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PREMIÈRE PARTIE
III
LE PACTE

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Délivré de ces importuns, Antoine Duprat marcha droit à la cachette du bouffon, dont il écarta brusquement la draperie.

Triboulet, accroupi, pelotonné sur lui-même, foulant sa marotte sous ses talons, se rongeait les ongles jusqu'au sang.

– Or sus! exclama avec une ironie poignante Antoine Duprat; je te cherchais, maître fou, et ne m'attendais guère à te trouver dans ce réduit. Est-ce donc pour te cacher et pour faire si piteuse grimace que l'on te paie les gages d'un dignitaire ou d'un prélat?

Ce sarcasme ranima le verve du bouffon, qui n'était jamais, nous croyons l'avoir dit, en reste de méchanceté avec personne.

– Las! messire, soupira-t-il en affectant une grimace narquoise, peut-être bien n'est-ce pas mon propre mésaise que je rumine en ce coin maussade, mais celui de tel haut personnage qui, pour toucher un appointement plus sonnant que le mien, a grand'peine à porter sur son visage le contentement qui n'est pas en son esprit.

– De quel personnage entends-tu parler, s'il te plaît?

Et le ministre croisa ses redoutables sourcils; mais ce signe, précurseur habituel de l'orage, n'émut pas le moins du monde la placidité sardonique du bouffon, retrempée dans le dépit d'autrui.

Il ramassa sa marotte, en rajusta les grelots et les oripeaux bariolés, et les agitant à l'oreille de son farouche interlocuteur:

– Écoutez, messire, voici le langage du vrai bonheur, car c'est celui de la folie.

– Tu es un rusé et un impudent compère, je le sais, mais ne crois pas m'échapper par un lazzi; c'est bon pour le commun de ces jolis gentilshommes et de ces coquettes damoiselles qui paradaient tout à l'heure ici devant les princesses. Au fait, donc: parle, je le veux!

Profitant de ce que Triboulet s'était approché de lui pour l'insulter de son carillon moqueur, il lui saisit l'oreille dans ses doigts osseux.

Le bouffon poussa un cri d'orfraie.

– Silence! commanda Duprat, craignant de voir entrer les huissiers et d'être surpris dans ce grotesque tête-à-tête.

Puis, lâchant l'oreille à moitié décollée, il tira de son escarcelle une poignée d'or qu'il tendit à sa victime.

– Montjoie et Saint-Denis! c'est affaire à Votre Honneur de trouver la clef qui délie les langues. Interrogez donc, messire, et l'on vous répondra.

– Triple coquin!..

– Là! là! pas de gros mots; j'ai déjà l'oreille toute malade, vous achèveriez de me la déchirer… De quoi souhaitez-vous que je vous entretienne? Des promenades amoureuses du beau Cossé-Brissac? Des hésitations de damoiselle Françoise de Foi entre les galants qui la courtisent, depuis qu'elle a hérité le legs que lui laissa feue la reine Claudine? Des épîtres secrètes échangées par damoiselle Hélène de Tournon avec certain poète anacréontique?.. Demandez, monseigneur, mademoiselle ma marotte va sonner pour vous son plus beau carillon.

– Rien de ces fadaises!..

– Alors, expliquez-vous?

C'était précisément là ce que Duprat n'osait faire, et le perfide bouffon jouissait de son embarras. Cependant, il se décida:

– Pourquoi étais-tu sous ce rideau, et qui épiais-tu?

– Dites-moi, monseigneur, avez-vous remarqué quelquefois ce que font les chiens quand on leur marche sur la patte?.. Ils vont se cacher… Vous me reprochiez tout à l'heure d'être payé comme un dignitaire, mais vous oubliez que je suis traité comme un chien, et que je jouis du même rang à la cour que les lévriers de Sa Majesté. Beaucoup de gens me considèrent et me traitent en conséquence… La princesse Marguerite, par exemple.

Ce nom et surtout l'affectation que mit le fou d'office à le prononcer, amena une légère rougeur au visage du chancelier.

