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PREMIÈRE PARTIE
VII
LES ANNEAUX DU SERPENT

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Le lecteur connaît le vrai motif apporté par Antoine Duprat dans la remise aux deux princesses de la liste des prisonniers de religion.

Il avait voulu laisser à son séide le temps de se livrer à ses recherches.

L'idée de ce rival heureux, pour lequel la fière Marguerite ne dédaignait pas de compromettre la dignité de son rang, la sûreté même de sa personne; cette conviction qu'un misérable novateur, dont lui, le terrible ministre, tenait la vie entre ses mains, bravait sa colère jusqu'au fond de son cachot, en s'enivrant d'une joie pour laquelle il eût tout renié, soulevait en lui des tempêtes furieuses.

Il sentait courir dans ses veines une lave dévorante, ses artères battaient avec fureur; les passions de sa jeunesse se réveillaient avec des emportements, nouveaux sous son cerveau ranimé par la fièvre; et, dans le cœur humain comme dans la nature, ces orages d'automne, s'ils sont les derniers, sont aussi les plus redoutables.

Il eût moins convoité cette jeune femme, si adorable pourtant, s'il eût cru qu'elle dédaignât tout le monde comme elle le dédaignait. C'était l'envie, la jalousie, l'orgueil du serpent blessé qui avivaient son mal, irritaient sa blessure, entraînaient son imagination à la poursuite des moyens les plus efficaces et les plus cruels de se faire aimer et de se venger, car il prétendait arriver à cette double fin.

N'avait-il pas commencé déjà en congédiant, pour les remplacer par des créatures à sa merci, les anciens geôliers de la Grosse-Tour?

Grâce à cet expédient, il rendait impossibles les entrevues de la princesse et du trop fortuné captif. Ou bien, si celle-ci se risquait à descendre dans les fosses, faculté qu'on ne pouvait lui interdire, sa présence, ses attentions auprès de son amant devaient la trahir et dénoncer ce favori exécré.

Ce calcul ne manquait pas de raffinement. Il ne suffisait pas, néanmoins, à ce ministre pervers. Le jour et le lendemain, plus occupé d'assouvir ses rancunes que de veiller aux affaires publiques, il rêva un nouveaux système de persécution contre les novateurs; bien certain, en les frappant, d'affliger la princesse qui partageait leurs opinions et leur portait intérêt.

L'heure de se rendre chez la régente, pour lui soumettre enfin les noms des accusés, était sonnée; mais il se trouvait encore dans son cabinet de travail, traçant d'une plume qui frémissait entre ses doigts, le projet d'importer en France l'inquisition d'Espagne.

Quelle influence se croyait-il donc sur le roi et sur la régente, dont il n'ignorait pas les tendances avouées vers la réforme?

C'est un point que nous espérons éclaircir sans trop de difficultés:

François Ier était un roi prodigue, beaucoup plus soucieux de ses plaisirs que de la fortune de ses sujets. Indifférent à ses devoirs, il ne songeait guère qu'à satisfaire ses maîtresses, à entretenir un luxe effréné, à mener l'existence la plus douce et la plus commode, quand il ne se sentait pas entraîné par des velléités belliqueuses, plus ruineuses et plus fatales encore.

Or, ce gouffre d'argent nécessaire à ses plaisirs, un homme possédait le don de le remplir incessamment: c'était Antoine Duprat, le chancelier. Aucun ministre ne fut plus habile, plus fécond en expédients sous ce rapport. Mais quels expédients, et combien un monarque honnête les eût réprouvés, en chassant avec indignation le courtisan qui osait les lui soumettre!

Ce fut Duprat qui établit en principe l'abus immoral de la vénalité des charges; ce fut lui qui détermina le roi à créer des loteries, ce piège tendu à l'avidité du peuple et dont le gouvernement tirait un profit usuraire. L'augmentation d'impôts fut mise à l'ordre du jour; il ne se célébra plus une fête royale que le peuple n'en ressentît l'effet par une aggravation de charges.

