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PRÉFACE

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Table des matières

Il est devenu de mode, depuis quelque temps, en certains milieux, parmi les dilettanti de l’histoire et des lettres, de parler de l’esprit et de l’œuvre de la Révolution française, sur le ton d’une critique acerbe ou même d’un persifflage dédaigneux. Des journalistes, des professeurs, des hommes d’église ou de magistrature, — de bons bourgeois dont les arrière grand’pères étaient peut-être manants ou serfs de l’abbaye de Saint-Claude et qui doivent à la Révolution tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils savent, — trouvent souverainement élégant de dénigrer les hommes et les actes de la grande crise libératrice de laquelle ils tiennent leur émancipation, leurs droits, leur dignité d’hommes et de citoyens. Par réaction peut-être contre une certaine adulation un peu épaisse, qui embrassait dans une même admiration, dans une même idolâtrie, tous les faits, bons ou mauvais, justifiables ou non, tout le «bloc» de la Révolution, ou par désir de rendre hommage à un passé qui ne fut assurément dénué ni de grandeur ni de bonté, des hommes de haut esprit et de haute culture intellectuelle, (Taine, au premier rang), ont tenté de justifier, par les services qu’elles pouvaient rendre encore en certains milieux, les institutions les plus surannées de l’ancien régime et jusqu’aux privilèges les plus choquants de la féodalité . En retour, ils se montrent des plus durement sévères, dans leurs critiques, soit contre les mouvements de désordre et d’anarchie qui caractérisèrent certaines phases de la Révolution, soit contre la rudesse des Conventionnels dont beaucoup, âmes éprises de justice et naturellement «sensibles», pour employer le mot du temps, ne furent amenés à user de rigueur et de violence que par leur zèle à réprimer cette anarchie et à défendre, contre toutes les tentatives d’avortement, la gestation de l’œuvre révolutionnaire, l’unité et l’indivisibilité de la République démocratique .

Nous ne nous piquons pas d’être de cette école et nous laissons à ces beaux esprits les grands airs de l’ingratitude. Fils reconnaissant de cette grande Révolution qui a jeté bas l’édifice vermoulu de l’ancien régime de tyrannie, d’arbitraire, de castes, de privilèges, de misères et de dénuement pour les masses populaires, et édifié à sa place, sur un plan plus large et rationnel, les premières constructions de la cité de justice, de liberté, d’égalité de droits et de chances pour tous les enfants du même peuple, on nous verra, dans tout ce travail, qui a pour but de suivre les phases du mouvement politique et social dans notre province natale, depuis l’aurore de 1789 jusqu’à nos jours, suivre avec une intense sympathie tous les ouvriers du grand œuvre, tous les combattants du bon combat.

Sans refuser justice à leurs adversaires, aux tenants du passé et de la réaction, qui le furent eux-mêmes souvent par reconnaissance, par fidélité à la tradition, par souci de l’ordre ou par crainte de la secousse des nouveautés, nous ne dissimulerons pas nos préférences pour tous ceux de nos concitoyens de la région Santonique ou Charentaise qui soutinrent dès l’abord la cause de la liberté contre l’arbitraire, la cause du peuple et des petits contre celle du roi et des grands. Il nous sera pénible d’avoir à noter parfois, après de bons départs, leurs faiblesses et leurs défaillances; mais ce nous sera une joie et un réconfort d’avoir plus souvent à louer la fermeté, dans la trame de la vie, de personnalités et de caractères qui, même s’ils n’ont pas tenu le tout premier plan sur la scène de l’histoire de France, ont fait assez bonne figure au second ou au troisième pour donner à l’ordonnancement de ce grand drame toute sa valeur et tout son relief harmonique.

Oui, gloire aux grands acteurs de cette tragédie immortelle qui se sont appelés: Mirabeau, Barnave, Desmoulins, Danton, Robespierre, Carnot, La Réveillère, Hoche, Bonaparte (avant Brumaire); — mais louange aussi à nos compatriotes qui les aidèrent dans leur tâche difficile, en réveillant aux accents de liberté et d’égalité les échos des collines qui bordent le bassin de la Charente et de ses affluents; louange aussi aux braves qui se levèrent à l’appel de la «Patrie en danger» et qui s’engagèrent pour aller la défendre, sur les champs de bataille de l’Europe!

Après eux la louange méritée, avec la part de critique convenable au cours de leur œuvre, à tous ceux qui, sous le régime de la Restauration, sous le gouvernement de Louis-Philippe, au temps de la seconde République et du second Empire, et enfin pendant les années écoulées de notre troisième République, ont travaillé et lutté pour maintenir à la France son rang, sa grandeur et son bon renom dans le monde, et pour faire de la démocratie une vérité, c’est-à-dire pour faire du peuple — insuffisamment émancipé encore du mensonge et de l’erreur, mais pourtant de plus en plus éclairé et plus instruit, de jour en jour plus apte à discerner ses vrais intérêts et à bien choisir ses représentants, — l’arbitre et le maître de ses destinées.