– Il y a longtemps, prononça-t-il en observant l'effet de ses paroles sur le masque crispé du bouffon, il y a longtemps que je me suis aperçu de ton assiduité aux environs de la princesse; tu espionnes ses moindres démarches… Or, si je sais comprendre, comme tu n'es pas homme à vouloir de bien à qui te méprise et te repousse, c'est la rancune qui te conduit.

– Oh! fit négligemment Triboulet, Votre Honneur me flatte; je ne suis ni méchant, ni si profond que cela…

– Allons, dit le chancelier en regardant autour d'eux pour bien s'assurer encore qu'ils étaient seuls, et en baissant la voix malgré cette certitude; c'est assez de préliminaires. Le premier mot que tu m'as dit me prouve que tu sais mon secret, et ceux que tu viens d'ajouter m'assurent que tu peux me servir… Y consens-tu?

La bouche difforme du fou royal s'ouvrit pour laisser passer un gros rire; mais au lieu de le proférer, il se frappa la poitrine du poing pour le réprimer à sa source, et d'un accent incisif et métallique, plus pareil à un grincement de lime qu'à une voix humaine:

– C'est-à-dire que vous voulez que je seconde votre amour pour madame Marguerite de Valois?

– Tais-toi!.. s'écria le chancelier, en appliquant la main sur ses lèvres. Ne répète jamais cela, jamais, entends-tu!

– Bah! grimaça Triboulet, puisque je connais votre passion et que personne ne nous entend!..

– N'importe!.. cette parole coûterait la vie à tout autre qu'à toi. De cette minute, c'est un pacte entre nous; songes-y… Ton dévouement et ta discrétion, ou ta tête…

– Par Notre-Dame du salut! éclata le bouffon en se tenant les côtes, il est heureux que nul ne nous voie, car il ne saurait lequel est le plus fou, de moi qui porte la marotte, ou de Votre Seigneurie qui me tient de tels discours!..

– A d'autres!.. Ce qui est arrêté est arrêté… Je compte sur ton adresse compte sur ma bourse.

– Alors, la feinte est inutile. Mais, insista Triboulet en arrêt sur les traits de son nouveau patron, vous l'aimez donc bien, cette fière princesse?..

– Tais-toi!.. prononça avec une sombre ardeur Antoine Duprat; tais-toi! Ce n'est pas un brasier que tu remues en moi avec ce mot, c'est un volcan!.. N'interroge pas sur un mal que tu ne saurais comprendre.

Triboulet passa sa marotte sur ses lèvres; les paroles et l'accent du ministre avaient amené au coin de sa bouche une légère écume teinte de sang.

– Moi! dit-il avec un éclat de rire strident, je suis un jongleur, un joyeux bouffon, je n'aime que ma marotte!.. ah! ah! ah!

Et faisant pirouetter celle-ci en l'air, il la reçut en équilibre sur son front.

Il est probable, ceci par parenthèse, que le chancelier, auquel tous les moyens étaient bons pour assurer sa politique, n'en était pas à son premier marché avec le maître fou du roi, et que celui-ci, espion et fureteur né du palais, avait déjà rendu plus d'un service de nature suspecte à son noble complice.

Aujourd'hui, au lieu de diplomatie, il s'agissait d'une intrigue galante; qu'importait à Duprat! Il ne voyait qu'une chose, c'est qu'il s'agissait d'y mettre le prix, et l'argent ne lui manquait pas.

– Suis-moi, dit-il.

Le lieu ne lui paraissait pas assez sûr pour achever un entretien de ce genre.

Il sortit de la salle, passa hautain et fier devant les gardes, les huissiers et les pages de la galerie, répondit à peine de la main aux marques de respect des gentilshommes du palais qu'il rencontra dans son trajet, et auxquels le bouffon, meilleur prince, adressait en courant ses malices ou ses grimaces.

Puis, toujours suivi de ce grotesque compagnon, il atteignit son appartement jusqu'à son cabinet de travail.

Refermant alors la porte avec soin, il commença par prendre dans un coffre-fort, dont la clef ne le quittait jamais, et qui, divisé en deux compartiments, contenait, dans l'un, des papiers importants, dans l'autre, son épargne, une pile de ces larges pièces d'or où figuraient, d'un côté, la tête du roi, et de l'autre, l'écu aux trois fleurs de lis.