Faut-il rappeler l'origine du titre ironique de noces salées, appliqué aux cérémonies du mariage de la nièce du roi avec le duc de Clèves? L'argent y fut prodigué si follement, que les finances publiques en éprouvèrent un déficit considérable, et, pour le combler, il fallut établir des droits nouveaux dans plusieurs provinces méridionales. Cette charge amena de nombreuses révoltes qui ne furent réprimées que par de sanglantes et effroyables rigueurs.

Mais le roi avait de l'argent et Duprat triomphait au Louvre.

Ce n'était pas assez, il voulait triompher à Rome. La perspective des faveurs pontificales stimulait son intelligence perverse.

Il entretenait à Madrid, depuis la détention du roi, une armée d'espions qui le tenaient au courant des moindres particularités.

Il savait que la captivité et l'exil pesaient lourdement à François Ier, habitué à commander dans la plus belle cour du monde.

A la demande adressée par ce malheureux roi à Charles-Quint d'être admis à payer rançon, l'empereur avait répondu par des conditions très dures, entre lesquelles figurait l'obligation de donner en mariage sa sœur Éléonore au connétable de Bourbon, son vainqueur, et d'investir en outre celui-ci de la Provence, du Dauphiné, du Bourbonnais et autres provinces adjacentes que l'on érigerait en royaume indépendant. L'empereur réclamait encore pour lui-même le duché de Bourgogne, tous les droits du roi sur l'Italie et sa démission de toutes prétentions d'hommages sur la Flandre.

François Ier avait rejeté avec indignation des exigences aussi léonines. On essaya d'inspirer à l'empereur les sentiments de générosité que le monarque français avait espéré trouver en lui, et ce fut en cette circonstance que Louise de Savoie adressa à Charles-Quint la lettre suivante, dont le texte authentique nous a été conservé:

«Monsieur mon fils, comme la captivité du roi, monsieur mon fils, m'a été griève et fâcheuse, j'ai été d'ailleurs consolée, sachant qu'il était tombé en vos mains, espérant que votre grandeur ne vous fera oublier le devoir de l'alliance et consanguinité qui est entre vous et lui, et ce qui plus me fait ainsi le croire, est le grand bien qui peut de ceci advenir à toute la chrétienté, si vous deux êtes joints en bonne et assurée amitié. A cette cause, monsieur, je vous prie d'y penser et commander cependant que le roi, monsieur mon fils, soit traité selon que votre honnêteté et son rang le requièrent et méritent; et vous plaise permettre que j'aie souvent de ses nouvelles. Obligeant par cette courtoisie celle que toujours vous avez appelée votre mère, laquelle, derechef, vous prie qu'à présent vous lui montriez affection de père.

«Donné le troisième mars mil cinq cent vingt-cinq. Votre humble mère.

«Loyse.»

Cette lettre et la réponse de l'empereur qui fut portée à la duchesse régente par le seigneur de Rieux, ne servirent qu'à l'échange d'un ou deux prisonniers de distinction. Charles-Quint n'était pas homme à sacrifier ses avantages à la gloire que pourrait lui attirer une conduite désintéressée vis-à-vis de son prisonnier.

Il trouvait sans cesse de nouveaux prétextes d'ajourner une conférence avec lui, s'en tenant à ses propositions exorbitantes, et ne voulant absolument pas en entendre de plus modérées que lui apportaient des envoyés de la régente. Inflexible et inexorable, il se flattait que l'ennui de la prison et la perspective d'y demeurer longtemps forceraient François Ier à réfléchir et à céder.

Telles étaient les circonstances dont le chancelier espérait tirer parti au profit de sa diplomatie diabolique.

D'accord avec un dominicain, que le prisonnier avait consenti à admettre près de lui, il lui avait fait entrevoir un secours puissant et inespéré, au cas où, rompant formellement avec les idées réformistes, il rentrerait dans le giron de l'Église romaine, dont l'inquisition espagnole était un des fermes boulevards.

Le royal prisonnier avait entrevu là une porte par laquelle s'aplaniraient les exigences de son vainqueur. Quoique l'empereur ne fût pas au mieux avec la puissance temporelle du pape, il était cependant un fervent catholique, si fervent, que ses tendances religieuses devaient le mener à se faire moine.

