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II.

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LE PETIT BRACELET ROUGE.

Isabelle, demeurée seule dans le préau avec le nécromancien, allait lui demander compte de l’audace qu’il montrait à la retenir ainsi, lorsqu’elle le vit sortir de la manche de sa longue robe un petit bracelet de velours rouge, brodé d’or et semé de pierres précieuses, auquel pendait une relique représentant l’image de la sainte Vierge.

«Avant de vous quitter, madame, permettez-moi de vous offrir un talisman contre les maux que le destin vous prépare. Prenez ce bijou et cachez-le à tous les yeux, madame, dit-il en le lui présentant. Ce bracelet rouge a touché de saints tombeaux, il a été consacré par le sang d’un martyr. Le pieux ermite qui me l’a donné m’a dit qu’il garantirait de malencontres celui qui le porterait.

— Alors pourquoi vous en privez-vous, messire? lui dit naïvement la jeune fille; vous devez en avoir plus besoin que moi; que moi, fille de reine et destinée à être reine un jour.

— Hélas! pauvre enfant, les périls de la royauté dépassent souvent les misères d’une vie obscure et pauvre. Gardez ce talisman, madame; qu’il vous rappelle le nécromancien, qui peut-être viendra le réclamer un jour.»

Comme obéissant toujours à une puissance surnaturelle, qui n’était autre toutefois que celle du prestige attaché à la présence de ces mystérieux personnages, Isabelle prit le bracelet et l’attacha à son poignet. Mais, quand elle releva les yeux pour remercier le nécromancien, il avait disparu. La naïve princesse crut à un prodige. Elle serra avec effroi contre son sein le petit bracelet rouge donné par cet être extraordinaire, et, cherchant un appui contre sa frayeur, elle aperçut à la porte madame de Courcy, qui lui faisait signe de venir la rejoindre.

«Accourez vite, madame, lui dit-elle, c’est monseigneur le roi venu de son château du Louvre pour voir madame la reine. Il est accompagné d’une suite nombreuse; il a avec lui les ambassadeurs anglais. Venez vite, on vous demande.

— Et quel besoin a-t-on de moi?» demanda Isabelle, à qui le nom d’Anglais fit battre le cœur.

Sans lui répondre, madame de Courcy l’entraîna.

Bien malgré moi, mes jeunes lecteurs, et bien à contre-cœur, je vous assure, je suis obligée de vous parler un peu histoire. Toutefois rassurez-vous, ce ne sera pas long.

Le roi d’Angleterre venait de perdre sa femme Anne de Bohême, et, désirant faire la paix avec le roi de France, il résolut de demander en mariage madame Isabelle, fille aînée de Charles VI. Or on vit arriver à Paris, au mois de juillet 1395, pour proposer ce mariage, une brillante ambassade composée de plus de cinq cents personnes, et ayant à leur tête l’archevêque de Dublin, le comte de Rutland, amiral, et le comte de Northampton, maréchal d’Angleterre. Le roi les reçut avec une grande magnificence, les défraya, leur donnant deux cents écus par jour pour leur dépense, et les recevant souvent à sa table, ce que les princes imitaient, en les admettant aussi à la leur. Cependant le roi ne décidait rien; il lui peinait d’accorder sa fille à un prince qui était encore son ennemi. Mais le chancelier de France, messire Arnaud de Corbie, homme sage, habile et prévoyant s’il en fut, dit, selon les chroniques du temps, au roi et à ses oncles, les ducs de Bourgogne, de Berri, d’Anjou et de Bourbon:

«Messeigneurs, il faut entrer dans la maison par la

«bonne porte. Or ce roi Richard témoigne bien, en demandant

«à s’allier à nous par mariage, qu’il porte un

«véritable amour au royaume de France et à nous. Son

«oncle, messire Thomas de Glocester, est entièrement

«contraire à sa volonté. Rien ne peut briser sa résistance

«à la paix, et vous avez vu que les pourparlers d’Amiens

«et de Lélinghen n’ont amené qu’une trêve seulement.

