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§ 2.—ENSEIGNEMENT DE LA CHIMIE.
ОглавлениеLes plus petites «high schools» possèdent un laboratoire de chimie où les élèves peuvent accomplir le minimum de travail personnel de laboratoire jugé nécessaire pour la vie, ou prescrit par les examens d'entrée des collèges. La chimie verbale d'auditoire, quelque talent que mette le professeur à faire des expériences, n'est guère populaire aux États-Unis. Dans aucun cas, nous n'avons trouvé d'école qui se contentât de pareil enseignement; l'enseignement verbal des sciences d'observation jure avec la mentalité américaine et ne retiendrait pas les élèves pendant une seule séance. On ne trouve guère, comme chez nous, des auditoires de sciences pouvant réunir des centaines d'élèves devant un ameublement, savamment machiné, alimenté de gaz, d'électricité, d'eau, d'air sous pression et de vide; on n'y voit pas le professeur agissant au nom des élèves et leur communiquant de première ou de seconde main les connaissances qu'il étaye de fragiles expériences. Le pivot des études est pour toutes les sciences expérimentales, et spécialement pour la chimie, le laboratoire où l'élève pense et agit.
Beaucoup d'écoles ne prévoient pas des leçons d'auditoire, vu l'impopularité de ce genre de leçons qui sont rendues superflues par l'abondance des manipulations de laboratoire. Celles qui organisent les cours théoriques ne dépassent pas vingt-cinq leçons de trois quarts d'heure; la plupart d'entre elles prescrivent des leçons de récitation où l'élève, après avoir étudié la théorie des produits examinés, vient la développer devant le professeur en présence de ses camarades.
L'habitude de l'effort personnel, du débrouille-toi, du «help yourself», qui est le résultat le plus tangible de tout l'enseignement américain, rend très élégantes les méthodes d'enseignement des sciences d'observation.
Le problème expérimental à résoudre se trouve dans le «text-book» ou est remis aux élèves sous forme de syllabus. Voici le texte de quelques-uns de ces documents que nous avons relevés à la «Mac Kinley Manual training high school» à Chicago. Ils sont assez explicites pour ne pas nécessiter de commentaires. Lors de notre visite, les élèves en étaient à la troisième expérience, portant comme sujet: «Les modifications physiques et chimiques du cuivre.» Ils trouvaient dans leur syllabus les directions suivantes:
1º Examinez un morceau de cuivre. En le chauffant dans une éprouvette d'essai, observez-vous quelques modifications apparentes? Se dissout-il dans l'eau? Quelles autres propriétés possède le cuivre?
2º Placez un petit fragment de cuivre dans une éprouvette contenant de l'acide nitrique concentré. Notez avec soin les phénomènes qui se produisent. Lorsque l'action de l'acide nitrique cesse, versez le liquide dans une petite coupe en porcelaine, évaporez-le dans la hotte en la plaçant sur une toile métallique au-dessus du bec Bunsen; chauffez doucement et gardez-vous surtout de chauffer fortement au moment où la dessiccation commence.
3º Après refroidissement, faites sur la substance qui s'est déposée les mêmes essais que vous avez faits sur le cuivre, suivant les prescriptions du 1º.
4º Si vous évaporez trois ou quatre gouttes d'acide nitrique dans une éprouvette, obtenez-vous le même résidu que vous avez trouvé en évaporant le cuivre et l'acide nitrique?
En comparant 3º et 1º et, en prenant en considération 4º, tirez vos conclusions et défendez-les avec assurance en vous appuyant sur votre certitude expérimentale.
Les cours se développent progressivement par l'étude expérimentale d'un groupe de faits qui passent sous la main et sous les yeux des élèves.
Ceux qui connaissent l'horreur qu'éprouvent les élèves de nos athénées pour des cours de chimie basés sur le «Manuel» seraient étonnés de constater le plaisir intense que les jeunes Américains ressentent et le goût qu'ils mettent dans l'étude de cette branche importante par ses applications industrielles et par sa valeur éducative.
Nos élèves considèrent souvent la chimie verbale comme une chose à part dans laquelle ils rencontrent des faits sans connexité directe avec la vie réelle; les théories chimiques leur semblent ne pas être tirées des faits. L'impression invariable et tenace qu'on conserve de nos cours de chimie—appelée expérimentale parce que le professeur fait de temps à autre quelque manipulation sous le regard des élèves—est que les théories et les lois seraient fondamentales et essentielles; que les faits s'efforcent de se conformer aux théories; que toute la science chimique est suspendue à la théorie atomique et que, sans cette dernière, il ne peut y avoir ni découverte nouvelle, ni analyse possible. Le débutant croit avoir fait un progrès énorme s'il sait appeler l'eau H2O, quoiqu'il n'ait aucune idée quant à l'origine et à la signification réelle des formules.
Les méthodes d'expériences personnelles des écoles américaines ne versent pas dans ces tendances erronées; elles conduisent à des impressions plus conformes à la réalité: les manipulations systématiques font découvrir des faits nouveaux, elles font apparaître les relations qui existent entre les faits et conduisent à des lois et à des théories, qui facilitent l'investigation et la découverte de nouveaux faits. Aux yeux des élèves, ces théories restent subordonnées aux faits: cette vérité fondamentale les guide dans leurs travaux et est pour leurs études futures un gage de succès.
A nos méthodes passives, basées sur la mémoire des mots, les «high schools» et les écoles techniques américaines opposent triomphalement leurs méthodes actives et éducatives qui mettent en œuvre l'effort, la volonté, l'habileté manipulatoire, la logique.
Dans bien des écoles, une importance spéciale est attachée aux manipulations de chimie quantitative. Ces travaux constituent d'excellents exercices de mesure et de précision dans l'observation. Ils conduisent généralement à la vérification des lois que l'élève serait obligé d'accepter comme une vérité théorique. Nous relevons, parmi ces expériences quantitatives, des travaux sur la distillation, l'équivalent de l'hydrogène, l'ionisation, la loi des proportions multiples, la combinaison d'un métal avec de l'oxygène, etc. A propos de l'oxygène, on fait, en général, des expériences sur sa teneur dans l'air, dans le KClO2, le poids dans un litre d'air, la solubilité dans les liquides, etc.
Les expériences quantitatives sont vivement recommandées: les calculs ne sont pas poussés au delà de la limite d'approximation donnée par les pesées et les lectures.
En Amérique, le monde enseignant est d'accord pour dire que les leçons expérimentales données par le professeur et les «récitations» sont nécessaires pour dégager les idées générales des faits, mais qu'il est inutile d'essayer d'enseigner la chimie ailleurs que dans un laboratoire bien outillé et bien conduit.