L'inquisition espagnole était le plus redoutable pouvoir de l'État, à côté du pouvoir impérial, obligé de procéder avec elle par des concessions continuelles. François Ier comprit tout cela, et abjura ostensiblement la réforme.

Ce premier pas obtenu, les autres étaient moins difficiles; Duprat recevait par chaque courrier de nouveaux pouvoirs, qui l'acheminaient peu à peu à organiser un tribunal d'inquisition, capable de rivaliser par ses fureurs et ses raffinements avec ceux de la Péninsule. (Voyez Mézerai, Legendre, Anquetil, Dulaure.)

Tel était le plan auquel ce ministre travaillait, et pour lequel il oubliait l'audience de la régente, lorsqu'un page de la princesse vint la lui rappeler.

Il jeta sur l'édit inachevé un coup d'œil de regret et d'espoir, et se disposa à suivre le jeune messager.

Son embarras ne laissait pas d'être assez grand, car Triboulet n'avait pas reparu depuis la veille; en sorte que le nom de son ennemi, le protégé de la princesse Marguerite restait impénétrable, et cependant il fallait tenir l'engagement pris vis-à-vis d'elle et de sa mère d'une façon si précise.

A tout hasard, comptant sur sa bonne étoile, espérant toujours voir le bouffon apparaître avec la révélation promise, il pénétra dans le cabinet où les deux princesses l'attendaient.

La plus agitée des deux était la régente; soit qu'elle s'intéressât aussi vivement aux angoisses de sa fille, soit qu'elle sentît une révolte intérieure contre la prédominance qu'elle laissait usurper à ce ministre, auquel, femme et souveraine, elle avait déjà fait trop de concessions.

Marguerite contenait mieux ses tourments intérieurs. Elle sentait que la vie de Jacobus dépendait de son attitude, et trouvait dans cette perspective la force de paraître impassible et presque indifférente.

Le regard faux du chancelier ne surprit aucun signe de colère, d'impatience ni de haine dans le salut par lequel elle répondit à son compliment.

– Nous vous attendions, messire; lui dit avec plus de sécheresse la régente.

– Les affaires, les nouvelles d'Espagne, répondit-il, ont causé un retard que Vos Altesses excuseront.

– Et quelles nouvelles de Madrid, messire? reprirent-elles vivement.

– Peu satisfaisantes; notre cher sire le roi s'ennuie; il tomberait dans le découragement sans le réconfort que lui prête la religion; aussi se montre-t-il disposé à arrêter par tous les moyens, si sévères qu'ils soient, l'extension de l'hérésie dans ce beau et catholique royaume de France.

– Est-ce à dire, monsieur, interrompit la princesse, que vous songez à retirer la promesse que vous renouvelâtes hier encore, au sujet de l'élargissement de quelques-uns des prisonniers de religion?

– Je n'ai pas eu ce dessein, madame, pas plus que je ne suis tenté de mettre en oubli que je ne suis rien, quand madame la régente commande. Je communique à Vos Altesses les désirs de Sa Majesté le roi, voilà tout.

– C'est bien, messire, dit la régente; et puisque vous apportez cette liste des captifs, veuillez nous la communiquer, nous aviserons. Notre bien-aimé fils et roi est loin, il ignore au juste la situation du pays qui souffre, on ne saurait se le dissimuler. Un acte de clémence produirait de bons effets sur l'esprit public, sans nuire aux intérêts de la foi. Il suffit que l'amnistie porte sur des hommes de bonne notoriété, jouissant de l'estime générale et connus pour leur modération.

– Votre Altesse s'exprime avec une haute et magnanime sagesse; je rappelle seulement à elle et à madame la princesse Marguerite, qu'il serait dangereux et impolitique de ne pas faire la part de la Sorbonne. Quant au surplus, voici les noms des prisonniers: si vous le jugez bon, je vais les appeler à haute voix et Vos Altesses choisiront à mesure ceux qu'elles souhaitent délivrer.

La régente se plaça près de sa fille, qui prit une feuille de papier et une plume.

Duprat, qui cherchait à gagner du temps, espérant tout des minutes pour le retour de son complice, entama d'abord les registres du Châtelet et de la Conciergerie.

