Читать книгу " A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle - Группа авторов - Страница 30
Copiste
ОглавлениеLes papiers Brossette renferment une copie manuscrite du premier état de la première satire de Boileau, intitulée Contre les mœurs de la ville de Paris. « Cette satire est ici de la manière que l’auteur [Boileau] l’avait faite d’abord, et fort différente de celle qu’il a donnée au public », précise Brossette1. La particularité de cette copie manuscrite consiste dans l’ajout de notes et variantes. Dans son édition de 1716, Brossette avait limité sa présentation historique à la mention du nombre de vers supprimés par Boileau.
BmL Ms 6432 f° 532
À l’affût d’informations manuscrites ou imprimées, Brossette copiait avec soin les documents relatifs à ses enquêtes sur Boileau. Ainsi sa transcription de la lettre de Boileau à Antoine Arnauld forme également l’unique source manuscrite2. Mais Brossette ne se contentait pas de copier les manuscrits et d’amasser les documents, il menait aussi des recherches philologiques. De l’écriture du jeune avocat à la graphie hésitante du malade au soir de sa vie, l’avocat lyonnais n’avait pas cessé de copier et d’actualiser ses notes. Ses papiers, chargés de ratures et corrections, en disent long sur la qualité scientifique de ses enquêtes.
En outre, l’abbé Desmolets avait publié en 1726 une Épître inédite de Boileau à M. le Marquis de Termes3. Grand lecteur des périodiques, Brossette avait examiné ce poème attribué à Boileau : « Ceux qui la [épître] liront avec attention, et même avec beaucoup d’attention, conviendront qu’elle n’en est pas. […] Cette épître n’est point de M. Despréaux : on n’y reconnaît ni son génie, ni son style. C’est une imitation manquée et très manquée4. » L’avis de Brossette fut ensuite corroboré par le Journal des savants : « On croit avoir de bonnes raisons pour douter que cette épître pleine de lieux communs et d’endroits plats et bas soit de M. Despréaux, qui a conservé jusqu’à la fin de ses jours un esprit délicat et élevé5. » Plus de deux siècles plus tard, Émile Magne, savant bibliographe de Boileau, n’avait pas encore un avis arrêté sur ce sujet : « Cette épître, de tendance épicurienne, préconise de jouir de la vie et stigmatise l’avarice. L’auteur y parle de sa maison d’Auteuil et de la pension que lui sert Louis XIV. Excellente pièce qui paraît bien sortie de la plume de Boileau6. » L’enquête de Brossette sur l’épigramme, Contre Boyer et La Chapelle, offre une nouvelle illustration concernant sa méthode de travail :
À la première page d’une ancienne édition de Boileau, j’ai trouvé une épigramme [manuscrite] qu’il me semble qu’on attribue communément à M. Racine, et qui pourtant, dans ce volume, est donnée à M. Despréaux, et accompagnée de la réponse de l’auteur intéressé [La Chapelle]. Voici l’une et l’autre.7
Il s’agit d’une information factuelle notée par Brossette dans ses Mémoires. L’avocat lyonnais observe ensuite : « Cette réponse est très sûrement de M. La Chapelle, l’auteur des Amours de Catulle8. » Les remarques de Brossette, recueillies à la suite de son enquête, sont mentionnées par le biais d’astérisques. Autant d’ajouts, autant de surcharges qui expriment la permanence des recherches de l’avocat lyonnais : « L’Académie avait envie de faire le parallèle de Corneille et de Racine et de juger ce grand procès. Boileau voyant parmi eux des juges peu capables de décider fit cette épigramme9. » Brossette avait envisagé leur publication dans sa seconde édition des œuvres de Boileau10 :
J’ai inséré dans mon Boileau, l’épigramme que ce poète avait faite contre l’Académie :
Je consens que chez vous, messieurs, on examine, etc. ;
et je l’ai mise dans les mêmes termes que vous [L. Racine] me l’avez envoyée, car elle est beaucoup meilleure de cette façon que celle qu’on m’avait donnée.
Françoise Escal, éditrice des Œuvres complètes de Boileau dans « La Bibliothèque de la Pléiade », n’avait publié qu’une épigramme11 et avait renvoyé les autres versions en note. Quant à sa présentation historique de ces vers, elle s’avère à la fois incomplète et fautive. En effet, la première édition de cette épigramme ne fut pas publiée en 1735 par l’abbé Souchay dans son édition des Œuvres de Boileau, mais en 1726 dans les Saillies d’esprit12 de François Gayot de Pitaval.