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IV

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Malgré la pauvre éducation supérieure qu'ils ont reçue, beaucoup de professeurs de l'enseignement secondaire sont très intelligents et pleins de bonne volonté, mais leur impuissance est complète. Ils appliquent les méthodes qui leur ont été enseignées et suivent des programmes dont ils ne peuvent s'écarter. Les attristantes confidences reçues après la publication des premières éditions de cet ouvrage m'ont prouvé que beaucoup de professeurs sont parfaitement renseignés sur la faible valeur des méthodes universitaires et savent fort bien que les élèves perdent inutilement huit à dix années au lycée. Mais, obligés de suivre scrupuleusement les instructions de leurs chefs, ils ne peuvent rien changer.

L'éducation, dans son acception générale, embrasse la culture des aptitudes morales et intellectuelles. De l'éducation morale, l'Université ne s'occupe aucunement. Des aptitudes intellectuelles, elle n'en cultive qu'une, la mémoire. Jugement, raisonnement, art d'observer, méthodes, etc., n'étant pas catalogables en matière d'examen, sont considérés comme entièrement négligeables.

Tout l'enseignement secondaire est fait à coups de manuels ou de dictées, que l'élève doit apprendre par cœur et réciter. «J'ai fait preuve d'une initiative très hardie, me disait un jeune professeur d'un grand lycée, en enseignant la botanique à mes élèves au moyen de plantes disséquées sous leurs yeux, au lieu de me borner à leur dicter des nomenclatures.» Toutes les autres sciences: physique, chimie, etc., sont enseignées par les mêmes procédés mnémoniques[2]. Quelques instruments, montrés de loin et fonctionnant fort rarement, constituent la seule concession à la méthode expérimentale, très méprisée par l'Université, bien qu'elle ne cesse en théorie de la recommander. Nous verrons dans cet ouvrage que la littérature, les langues et l'histoire sont aussi mal enseignées que les sciences.

[2] Toutes les prescriptions universitaires se sont bornées d'ailleurs à introduire quelques vagues manipulations de physique et de chimie dans les lycées. Mais, comme nous l'apprend M. le professeur Mermet (Revue Scientifique, octobre 1909), «les résultats obtenus sont déplorables». Comment pourrait-il en être autrement? Professeurs, parents et élèves dédaignent absolument ce qui n'est pas matière à examen et considèrent comme perdu le temps non consacré à apprendre par cœur les livres que l'élève devra réciter le jour de cet examen.

Avec ses méthodes surannées, l'Université a définitivement tué en France le goût des sciences et des recherches indépendantes. L'élève apprend patiemment par cœur les lourds manuels dont la récitation lui ouvrira toutes les carrières, y compris celle de professeur, mais il sera incapable d'aucun labeur personnel. Toutes traces d'originalité et d'initiative ont été éteintes en lui. Nous ne manquons pas de laboratoires—nous en possédons même beaucoup trop—mais leurs salles restent généralement désertes.

Quand, à de très rares intervalles, un candidat vient préparer dans ces inutiles et coûteux laboratoires la thèse nécessaire pour le professorat, on peut être à peu près certain que ce premier travail sera son dernier.

L'Université ne tolère d'ailleurs chez ses professeurs aucune indépendance, aucune initiative. La plus vague tentative d'originalité est réprimée chez eux par une méticuleuse et byzantine surveillance. Nous étions solidement hiérarchisés déjà par plusieurs siècles de monarchie et de catholicisme, mais l'Université nous a beaucoup plus hiérarchisés encore. C'est elle qui instruit les couches supérieures de la Société et tient en réalité la clef de toutes les carrières. Qui n'entre pas dans ses cadres ne peut rien être.

Jadis, avant la progressive extension du régime universitaire, la France comptait des savants indépendants qui furent l'honneur de leur patrie. Les chercheurs non officiels survivant encore, comme vestiges, d'un passé disparu, sont bien rares. Privés de moyens de travail, voyant se dresser devant eux l'armée universitaire et son redoutable appareil, ils renoncent à la lutte et ne seront jamais remplacés.

Psychologie de l'éducation

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