Je ne saurais mieux terminer cette courte préface qu’en reproduisant en partie celle d’un livre auquel j’aurai plus d’une occasion de faire des emprunts: Eudes Historiques et Administratives, par L. Babaud-Laribière, ancien représentant du peuple (pour le département de la Charente).

Dans cet ouvrage, publié en 1863, sous le régime du second Empire, et que ce ferme républicain, dernier «grand-maître» de la Franc-Maçonnerie du rite français, dédiait à son ami Hippolyte Carnot, l’ancien ministre de l’Instruction publique sous la seconde République, le fils de «l’organisateur de la victoire» sous la première République et le père du président de la troisième, Babaud-Laribière écrivait:

«Ai-je besoin d’expliquer comment il se rencontre dans ce livre beaucoup de pages remplies de plus d’émotions que n’en comporte peut-être le calme ordinaire de l’histoire?... Partisan dévoué de la Révolution, ami obstiné de la liberté, il m’a été impossible, je le confesse, de remonter le cours des années écoulées, sans sentir renaître en moi le vieil homme, sans m’enthousiasmer ou m’attrister tour à tour, selon que les grands principes de 1789 étaient triomphants ou menacés. Je me suis efforcé de juger avec la plus grande impartialité les hommes dont j’écrivais l’histoire; mais j’aurais honte, et le lecteur m’en saurait mauvais gré, d’avoir trahi la vérité dans le récit des faits ou l’appréciation des actes.

«. Heureux souvenirs que ceux évoqués dans ce livre! J’ai voulu dépeindre les efforts de nos pères en faveur d’une cause sacrée; j’ai vu la Liberté naissante en 1789 traverser d’abord de grands orages, voiler plus tard sa face en présence d’un glorieux conquérant, reparaître en 1815, combattre et succomber encore, renaître en 1830 pour de nouvelles luttes, et par ces batailles gagnées et perdues, par ces résurrections imprévues, prouver cent fois qu’elle est immortelle. Oui, c’est la grande et sainte déesse qui se penchait sur mon livre à mesure que j’écrivais, pour me montrer, dans le fait Le plus obscur, dans la question la plus ardue, dans l’école primaire qui se fonde, dans le chemin vicinal qui s’ouvre, dans les lois civiles ou pénales, dans la littérature, dans le mouvement général des esprits, les conquêtes, incessantes de la Révolution: Que ne puis-je raconter ces heures délicieuses où l’âme s’ouvre à la vérité, où l’étude devient la suprême jouissance, où l’horizon s’agrandit, où l’on se sent devenir meilleur!...»

Puissé-je, à l’exemple de l’ancien représentant charentais Babaud-Laribière, contribuer, par cette histoire, à rattacher le souvenir, la reconnaissance et l’action des fils aux meilleures inspirations et aux plus nobles luttes de leurs pères, à répandre dans notre région charentaise le culte de la Liberté, de la République et de la Démocratie et à accroître encore par des recrues nouvelles le nombre déjà si imposant des milices fidèles à ces causes immortelles !

EUG. RÉVEILLAUD.

Mon histoire étant écrite, ainsi que le titre l’indique, au point de vue politique et parlementaire, le lecteur ne devra pas s’étonner de n’y pas trouver relatés bien des faits intéressants de la vie locale de nos départements, que j’aurais été heureux de relever si j’avais pu les faire tenir dans le cadre de ces deux volumes.

J’ai consigné, dans les notes mises au bas des pages et dans les Appendices qui suivent, les éclaircissements, pièces justificatives ou détails trop étendus pour entrer dans le corps de l’ouvrage sans en altérer les proportions. Les dimensions du plan que j’ai adopté ne comportent pas non plus le renvoi continuel aux sources, mais j’ai indiqué celles-ci pour les faits douteux ou inédits, ainsi que pour ceux qui ont appelé plus particulièrement l’attention ou la controverse.

J’ai beaucoup emprunté, pour la première partie de cet ouvrage, au tome VI de l’Histoire de la Saintonge et de l’Aunis, de Daniel Massiou, à l’Histoire de la Charente-Inférieure, de Délayant, ainsi qu’à des notes manuscrites que M. L. de Richemond, l’ancien et vénéré archiviste de la Charente-Inférieure, a bien voulu me communiquer.

J’ai naturellement puisé aussi sans compter dans la collection de la Revue de Saintonge et d’Aunis, bulletin de la Société des Archives historiques, fondée par le regretté L. Audiat et continuée par M. Ch. Dangibeaud.

St-Jean-d’Angély, (rue d’Aguesseau), 1er octobre 1906.

Histoire politique et parlementaire des départements de la Charente et de la Charente-Inférieure

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