– Ceci t'appartient, ami Triboulet, dit-il, c'est un quartier arriéré de tes émoluments. Il est bon que nos affaires d'intérêt soient en règle.

– Décidément, ricana le bouffon, Votre Grâce tient à être bien servie.

Duprat se laissa tomber sur un fauteuil.

Triboulet s'accroupit, les jambes croisées, sur la natte.

– Ainsi, reprit le ministre, décidé à s'ouvrir tout entier à son confident, tu connaissais mes sentiments pour la princesse?.. Mais que penses-tu des siens à mon égard?

– A vous dire vrai, j'en ai une médiocre opinion.

Le chancelier réprima le dépit que lui causait cette réponse.

– Sur quoi bases-tu cette façon de voir?

– M'est avis, messire, qu'elle ne vous a guère gracieusement octroyé tantôt la faveur du baise-main?

Duprat contracta ses sourcils, et frappant du poing sur sa table à écrire:

– N'importe! Je l'aime, je veux en être aimé, et tu me serviras!

– Assurément; ce ne sera pas, d'ailleurs, la première fois qu'on verra la folie servir d'auxiliaire à l'amour… Que ne vous êtes-vous déjà déclaré à madame Marguerite?

– Oui… j'y ai songé, sans doute, mais… quand je vais pour le faire, une sorte de crainte intérieure m'arrête.

– Vous, monseigneur! L'homme des grands coups d'État, des entreprises audacieuses!.. Comment eûtes-vous tant d'autres conquêtes? Les belles venaient-elles par hasard se rendre d'elles-mêmes à vos genoux?

– Ne plaisante pas. La princesse exerce sur moi une impression qu'aucune autre ne produisit jamais. C'est du vertige, de la magie, mon sang afflue tellement vers mon cœur lorsque je l'aperçois, je suis si troublé quand je l'approche, que je perds toute mon assurance:

Triboulet considéra son interlocuteur avec une sorte de compassion.

– Merci de moi! prononça-t-il, je m'estime heureux d'être incapable, comme vous disiez, d'éprouver le mal d'amour, – un mal qui rend si poltron le plus grand seigneur du royaume!

– Et puis, murmura sourdement Duprat, tu disais vrai, cette beauté si affectueuse, si pleine d'épanchements, si bienveillante pour tout le monde… eh bien, je lui suis en antipathie… Pour moi seul, elle se montre hautaine, dédaigneuse… Cependant, nul ne lui témoigne plus de respect, d'attention, d'empressement… Les femmes sont étranges!..

– Grande vérité, monseigneur; en fait de ces créatures du sexe damnable, je n'en connais qu'une de sage et de fidèle… C'est mademoiselle de Carillon.

Et le fou royal agita les grelots de sa marotte.

– Depuis quelque temps surtout, reprit Duprat, cette roideur de la princesse à mon égard a redoublé. Est-ce naturel, cela? Toi qui passes ta vie à l'observer, n'en sais-tu pas la cause?

– A moins qu'elle n'aime ailleurs!..

A cette idée, le chancelier pâlit, et, chose bizarre, le bouffon, identifié sans doute à ses tourments, ne pâlit pas moins que lui.

– Par la mordieu, si cela était!.. rugit le premier; mais non, c'est propos de fou! – Madame Marguerite n'a aimé que son mari, nul n'oserait se vanter encore d'avoir consolé son veuvage!

– C'est ce qu'il faudra voir! gronda Triboulet d'un accent si confus que son compagnon ne distingua pas ses paroles.

– Maintenant, conclut Duprat, tu sais où je tends. Ta tâche est de tout observer, pour tout m'apprendre. Nous agirons ensuite suivant ce que tu auras découvert… Va, et quand tu auras à me parler, sans t'adresser aux pages non plus qu'aux huissiers, prends cette petite clef, elle ouvre un passage qui te fournira à toute heure accès dans ces appartements.

En même temps, il remettait au bouffon la clef indiquée, et lui montrait de quelle façon elle faisait jouer un panneau de chêne servant de porte à un escalier dérobé.