Marguerite recueillait çà et là quelques noms, dont elle formait son tableau de grâce. Son écriture ferme, sa main hardie à tracer les caractères ne révélaient aucun trouble.

– Nous voici arrivés aux détenus de la Grosse-Tour du Louvre, prononça lentement le chancelier, en épiant l'effet de ses paroles.

Le visage de la princesse ne subit aucune altération.

– Nous écoutons, messire, répondit-elle froidement.

Alors, le tigre en arrêt sur sa proie commença à épeler avec une lenteur calculée chaque syllabe, en couvant de sa prunelle la physionomie de la princesse.

Pas un de ses muscles ne bougea, elle demeura aussi calme, aussi pâle, aussi grave que quand il avait prononcé les noms les plus indifférents.

Lorsqu'il eut fini ce long martyrologe, elle lui tendit sans trembler la feuille où figuraient les noms des élus.

Il y jeta un coup d'œil avide, mais auquel succéda soudain une contraction de ses épais sourcils, indice de son espoir trompé. Tous ces noms étaient tracés avec la même netteté calligraphique.

– Eh bien! messire, demanda Marguerite, au bout d'un moment, avez-vous quelque objection à élever sur aucun de ces choix?..

Une voix connue de toute la cour retentit tout à coup dans un couloir voisin, répétant ce refrain, qui résumait les jurons favoris des quatre derniers rois, y compris le monarque actuel:

Quant la Pasque-Dieu décéda

Par-le-jour-Dieu lui succéda,

Le Diable m'emporte s'en tient près;

Foi de gentilhomme vint après.


Un frétillement argentin accompagna le chant et soulagea d'une façon sensible le ministre, en venant au devant de la réponse embarrassée qu'il cherchait.

Son auxiliaire lui était rendu; c'était Triboulet!

– Holà! holà! glapissait-il en se rapprochant, place à mademoiselle du Carillon et à son carillonneur!.. C'est l'audience de madame la duchesse, et Son Altesse ne saurait se passer de sa première demoiselle d'honneur et de bonne humeur!.. place à mademoiselle du Carillon!..

Et l'impudent bouffon tomba, comme une balle lancée par une raquette élastique, au beau milieu du cabinet.

Les huissiers n'avaient pas pu le retenir, et les princesses, prises à l'improviste et habituées à ces incartades, ne songeaient pas à le chasser.

Eh quoi! s'écria-t-il, je comptais entrer en audience gracieuse, et je me trouve en plein conseil! Remerciez-en votre bonne étoile, Altesse, et vous, messire chancelier. Puisque vous délibérez, sur ma foi! un fou de plus ne saurait être de trop.

– Renvoyez ce bouffon, messire, dit Marguerite à Duprat, avec un mépris qui montrait qu'elle dédaignait d'adresser elle-même la parole au grotesque de la cour.

– Vous entendez, maître fou? dit le chancelier avec une sévérité feinte; ça, videz les lieux, et ne vous rendez pas importun, sinon…

– Sainte Marotte! ricana Triboulet, la cour n'a qu'à se munir de bonnets de nuit si l'on fait taire le carillon de la folie, et si l'on rudoie les gens qui ont la franchise de rire des extravagances d'autrui, quand les hypocrites en pleurent; les traîtres sont rarement des gens de bonne humeur, gracieuses dames, et si c'est un catalogue des suspects que tient messire le grand chancelier, je me ferais fort de vous désigner le plus coupable!

Il s'était rapproché d'Antoine Duprat, et, par un geste insaisissable pour les princesses, avait posé le bout de sa marotte sur un des noms que contenait la liste.

– Odieux animal! s'écria le chancelier, dissimulant un éclair de satisfaction sous la violence de son langage, faut-il appeler les valets des chiens pour te fustiger?

– Je suis parti, fit le bouffon, montrant pour la dernière fois sa face hideusement épanouie entre les pans de la portière; mais si vous n'admettez pas la sottise en participation dans vos conseils, vous ne ferez rien qui vaille!

Et il disparut, signalant sa présence dans les galeries voisines par le son de sa marotte et par ses méchancetés vis-à-vis des pages et des valets, auxquels il arrachait des cris et des menaces.

