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III.

Table des matières

L’ORIGINE DE MARSEILLE.

«C’est une charmante histoire, je vous l’assure, et très-naïve, dit Marguerite la Blanche. La France était autrefois la Gaule; elle fut envahie par plusieurs peuples, et, puisque Brunette veut que je ne parle que de la Provence, je me bornerai à ne lui nommer que les peuples qui vinrent s’établir ici, les Ligures.

«Ce golfe que la mer forme dans Marseille existait déjà de ce temps-là ; mais il n’y avait ni maisons ni chaumières: c’était une terre inculte et sauvage, qui dépendait d’un territoire situé à quelques lieues de là, et que j’ai bonne idée de supposer être la ville d’Aix; on l’appelait Ségobréges. Un roi régnait sur ce petit peuple; il s’appelait Nannus; et ce qui fait honneur aux mœurs de ce pays, et surtout à la sagesse et à la raison des jeunes filles de cette époque et de cette contrée, c’est que c’étaient elles qui se choisissaient un époux. Les parents bornaient leur autorité à rassembler au jour dit, dans un banquet, les jeunes hommes qu’ils supposaient pouvoir convenir à leur fille, et celle-ci formulait son choix en présentant à boire à l’un d’eux.

«Or, six cents ans avant Jésus-Christ, il y a, bien calculant, dix-huit cent trente-quatre ans de cela, un vaisseau phocéen aborda la côte alors inhabitée de la partie de la Provence où la mer creuse ce golfe. Protis, commandant ce vaisseau, descendit seul à terre, et s’avança à la découverte; il atteignit le territoire des Sallyes. Il n’avait pas fait quelques pas dans ce pays, qu’il vit une pauvre vieille que son âne venait de jeter à terre; il la releva, essaya de la placer sur sa bête; mais la vieille, ayant eu la jambe cassée dans sa chute, ne put s’y maintenir. Alors le jeune Phocéen la chargea sur ses épaules, et, la vieille ayant indiqué sa demeure, il l’y porta: c’était le palais du roi Nannus, chez lequel elle était presque comme un membre de la famille, puisqu’elle y avait nourri de son lait l’épouse du roi, la reine Mabb.

«Dans le trajet, cette femme lui apprit que, ce jour-là même, la jeune et belle Gyptis, fille du roi, devait se choisir un époux. A ce moment, et comme Protis, toujours chargé de son fardeau, approchait du palais du roi, il vit venir à lui une grande et belle jeune fille accompagnée de plusieurs servantes et serviteurs, qui, ayant vu de loin l’accident arrivé à la vieille nourrice, accouraient à son secours. Un échange de saluts eut lieu entre la fille du roi et le jeune Phocéen; puis, les serviteurs ayant débarrassé ce dernier de sa charge, il s’éloigna en rêvant à ce salut plein de grâce et à cet air à la fois majestueux, honnête et simple de la charmante Gyptis.

«Mais le roi, ayant appris que des étrangers avaient abordé dans son royaume, et mettant l’hospitalité au rang des vertus que doivent professer les rois et les grands, envoya inviter Protis et ses Grecs au repas des fiançailles de sa fille; ceux-ci vinrent. Au grand déplaisir de Protis, Gyptis ne parut pas au repas; mais, vers la fin, il la vit entrer. Elle tenait à la main une coupe pleine de vin. Après avoir jeté sur les convives de son père un regard rapide et doux, elle s’avança souriante et confuse vers Protis, auquel elle tendit sa coupe. Et, comme tous les jeunes hommes, furieux de se voir préférer un étranger, murmuraient, elle leur raconta, en rougissant de pudeur et de plaisir à la fois, la conduite de cet étranger envers une vieille femme.

«Celui qui honore la vieillesse et la faiblesse, ajout a-t-elle en finissant, ne peut être qu’un bon époux, un bon père, un bon roi.

— Voilà une singulière conclusion, interrompit Marguerite la Blonde, épouser un homme parce qu’il relève une vieille femme!

— Note, Blondette, fit observer la conteuse, qu’il donnait par cette action une preuve de bonté de cœur.

— Je vois, dit Marguerite la Brune, que Blondette ne se laissera pas prendre à cela.

— Certes, non, dit la blonde Marguerite; à la place de Gyptis, j’aurais choisi le plus grand seigneur de tous, le plus noble, le plus courageux, un roi, s’il y en avait eu un dans le nombre.

— Moi, j’aurais pris le plus beau, dit Brunette.

— Moi, mes cousines, j’aurais fait comme Cyptis, j’aurais choisi le meilleur. Du reste, le roi Nannus fut de mon avis, car il approuva avec transport le choix de sa fille: il accepta Protis pour gendre, et lui donna en dot les terres qui entouraient le golfe où il avait abordé. Protis y fit bâtir des maisons et y fonda la ville de Massalie, aujourd’hui nommée Marseille;... et... mon conte est fini,» ajouta Blanchette en rougissant et en se levant, car elle venait d’apercevoir, derrière le pilier sur lequel s’adossait le banc de pierre, le chapel d’un homme, et sous ce chapel deux grands yeux noirs qui la regardaient fixement.

Petits princes et petites princesses : contes historiques dédiés à la jeunesse

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