Tandis que Triboulet s'éloignait d'une allure plus grave qu'il n'avait coutume, Duprat tenait les yeux fixés sur lui avec une bizarre expression de mépris et de rage.

– Cet homme me servira, murmurait-il à part lui; car si Marguerite m'a blessé dans ma passion, elle le blesse à chaque heure, lui, dans sa vanité… Elle a raison, sans doute, de dédaigner ce misérable rieur de contrebande, cet histrion à gages qui déshonore son frère!.. et moi j'en fais mon allié!.. Oui, avorton repoussant, tu me serviras jusqu'à ce que je te brise comme on brise un instrument inutile ou dangereux!..

Et se redressant de toute sa hauteur:

– Le roi est absent, je suis premier ministre, et je peux ce que je veux!

Durant cet entretien, Louise de Savoie, enfermée chez elle avec sa fille, s'efforçait de lui ravir le secret de sa mélancolie. La régente, si graves que soient les reproches que l'histoire lui adresse avec raison, n'était pas une nature vulgaire, et la femme politique, impitoyable pour ses adversaires, n'absorba néanmoins jamais chez elle la mère.

Elle entourait ses enfants, mais particulièrement Marguerite de Valois, d'une tendresse infatigable autant qu'éclairée. La communauté de leurs idées religieuses les avait aussi notablement rapprochées depuis les derniers temps.

– Vous avez beau feindre, chère fille, lui disait-elle; un si grand souci n'est pas chose ordinaire. Il y a sous ce beau front pâle une pensée décevante; ce n'est pas seulement l'ennui, c'est le chagrin qui enlève à vos grands yeux leur éclat! et vous me rendez pareille à vous; vous ajoutez aux soins qui m'accablent déjà, la douleur de voir que je n'ai plus votre confiance.

Mais ces bonnes paroles, ces tendres abjurations, ne produisaient aucun effet.

Marguerite restait muette, se contentant de répondre par quelques signes de tête pleins de dénégations et gros de douleurs; ou bien si l'insistance de sa mère lui arrachait une parole, c'était un mot si vague qu'il n'offrait pas de sens.

Rien n'annonçait le terme de cette situation contrainte; ce fut un incident inattendu qui y coupa court.

Un page vint demander à la régente si elle pouvait recevoir le chancelier, pour une communication importante.

Antoine Duprat fut admis aussitôt, et voyant la princesse Marguerite qui se disposait à se retirer, il insista pour qu'elle restât, n'ayant rien à dire qu'elle ne pût entendre. Il s'agissait de nouvelles d'Espagne, de demandes d'argent de la part du roi captif, et peut-être supposerions-nous avec raison que ce n'était là qu'un prétexte pour rencontrer de nouveau la princesse Marguerite.

En effet, il passa promptement à un autre sujet.

– Puisque ma bonne étoile me permet de vous rencontrer céans, auguste dame, dit-il, permettez-moi de vous adresser, en présence de madame la régente, un reproche sur l'accueil que vous me fîtes ce matin.

– Quel reproche ai-je encouru, messire? Je ne me sens aucunement coupable.

– Ces paroles sévères que vous m'adressâtes lorsque je vous saluai…

– Ces paroles, je ne saurais les retirer, sur ma conscience, messire!.. Rentrez en vous-même et convenez-en. Vous connaissez mes sentiments religieux, je n'en fais pas un secret; eh bien! je suis en droit de vous demander: Qu'avez-vous fait de mes frères?.. Mes amis, mes pauvres poètes, mes charmants écrivains, ces belles intelligences qui égayaient la cour, qui ravissaient la ville, qui répandaient l'esprit et le savoir, dites, où sont-ils?.. vous avez suscité contre eux des docteurs ascétiques, des édits draconiens; et les tempêtes ont dispersé, entraîné ces oisillons meurtris!..

– Que vous plaidez bien une mauvaise cause, illustre dame!.. Sur ma foi, à vous entendre, on se sentirait pris d'indulgence pour les coupables les plus endurcis.

– Eh quoi! ma fille, intervint la régente, est-ce donc là véritablement le sujet de la maladie noire que je déplore en vous?