– Cette brute est malvenue, fit le ministre dont un rayonnement satanique illuminait les traits anguleux; on a peine à concevoir la licence dont il jouit dans ce palais, il ne respecte ni les personnes ni les choses… sa raillerie insolente s'en prend aux plus augustes…

– C'est une des faiblesses et des bontés de mon fils, interrompit la régente; mais terminons, s'il vous plaît, messire. Il est donc convenu que vous ferez élargir les prisonniers dont notre gracieuse fille vient de vous remettre les noms?

– Avec l'empressement que méritent vos ordres et vos désirs, Altesse. Pour vous prouver même, ainsi qu'à madame Marguerite, toute ma déférence, j'adopte toute la liste, sauf un seul nom.

Les deux princesses échangèrent un regard alarmé.

Malgré le courage qu'elle avait montré jusque-là, Marguerite sentit un voile passer sur ses yeux; elle se retint pour ne pas perdre connaissance.

– Et ce nom, quel est-il? demanda Louise de Savoie.

– Celui-ci, Altesse.

Le chancelier marqua de l'ongle la place où avait porté la marotte de Triboulet, et passa le papier à la régente.

Elle lut en suivant avec attention le visage de sa fille.

– Le chevalier Jacobus de Pavanes.

Duprat feignait de regarder ailleurs, mais il ne perdait pas un de leurs gestes.

Marguerite étreignit le bras de sa mère avec un désespoir qui lui disait que c'était celui-là précisément qu'elle voulait sauver.

– Pourquoi cette exclusion? demanda la régente.

– Parce que Vos Altesses ne s'intéresseraient pas à cet homme, si elles savaient comme moi qu'il est un des novateurs les plus exaltés, les plus dangereux, en ce qu'il ose imprimer ses écrits abominables, et qu'il est nominativement réclamé par la Sorbonne.

– La Sorbonne entendra raison, répliqua la régente; je ne souffrirai pas que ce jeune homme soit condamné.

– Votre Altesse est la maîtresse, insinua le chancelier en s'inclinant; mais elle me permettra d'envoyer au roi un rapport justificatif de ma conduite, en même temps que certains papiers que Sa Majesté ne jugera pas moins intéressants, je crois.

Ces paroles dissipèrent le ton impérieux de la régente; son regard se détourna pour éviter celui du ministre, devenu par extraordinaire fixe et imposant.

– Il suffit, messire, murmura-t-elle avec embarras; ne précipitons rien… nous aviserons…

– J'attendrai les résolutions de Votre Altesse, et suivant qu'elle commandera, j'agirai.

Sur cette parole à double tranchant, le chancelier se retira à reculons, saluant humblement les deux princesses ou plutôt se repaissant jusqu'au bout de leur stupeur et de leur consternation.

A peine fut-il sorti que Marguerite, se levant par une impulsion soudaine, se dressa devant sa mère encore écrasée sous les menaces de l'insolent parvenu.

– Vous me trahissez, ma mère! s'écria-t-elle.

– Marguerite! ma fille!..

– Je ne suis plus votre fille si vous cédez aux volontés de ce misérable, si vous abandonnez ma cause, si vous laissez périr Jacobus sous sa haine!

– Calmez-vous… écoutez-moi…

– Un seul mot: le sauverez-vous?

– J'essayerai…

– Vous essayerez!.. Vous n'êtes donc plus la reine, la maîtresse, la régente toute-puissante ici? Quelqu'un a donc le droit d'imposer ses ordres à la mère du roi!.. Cet homme s'est glorifié de vos faveurs, mais êtes-vous restée son esclave?..

– Marguerite!..

– Répondez, ma mère!.. Le sauverez-vous?

– Je ne puis…

– Vous ne pouvez… Ah! tenez, vous me faites frémir…

– Marguerite, ma fille, ne me maudissez pas…

– Mais répondez donc, alors! Qu'y a-t-il entre cet homme et vous?..

– Il y a… il y a du sang… balbutia la régente à moitié folle de honte et de rage.

– Un crime?.. fit Marguerite en considérant avec terreur ses traits décomposés.

– Un crime!.. répondit Louise de Savoie en cachant sa tête dans ses mains.

Les Mystères du Louvre

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