Читать книгу " A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle - Группа авторов - Страница 22

Les éditeurs des œuvres oratoires au XIXe siècle

Оглавление

Élaborant à la fin du XVIIIe siècle la première édition des sermons, le bénédictin Deforis, fondait sa recherche des manuscrits de Bossuet, non pas sur la conviction de leur valeur littéraire, mais sur la certitude de leur valeur spirituelle, avec, sous-jacente, l’idée que l’Aigle de Meaux méritait sur ce point exactement le même traitement que les Pères de l’Église, puisqu’au fond, il en était un :

On sait que quand on a donné les éditions des Pères, on a publié tout ce qu’on a pu recueillir des monuments de ces illustres sermons et autres, quoique toutes les pièces ne fussent ni entières ni également parfaites […]. Or, nous l’avons dit, nous avons cru devoir témoigner à Bossuet le même respect : Un Écrivain aussi considérable mérite assurément cette distinction.1

Cependant, dès la fin du XVIIIe siècle, la perspective d’une édition « littéraire » de Bossuet commence à se dessiner, défendue notamment par le cardinal Maury, à qui l’éditeur avait demandé d’assister Deforis, qui avait pris trop de retard dans la préparation des œuvres complètes. Maury ne tarda pas à se brouiller avec le bénédictin, tant leurs options éditoriales étaient divergentes, et ne manqua pas de dire tout le mal qu’il pensait de l’édition Deforis une fois qu’elle fut parue, accusant le bénédictin d’avoir « porté la superstition d’éditeur, comme on le lui a crûment reproché, au point de ramasser, dans sa collection beaucoup trop volumineuse, jusqu’au linge sale de Bossuet2 ».

Au siècle suivant, cette perspective s’affirme, et Vaillant et Lachat, à leur tour, désapprouvent Deforis pour avoir maintenu dans son édition des passages pourtant condamnés par Bossuet dans le manuscrit, au nom de ce double principe de la maîtrise de l’auteur sur son manuscrit, et de son infaillibilité stylistique.

C’est que Bossuet, désormais, n’est plus un Père de l’Église, mais une figure tutélaire de la littérature française, pleinement auteur : « L’écrivain les a pour ainsi dire marqués du signe de la réprobation ; il entendait les écarter de son œuvre, ils ne doivent pas y figurer », écrit Lachat3. Or, le terme « réprobation » étant un terme théologique qui désigne le jugement divin par lequel un pécheur se trouve exclu du bonheur éternel, il identifie ainsi l’écrivain au Dieu Créateur lui-même ; c’est le Bossuet souverainement stylistique qu’évoquera, entre bien d’autres, Vaillant soulignant la « force » et la « rapidité » dont il a doté tel discours4. Dans cette perspective, ces variantes sont donc moins considérées comme des petits morceaux de sens qu’il faudrait recueillir (comme c’était le cas chez bien d’autres éditeurs), que comme des versions indignes d’un discours, voire d’un texte (c’est le paradigme de l’écrit qui, paradoxalement, domine), admirable – dont elles donnent à voir l’accomplissement progressif.

Dès lors, la question de la place à leur accorder dans l’édition se complique, et l’option qui va peu à peu s’imposer est celle, calquée sur l’édition de textes plus standards, d’une sélection de variantes signalées, en notes de bas de page de très petite taille, au bas du texte principal.



Подняться наверх