«Mais, lorsque le roi d’Angleterre sera ainsi lié, il aura

«beaucoup plus de force contre le duc de Glocester. Recevons

«donc bien ses demandes et ses propositions, faisons

«tant que ses ambassadeurs s’en aillent contents de

«nous.»

Les oncles du roi se mirent de l’avis de messire Arnaud de Corbie, surtout le duc de Bourgogne, à cause de son comté de Flandre, à qui la guerre pouvait causer de grands dommages. Alors on permit aux ambassadeurs d’être présentés à la reine et à ses enfants, qui habitaient l’hôtel Saint-Pol.

C’était pour assister à cette présentation que madame de Courcy était venue chercher Isabelle. Celle-ci se plaça aussi près qu’elle put du siège de la reine, et, tout en serrant par-dessus la manche de sa robe le petit bracelet de velours rouge qui froissait légèrement son bras, elle réussit à prendre assez de calme pour assister dignement aux événements qui allaient se passer.

D’abord les ambassadeurs offrirent leur respect à la reine, puis ils s’avancèrent vers madame Isabelle. Le comte de Northampton, mettant un genou en terre, lui dit:

«Madame, s’il plaît à Dieu, vous serez notre dame et notre reine.

— Messire, répondit la jeune fille sans s’étonner, car elle voyait la prédiction du nécromancien s’accomplir, s’il plaît à Dieu et à monseigneur mon père que je sois reine d’Angleterre, je le serai volontiers, car il m’a été dit que je serais une grande dame.»

Puis, offrant sa gentille petite main à ce grand et roide seigneur, elle le fit lever et le conduisit gracieusement vers la reine.

«Madame ma mère, lui dit-elle, avez-vous ouï la belle proposition de ces messieurs, et y donnez-vous votre consentement?

— Certes oui, répondit Isabeau, dont la figure un peu durement belle s’adoucissait toujours à l’aspect de sa fille, et vous voilà une grande dame, ma fille, et l’égale de votre mère.

— Égale peut-être de rang, répondit Isabelle en portant la main de sa mère à sa bouche, mais toujours sujette par le cœur.

— Ce sera une noble et excellente dame, se dirent les ambassadeurs entre eux.

— Oh! je suis bien contente, ma chère Éléonore, dit la princesse se penchant à l’oreille de madame de Courcy, je vais être reine d’Angleterre.»

Et, comme ses yeux parcouraient ravis le cercle des ambassadeurs anglais, tout à coup ils s’arrêtèrent fixes et presque avec effroi sur l’un de ces seigneurs.

Aucune marque distinctive ne révélait son rang, mais sa figure jeune et douce offrait quelques-uns des traits du nécromancien. Il possédait surtout son regard, ce regard imposant, calme et si pénétrant, que la princesse ne pouvait le voir se diriger sur elle sans se sentir toute troublée. Elle ferma les yeux comme pour se soustraire à cette puissance inconnue qui la faisait au même instant brûler et froidir; mais, quand elle les rouvrit, elle eut beau chercher ce chevalier, il n’était plus là.

Troublée par cette vision, la jeune princesse ne revint à elle que pour ainsi dire réveillée par la voix du roi son père, qui commandait, pour le lendemain, une chasse à laquelle il conviait tous les seigneurs anglais.

«Vous en serez, madame Isabelle, dit-il à sa fille avec gaieté, je nomme le noble comte de Northampton votre chevalier.»

A ces mots, la figure sérieuse et dure de l’ambassadeur anglais s’abaissa roidement devant la gracieuse princesse, et murmura quelques mots comme de remercîment. Puis, s’approchant du roi et de la reine, il prit congé de Leurs Majestés.

Alors le cortége des Anglais défila lentement devant la famille royale; mais en vain Isabelle chercha parmi tous ces jeunes et beaux seigneurs celui dont le regard la troublai si fort, elle ne l’aperçut pas. Le dernier avait disparu, qu’elle cherchait encore.

Petits princes et petites princesses : contes historiques dédiés à la jeunesse

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