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I.

Table des matières

LA COMMUNION.

Le soleil dorait à peine les montagnes arides qui entourent la ville de Marseille; il s’élevait peu à peu sur ce beau ciel bleu de la Provence, tant chanté par les trouvères et les poëtes, lorsqu’une barque montée par deux hommes s’engagea dans le golfe que forme la mer dans la ville, et vint aborder au pied de l’escalier de l’antique et splendide palais des comtes de Provence.

L’un des deux hommes ramait; l’autre, debout et pensif, regardait la rive. Il était jeune; sa beauté fière, l’air de noblesse répandue dans toute sa personne, contrastaient avec la simplicité de son costume. Il portait sur le poing un faucon, selon la mode dans ce temps-là (on était au mois de juillet de l’année 1234); les princes et les grands se servaient de cet oiseau pour chasser. Cependant cet individu n’était ni un prince ni un fauconnier. Son vêtement de dessus, très-ample, espèce de simarre fort longue, était doublé et bordé d’une fourrure de couleur sombre qui retombait sur les épaules, de manière à les couvrir presque entièrement. Les bras passaient par les larges manches de ce vêtement; la tunique qu’il portait en dessous était assez décolletée pour qu’on pût voir la blancheur de sa chemise plissée et fermée autour de son cou, qu’elle laissait à découvert.

A peine cet étranger eut-il fait quelques pas sur les dalles de marbre qui s’étendaient de la mer au palais, qu’un des gardes qui veillaient aux alentours s’approcha, l’arme au bras, et lui demanda ce qu’il voulait.

«J’apporte, dit cet étranger, un faucon à la princesse Marguerite, fille du comte Béranger IV.»

Et en même temps il présenta au garde un papier marqué d’un sceau, devant lequel cet homme s’inclina respectueusement.

L’homme au faucon monta alors les larges degrés de marbre, entra sous le vestibule, le traversa et se dirigea vers les jardins en homme qui connaît parfaitement les détours de cet immense édifice. Arrivé dans les jardins, il cacha son oiseau dans l’ampleur d’une de ses manches, et, apercevant à quelque distance un bâtiment dont les croisées en ogives et les vitraux coloriés désignaient une chapelle, il marcha de ce côté. Quelques personnes en obstruaient l’entrée, et de l’intérieur de ce temple partaient des chants religieux et doux; c’étaient des voix de jeunes ailles. L’une de ces voix surtout, d’une pureté ravissante, atteignait le diapason le plus élevé ; les autres, sans être aussi puissantes, possédaient cette justesse de son et cette fraîcheur de jeunesse qui charment et séduisent.

«Quels accents délicieux! ne put s’empêcher-de dire l’étranger, essayant, mais en vain, de percer la foule.

— Qui chantera bien, si ce n’est la fille du comte de Provence et ses deux cousines, qui font aujourd’hui leur première communion?» dit une personne dont la réponse s’adaptait si juste à l’exclamation de l’étranger, qu’elle attira son attention. C’était une femme d’un certain âge; son jupon rayé marron et blanc, que dépassait un jupon bleu, les deux cependant si courts qu’ils laissaient à découvert ses deux jambes chaussées de bas rouges, son large chapeau de feutre noir bordé d’un galon d’or, désignaient une paysanne.

«Vous dites, ma mie, dit l’inconnu à cette femme, que c’est la jeune comtesse Marguerite de Provence dont les accents...

— Ou Marguerite de Bar, ou Marguerite de Ligny, interrompit la paysanne; ne vous ai-je pas dit qu’elles sont trois Marguerite, Marguerite la Brune, Marguerite la Blonde, Marguerite la Blanche, ou Brunette, Blanchette et Blondette, ainsi qu’elles se nomment elles-mêmes dans l’intimité ? Poussez un peu, mon jeune étranger... car, à votre chapel, je vois bien que vous n’êtes pas du pays; là, tournez à droite maintenant, et, dites-moi, les apercevez-vous?

— Je vois, dit l’étranger à son obligeante et rustique compagne, trois jeunes filles agenouillées... Tenez, avancez, vous aussi, vous qui me paraissez être du pays, et dites-moi laquelle est la fille du comte Béranger.

— Demandez-moi qui je suis, mon jeune étranger, répliqua la paysanne d’un ton si singulier, que l’inconnu la regarda pour s’assurer si c’était naïveté ou ironie, et je vous dirai que je me nomme Misé Millette, veuve de Jozé Marquet, batelier du port. Mais, quant à ce qui est de ces trois jeunesses qui communient là-bas... dame, je n’en sais pas. plus que vous. Cependant j’imagine qu’une princesse, ça doit être plus grand et plus beau qu’une paysanne... or la Marguerite que vous cherchez, m’est avis que c’est celle du milieu, dont les cheveux blonds dépassent son voile.»

Ici Misé Millette fut obligée de clore ses observations et ses suppositions, car l’étranger, se glissant de colonne en colonne jusqu’à celle qui se trouvait le plus près du maître-autel, était déjà trop loin d’elle pour l’entendre ou lui répondre.

Les chants continuèrent encore quelque temps, puis la cérémonie s’acheva; le prêtre quitta l’autel, les assistants se retirèrent peu à peu, se répandirent dans les jardins ou se rendirent au palais, et bientôt, de cette belle et brillante assemblée qui remplissait la chapelle, il ne resta que les trois communiantes. Elles avaient manifesté le désir de demeurer seules à prier jusqu’à l’heure du repas, et chacun s’était éloigné, respectant ce chaste et pieux désir.

L’inconnu seul, caché derrière une colonne, était demeuré dans la chapelle.

Petits princes et petites princesses : contes historiques dédiés à la jeunesse

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