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IV.

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LE FIANCÉ.

Se voyant découvert, l’étranger s’avança vers les trois jeunes filles; mais, avant qu’il eût pu les atteindre et leur faire agréer ses excuses sur son importune curiosité, pareilles à trois colombes que le moindre bruit effraye et fait fuir, elles avaient pris la volée à travers les jardins, et, s’enfonçant dans les allées touffues des sycomores et des platanes, elles disparurent bientôt aux yeux de l’étranger. Courant à perdre haleine, elles ne s’arrêtèrent qu’à la vue d’une grosse paysanne avec laquelle nous avons déjà fait connaissance, de Misé Millette, qui leur demanda, avec toute la familiarité d’une servante dévouée et fidèle (elle avait nourri de son lait l’une des trois Marguerite), où elles couraient ainsi effarées et craintives.

La brune Marguerite lui en dit le motif.

«Ainsi vous avez vu Louis IX! répondit Misé Millette.

— Comment, Louis IX! répétèrent les trois jeunes filles étonnées.

— Oui, Louis IX, le roi de France, le fils de Blanche de Castille, qui vient pour épouser ma nourrissonne, Marguerite de Provence, ma petite Blanchette, ajouta-t-elle en déposant un de ses gros baisers, nommés à bon droit baisers de nourrice, sur le front de Marguerite la Blanche.

— Eh quoi! Blanchette va devenir reine de France! s’écrièrent à la fois les deux autres Marguerite, mais sur un ton différent; — Marguerite la Brune avec le regret de quitter une amie, Marguerite la Blonde avec un accent prononcé de jalousie.

— Et comment sais-tu cela, nourrice? demanda la fille de Béranger IV.

— Est-ce que je ne sais pas tout? est-ce qu’on a des secrets pour moi au palais? Et si vous voulez être discrètes, mes petits anges, je vous dirai tout ce que je sais.

— Oh! Misé, je t’en prie! s’écrièrent à la fois deux des Marguerite, la Blonde et la Brune.

— Cousines, cousines, fit observer la fille du comte de Provence, nous venons à peine de communier et d’obtenir de Dieu la remise de nos péchés, que nous en commettons un nouveau, celui de la curiosité. Oh! c’est mal.

— Celui-ci, je le prends pour moi, petite sainte, répliqua la nourrice, qui brûlait d’envie de parler, car le roi Louis IX veut nous jouer un tour, et j’ai mis dans ma tête de Provençale que c’est lui qui aura le nez coupé, comme dit le proverbe. Sachez que ce beau sire veut y regarder à deux fois avant d’épouser ma nourrissonne; il veut l’épier, s’informer, réfléchir: ce n’est pas tant une princesse qu’il lui faut qu’une bonne femme, qu’une épouse sage et bien élevée. Or, à cette fin-là, il est arrivé ce matin incognito à Marseille; il s’est introduit dans le palais sous l’ingénieux prétexte d’offrir un faucon à la princesse; mais, avertie par mon fils aîné, qui était de garde ce matin, et qui a reconnu le sceau du roi de France dans le laisser-passer que lui a montré le faux fauconnier, je l’ai suivi à la piste, et je l’ai déjà découvert, lorsque ce matin il m’a demandé à la porte de la chapelle laquelle des trois Marguerite était Marguerite de Provence. Je ne lui ai pas positivement fait un mensonge, mais je lui ai laissé supposer que c’était mademoiselle de Bar.

— Moi! dit Marguerite la Blonde, rouge de plaisir. Et qu’a-t-il dit? m’a-t-il trouvée belle?

— Peut-on te trouver autrement? lui dit Marguerite de Provence avec une affectueuse conviction.

— Mais, au fait, qu’importe? répliqua mademoiselle de Bar d’un air d’ironie amère; ce soir, à la cour, lorsqu’il viendra, soit sous son nom, soit sous un nom supposé, il verra bien, à la couronne de comtesse que tu portes sur tes cheveux, que tu es la fille du comte de Provence, et son choix ne sera pas douteux... Car qu’importe que tu lui plaises ou que ce soit moi? une couronne de comtesse séduit toujours, et tu seras reine de France!

— Chère Blondette, dit Marguerite tristement, le titre de reine ne fait pas le bonheur; et si, avec sa couronne, Louis IX ne me donne pas son cœur, que m’importe la royauté ?

— Tu n’en sauras rien, dit sèchement mademoiselle de Bar.

— Pardonne-moi, surtout si tu veux m’aider, reprit Marguerite.

— Explique-toi, demanda mademoiselle de Bar.

— Louis IX, dit Marguerite, est ici incognito; il y vient chercher une épouse: nous sommes toutes les trois de bonne maison, de sang royal; l’alliance d’aucune de nous n’entacherait son écusson; qu’il choisisse donc. Ce soir, comme ce matin, que la même uniformité règne dans nos parures, ou, puisque, grâce à l’ingénieuse espièglerie de ma chère nourrice, il suppose que Blondette est la fille du comte Béranger, continuons son erreur: Blondette se parera ce soir de ma couronne de comtesse... Cela va-t-il?

— Cela va! dit vivement mademoiselle de Bar.

— Je dirai un mot à mon père, acheva Marguerite, afin qu’il ne dévoile pas nos projets. Cela lui sera facile: le roi de France étant ainsi incognito, il n’est pas obligé de lui parler.»

Tout en causant, les trois cousines s’étaient rapprochées du palais. Au moment d’y entrer et de se séparer, mademoiselle de Bar dit en hésitant à Marguerite de Provenc:

«Si... me croyant la fille de Béranger... Louis IX me trouvait belle... et demandait ma main...

— Ce serait toi qui serais reine de France,» lui répondit Marguerite en souriant agréablement et quittant ses cousines pour se rendre auprès de son père.

Petits princes et petites princesses : contes historiques dédiés à la jeunesse

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