tout en rendant justice aux curiosités intellectuelles de l’art gothique, il leur préfère les beaux chevaux du Parthénon aux crinières droites et aux croupes puissantes. Car–un autre secret de cette nature aux ambitions si diverses–le cheval tient une grande place dans les préoccupations de cet écrivain passionné doublé d’unsportsman fougueux.
Poète et sportsman.
Je ne sais pas si ces deux mots ont été accouplés souvent, mais les voici unis dans une renommée naissante et qui grandira. C’est dans cette union inattendue, dans cette parenté bizarre qu’est le secret de l’originalité vraie des pages que vous êtes déjà, j’en suis convaincu, impatient de lire. Il ne me reste plus qu’à m’excuser, auprès du lecteur, d’avoir retardé de quelques instants son plaisir. Mais c’en était un pour moi, je ne le cache pas, de signaler, le premier, à l’attention une œuvre de mérite en même temps qu’un auteur qui m’est deux fois sympathique, comme homme et comme écrivain.
ARMAND SILVESTRE.
P.S.–L’auteur me charge d’acquitter pour lui une dette de reconnaissance et c’est de grand cœur que je le fais.
Ce livre doit le jour à l’initiative et au coup d’œil hardi de M. Emmanuel Balensi, l’un des jeunes et grands sportsmen parisiens. C’est lui qui a su distinguer son auteur encore inconnu, qui lui a confié la rédaction du Derby, pour en faire un journal de sport militant; c’est lui qui lui a donné la faculté de publier en feuilleton cette œuvre où s’affirme le patriotisme le plus ardent, et de la faire paraître ensuite en volume.
Un tel patronage était déjà de bon augure pour le succès.