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III
ROBERT ÉCOLIER

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A la vérité, à l’école, les succès de Robert étaient moins vifs que devant les tréteaux. Il lui était plus difficile d’apprendre ses leçons que les boniments. Il allait, avec son frère, à une pension installée dans la cour du Commerce-Saint-André. Le vieux maître, en redingote bleue surannée, à boutons de cuivre, culotte marron coupée à l’ancien temps, bas chinés, coiffé d’un éternel bonnet de laine noire, le nez chaussé de besicles,–cadeau de Jérôme,–flattait les joues de Benoît de petites tapes amicales. Mais, sur Robert, il se répandait en reproches.


«Il met ma classe à l’envers, votre garçon, Monsieur Martin. Il n’y a pas un tour de polisson qu’il ne connaisse, et c’est tout ce qu’il connaît. Dès que j’ai le dos tourné, il grimpe sur le banc et fait le pitre. Je l’ai surpris, pas plus tard qu’hier, juché sur mon propre bureau, jonglant avec ma règle, la craie du tableau noir et, ce qui est de la plus grande inconvenance, avec cette férule, qui, entre les doigts du maître, est comme la main de justice en celles de notre souverain. Il s’accompagnait de ce refrain que les bâtonnistes se transmettent et qu’il a mieux retenu que son histoire sainte:

Quand trois canes s’en vont aux champs,

La première est par devant,

La première n’est pas la dernière,

La dernière n’est pas la première.

Quand trois canes s’en vont aux champs,

La première est par devant...

J’ai pu contribuer à lui apprendre ce couplet, je m’en confesse, interrompit le père; je le lui chantais, quand il était tout petit, pour le faire rire.

–Soit dit sans reproche, il y a temps pour tout, Monsieur Martin, et ce n’est pas là, moi, ce que j’enseigne. Dussé-je vous affliger, Monsieur le fabricant de lunettes, je vous dirai encore qu’il joue à la marelle et triche au jeu, qu’il emprunte des billes et ne les rend pas, qu’il chipe des plumes d’oie, des toupies et des images...»

Le pédagogue, animé de fureur, prisa largement en reniflant les grains de tabac déposés sur son pouce, et poursuivit:

«Je fais de la morale à mes élèves; il faut de la morale pour les enfants. Je leur disais, l’autre jour, et c’était pour élever leur cœur: «Pensez aux choses qui sont en haut!» Lorsque je les interrogeai sur la leçon, je m’aperçus que Robert était plus distrait que méditatif. «Robert, lui dis-je, vous ne pensez pas aux choses qui sont en haut...

–Oh! si, M’sieu, me répondit-il, j’ai tout le temps regardé les confitures.

–Les confitures?

–C’est que ma provision de confitures, hors de toute portée, et faute d’autre place, est rangée sur une planche derrière mon bureau.

–Oh! maître Patureau, dit Jérôme, on ne fait pas l’esprit fort à son âge; Robert vous a répondu en toute candeur. On n’a pas idée, aussi, d’installer des confitures dans une classe, au-dessus de la chaire du professeur. Cela peut absorber les pensées des petits gourmands. Je ne veux pas défendre mon drôle; il est à l’école, et je ne le vois que trop, ce qu’il est à la maison. C’est, voyez-vous, le mauvais air du dehors qui le travaille; ça passera, je l’espère; il n’est pas bête. N’apprend-il vraiment rien? Il lit bien, il écrit, il calcule même un peu...

–En calcul, dans les quatre règles, et à ma profonde surprise, répondit le maître, il n’a de goût et de facilité que pour les soustractions.»

Jérôme s’esclaffa. Si attentif qu’il fût aux présages, il n’en déduisit aucun de cette singulière particularité.

La vie extraordinaire de Robert Macaire

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