– Je ne saurais dire, ma mère; mais du moins je suis bien assurée que j'éprouverais un grand contentement si les choses étaient autres.

– De grâce, insinua le chancelier, saisissant ce moyen de se mettre mieux dans l'estime de la princesse, de grâce, madame, ne rejetez pas sur moi seul la responsabilité de ces mesures, de l'exil de vos poètes de prédilection… Je ne suis que l'instrument des ordres du roi et de madame la duchesse.

– Est-ce vrai, ma mère? demanda Marguerite en fixant gravement son regard sur celui de Louise de Savoie, vous participez à ces rigueurs?..

– Permettez, madame, interrompit Duprat pour éviter à la régente l'embarras d'une réponse, il ne faut pas prendre mes paroles à la lettre. Son Altesse a laissé faire, parce que la volonté du roi étant précise, elle ne pouvait empêcher.

Cette explication confuse édifia peu Marguerite de Valois, dont l'esprit droit aimait les raisonnements précis.

Néanmoins, voyant le chancelier en si bonnes dispositions, elle ne voulut pas insister sur ce point, et reprit:

– Vous êtes un logicien trop habile pour moi, messire. Mais puisque vous paraissez plus miséricordieux que je ne pensais, il y aurait un excellent moyen de le prouver.

– Dites, madame, je ne tiens qu'à vous démontrer ma sincérité et mon bon vouloir.

– Oh! ce sont là d'excellents discours; pourquoi les actes ne s'y conforment-ils point?

– Si Votre Grâce daignait s'expliquer plus clairement.

– Très volontiers… Je veux dire, messire, que les écrivains exilés ne sont pas les seules victimes dont le sort m'afflige. Ce ne sont pas d'ailleurs les plus à plaindre. – Les prisons du Châtelet, de la Bastille, celles de ce palais sous nos pieds, les fosses de la Grosse-Tour, regorgent d'autres créatures dont la condition m'inquiète et me tourmente.

– En vérité, madame, vous prenez tant de sollicitude à ces misérables!.. Songez donc que ce sont des pécheurs endurcis, récidivistes, propagateurs acharnés, et que la sainte Église de Rome les frappe d'anathème…

– Mais vous, messire, songez aussi que j'ai trempé dans leur erreur, puisqu'au dire du Saint-Père, erreur il y a… Je suis donc un peu excommuniée comme eux, ce qui fait que leur infortune me touche…

– Ils sont heureux, madame, d'exciter votre sollicitude.

– Ils le seraient bien plus s'ils obtenaient la vôtre.

– Que souhaitez-vous donc?

– Que vous mettiez en œuvre ce bon vouloir que je rencontre chez vous aujourd'hui, et qui me charme, en faisant élargir ces malheureux.

– Le chancelier eut un geste d'effroi.

– Ne craignez rien; ma mère, ici présente, ne s'y opposera pas, j'en suis sûre.

– La régente fit un signe affirmatif.

– Et quant à mon cher et honoré frère, notre maître à tous, je m'engage, – foi de princesse, – à vous obtenir la continuation de sa faveur.

– Ainsi, madame, la délivrance des prisonniers religieux vous serait agréable?

– A moi, à ma mère et au roi.

– S'il en est de la sorte, la chose n'est pas impossible… Cependant n'oublions pas les exigences de la Sorbonne; elle serait capable de faire un coup d'État ou un acte de rébellion fâcheux en la situation des affaires publiques, si nous lui enlevions toute sa proie… Je vous communiquerai, s'il vous plaît, la liste des prisonniers, et vous en désignerez un certain nombre qui seront libérés sur votre désir. Quant aux autres, nous tâcherons ensuite d'adoucir pour eux ces rudes docteurs, dont il serait dangereux de méconnaître trop ouvertement les privilèges.

– Ainsi soit-il, messire; ma mère et moi attendrons votre liste, afin de vous présenter ensuite la nôtre, et, cet acte de clémence accompli, vous aurez droit à toute ma reconnaissance.

Sur ce mot, elle lui tendit gracieusement la main qu'elle lui avait refusée le matin même.

Les Mystères du Louvre

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