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II.

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LES TROIS MARGUERITE.

En examinant attentivement ces trois jeunes filles, on pouvait bien deviner laquelle se nommait Marguerite la Blonde, car la première de ce charmant trio possédait cette belle chevelure dorée. Marguerite la Brune, la seconde, brune de cheveux et de teint, méritait ce nom, et Marguerite la Blanche était bien surnommée ainsi, parce qu’à l’ébène des cheveux de la seconde elle joignait la blancheur de peau de la première. Mais laquelle était la fille du comte Béranger? Il était impossible de le dire; rien, aucun ornement particulier ne les distinguait l’une de l’autre. La mode n’était pas encore venue (elle ne vint que quelques années après et dura deux siècles) de porter les armoiries de sa famille brodées sur sa robe, de sorte que ces trois jeunes filles, habillées de simples robes blanches, montantes, collantes à la taille et très-amples par le bas, n’avaient qu’un seul signe de leur haute naissance, signe commun à toutes les trois: le voile, qui, au lieu de s’arrêter à l’épaule, comme le voile des bourgeoises, descendait jusqu’à terre, ainsi que le portaient les femmes et les filles des chevaliers. D’elles trois, deux, la Blonde et la Brune, étaient, chacune dans son genre, d’une beauté remarquable; la troisième, petite, maigre, assez mal faite, n’avait au premier aspect rien qui attirât l’attention, rien qui séduisit. Il fallait la regarder longtemps pour remarquer la perfection aristocratique de ses pieds et de ses mains, la grâce touchante et honnête répandue sur toute sa personne, la souplesse suave de sa frêle taille, et la mélancolique tristesse de son front et de son regard. Après avoir prié assez longtemps, bas et agenouillées, sur les marches de l’autel de la Vierge, elles se relevèrent toutes les trois ensemble, et, comme mues par le même sentiment, elles se tendirent la main en se la pressant d’une façon charmante; puis, traversant la nef, elles sortirent ensemble de la chapelle et furent s’asseoir sur un des bancs de pierre placés près du portique.

«Blanchette et Brunette, dit la blonde Marguerite, prenant la première la parole, je vous demande pardon si un mot de moi a pu, avant ce bienheureux jour, vous offenser; je vous le demande surtout pour ma jalousie, qui souvent me rend injuste envers vous deux.

— Moi aussi, Blondette et Blanchette, dit la brune Marguerite à son tour, je vous demande à l’une et à l’autre humblement pardon de mes fautes ou du mauvais exemple que je vous aurais donné.

— C’est bien plutôt à moi à demander pardon, mes chères sœurs en Jésus-Christ, répliqua la blanche Marguerite, avec des larmes dans la voix et dans les yeux, moi, la plus injuste et la plus ingrate des trois.

— Toi! la meilleure des trois, répliquèrent Brunette et Blondette à la fois.

— Oui, la plus gâtée, dit Blanchette avec un de ces charmants sourires de bonté qui éclairent et embellissent n’importe quel visage.

— Voyons, pardonnons-nous et embrassons-nous,» dit gaiement la blonde Marguerite en ouvrant ses deux bras, dans lesquels se jetèrent les deux autres jeunes filles.

Après être restées un moment entrelacées et silencieuses, leurs bras s’écartèrent, mais leurs mains restèrent unies, et, se tenant ainsi, elles continuèrent leur douce causerie.

«Quel beau jour que celui d’aujourd’hui! dit avec un pieux enthousiasme celle qu’on appelait la blanche Marguerite, et comme on désirerait bien mourir pour monter, sainte, pure et absoute de tous péchés, dans le sein de Dieu!

— Oh! mourir! pas encore! se récria, en secouant sa jolie tête blonde, Marguerite la Blonde.

— A quinze ans, notre âge à toutes les trois, c’est bien trop tôt, ajouta Marguerite la Brune.

— Pour vous, oui, mes amies, fit observer tristement Marguerite la Blanche, — qui êtes belles, belles comme les anges du paradis; vous qui vous marierez peut-être, ainsi que moi, par politique, mais que vos époux aimeront parce que vous êtes belles d’abord, et que la beauté charme les yeux, et puis parce que vous êtes bonnes et que la bonté charme les cœurs... Mais, moi, laide et disgracieuse que je suis, quel mari jamais m’aimera?

— Enfant! dirent les deux autres jeunes filles avec affection et tendresse, — enfant, qui se croit laide parce qu’elle n’a pas grandi aussi vite que nous... et qui croit que les maris se prennent à la glu de la beauté, comme les petits oiseaux se prennent à la glu des petits bâtons blancs. Non, non, ajouta Marguerite la Blonde; ma mère me l’a assez répété, et elle est assez sage pour que je la croie, — l’homme qui veut se marier cherche bien moins la beauté que la bonté : l’une passe et attire peut-être; mais l’autre reste et attache, croyez-moi.

— La sagesse parle par ta bouche, ma petite Blondette, dit Blanchette en riant; mais laissons là notre beauté et les maris, les maris surtout, qui viendraient nous enlever à notre chère Provence, à Marseille ou Massilie, la capitale de l’ancienne Phocée, comme s’obstine toujours à la nommer ce vieux barde, Antoine Vidal, qui m’apprend l’histoire des mondes.

— Ce n’est pas l’histoire des mondes que je voudrais savoir, dit Brunette; mon monde à moi, mon univers, c’est Marseille. Qui me dira l’histoire de Marseille?

— Moi, si tu veux, répondit Blanchette, doucement et avec une grande simplicité.

— Oh! que ce serait aimable de ta part! insista Marguerite la Brune; dis-la-moi, Blanchette, je t’en prie, afin que ce soir, à la veillée, je la redise à ma mère, et qu’elle me donne un baiser pour ma science.

— Voici Blanchette qui va encore montrer son savoir, dit Marguerite la Blonde.

— A qui, petite jalouse? dit Brunette, nous sommes seules.

— Si cela déplaît à Blondette, parlons d’autre chose, dit Marguerite la Blanche avec bonté.

— Je suis et serai toujours une mauvaise, répliqua gentiment la blonde Marguerite; et, puisque Brunette désire l’histoire de Marseille, dis-nous-la, Blanchette; va, je t’écoute.

— Allons, et que ce soit ta punition, dit gaiement Marguerite la Blanche, se disposant à parler.

Petits princes et petites princesses : contes historiques dédiés à la jeunesse

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